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Christoblog

Sleep

A dire vrai, je ne comprends pas trop la hype autour de ce film coréen, modeste série B sans grande envergure. Bong Joon Ho est sans cesse cité dans les articles autour de Sleep, probablement parce que Jason Yu a été assistant sur le film Okja, mais on est ici à mille lieues de la précision démoniaque du maître.

Pour faire simple, et au risque de spoiler, je résumerais l'affaire de la façon suivante : un homme, futur papa, est victime de somnanbulisme (avec tous les trucs bizarres que cela comprend), mais sa femme veut absolument introduire une dose de fantastique dans cette maladie somme toute banale. Le pauvre homme entre alors dans le délire de sa femme...

La façon de raconter cette histoire loufoque n'est pas très drôle et surtout je n'ai jamais, mais jamais eu peur. Le prétendu formidable tableau de couple ne pas non plus semblé sauter aux yeux : j'ai surtout vu un homme faible et sa femme dérangée, et l'idée que le film serait une métaphore de la société coréenne dans son ensemble me semble bien hasardeuse.

Des films de ce niveau-là, ni vraiment bon ni totalement mauvais, agréable à regarder mais oublié dans la minute, la Corée du Sud doit en produire des tombereaux, et rien ne distingue celui-ci des autres.

 

2e

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La ferme des Bertrand

Ce film remarquable peut être vu sous de multiples angles, c'est d'ailleurs ce qui le rend si intéressant.

Au premier degré, l'écoulement du temps qui passe, la façon dont les trois frères ont vécu, et pour certains sont morts, depuis les films précédents (72,97) est un levier formidable pour générer de l'empathie. On voit les enfants devenir adultes,  les adultes vieillir et les personnes âgées disparaître.

Le film est aussi, bien sûr, un tableau de la vie paysanne de hier et d'aujourd'hui : l'investissement maximal que ce travail implique, l'évolution technologique, et en même temps, le caractère immuable de certains gestes (planter les pommes de terre avec la même machine, nettoyer le tour des arbres, etc). Les Bertrand ont bien réussi, ils ne sont pas pauvres, loin de là : leur vie n'entre donc pas directement en résonance avec le mouvement actuel des agriculteurs.

La ferme des Bertrand est enfin un film de "tronches" : les frères sont de sacrés numéros, chacun avec une personnalité bien marquée, et celui qui est encore vivant pourrait sans problème avoir été casté dans un film des années 50, des dialogues écrit par Jacques Prévert plein la bouche (ce moment où il parle des loisirs, en disant qu'il n'aimerait pas "faire semblant de s'amuser").

Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore (la beauté des paysages, les apports en terme de connaissance) le dernier film de Gilles Perret est vraiment à voir : leçon de vie et leçon de choses à la fois.

 

3e

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Daaaaaali !

Avec ce nouveau film, Quentin Dupieux nous emmène en terre très connue. En effet, rien ne surprend vraiment dans ce nouvel opus, qui ressasse bien des tics du réalisateur : dilatation temporelle, répétition absurde, coq à l'âne, objets bizarres, etc.

D'une façon presque ironique, Daaaaaali ! est beaucoup moins surréaliste que d'autres films de Dupieux (je pense à l'homme broyé dans le seau de Fumer fait tousser par exemple, ou à la veste dans Le daim).

J'ai donc suivi sans déplaisir ces classiques variations inégalement servies par une brochette d'acteurs semblant beaucoup s'amuser. Anaïs Demoustier est comme d'habitude rayonnante et Jonathan Cohen campe le Dali le plus convaincant, alors que les autres acteurs sont tous un peu en retrait : Edouard Baer fait un peu trop son Edouard Baer, Pio Marmaï semble complètement à côté de son film, et Gilles Lelouche est transparent.

Plusieurs jours après avoir vu le film, je me demande ce qu'il m'en reste vraiment : peut-être le premier plan, qui est aussi le dernier. C'est assez peu.

