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Christoblog

Conversation secrète

Palme d'or à Cannes en 1974, ce film du tout jeune Francis Ford Coppola est une leçon de cinéma sur le thème de la paranoïa.

Conversation secrète débute comme un film d'espionnage : le détective Harry Caul, joué par Gene Hackman, spécialisé dans les écoutes téléphoniques, nous est tout d'abord montré en pleine action, en train d'épier la conversation d'un couple.

Il acquiert rapidement le sentiment qu'un danger de mort menace ces deux-là, et renonce à livrer la teneur de leur conversation (on découvre qu'il a été responsable dans le passé de l'assassinat de toute une famille).

Mais le danger existe-t-il vraiment ? Les inquiétudes de Harry ne sont-elles pas le fruit de son imagination ?

Coppola nous égare avec brio dans un dédale de plans d'une virtuosité sans égale. Le personnage d'Harry, seul et mutique, semble se mouvoir dans un monde à double fond, à l'image de la multitude d'écrans et de surfaces transparentes qui l'environnent. Le film est oppressant, et génère une claustrophobie mentale, dont seule la musique jazz semble pouvoir permettre au héros de s'échapper.

Un grand moment de cinéma. Si certaines parties sont un peu longues, l'impression de spleen diffus que dégage Conversation secrète mérite de revoir cette oeuvre cinquantenaire, dont la maîtrise fascine encore aujourd'hui.

 

3e

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Searching

Fut un temps où de nombreux films se fixaient un principe limitant drastiquement le cadre dans lequel ils se déroulaient : un cercueil (Buried), un petit bateau (All is Lost), une cabine téléphonique (Phone game), un centre d'appel duquel on suit l'intrigue entièrement par le biais d'appels téléphoniques (The guilty).

Searching se situe dans cette lignée, puisqu'il nous fait suivre l'enquête d'un père dont la fille a disparue, exclusivement par le biais de divers écrans (ordinateur, caméra de surveillance, smartphone). Aucun plan ne représente donc "la réalité".

Comme il est de rigueur dans ce type d'exercice, on s'étonne d'abord que le parti-pris fonctionne relativement bien, guettant une erreur où une baisse de rythme liée à un subit manque d'imagination. Il y a toujours une sorte de jeu entre le réalisateur et le spectateur dans ce type d'exercice : ce dernier ne peut s'empêcher de se demander à plusieurs moments "bon, et maintenant tu vas t'en sortir comment ?".

Malheureusement, le caractère astucieux et séduisant du dispositif se dégrade nettement dans la dernière partie du film, qui sacrifie à un dénouement totalement irréaliste qui gâche un peu le plaisir.

Une curiosité divertissante.

 

2e

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Toute la beauté et le sang versé

Il y a beaucoup de films différents dans ce documentaire de Laura Poitras.

Le premier est le récit de la lutte qu'a menée la photographe Nan Goldin contre la famille Sackler, en grande partie responsable du drame de la dépendance aux opiacées aux USA. Cette partie éveille notre curiosité, mais j'aurais personnellement préféré qu'elle soit plus développée.

Le second est constitué de la projection à l'écran d'extraits d'œuvres de Nan Goldin, en particulier de sa cultissime The ballad of sexual dependency : sûrement instructif pour ceux qui ne connaissent pas du tout le travail de la photographe, frustrant pour les autres.

Le film propose enfin une biographie de l'artiste, constituée d'images d'archives et d'interviews. On apprend beaucoup de choses, et on est souvent ému (la tragique histoire de la soeur) et impressionné (l'hécatombe des années SIDA, la folle liberté de Nan Goldin et sa chance d'avoir survécu à cette période). Ce sujet passionnant aurait pu constituer l'unique sujet d'un long-métrage.

Au final, Toute la beauté et le sang versé ne choisit pas vraiment sa voie, et c'est probablement sa limite. Reste pour ceux que cela intéresse le beau portrait d'une artiste majeure de notre temps.

