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Christoblog

Articles avec #j'aime

Venez voir

Comme dans l'un des films précédents de Jonas Trueba, le remarquable Eva en août, il ne se passe presque rien dans Venez voir.

On suit deux couples de trentenaires, d'abord lors d'une soirée dans un bar, puis lors d'une visite de l'un chez l'autre, quelque part dans la campagne près de Madrid.

La caméra s'attarde longuement sur les visages, baignés d'une lumière qu'on dirait irréelle, alors que les personnages ne font rien de spectaculaire (écouter un pianiste les yeux dans le vague, enfiler une paire de chaussettes plus chaudes, faire pipi dans la nature).

Certains, devant la pauvreté narrative du film et sa brièveté presqu'exagérée (1h04), trouveront probablement qu'on frôle ici l'arnaque conceptuelle d'un cinéma bobo-intello, précieux et vain. D'autres, dont je fais partie, trouveront remarquable ce néant lumineux, captivés par la grâce de la mise en scène et de la direction d'acteurs.

Peu de cinéastes sont capables de faire surgir autant de subtilités de conversations banales : on pense  évidemment à Rohmer, mais peut-être encore plus à Hong Sang-Soo.

 

2e

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L'immensità

Pas grand-chose à redire à ce nouveau film d'Emmanuel Crialese.

Le tableau des années 70 en Italie est très réussi, on s'y croirait. L'histoire du petit garçon né dans un corps de fille est d'une grande sensibilité. Il est d'autant plus touchant qu'on comprend qu'il s'agit de l'histoire intime du réalisateur lui-même.

Penelope Cruz livre une partition une nouvelle fois exceptionnelle en tout point : exubérante et joyeuse, dépressive, aimante, rêveuse, obsédée. L'actrice espagnole parvient à jouer les troubles mentaux avec une force et une ambiguïté qui cloue le spectateur dans son siège, et qui sème le doute sur le véritable sujet du film : introspection historique, tableau de famille, itinéraire trans ou sublime portrait de femme ?

Et pourtant, malgré ses qualités, L'immensità n'arrive jamais à vraiment décoller, pour quitter la catégorie des bons films et accéder à celle des très bons films. Ses quelques longueurs, ses petites maladresses narratives, sa légère naïveté, sa volonté d'aborder beaucoup de sujets différents : tout cela rend le film un petit peu bancal. 

 

2e

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Tirailleurs

Tirailleurs est construit sur une double bonne idée : mettre en scène l'incorporation d'Africains dans l'armée française pendant la première guerre mondiale d'une part, et dresser le tableau d'un conflit père / fils plutôt intéressant d'autre part (le fils cherchant le risque, le père voulant l'en protéger).

Ses deux idées menées de front donnent un début de film plaisant. La reconstitution historique est plutôt agréable (peut-être un peu trop "jolie", comme dans le 1917 de Sam Mendes) et il est très intéressant de découvrir la façon dont les Africains se comportent entre eux sur la ligne de front.

Le film se laisse donc tout à fait regarder durant toute sa première partie. Il devient ensuite malheureusement de plus en plus convenu, jusqu'à un final d'une lourdeur que le propos liminaire ne laissait pas deviner, comme si l'aspect compassionnel du film le condamnait à devenir gnan-gnan et à se terminer dans un conformisme bon teint digne d'un dimanche soir sur TF1.

Au final, je le conseille plutôt, car la modestie et la sincérité du propos l'emporte pour moi sur les maladresses.

 

2e

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Les survivants

Premier film de Guillaume Renusson, Les survivants est une sorte de western hivernal. D'un côté un groupe de trois locaux voulant chasser du réfugié et de l'autre, un veuf bougon qui se trouve par hasard à aider une migrante afghane.

Curieusement, le rôle de Denis Ménochet présente beaucoup de similitudes avec celui qu'il joue dans As bestas : même visage taciturne et imperturbable, même confrontation violente avec des locaux obtus, même immersion dans une nature plus hostile qu'accueillante, même difficulté à exprimer ses sentiments.

