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Christoblog

Articles avec #j'aime

Notre petite soeur

Quel autre cinéaste qu'Hirokazu Kore-Eda est aujourd'hui capable de filmer la beauté du monde ?

Depuis que Malick est parti en vrille dans sa trilogie émoliente, la réponse est claire : personne.

Alors évidemment, les aficionados de testostérone, les excités du bocal qui se pâment devant l'histoire d'une gentille fille amoureuse d'un salopard, ne verront pas l'immense beauté qui irrigue le dernier film de Kore-Eda.

Ils ne seront pas à sensible à la beauté zen de la mise en scène, au soin apporté à ces cadrages d'une extrême sensibilité. Maisons, trains, visages, mer : dans Notre petite soeur, chaque élément devient le personnage d'une grande symphonie panthéiste.

C'est un ravissement extrême qui nous saisit à la vision de ce tunnel d'arbres en fleur, de cette montée au cimetierre. Il y a un Japon éternel dans ces images, une délicatesse typiquement nippone dans la peinture des sentiments.

Le film tente avec succès de saisir le temps qui passe : saisons, funérailles, cérémonies du souvenir, petit autel pour les ancêtres. Sous une surface un peu sage circulent des forces telluriques : absence ou présence des parents, sentiment de culpabilité, justification d'être au monde, rapports hommes / femmes (tous décevants ou incomplets), maladie, alcool, fragilité humaine, solitude, mort, solidarité.

A chaque fois que Kore-Eda filme un visage, c'est un paysage qui se meut sous nos yeux. L'univers entier entre dans sa caméra, par le biais d'un simple verre d'alcool de prune - ou d'un pétale de fleur de cerisier. C'est magnifique.

 

4e

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Red rose

Réalisé en Grèce par une réalisatrice qui vit désormais à Paris, Red rose est un bijou comme seuls les cinéastes iraniens semblent pouvoir en proposer.

Le film raconte la rencontre fortuite à Téhéran d'un homme de cinquante ans et d'une jeune femme contestataire, qui manifeste durant les évènements de 2009.

Lui ne sort pratiquement plus de son appartement, elle se bat pour la liberté en twittant et en postant des vidéos des manifestations.

Red rose est conçu comme un huis clos (on pense bien sûr au film de Jafar Panahi Ceci n'est pas un film) et fonctionne parfaitement comme cela : le monde extérieur pénètre dans l'appartement d'Ali par le biais de multiples personnages, et ce dernier ne sortira pas indemne de cette aventure.

Sepideh Farsi construit son film habilement, en dirigeant avec finesse d'excellents acteurs iraniens et en proposant une progression psychologique très intéressante du personnage d'Ali. Elle enlace de façon remarquable les scènes tournées en studio et les petits films de téléphones portables (véritables !), récupérés sur Internet. 

Le tout donne à l'ambiance du film une tonalité à la fois crépusculaire et sensuelle. Une réussite.

 

3e

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Ertan ou la destinée

Le premier film de Umut Dag (Une seconde femme) était remarquable pour sa densité et sa maîtrise. Le second est tout aussi convaincant au niveau de la mise en scène et de l'installation d'une ambiance, il l'est un peu moins au niveau du scénario.

Umut Dag excelle en effet à présenter son personnage. L'acteur Murathan Muslu est très charismatique, même si son jeu est un peu trop répétitif.

La façon dont la ville est filmée, les seconds rôles, la figure du jeune homme : tout concourt à donner au film les contours d'une belle chronique sociale. 

Ertan est malheureusement très prévisible dans sa première partie, et c'est un peu sa limite : il fonctionne comme un rouleau compresseur narratif en mode tragédie antique. C'est donc l'ennui qui guette le spectateur, alors que la fin du film est plutôt surprenante.

Le film, s'il ne convainc pas tout à fait, est tout de même remarquable par sa qualité de cinéma naturaliste de très haut niveau. On oublie pas de sitôt l'immersion dans une Vienne grise, glauque et interlope, que propose Umut Dag. Certainement un futur grand réalisateur.

 

2e 

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Catch me daddy

Dans la veine réaliste anglaise, si féconde, il manquait un chaînon violent et noir, quelque chose qui soit plus brutal et désespéré que tout le reste. Catch me daddy, de Daniel Wolfe, est un prétendant idéal pour ce rôle.

Au début du film, on ne comprend pas trop ce qu'on voit : des hommes de main qui filent dans des directions qui nous échappent. Le scénario s'amuse à nous jouer des tours : naïveté des deux tourtereaux, suspense gentillet autour de la caravane, éclairs de violence insoutenables. C'est très déstabilisant.

Le film est sec, frigorifiant, parfaitement maîtrisé. En prenant le parti de montrer les relations ethniques (pakis contre anglais pure souche) à travers le prisme d'un thriller hyper-violent, Wolfe réussit un coup de maître, à la fois sur la forme (quelle belle utilisation des gros plans) que sur le fond (la violence renvoie les deux parties dos à dos).

