Acclamé par le Festival de Locarno où il a reçu en 2015 le Léopard d'or, puis à Nantes, où le Festival des 3 continents lui décerna la Montgolfière d'or, le premier film de Bi Gan est une oeuvre de première importance.
Avant d'en dire plus, il faut évoquer la structure très particulière du film : 1h de plans réalistes zébrés de flashbacks intrigants et de plans oniriques, puis un long plan séquence comme en apesanteur, dans lequel la réalité semble irriguée par le rêve, avant une conclusion plus traditionnelle.
Kaili blues est un sujet de réflexion inépuisable, et on peut revoir le film plusieurs fois, tellement l'intrication magique des trajectoires et des thèmes est complexe. La construction du film est brillante à un point qui force le respect. Quant au plan séquence, qui mêle le passé, le présent et le futur, il nous emmène en moto, en voiture, chez le coiffeur, en bateau, sur un pont, dans un magasin, chez une tailleuse et à concert de rock avec la même maestria souveraine. C'est une capsule de temps et d'émotion enchâssée dans le film. Le tout est magnifié par une belle photographie et comprend plusieurs plans d'anthologie, dont le dernier du film, saisissant.
Tout ce que j'écris à propos du premier film de Bi Gan, je l'ai écrit avec encore plus de force à propos de son deuxième film, construit exactement sur les mêmes principes, le sublime Un grand voyage vers la nuit.
Premier jour du Festival en direct de mon canapé, via le site Festival Scope. Mon voyage commence à Lagos, avec le joli film Eyimofe (This is my desire) (4/5) de Arie et Chuko Esiri. On suit un homme qui veut partir en Espagne, et une jeune femme, qui souhaite rejoindre l'Italie avec sa soeur enceinte. Le film est sobre et convaincant, doté d'une photographie qui magnifie les couleurs africaines. Le tableau de la vie dans la capitale nigériane est prenant. Une réussite qui a écumé les festivals du monde entier cette année (Berlin, Londres, Vienne, Sao Paulo) et marque sans conteste l'avènement de deux réalisateurs d'importance.
Le Festival propose, lors de séances publiques sur Festival Scope, une rétrospective de plusieurs films qui ont marqué son histoire en remportant la plus haute récompense. J'enchaîne donc avec Les derniers jours d'une ville (3/5) de l'égyptien Tamer El Saïd, Montgolfière d'Or 2016. Il s'agit d'une fiction qui se donne tous les aspects de l'auto-fiction. On suit un cinéaste qui ne parvient pas à terminer un film, alors que sa mère se meurt et que sa copine quitte l'Egypte. Très construit, ce film élégiaque et mélancolique, dont la fabrication s'est étendue sur dix ans, est un beau portrait du Caire, saisi juste avant le printemps arabe.
En soirée, je retrouve le prolifique Hong Sang-Soo,pour la Montgolfière d'Or 2014, Hill of freedom (4/5). Le film est de l'essence de HSS à l'état pur : 66 minutes de marivaudages rohmérien teintés de métaphysique et générant une infinité de réflexion sur la vie et le cinéma, le tout dans un style hyper-minimaliste.
22 novembre
Direction l'Argentine pour le premier film de la journée, en compétition. Le documentaire Las ranas (1/5) nous fait découvrir le quotidien d'une jeune femme qui rend visite à son gars en prison. C'est glauque et très cru, assez pauvrement mis en scène, et sans grand intérêt. Le réalisateur, Edgardo Castro, est un des acteurs du film fleuve La flor.
Fin du week-end en Azerbaïdjian, avec un autre des films en compétition : Bilesuvar (2/5) d'Elvin Adiguzel. On suit successivement l'itinéraire de cinq personnes qui n'intéragissent pas entre elles. Cette succession de vignettes dessine un tableau de la vie dans ce district reculé d'Asie Centrale, à travers les rêves et les difficultés rencontrés par chacun. Le film, sans démériter (belle image et acteurs attachants), ne parvient toutefois pas à captiver, du fait du caractère anecdotique de ces tranches de vie.
23 novembre
Montgolfière d'or (et Léopard d'or à Locarno) 2015, Kaili blues (4/5) mérite sans conteste son statut de film culte.