Par rapport à celui de Sorogoyen, le film de Renusson est bien plus sec et moins tarabiscoté. La fuite de ce couple de circonstance est filmée comme une épure, souvent haletante et parfois d'une brutalité crue, qui pourra rappeler le cinéma de Peckinpah.

Il faut reconnaître au réalisateur une grande qualité : ne pas ajouter de superflu à ce thriller neigeux qui n'en a pas besoin (pas de sentiments amoureux entre les deux protagonistes, pas de scènes d'émotions tire-larmes et une fin sèche comme un coup de trique).

On est curieux de voir ce que l'efficacité démontrée ici par Renusson donnera, appliquée à un script moins linéaire et plus complexe.

 

2e

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In viaggio

Drôle de film que ce documentaire uniquement constitué d'images d'archives officielles du Vatican, assemblées par le cinéaste italien Gianfranco Rosi.

Le travail de ce dernier vaut habituellement par les sublimes images qu'il tourne (Fuocoammare, Notturno).

On est donc forcément assez déçu de n'avoir ici que des images tournées par d'obscurs cameramans papaux, fussent-elles montées brillamment.

Ceci étant dit, le film présente deux intérêts : on prend conscience de l'aspect universel du métier de Pape (la planète semble ridiculement petite, enjambée par François avec une facilité déconcertante) et on découvre avec curiosité la personnalité attachante du souverain pontife.

L'amour que ce dernier reçoit, comme celui qu'il donne, irradient In viaggio et suscitent chez le spectateur un étonnement intrigué et ému. François apparaît ainsi plus comme une grande figure de gauche que comme un homme de foi (j'ai longtemps attendu qu'il prononce le mot Dieu dans ses discours).

A voir éventuellement, par curiosité.

Gianfranco Rosi sur Christoblog : Fuocoammare - 2016 (****) 

 

2e

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Joyland

Difficile de dire ce qui est le plus remarquable dans ce premier film de Saim Sadiq, qui a reçu le prix du Jury, section Un certain regard, au dernier festival de Cannes.

Le script est d'abord d'une grande qualité. Embrassant un nombre important de personnages sans en négliger aucun, l'histoire nous mène par le bout du nez, sans que l'on puisse jamais deviner quelle sera sa prochaine évolution. Dans ce registre, il n'y a que Leila et ses frères qui puisse cette année rivaliser avec Joyland.

Pour un premier film, la mise en scène est bluffante d'efficacité. Travail sur le son, cadrages osés, couleurs vives et lumières directes, lents mouvements de caméra, changements de ton assumés, gros plans, plan-séquence virtuose : le réalisateur pakistanais impose un style qui lui est propre, toujours au service de ce qui est raconté. Du grand art.

L'interprétation est enfin incroyablement convaincante. Du personnage principal (Ali Juheno) à la trans (Alina Khan) en passant par tous les personnages secondaires, la distribution brille par son homogénéité et son originalité : chaque personnage brille par une personnalité bien dessinée, à l'image de la femme de Haider.

Si on ajoute à toutes ses qualités intrinsèques l'intérêt du tableau que dessine Joyland de la société pakistanaise dans son ensemble, on tient vraiment là un des tous meilleurs films de l'année 2022.

Allez-y, vous passerez du sourire aux larmes, et de la curiosité à l'émerveillement. 

 

4e

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Les huit montagnes

De quoi Les huit montagnes est-il le film ?

Tout au long de ses (parfois longues) 2h et 27 minutes, chacun pourra proposer sa réponse. Certains y verront une fresque mollassonne exaltant des valeurs qu'ils considèrent comme gnangnan (l'amitié, la primauté de la montagne sur les villes).

