Petit rappel
En 2004, certains d'entre vous n'étaient pas nés (je veux dire sur la blogosphère) et Jonathan Caouette lançait à la face du monde un OVNI documentaire, constitué de rush tournés depuis l'âge de 11 ans : Tarnation. Triomphe à Sundance, à Cannes et à travers le monde. La forme du film, brute et recherchée à la fois, et la famille de Caouette (père barré avant sa naissance, mère schizophrène, grands-parents aimants mais un peu barges, découverte de son homosexualité et rébellion, troubles de la personnalité) contribuèrent à donner au film un parfum de scandale. Ajouter à cela le traditionnel "entièrement réalisé sur son Mac avec iMovie", et la production du film assurée par Gus Van Sant, et vous avez tous les ingrédients du film-culte.
Walk away Renée
A Cannes 2011, à la Semaine de la critique, Caouette revient avec Walk away Renée, qui mixe plusieurs histoires parallèles : un road movie documentaire du Texas à New York montrant Caouette ramenant sa mère folle à la maison (alors que cet idiot perd tous les médicaments), des images d'archives retraçant les péripéties de la vie de cette famillle hors du commun (et qui constituent une sorte de Tarnation résumé) et quelques scènes oniriques. Le film qu'on voit aujourd'hui (sortie le 2 mai) est d'ailleurs un peu différent de la version présentée à Cannes, plus resserré.
Franchement, il est très difficile devant une oeuvre aussi intime et trash que Walk away Renée de déterminer si on aime ou si on n'aime pas. Le film est à la fois troublant (que voit on exactement : un documentaire fictionnel, un album de famille dans lequel chaque personnage joue son propre rôle, un cri d'amour, un témoignage sur les maladies mentales, une charge contre le système de santé américain ?), dérangeant (on n'est jamais loin du voyeurisme) et émouvant (lorsque le grand-père déclare se sentir jeune, alors qu'il n'est plus que très très vieux, ou dans les scènes extraordinaires qui montrent Renée retrouvant des dents).
Discussion avec Caouette
Comme d'habitude au Katorza, le réalisateur s'est longuement (une heure) prêté au jeu des questions / réponses.
D'abord, pas mal de détails concernant le court-métrage précédent le film : All flowers in time, sorte de rêve complètement barré évoquant un Lynch sous acide et dans lequel le visage de Chloé Sevigny se transforme en vagin. On apprendra donc qu'il s'agissait au départ d'un projet se situant dans une collection de 42 films de 42 secondes, pour une publicité de vodka néo-zélandaise (sic), qui s'est terminé en assemblage de test d'une nouvelle caméra associé à des images du grand-père, et.... mais je m'égare. Tout semble toujours simple dans la bouche de Caouette, et zarbi quand on le reformule.
Sur le film Walk away Renée plein d'infos et de ressentis : le film comprenait au départ une partie fictionnelle importante autour d'une secte accédant à la quatrième dimension (les Cloudbusters) - et d'ailleurs une scène finale montrant la mère aspirée par un tunnel d'énergie a été tournée, les heures de rush utilisés pour Tarnation et ce film sont au nombre de 160, Renée se porte bien actuellement, l'équipe de tournage était de 2 personnes pour le road trip, plus 2 autres pour les scènes New-Yorkaises, etc. Ce qu'il y a de frappant, c'est que Caouette s'exprime avant tout comme cinéaste et non comme documentariste. Ses films sont donc bien des oeuvres à part entière, et non des films de famille remixés.
Ses projets enfin : deux fictions. Une écrite par un scénariste qui travaille habituellement pour Cronenberg, et une autre écrite par Caouette et décrite par lui-même comme un voyage de temps à la première personne, une sorte de Retour vers le futur trash.
Ca promet.