Le premier film de Bi Gan commence comme beaucoup de films chinois contemporains : un réalisme grisâtre, une narration assez peu alerte et légèrement déstructurée. La première partie est donc est assez quelconque, même si l'intérêt est maintenu par des plans intrigants (qu'on comprendra plus tard être des flashbacks) et certaines incises poétiques foudroyantes de beauté (un train qui surgit dans un appartement miteux, une horloge dessinée dont les aiguilles se mettent à tourner). Et tout à coup, un plan séquence de 41 minutes surgit, incroyable voyage initiatique dans le temps et l'espace, préparé par la première heure du film. Ce procédé, d'une beauté sidérante, sera repris avec encore plus de maestria dans son deuxième film, le splendide Un long voyage vers la nuit. Il est rare d'avoir aussi nettement la sensation d'assister à la naissance d'un cinéaste majeur.
25 novembre
Ce soir j'ai regardé Days (2/5) de Tsai Ming-Liang, qui n'est pas sorti en salle (on comprend pourquoi) et n'a été visible que sur Arte.
Le cinéaste taïwanais pousse ici à ses extrémités son cinéma, de plus en plus en intellectuel. Days est une succession de très longs plans fixes montrant souvent des personnages immobiles, dépouillé de tout enjeu narratif, totalement muet, exposant deux solitudes qui vont se croiser le temps d'un rapport sexuel tarifé. Le film durerait probablement de l'ordre de dix minutes, si chacun de ses plans était "normal" : il constitue donc un exercice (un peu vain) d'étirement d'une durée aléatoire. Le résultat n'est pas totalement inintéressant, mais relève plus de l'art contemporain que du cinéma. Contrairement à nombre de critiques, je n'ai ressenti aucune émotion en le regardant et si certains plans sont très beaux, je trouve que c'est loin d'être le cas de tous. Une expérience qui nécessite patience et sous-textes.
28 novembre
Très joli documentaire vu aujourd'hui : Makongo (4/5), d'Elvis Sabin Ngaibino. Le film, très doux, suit deux pygmées de République Centrafricaine, André et Albert, qui vendent des chenilles comestibles au marché de Bangui pour financer l'inscription à l'école d'enfants de leur village.
Tout est agréable dans ce film : le découpage resserré, la mise en valeur de la personnalité si attachante des deux personnages principaux, la beauté des images, l'intensité de certaines scènes (le décès du bébé, les premières leçons, le tirage au sort final), la violence du racisme dont semblent victimes les pygmées. Il faut espérer que le film trouve le chemin des salles, ce qui n'est pas certain.
29 novembre
Découverte d'un futur grand réalisateur, le mongol Byamba Sakhya, dont j'ai pu voir aujourd'hui le très bon Bedridden (4/5), en compétition.
Le film est d'abord d'une beauté époustouflante, avec son noir et blanc très contrasté, sa mise en scène maîtrisée, et ses acteurs et actrices très cinégéniques. Le propos du film, dans ses dialogues comme dans l'entrelacement des histoires, rappelle la distanciation de Hong Sang-Soo, avec ici en plus un talent spécifique à créer des ambiances très différentes suivant les époques et les milieux sociaux.
Une réussite majeure qui en appelle d'autres.
Palmarès 2020
Deux montgolfières d'or ex-aequo décernées cette année. La première décernée au film coréen Moving on, de la coréenne Yoon Dan-Bi, précédé d'une très flatteuse réputation depuis sa projection au festival de Busan. La seconde au documentaire Zero, de Kazuhiro Soda, un documentaire sur le départ en retraite d'un psychanalyste.
Une mention spéciale a été attribuée à l'affreux Las ranas, dont je disais le pire ci-dessus.
Sur le papier, ce film de Stanley Donen (1966) a tout pour plaire. Un couple réalisateur / actrice qui reste sur un succès majeur (Charade), une Audrey Hepburn malicieuse, un scénario ambitieux. Le synopsis est en effet complexe et intrigant : un couple se fait et se défait lors de plusieurs voyages du nord au sud de la France, dans un montage qui suit la progression géographique tout en entremêlant les époques.
Le travail du scénariste Frederic Raphael (Eyes wide shut), comme il l'explique très bien dans le bonus du DVD, est extrêmement recherché et ... directement inspiré de son histoire personnelle.