 

2e

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About Kim Sohee

Ce deuxième film de la très prometteuse July Jung dénonce l'exploitation des stagiaires scolaires par les entreprises coréennes.

Il met en avant l'absurdité de la compétition étendue à toutes les sphères de la société : compétition entre les employés d'un même centre d'appel, entre centres d'appels, entre écoles de formation, entre académies, etc.

Une pression sociale généralisée susceptible de broyer les plus faibles, mais aussi certains des plus solides. Un des points forts du film est d'ailleurs de s'attacher au sort d'une vraie combattante, qu'on ne s'imagine pas craquer facilement.

Le mécanisme d'humiliations successives (on pense aux Dardenne) de la première partie du film est assez éprouvant, mais son effet est contrebalancé par la deuxième partie du film, que la présence de la toujours rayonnante Doona Bae illumine.

Cette deuxième partie fait toute la qualité d'About Kim Sohee, en variant et en approfondissant les points de vue. La façon dont la policière s'approprie le destin de la jeune fille devient le coeur vibrant du film.

July Jung sur Christoblog : A girl at my door - 2014 (***)

 

2e

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Concours Loup & chiens : Gagnez 3x2 places (Terminé)

l'occasion de sa sortie, je vous propose de gagner 3x2 places pour découvrir le film de la portugaise Claudia Varejão Loup & chien, qui sort le 12 avril.

Pour ce faire :

- répondez à la question suivante : dans quel festival français ce film a t il obtenu le Prix du jury  ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le tout par ici avant le 11 avril 20h
 

Un tirage au sort départagera les gagnants. Vous recevrez ensuite les places envoyé par le distributeur. NB : un des trois lots sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB ou mon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien)

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Les trois mousquetaires : D'Artagnan

Les trois mousquetaires réussit tout ce qu'Astérix vient de rater.

Le casting par exemple est ici aussi équilibré et convaincant que celui du film de Canet était hétérogène et peu inspiré. Chacun semble en effet utilisé dans un registre qui lui va à merveille : Cassel en vieux mâle blessé, Civil en jeune chien fou naïf, Marmaï en jouisseur plantureux, Duris en aristocrate du geste, Garrel en roi malgré lui, Eva Green en diable en jupon, Lyna Khoudri en parangon d'innocence mutine, Vicky Krieps en préciosité de porcelaine, etc.

Les partis-pris esthétiques de Martin Bourboulon sont radicaux et assumés, là où ceux de Canet étaient timides et incohérents. Il y a dans Les trois mousquetaires une envie évidente de naturalisme poussé à l'extrême : les nuits noires sont noires, l'eau mouille, la boue salit, les épées tranchent et les coups de poings semblent vraiment faire mal. Les scènes d'action sont filmées avec un style que je n'ai pratiquement jamais vu dans un film français : caméra virevoltante, plan-séquence, caméra à l'épaule.

Comme la mise en scène est efficace et le montage vif, on ne s'ennuie pas une seconde à suivre cette version du roman de Dumas que certains esprits chagrins trouveront trop modernisée, au prétexte que Porthos se réveillent entre un homme et une femme après une nuit d'amour - alors que cette péripétie, qui est bien dans le style de ce fieffé jouisseur de Porthos, aurait pu à mon sens être écrite par Dumas (s'il vivait aujourd'hui).

Astérix a coûté 65 millions d'euros et Les trois mousquetaires 74. Alors que je disais qu'on ne voyait pas l'argent sur l'écran pour le film de Canet, c'est ici tout l'inverse : le moindre costume semble avoir plusieurs siècles, les décors sont somptueux et les grandes scènes (le mariage, le bal costumé) sont filmées avec virtuosité et humilité.

On n'a qu'une hâte à la fin du film : découvrir la suite, approfondir la complicité séduisante de nos quatre héros, et explorer la face sombre de Milady, qui s'annonce passionnante. Les trois mousquetaires : D'Artagnan est ce que le cinéma français a proposé de mieux en matière de divertissement sophistiqué depuis longtemps.

 

3e

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Saules aveugles, femme endormie

Drôle de projet que d'adapter plusieurs nouvelles de Murakami sous forme d'un film d'animation.