 Quentin Dupieux sur Christoblog : Rubber - 2009 (*) / Wrong cops - 2013 (*) / Réalité - 2014 (**) / Au poste ! - 2018 (***) / Le daim - 2019 (***) / Mandibules - 2020 (**) / Incroyable mais vrai - 2022 (*) / Fumer fait tousser - 2022 (**) / Yannick - 2023 (**)

 

2e

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La grâce

Ce film russe, très mal distribué en France, a été pour moi une véritable découverte au dernier festival de Cannes.

Alors, autant le dire tout de suite, La grâce est sûrement l'une des oeuvres les plus lugubres qu'on pourra voir cette année.

Une fille adolescente et son père parcourent les paysages désolés des confins russes du sud au nord du pays, au volant d'un van délabré, projetant difficilement quelques films sur un écran de fortune, dans des localités qui suintent l'ennui et la violence.

Le propos est donc désespérant au possible, la lumière est grise et blafarde, les dialogues épars. Les péripéties (celles d'un coming of age assez classique) flottent vaguement à la surface d'une sorte d'océan de dépression. Un des intérêts de ce voyage est sans conteste la Russie, dont on mesure ici l'immensité, et l'état de délabrement généralisé : tout semble y tomber en ruine.

Il y a dans le film d'Ilya Povolotsky quelque chose de magique : une sorte d'étincelle toujours présente dans les yeux de l'actrice Maria Lukyanova, une beauté de fin du monde dans les paysages de la mer arctique, une mélancolie diffuse qui semble sortir de l'écran pour imprégner directement notre coeur. Probablement ce qu'on peut appeler la grâce.   

 

2e

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Dernière nuit à Milan

C'est un petit plaisir coupable de retrouver l'excellent acteur italien Pierfrancisco Favino dans ce polar plutôt bien foutu, construit assez subtilement autour d'une intrigue retorse et d'un effet de scénario malin.

Le plus intéressant dans ce film de Andrea di Stefano est l'ambiance poisseuse qui imprègne ses images, et en particulier un passage nocturne hallucinant dans un tunnel, lors duquel les enjeux des différents protagonistes se télescopent dans une sarabande oppressante.

Favino campe un flic à la fois taciturne, naïf et charismatique, dans un rôle qui marquera sans doute sa carrière déjà bien remplie. Milan est très bien filmée et le film est haletant jusqu'à une fin plutôt inattendue, que je ne révèlerai évidemment pas.

Une bonne soirée, à l'ancienne.

 

2e

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Pauvres créatures

Je suis entré dans la salle pour voir Pauvres créatures avec quelques inquiétudes : on ne sait jamais trop ce que Yorgos Lanthimos nous réserve.

Ces inquiétudes se sont trouvées renforcées par de premières images marquées par un formalisme extrême : esthétique rétro-futuriste, utilisation de moyens techniques d'un kitsch abouti (fish-eye, zooms et dezooms, cadrages improbables), jeu outré de la plupart des acteurs, trouvailles visuelles au quatre coins du cadre. 

Visuellement le film se situe quelque part entre Anette de Carax (en plus barré) et l'univers de Tim Burton (en plus pastel). La première réaction de surprise passée, j'ai pris un grand plaisir à savourer les multiples variations de cette esthétique étrange : Londres, Lisbonne, Alexandrie, Paris sont successivement revisités avec une grande réussite.

Mais le point fort du film, c'est sans conteste l'évolution du personnage jouée par l'incroyable Emma Stone, d'une créature enfantine dans un corps d'adulte à celui d'une femme accomplie qui aura conquis son indépendance par la seule force de sa volonté. Pauvres créatures possède une véritable souffle qui séduit par sa puissance et sa capacité à durer tout au long de ses 2h21.  

J'ai donc été progressivement conquis par les aventures de Bella, la liberté de ton de la narration (le sexe est omniprésent), les rebondissements de la dernière partie, l'alternance de noirceur morbide et de gaieté rayonnante et finalement la cohérence du projet artistique.

Il faut une sacrée confiance en la puissance de l'imagination pour oser une pareille production.