Personnellement, j'y ai plutôt vu le portrait d'une génération qui cherche un sens à vie et ne le trouve pas, ne trouvant un repos de l'esprit qu'immergé dans la nature. Avec un sujet pareil, il ne faut évidemment pas s'attendre à des rebondissements perpétuels : il sera surtout question d'hésitations, d'erreurs, d'occasions manquées, d'amours avortés, de pères absents, et de temps qui passe (sur les visages, les décors, les maisons). Bref Les huit montagnes est peut-être le film du manque, ou du ratage.

D'une facture très classique, la production du couple Felix van Groeningen / Charlotte Vandermeersch ne ravira donc pas les esthètes en quête de nouveauté stylistique ou de scénario haletant, mais comblera les spectateurs souhaitant se laisser entraîner dans un long récit romanesque, se déroulant dans un cadre somptueux.

Je cherche dans ma mémoire, mais je crois bien n'avoir jamais vu la montagne aussi bien filmée au cinéma.

Felix Van Groeningen sur Christoblog : La merditude des choses - 2009 (***) / Alabama Monroe - 2012 (***) / Belgica - 2016 (**) / My beautiful boy - 2019 (*)

 

3e

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Fièvre méditerranéenne

Après son premier film très remarqué, Personal affairs, la réalisatrice israélienne Maha Haj revient avec un nouvel opus qui présente en gros les mêmes qualités : une grande subtilité dans la description des relations humaines et un scénario malin qui tient en haleine.

Nous suivons ici un Palestinien dépressif qui sympathise avec son voisin, escroc à la petite semaine. Leur rencontre possède tous les atouts du buddy movie traditionnel : couple mal assorti, caractères et backgrounds opposés, convergence momentanée d'intérêt.

Après une première partie amusante, on pourrait penser que le film n'est qu'anecdotique. Mais il nous entraîne dans sa deuxième partie vers une issue tragique et grinçante tout à fait insoupçonnée, et assez émouvante. Comme dans son premier film, la réalisatrice n'aborde pas frontalement les sujets politiques de son pays, mais les donne à sentir de façon indirecte.

La mise en scène est d'une grande beauté, et l'interprétation parfaite. Un des intérêts du film est aussi qu'il dessine un tableau saisissant de ce qu'est la dépression sous tous ses aspects : "J'hésite entre me servir une tasse de thé et me pendre" dit un des personnages, citant Tchékov. Rarement un film aura aussi bien réussi à faire ressentir le désarroi d'un dépressif.

Fièvre méditerranéenne est à découvrir, et à ne surtout pas rater pour les fans de cinéma israélien, ce qui est mon cas. 

 

2e

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Les bonnes étoiles

On sait la facilité avec laquelle Hirokazu Kore-Eda est capable de faire surgir émotions et sourires des situations les plus prosaïquement tristes et/ou violentes.

En s'attaquant ici au phénomène des "baby box" qui permettent d'abandonner des bébés en Corée et au Japon, il joue donc sur du velours. Quête d'identité, interrogation sur ce qui fonde réellement les liens familiaux, amitiés, lutte entre bien et mal : autant de thèmes qui irriguent son oeuvre, de Tel père, tel fils à Une affaire de famille, et qui trouvent à nouveau ici un parfait terrain d'expression.

L'originalité de ce nouvel opus réside dans le fait de tourner avec les deux superstars coréennes que sont Doona Bae et l'immense Song Kang-Ho, justement récompensé par le prix d'interprétation masculine à Cannes. La langue coréenne confère à ce road trip désabusé une aura un peu différente des autres films de Kore-Eda : un exotisme mélancolique et tranquillement désespéré.

La mise en scène est souveraine. Scènes d'intérieur, rues de Séoul sous la pluie, plans larges en extérieur et habitacle confiné de voitures, Kore-Eda sait tout filmer en captant la moindre émotion sur les visages de ses personnages.

Les bonnes étoiles est rondement mené pour notre plus grand plaisir jusqu'à une fin malheureusement un peu confuse. Pas au niveau du meilleur Kore-Eda (Une affaire de famille, Notre petite soeur), mais un très beau film.