On ne voit pas trop quel peut-être le public visé. Les fans de l'écrivain n'iront probablement pas vers un film d'animation et préféreraient peut-être l'adaptation plus consistante d'un roman. Les cinéphiles fréquentent Murakami à travers des films qui sont souvent des chefs-d'oeuvres (Drive my car, Burning). Les fans d'animation peuvent être rebutés par l'austérité du projet. Les passionnés du Japon s'étonneront du fait que ce film se déroulant à Tokyo et mettant en scène des Japonais soit réalisé par un Européen.

Le résultat est pourtant intéressant. Comme souvent quand il s'agit d'assembler plusieurs histoires dans un film, les différentes parties du film de Pierre Foldes sont inégales. Celle qui met en scène la grenouille géante est délicieusement déstabilisante, d'autres sont poétiques ou amusantes sans être renversantes.

Saules aveugles, femme endormie est à l'image de son titre : doux, étrange, poétique, et peut-être inutilement complexe. Il n'enthousiasme pas vraiment, mais intrigue, déconcerte et séduit parfois par son ambiance onirique et mélancolique, et sa ligne claire.

 

2e

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Le capitaine Volkonogov s'est échappé

Ce nouveau film du duo Natalya Merkulova / Alexey Chupov est formidable à plus d'un titre, pourvu qu'on ait le coeur bien accroché.

Le sujet est passionnant : on est plongé dans les purges staliniennes de l'année 1938. Le caractère impitoyable, aléatoire et procédurier de ces terribles assassinats est ici parfaitement montré. Lorsque le capitaine Volkonogov décide d'aller demander pardon aux proches des victimes qu'il a exécuté, on se doute que les choses ne vont pas se passer facilement... 

Cette trame originale donne lieu à une course poursuite dans un Léningrad fantasmé, superbement photographié, dont chaque décor est une oeuvre d'art en soi. Les scènes de rencontre avec les familles des victimes sont parfois très dures à regarder, d'autant plus qu'elles donnent souvent lieu à un flashback renvoyant à la scène de torture dont il est question.

Le capitaine Volkonogov s'est échappé est un mélange osé de thriller moral, de méditation élégiaque et de suspense psychologique. Il est émaillé de scènes souvent proche de l'onirisme (l'enterrement des cadavres, le dirigeable, les rêves, les silhouettes fantomatiques des habitants), qui confèrent à l'ensemble un charme vénéneux.

On pourra aussi mettre en parallèle ce qu'on voit à l'écran et la situation actuelle de la Russie, et on comprendra que le film soit interdit là-bas et que les réalisateur/trices aient du quitter le territoire russe. L'acteur principal Yuriy Borisof, remarqué dans le très beau Compartiment N°6, est encore ici formidable.

Un coup de poing au plexus, d'une folle maîtrise formelle.

 

4e

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Le bleu du caftan

Dans Le bleu du caftan, tout est joli : la photographie est tendre, les sentiments sont délicats.

Le film est si bien fait et l'histoire qu'il raconte est si édifiante... qu'on finit par s'ennuyer un peu.

Les acteurs sont formidables, avec une mention spéciale pour l'Israélien Saleh Bakri, très crédible en homosexuel qui tombe amoureux de son jeune apprenti sous les yeux de sa femme, jouée par la toujours impeccable Lubna Azabal.

Le bleu du caftan a un autre intérêt, celui de mettre en lumière la confection terriblement compliquée du véritable caftan marocain. Le bruissement des soieries et l'éclat des broderies contribuent à la sensualité de ce film sage, confortable et lénifiant comme la chaleur humide d'un hammam.

Vous l'avez compris, je ne suis pas totalement entré dans le projet de la réalisatrice Maryam Touzani, même si je lui reconnais de grandes qualités esthétiques : le ton d'onctueuse bienveillance de ce huis-clos a eu sur moi un effet repoussoir.

Maryam Touzani sur Christoblog : Adam - 2020 (**)

 

2e

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