Malheureusement, le résultat à l'écran est globalement décevant, notamment par la faute d'Albert Finney, qui se révèle ici être un bien piètre acteur. Il joue avec des gants de boxe et des chaussures de ski un personnage qui devrait être aérien. Le film serait bien meilleur si Paul Newman avait pu jouer ce rôle, comme l'évoque Raphael.
Le scénario, aussi brillant soit-il, est parfois tellement sophistiqué qu'il peine à générer une véritable émotion, et d'un point de vue formel, le film a assez mal vieilli (couleurs ternes ou trop vives, effets de mis en scène lourdingues, dialogues appuyés).
On commence par regarder Dix pour cent avec l'espoir d'apercevoir la fausse vraie vie des stars, avant de plonger dans la série pour le plaisir de suivre les aventures professionnelles et sentimentales des employés de l'agence ASK.
Quand on parle de Dix pour cent, il faut signaler en premier lieu la grande qualité de son écriture. Les personnages sont bien développés, les intrigues intéressantes et les surprises convaincantes.
Cette qualité de scénario met en valeur un casting haut de gamme, à qui la série aura bien profité. Camille Cottin a enchaîné les rôles importants (avec une apparition chez Honoré, et un premier rôle convaincant dans Les éblouis). Grégory Montel a lui aussi tourné dans de jolis films (Les parfums), alors que Laure Calamy, elle, a connu un triomphe dans Antoinette dans les Cévennes. Nicolas Maury a même réalisé son premier film (Garçon chiffon), et Stéfi Selma a trouvé un joli rôle dans Miss, re-jouant ainsi un peu son rôle de Sofia.
Bien sûr, la série ne serait pas aussi connue sans le sel qu'ajoutent les stars présentes. Leur prestations sont d'un intérêt variable. Parmi les plus plaisantes, il faut citer les prestations touchantes de Nathalie Baye et Laura Smet, celle explosive de Julie Gayet et Joey Star. Juliette Binoche ose le ridicule au Festival de Cannes dans la saison 2, et Jean Dujardin a peut-être le plus joli rôle de la série dans l'ouverture de la saison 3. Isabelle Huppert courant les tournages dans un Paris nocturne est également un grand moment.
La saison 4 détonne par rapport aux autres. La bonne humeur qui irradiait les trois premières saison glisse progressivement vers une ambiance plutôt triste, les trahisons se succédant et une douce amertume envahissant la fin de saison. C'est à la fois beau et plutôt osé de finir ce cycle sur une note nostalgique de fin de règne. L'épisode avec Sigourney Weaver est à ce titre un moment magnifique.
Dominique Besnehard a annoncé qu'il y a aurait prochainement un épisode long format dans la suite de la saison 4 : tant mieux, on a hâte !
Je considère que Pierre Salvadori bénéficie d'une réputation chez la critique qui excède largement ses réelles qualités, et ce n'est pas ce film qui va me faire changer d'avis.
Commençons par les quelques points positifs. Il tiennent principalement à l'interprétation de Gad Elmaleh, tout en composition corporelle burlesque, et surtout d'Audrey Toutou, dont l'abattage est inversement proportionnel au poids des vêtements.
Il y a aussi dans le film un petit parfum d'amoralité plutôt agréable, qui détonne dans le schéma codifié de comédie romantique que propose Hors de prix.
Pour le reste, pas grand-chose à signaler : la mise en scène est transparente, le scénario plutôt empesé et sans grande surprise, le rythme bizarrement ralenti.
Le Festival des 3 continents ne peut évidemment pas se tenir physiquement cette année, mais vous pouvez tout de même participer à quelques séances en ligne, en vous inscrivant 24h à l'avance, principalement pour voir des films qui ont marqué le Festival. Tout est expliqué sur le site du Festival. Beaucoup de très bons films dans ce best of : A la folie, Shokuzai, Kaili blues, Au revoir l'été, Hill of freedom.
La compétition est également maintenue, et comme le Festival a eu la gentillesse de me donner un accès à la plateforme dédiée au jury et à la presse, je pourrai vous parler des films qui y figurent.
Je suis particulièrement intéressé par Kokoloko, le nouveau film du mexicain Gerardo Naranjo, dont j'ai adoré Miss Bala. On dit beaucoup de bien également du film coréen Moving on de Yoon Dan-Bi, déjà multi-primé, notamment à Rotterdam.