 

4e

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Fumer fait tousser

A part Hong Sang-Soo, je ne pense pas qu'il existe un cinéaste aussi prolifique en activité.

Voici donc le nouvel opus de Quentin Dupieux, quelques mois après le calamiteux et bâclé Incroyable mais vrai.

On est ici dans la veine où je trouve que Dupieux réussit le mieux : un absurde poétique et assumé, qui ne semble pas connaître de limites, comme dans Le daim et Mandibules. On se dit plus d'une fois "il ne va pas oser", avant de constater que... si ! Le film alterne avec bonheur trouvailles visuelles (l'épisode de la broyeuse avec Blanche Gardin), acrobaties scénaristiques, numéros d'acteurs et réparties qui font mouche (Vincent Lacoste est au top de sa forme). Le tout dans une plaisante esthétique rendant hommage à la pop culture du siècle dernier.

Les trois-quarts du film sont donc un délicieux petit bonbon modeste et coloré. Malheureusement, et c'est souvent le problème avec Dupieux, Fumer fait tousser ne tient pas la distance et la fin semble tourner en rond, échouant à renouveler l'intérêt et se terminant même en cul-de-sac narratif.

Un divertissement tout de même à conseiller aux fans de non-sens, ne serait-ce que pour son casting ahurissant, et sa durée récréative (1h20 seulement).

 

2e

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Annie Colère

Annie Colère raconte l'histoire du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception) à travers la trajectoire d'Annie, jeune femme ayant d'abord recours à un avortement avant de devenir petit à petit intervenante au sein de ce mouvement.

D'une facture très classique, le nouveau film de Blandine Lenoir vaut surtout par l'interprétation, encore une fois exceptionnelle, de Laure Calamy, qui parvient à jouer une palette d'émotions incroyable tout en imposant une grande présence corporelle à l'écran. Son parcours d'émancipation douce est formidable à suivre.

Le film est à la fois didactique et émouvant : on y apprend des tas de chose sur les techniques d'avortement et le contexte historique qui précéda la loi Veil, tout en étant profondément touché par le combat de ces femmes.

SI le scénario est linéaire et parfois convenu, il a le mérite de mettre en évidence avec beaucoup de finesse la belle sororité qui réunit les femmes faisant partie du MLAC, issues de milieux très différents. Les scènes d'avortement en deviennent belles et émouvantes, sans aucune image choquante. Annie Colère se distingue ainsi très nettement d'autres grands films traitant du sujet (L'évènement ou 4 mois 3 semaines 2 jours).

Instructif et touchant.

 

3e

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La symphonie des arbres

Retour aujourd'hui sur un film sorti discrètement en 2021, que j'ai découvert lors du dernier Festival Le grand bivouac, à Albertville.

Ce documentaire norvégien suit un luthier italien, Gaspar Borchardt, qui rêve de fabriquer un violon d'aussi bonne qualité que les Stradivarius, et qui pense que pour cela il lui faut le bois d'un arbre très spécifique qui ne pousse que dans les Balkans.

La caméra de Hans Lukas Hansen suit Gaspar avec attention et attendrissement sur une période de six ans. On le suit donc dans son improbable recherche, en particulier lors de différents voyages en Bosnie. 

Le contraste entre le caractère lunaire et délicat du luthier opiniâtre et la rudesse de la population locale confère au film une irrésistible drôlerie, mâtinée de mélancolie. Gaspar n'est plus très jeune, et ce défi un peu irréel est peut-être une façon pour lui de tirer un bilan de sa vie.

Parviendra-t-il à trouver l'arbre magique et à offrir le violon de ses rêves à la jolie soliste néerlandaise à qui il l'a promis ? Impossible de vous le dire, tant l'intérêt de ce joli film documentaire à la limite de la fiction réside dans le suspense lancinant qu'il propose. 

Réalisation impeccable et image d'une grande qualité pour ce quasi-thriller, d'une grande originalité.