Yorgos Lanthimos sur Christoblog : Canine - 2009 (**) /  The lobster - 2015 (****) / Mise à mort du cerf sacré - 2017 (***) / La favorite - 2018 (***) 

 

4e

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A man

Les films en provenance du Japon se suivent et d'une certaine façon se ressemblent.

Dans ce film du réalisateur Kei Ishikawa, on retrouve un peu de la perversité glaciale de Fukada et beaucoup de la complexité distante d'Hamaguchi. Le résultat est intéressant, à défaut d'être réellement captivant.

A man commence par un mystère somme toute classique : un homme meurt et sa femme se rend compte que son mari n'était pas du tout l'homme qu'elle croyait connaître. Multipliant les fausses pistes, le film s'avère être un thriller psychologique particulièrement complexe et sophistiqué, dans lequel les personnages ne s'avèrent jamais être ceux qu'ils paraissent.

Au-delà du sujet de l'usurpation d'identité, A man aborde bien d'autres sujets (les différences de classes sociales, la culpabilité) à travers le portrait tout en nuance du policier, joué par l'excellent Satoshi Tsumabuki.

C'est parfois un peu long et un peu froid, mais si vous aimez les atmosphères hitchcokiennes et les retournements de situation improbables, le tout dans une ambiance feutrée, nippone en diable, A man est pour vous. 

 

2e

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La zone d'intérêt

La zone d'intérêt (c'est le nom que les nazis donnaient à la région d'Auschwitz) est d'abord un roman de Martin Amis, qui est aussi salace que le film de Glazer est froid. 

Dans les deux cas, et bien que les personnages et les péripéties soient totalement différentes, il s'agit d'exposer la vie quotidienne de quidams nazis à proximité immédiate du camp d'extermination : dans le roman, ce sont surtout des coucheries de subalternes, dans le film il s'agit de la vie familiale et bourgeoise du chef du camp.

La zone d'intérêt ne manque pas ... d'intérêt. On est pétrifié, il faut l'avouer, par l'effroyable bande-son qui plaque un voile d'horreur auditive sur les images édéniques qui nous sont montrées. On est au début intrigué par le dispositif imaginé, les inserts curieux (la caméra infrarouge par exemple), les détails macabres parsemés ici et là (les os dans la rivière, les vêtements) et globalement l'ensemble des partis-pris de mise en scène (des plans très larges, un peu comme si le film était un assemblage de caméras de surveillance placées dans et autour de la maison).

L'effet de sidération m'a toutefois lassé : il ne se passe finalement pas grand-chose durant cette 1h45. A la façon d'une oeuvre d'art contemporain dans un musée, vous ne perdrez pratiquement rien si vous ne voyez que la première heure, ou la dernière. Quant à la partie consacrée au travail de Hoss à Orienburg, je trouve qu'elle fait chuter la tension que la proximité du camp parvient à installer dans la première partie. A force de filmer le creux pour tenter de faire deviner le plein, et de filmer banalement la banalité du mal, on peut légitimement se demander si le réalisateur ne rate pas sa cible. La comparaison naturelle avec Le fils de Saul, qui se coltinait le défi frontal d'introduire une caméra dans un camp n'est pas à mon sens à l'avantage de Glazer.

Pour synthétiser, je dirais que La zone d'intérêt est un film important, mais que son concept écrasant le rend peu aimable, et disons-le, relativement ennuyeux. On a d'ailleurs l'impression que Glazer, au milieu de son film, a besoin de recentrer lui-même son projet en lui donnant un peu de sens à travers un poème, comme si la simple juxtaposition quasi-surréaliste qu'il proposait jusqu'à présent ne lui semblait plus satisfaisante, ou trop ambigüe. De la même façon, le coup d'oeil final de Höss au monde contemporain résonne un peu comme un aveu d'impuissance : ce que le cinéaste a échoué à faire par la grâce de son art (honorer les victimes, faire ressentir viscéralement l'horreur), il le confie à un ultime effet maladroit qui sonne comme un repentir.

Jonathan Glazer sur Christoblog : Under the skin - 2013 (**)

 

2e

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