Un des défis de ce Festival en chambre sera de regarder le film fleuve Les travaux et les jours (de Tayoko Shiojiri dans le bassin de Shiotani), de CW Winter et Anders Edstrom, présenté à la Berlinale, et dont la durée est de... 8h38 !
Une valse dans les allées coche pratiquement toutes les cases de la liste des défauts qu'on prêtera bêtement à un film d'auteur allemand : glauque, lent, minimaliste.
Pourtant, on ne s'ennuie pas vraiment en regardant le film de Thomas Stuber.
Les acteurs sont d'abord très attachants. Le physique atypique de Franz Rogowki (devenu l'acteur fétiche de Petzold avec Transit et Ondine) sert bien son personnage borderline d'ex-délinquant lunaire. Sandra Hüller, inoubliable Ines de Toni Erdmann, est très touchante en employée maltraitée par son mari.
La romance distanciée entre ces deux oubliés de la vie est un exercice de style, certes un peu téléphoné, mais finalement conté de façon délicate et même poétique par instant.
Une autre des qualités du film est l'exploitation remarquable du décor que constitue un supermarché, ses parties ouvertes au public comme ses locaux techniques. La photographie, précise et blanchâtre, est très belle. La mélancolie attachée aux nombreux seconds rôles, détails et accessoires du film, par exemple l'irrésistible bruit de la mer que produit le chariot élévateur, rend le film définitivement sympathique.
Profitant du partenariat Netflix / MK2, me voici parti pour explorer la filmographie de Charlie Chaplin avec un oeil neuf.
Je commence donc par le commencement, et ce premier long-métrage de 1921.
Le Kid comprend de façon compressée tout l'art de Chaplin. Il y apparaît clairement que la plupart des techniques qui feront le cinéma du siècle à venir existent déjà chez Chaplin (à l'exception des mouvements de caméra) : la variété d'échelle des plans, les divers angles de prise de vue, les trucages, les différents types d'enchaînement de séquences, l'art du montage.
Ce qui frappe également, c'est l'extrême concision et précision de chaque scène. Alors que les cinéastes modernes allongent parfois inutilement certains plans, Chaplin semble vouloir tout placer dans un minimum de temps. Cela entraîne un jeu d'une intensité incroyable de la part des acteurs qui doivent exprimer un maximum de sentiments en un minimum de temps. Chaplin s'avère être lui-même un performer hors du commun sur ce plan, évidemment : c'est une chose de le savoir, une autre de voir son visage transmettre en un éclair à notre cerveau trois ou quatre messages différents !
Le Kid parvient, grâce à son script très malin et son beau casting, à dépasser son statut initial de slapstick pour explorer les champs du mélodrame et de la critique sociale. C'est sans conteste un premier coup de force pour Chaplin.
Kingdom est une série coréenne de zombies, qui se déroule au Moyen-âge.
Présentée comme cela, elle ne vous attirera pas forcément, et c'est bien dommage. Cette série originale est en effet une des plus jolies choses que l'on puisse regarder sur Netflix, pour peu qu'on ne soit pas allergique à quelques têtes coupées et autres hectolitres d'hémoglobine.
Les paysages, les décors, les costumes et la photographie sont tout d'abord d'une beauté irréelle. Je crois n'avoir jamais vu rien de plus beau dans une série.
L'écriture est ensuite d'une belle finesse. S'il faut deux épisodes pour situer correctement tous les personnages les uns par rapport aux autres, le plaisir est ensuite immense. Les rebondissements et les enjeux de la série sont finalement plus proches de ceux de Game of thrones que de ceux de The walking dead.
La mis en scène de Kim Seong-Hun (Hard day, Tunnel) est virtuose, et le casting est impressionnant. On y retrouve par exemple la grande Doona Bae, qu'on a vue dans Sense 8 mais aussi chez Park Chan-Wook, Bong Joon-Ho et Hirokazu Kore-Eda.
Kingdom est une aventure sensuelle d'une qualité exceptionnelle, qui sait varier les enjeux d'une manière extrêmement brillante : la deuxième saison abandonne presque le sujet des zombies pour se concentrer sur les luttes de pouvoir. Au vu de la fin très excitante de cette seconde saison, on prie pour que Netflix rempile et que nous puissions continuer à suivre dans le fil de l'imagination débridée de la scénariste Kim Eun-Hee.