 

3e

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The earth is blue as an orange

Ce joli film ukrainien est sorti confidentiellement en juin de cette année.

Son sujet est original : nous suivons une jeune fille qui veut devenir cinéaste et tourne devant nous son premier film, qui raconte comment sa famille vit la guerre.

The earth is blue as an orange constitue donc une curieuse mise en abyme. On assiste aux préparatifs de tournages de scènes par la famille (installation des éclairages, relecture du scénario, répétitions), scènes qui ont été vécues en vrai par les protagonistes quelques jours auparavant.

Le procédé atténue la dureté de la situation, donne à réfléchir sur la puissance de l'art en général et du cinéma en particulier et finalement nous captive durant les 1h14 que dure le film, offrant quelques plans irréels, comme celui où de vrais soldats ukrainiens sont appelés à jouer dans le film à l'intérieur du film.

Les actrices (la famille ne comprend que des femmes adultes, les hommes ont disparus ou sont à la guerre) sont formidables d'optimisme réjouissant, et plusieurs situations sont profondément émouvantes. 

Irina Tsilyk est sans conteste une cinéaste à suivre.

 

2e

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Plus que jamais

Le thème de ce film n'est pas très original : l'annonce d'une maladie incurable qui touche Hélène (Vicky Krieps) va mettre à mal le couple qu'elle forme avec Mathieu (Gaspard Ulliel).

Sur cette base pas très marrante, Emily Atef réussit un film qui parvient à être souvent lumineux, par la grâce d'une échappée d'Hélène dans les fjords norvégiens, où elle rejoint un vieux monsieur lui-même gravement malade.

Beaucoup de sensibilité dans ce joli film, dont la qualité repose principalement sur la finesse de jeu des deux acteurs/trices principaux qui excellent tous les deux à explorer toute la palette des sentiments et des sensations : colère, amour, sensibilité, vertige métaphysique, jalousie, incompréhension, tristesse ...

La limpidité de la mise en scène et la lumière norvégienne confèrent à Plus que jamais une beauté diaphane qui rend le film diablement attachant. Le fait que la prestation de Gaspard Ulliel soit sa dernière apparition au cinéma ajoute à cette élégie un parfum triste et mélancolique.

A découvrir.

Emily Atef sur Christoblog : 3 jours à Quiberon - 2018 (**)      

 

3e

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Les Amandiers

On voit rarement un film qui présente autant de qualités.

Du point de vue de la narration, le récit est captivant, parvenant à maintenir en permanence un équilibre parfait entre dynamique de groupe et portraits individuels.

On est en attente perpétuelle de ce qui va se passer dans le plan suivant : quel acteur va performer, quel couple va se former, que va-t-il arriver à tel ou tel personnage, quelle est la nature exacte de la relation entre Stella et Etienne ?

Pour ce qui est du fonctionnement du binôme Patrice Chéreau / Pierre Romans, le film est aussi très intéressant, dessinant un tableau qui évite soigneusement d'être trop respectueux. Louis Garrel campe un Chéreau qui peut être parfois extrêmement violent et humiliant vis à vis de ces élèves, un homme dont on peut contester les méthodes tout en reconnaissant le génie.

Tout cela ferait déjà un excellent film, mais Les amandiers est de plus sublimé par l'acuité du tableau qu'il dresse d'une époque : les années 80. Valeria Bruni-Tedeschi parvient non seulement à restituer à la perfection les menus détails (cabines téléphoniques, musiques, vêtements, l'actualité) mais elle donne aussi à sentir viscéralement l'élan vital caractéristique de cette décennie, (sexe, drogues, risques) qui se heurte de plein fouet au SIDA.

Le casting est épatant, la formidable Nadia Tereszkiewicz (que j'avais découvert dans Seules les bêtes) en tête. Elle irradie le film de son talent et de sa sensualité terrienne, en alter ego de la réalisatrice.

Un film merveilleux, captivant et émouvant, qui m'a rappelé ce qu'il y avait de meilleur chez Cassavetes. Peut-être aussi le plus beau jamais réalisé sur le métier d'acteur. 

Valeria Bruni-Tedeschi sur Christoblog : Un château en Italie - 2013 (**)

 

4e

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Harka

On a souvent vu au cinéma la mécanique infernale qui s'abat sur ceux qui ne possèdent rien, dans un pays pauvre et corrompu.

Généralement, l'enchaînement est le suivant : frustration et honte de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de sa famille (ici deux petites soeurs), tentation de de livrer à des trafics illégaux pour augmenter ses revenus, puis pétage de plomb final pour résoudre les insolubles conflits psychologiques que génère la situation.

L'originalité est que ce drame, typique du cinéma des pays du sud, est ici tourné par un réalisateur américain d'origine tunisienne, Lotfy Nathan. Harka est donc construit suivant les codes du thriller américain :   montage rythmé, mise en scène visant à l'efficacité, sens du spectaculaire, tension constante.

La puissance du film doit beaucoup à la prestation de son acteur principal, le Français Adam Bessa, très convaincant dans un rôle ingrat de désespéré dépressif. Il porte littéralement ce premier film sec et intéressant, bel hommage aux premiers révoltés tunisiens.

Malgré quelques facilités et un scénario un peu plat, Harka est donc à découvrir, et Lotfy Nathan un cinéaste à surveiller de près.

 

2e

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Armageddon time

S'il est arrivé que James Gray se perde, il faut reconnaître qu'il se retrouve ici, dans une veine autobiographique et nostalgique, qui rappelle un peu la démarche de PT Anderson dans Licorice pizza.

Le grand mérite du film est de mélanger chronique intime (un petit garçon et son grand-père qui va mourir, des parents imparfaits et attendrissants, une ambiance new-yorkaise des confins, délicieusement rendue) avec un tableau saisissant d'un racisme américain qu'on se surprend à penser (avec effroi) congénital.

Ce tour de force est réalisé sur un mode mineur, sans esbroufe et avec une délicatesse de tous les plans. L'introspection qu'il propose à ses personnages devient petit à petit un examen de conscience de la nation américaine.

Anti-spectaculaire dans sa construction, Armageddon time est un petit chef-d'oeuvre sotto voce. La distribution est parfaite, d'Anthony Hopkins au faîte de sa forme à un Jeremy Strong surprenant, pour ceux qui le connaisse surtout dans le rôle phare de l'excellente série Succession. Le jeune acteur Banks Repeta irradie la pellicule, en alter ego du réalisateur (le film pourrait s'appeler "portrait d'un jeune garçon en futur artiste"). Anne Hathaway est une nouvelle fois formidable.

A ne pas rater, c'est pour moi le meilleur James Gray depuis longtemps.

James Gray sur Christoblog :  La nuit nous appartient - 2007 (**) / Two lovers - 2008 (***) /  The immigrant - 2013 (*) / The lost city of Z - 2016 (***) / Ad astra - 2019 (**)

 

4e

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Le serment de Pamfir

Pour moi un des chocs majeurs du festival de Cannes 2022.

Ce premier film ukrainien est d'une qualité et d'une force époustouflantes.

Le sujet est celui d'un western, ou d'une tragédie grecque. Un dur à cuire revient dans son village. Son fils ayant fait une bêtise, il se voit obliger de retourner dans un monde de délinquance qu'il souhaitait quitter.

C'est peu dire que la mise en scène est virtuose : les plans séquences y sont fascinants par leur fluidité, la photographie sublime et la direction artistique splendide. Les acteurs réalisent une performance qui frôle la perfection, à l'exemple de Oleksandr Yatsentyuk, l'acteur principal, véritable force de la nature, qui force l'admiration.

L'action se déroule durant une sorte de carnaval aux costumes ruraux incroyables, qui donne à de nombreuses scènes une coloration fantastique et burlesque. Dans ce film marqué par le sceau d'une dévotion à la réalité la plus crue, la fantasmagorie qu'apporte une fameuse scène nocturne apparaît comme un bijou cinématographique.