Ce Soderbergh est un divertissement honorable, qu'on oublie très vite.
On est ici dans le film de casse, pas très loin finalement de la série des Oceans, car utilisant les mêmes ficelles : longue mise en place à travers des séances de préparation amusantes, puis longue opération émaillée de rebondissements (et qui ne nous montre qu'une partie de la réalité pour mieux nous surprendre ensuite), puis épilogue apportant un surcroît de surprises.
La spécificité de Logan Lucky, c'est le milieu dans lequel l'action se déroule : une Amérique rurale qu'on imagine sans peine voter Trump. Dans ce cadre agréablement pittoresque, Soderbergh essaye de nous faire prendre les protagonistes pour des benêts, sans y parvenir réellement.
Tout cela est assez sympathique à regarder (bien qu'un poil trop long), grâce notamment à la mise en scène virtuose et au casting impeccable (Daniel Craig, Adam Driver, Channing Tatum, Riley Keough). Un bon divertissement.
Tout ce qu'on voit à l'écran semble marqué par le sceau de la perfection. Les extérieurs et les décors, épurés et réalistes à la fois, forment un écrin exceptionnel pour une direction artistique hors du commun : costumes, lumières, photographie, musique sont portés au plus haut degré de professionnalisme.
La caméra de Chéreau est brûlante. Elle virevolte autour d'acteurs qui sont tous incroyables. Isabelle Adjani est somptueuse, sa blancheur laiteuse irradie l'écran et son jeu parcourt un spectre extrêmement large d'émotions et de sensations.
Autour d'elle chaque acteur semble jouer sa vie à chaque instant. Auteuil est méconnaissable, Perez est christique, Anglade sombre avec un brio bouleversant, Pascal Gréggory rode de façon terriblement inquiétante, et l'interprétation de Virna Lisi est dantesque. Les seconds rôles eux-mêmes forment un casting qui comblerait de bonheur n'importe quel réalisateur : Jean-Claude Brialy, Dominique Blanc, Asia Argento !
Les scènes de foule sont à elles seules des morceaux de bravoure comme on en voit peu souvent : à la fois frappantes par la densité du nombre de figurants (et la qualité de leur direction, chacun d'entre eux joue vraiment), et la façon dont Chéreau réussit à y incruster les dialogues entre les personnages principaux. On mesure dans ces scènes d'ensemble à la Scorsese (le mariage, la Saint-Barthélémy, la chasse au sanglier, le siège de La Rochelle) les moyens démesurés qu'a nécessité La reine Margot : six mois de tournage, un budget énorme pour l'époque.
Le film, admirable de bout en bout, ne génère curieusement pas réellement d'émotions. Il séduit par sa sombre, cruelle et écrasante beauté.
Dans la droite ligne de plusieurs films récents de qualité, l'Islande a fourni une livraison intéressante à la Semaine de la Critique 2019 avec ce film de Hlynur Palmason.
Autant le dire tout de suite, nous sommes ici dans un registre de cinéma d'auteur exigeant (et, c'est vrai, un peu ennuyeux par moment) : format long, scènes étirées, tics de mise en scène, très lents travellings avant, mise en scène un peu rigide. Le cinéaste n'hésite pas à exploiter des idées très conceptuelles : par exemple filmer au milieu du film tous les personnages de face et de loin, comme des portraits, ou composer des natures mortes avec différents objets pour évoquer un accident de voiture.
Si vous êtes curieux, le voyage vaut tout le même la peine. Outre la nature islandaise, encore une fois très présente dans son immensité, le visage buriné de l'acteur Ingvar Egert Sigurdsson est magnifiquement filmé. L'acteur est décidément de beaucoup de films islandais importants de ces dernières années, dont Sparrows et Jar City.
Après un départ un peu pénible, Un jour si blanc décolle réellement dans sa dernière partie avec une série d'évènements prenants et plutôt inattendus. Il devient alors très intéressant, entrecroisant avec un certain brio des thématiques fort différentes (deuil, amour filial, jalousie, vengeance, violence).