A ne rater sous aucun prétexte.

 

4e

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Close

Dieu sait si j'avais apprécié le premier film de Lukas Dhont, Girl, que j'avais découvert avec émerveillement dans la section Un certain regard du Festival de Cannes 2018.

C'est donc avec une grande impatience que j'attendais le deuxième film du jeune Belge, présenté cette fois-ci en compétition officielle, à Cannes 2022.

Pour commencer, il faut dire que ce deuxième film possède bien des qualités que l'on découvrait avec stupéfaction dans Girl : une sensibilité à fleur de peau, une faculté hors du commun pour capter les toutes petites émotions du quotidien et une empathie générale qui englobe tous les rôles sans exception (et jusqu'à la nature dans ce film). Ses qualités s'expriment aussi bien à travers la mise en scène (précise, épurée, élégante) que par la photographie, magnifique.

Cette histoire d'amitié floue entre deux jeunes garçons est donc tout à fait estimable et emporte globalement l'adhésion, tant la délicatesse qui l'irrigue est exceptionnelle dans le cinéma contemporain.

Il est toutefois assez nettement en retrait de son prédécesseur par certains points. L'évènement central autour duquel pivote le film est un peu lourdement amené, et ne m'a pas entièrement convaincu. La deuxième partie du film m'a paru de fait un peu plus convenue que la première, même si l'interprétation d'Emilie Dequenne y atteint des sommets. La répétition de certaines scènes (les courses dans les champs) peut aussi lasser, ainsi que l'étiolement d'un scénario qui, à force de vouloir éviter le sujet principal du film, finit peut-être par le rater.

Un film lumineux, réduit à l'os, dans lequel tout ce que l'on voit passe par le regard de Léo, joué par un jeune acteur fabuleux, Eden Dambrine, et une deuxième brique intéressante dans une carrière qui s'annonce riche et passionnante.

Lukas Dhont sur Christoblog : Girl - 2018 (****)  

 

2e

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R.M.N.

Ce nouveau film de Cristian Mungiu commence plutôt bien. L'acuité du tableau qu'il dessine, la profondeur des différents personnages et l'atmosphère d'étrangeté qu'il dégage rappellent les grandes heures du cinéaste roumain. De multiples pistes sont ouvertes (dont peu se résoudront).

La photographie est grise à souhait, la mise en scène d'une précision diabolique. La "méthode Mungiu" culmine dans un plan fixe d'anthologie regroupant au moins une soixantaine de personnages, assistant à une réunion publique sur le sujet de quelques travailleurs sri lankais venus travailler dans le village.

Cette scène est à la fois terrible par ce qu'elle montre (un racisme collectif et irrationnel, qui s'exerce à de multiples niveaux - Allemands, Hongrois, Roumains, gitans, Sri Lankais) et par la façon dont elle le montre (notre oeil de spectateur voyeur se fait presque complice de l'action). Elle mérite à elle seule qu'on aille voir le film.

Passé ce climax d'une qualité inouïe, le film se perd un peu, probablement à cause d'un point de vue un petit peu convenu sur le sujet de la xénophobie (on pense aux Dardenne) et d'un manque de précision dans le développement du scénario, qui ne sait pas vraiment conclure. Les dernières images du film sont à cet égard assez frustrantes : on ne comprend pas ce qu'on voit, et les interprétations qu'on peut donner à cette fin (que Mungiu refuse de commenter) sont vraiment trop variées pour que le procédé soit intéressant. Pour ma part j'y ai vu une allégorie de la xénophobie refoulée.

Du pour et du contre donc pour cette oeuvre un peu moins aboutie que les précédentes productions du cinéaste roumain.

Cristian Mungiu sur Christoblog : 4 mois, 3 semaine, 2 jours - 2007 (****) / Au-delà des collines - 2012 (***) / Baccalauréat - 2016 (***)

 

3e

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