Ce film n'est pas une biographie classique de Steve Jobs. Il est curieusement construit autour de trois moments clés de la carrière du créateur du Macintosch, trois moments qui précèdent la présentation au public de trois produits différents, qui connaîtront des succès très variables.
Pendant ces quelques heures en coulisse, le scénario invente des rencontres récurrentes avec les personnes qui comptèrent pour Jobs : sa collaboratrice / assistante (incroyable Kate Winslet), sa fille, ses amis de jeunesse, ses patrons.
Les dialogues et la structure du scénario élaborés par Aaron Sorkin sont comme d'habitude complexes et virtuoses, mitraillette intellectuelle qui ne laisse aucun répit à notre cerveau. La mise en scène survitaminée de Danny Boyle, dont l'efficacité dépend tellement de son adéquation au sujet, trouve ici un beau terrain d'expression, tellement l'ébullition mentale permanente de Jobs est raccord avec la fluidité dynamique du réalisateur anglais.
On apprend beaucoup de choses (qu'on oublie immédiatement), y compris sur les zones d'ombre du personnage.
Ces qualités font de Steve Jobs est un divertissement agréable bien qu'un peu ronronnant.
A l'occasion de l'anniversaire de sa sortie en salle (c'était le 6 novembre 2019), je vous propose en partenariat avec Wild bunch de gagner 3 exemplaires du Blu-ray du film de Costa-Gavras, Adults in the room.
Pour ce faire :
- répondez à la question suivante : quelle est le nom de l'acteur qui joue le rôle du premier ministre grec ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le tout par iciavant le 21 novembre 20 h.
Un tirage au sort départagera les gagnants. Vous recevrez ensuite le BR envoyé par le distributeur (attention : ce sera après la fin du confinement). NB : un des trois BR sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB oumon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien)
Il faut reconnaître à la comédie romantique ultra connue de Roger Michell deux qualités principales.
La première tient au scénario de Richard Curtis. Si l'intrigue principale n'est pas extraordinairement originale, le film vaut principalement par sa sobre rigueur narrative et la qualité d'écriture des seconds rôles. A ce titre, le personnage de Spike est un formidable archétype d'excentricité anglaise.
Le second atout de Coup de foudre à Notting Hill est bien sûr la prestation très solide de l'ensemble du casting, à commencer par le jeu tout en subtilité de Julia Roberts, qui parvient à nous faire croire à ce rôle improbable de star mondiale tentée par la normalité. Hugh Grant ne fait pas grand-chose, et le fait très bien, alors qu'on retrouve avec plaisir quelques têtes connues qui assurent parfaitement (par exemple, un Hugh Bonneville juvénile, qu'on retrouvera dix ans plus tard dans Downton Abbey).
La mise en scène est agréable, le film a très bien vieilli, ses couleurs sont magnifiques, le sens du détail y est imparable et on finit le film dans une sorte de chaude quiétude cotonneuse.
Maïwenn confirme dans le premier tiers du film son talent pour filmer les scènes de groupe (comme dans Polisse). Chaque personnage parvient à exister avec l'expression d'une belle personnalité, et les interactions lors des regroupements sont tour à tour émouvantes ou drôles.
On se prend d'affection pour le grand-père. Sa relation avec le jeune Kevin (joué par Dylan Robert, la révélation de Shéhérazade) est un moteur inter-générationnel efficace et positif. On aime détester le personnage joué par Fanny Ardant, insupportable comme d'habitude, et on aime aimer celui joué par Caroline Chaniolleau, éminemment sympathique.
Bref, tout se présente plutôt bien, jusqu'au moment où le film devient centré sur la petite personne de la réalisatrice et sa quête des origines. Epaulé par des alter ego sans consistance (Louis Garrel en roue libre, Marine Vacth transparente), Maïwenn est de tous les plans, et tous sont mauvais.
On suit sa demande de test d'ADN sans intérêt, ses minauderies lors de la lecture des résultats, ses lectures et sa pseudo-prise de conscience politique (avec pélérinage esthétique sur le pont de Neuilly), ses démêlés avec un employé d'ambassade caricatural fort sympathique, et enfin, cerise sur le gâteau, son shooting dans les rues d'Alger, filmé comme un défilé de mode au milieu d'une révolution.
Où comment une chronique familiale intéressante se termine en ridicule ego-trip.