La fin est glaçante, et frustrante pour certains, je peux le comprendre. Elle m'a ravi. 

Coup de poing au plexus mental.

 

3e

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Crimson peak

Impossible, malgré les nombreux défauts que je peux trouver au film (des décors tape à l'oeil, des seconds rôles falots, des effets convenus), de dire que je ne l'ai pas aimé.

Je me suis laissé prendre par cette histoire, fort peu originale au demeurant, en me demandant constamment quelle allait être son évolution. Il faut dire que je m'attendais à un film d'horreur gothique, ce que le film n'est pas. Pour paraphraser l'héroïne, Crimson Peak est un film avec des fantômes, plutôt qu'un film sur les fantômes.

Si j'ai été aussi bon public, c'est par la grâce des deux actrices : une Mia Wasikowska craquante d'ingénuité amoureuse et une Jessica Chastain irrésistible en âme damnée (et avec des cheveux noirs). Dans cette tenaille impressionnante, Tom Hiddlestone parait bien faible et chétif : comme je suis de bonne humeur, je vais dire que c'est fait exprès.

Ajouter à ces ingrédients la mise en scène élégante de Guillermo del Toro, quelques visions horrifiques dont il a le secret, une photographie intéressante, et vous obtiendrez un bon film de samedi soir. 

 

2e 

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Vers l'autre rive

Dieu sait si j'estime le réalisateur Kiyoshi Kurosawa, depuis que j'ai regardé un de ces films à ses côtés (Kaïro) et surtout depuis que j'ai découvert son chef d'oeuvre : Shokuzai.

Je suis donc un peu déçu quand le résultat n'est pas tout à fait à la hauteur du talent que je prête à ce cinéaste.

Le sujet dont traite Vers l'autre rive, c'est la façon dont vivent les morts.

Oui, dis comme ça, je mesure l'énormité de la chose, mais c'est pourtant exactement le sujet du film. Misuku est une jeune veuve. Un jour, alors qu'elle prépare un des plats préférés de son mari décédé,Yusuke, ce dernier revient. Il lui propose de partir en voyage et de lui faire découvrir un autre Japon : celui où il a vécu depuis qu'il est mort. Misuku rencontre des amis de Yusuke, dont certains sont comme lui, déjà morts, et d'autres vivants. Elle devine également la porte de l'au-delà.

Le film souffre de petits problèmes de rythme et certaines scènes soint moins convaincantes que les autres (je pense à la pénible disparition définitive d'un des morts dans la forêt), mais l'ensemble dégage une grâce surréelle caractéristique du cinéma de Kurosawa. La mise en scène, justement récompensée à Cannes 2015 dans la section Un certain regard) est virtuose et on n'oubliera pas de sitôt des épisodes dégageant une émotion extraordinaire, comme celui de la chambre fleurie.

Délicat, imparfait, mélancolique.

Kiyoshi Kurosawa sur Christoblog : Kairo (**) / Shokuzai (Celles qui voulaient se souvenir - Celles qui voulaient oublier) (****) / Real (**) 

 

2e 

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L'homme irrationnel

Avant de parler d'un film de Woody Allen, il convient de préciser l'angle avec lequel on l'observe. 

En ce qui me concerne, j'ai de sérieuses difficultés à le considérer comme un film normal. Autrement dit, je ne peux guère que le comparer aux autres Woody Allen.

Dans cette optique, L'homme irrationnel s'avère être un met autrement plus épicé que les précédents opus, passablement insipides à mon goût. Le film est fluide, direct, sans temps morts, et réserve de belles surprises scénaristiques. Mieux vaut d'ailleurs ne rien savoir de l'intrigue pour bien en profiter. 

Les personnages paraissent au départ archétypaux, avant qu'une scène pivot dans un bar fasse basculer l'histoire dans un tout autre registre. On retrouve alors un peu de cette noirceur qui était tellement plaisante dans Match point.

Si Joaquin Phoenix assure le minimum, Emma Stone est très convaincante. La scène finale en forme de pirouette rappelle elle aussi Match point (balle de tennis vs lampe torche), et donne à la fin du film un air à la fois féministe et pragmatique.

Malgré quelques scories résiduelles (la lumière toujours trop dorée de Darius Khondji, les discours philosophiques trop superficiels), L'homme irrationnel est une vraie gourmandise.

Woody sur Christoblog : 

Scoop (**) / Vicky Cristina Barcelona (**) / Whatever works (**) / Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (*) / Minuit à Paris (**) / To Rome with love (**) / Blue Jasmine (**) / Magic in the moonlight (**)

 

3e

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Lamb

Pratiquement inexistante des écrans français jusqu'à présent, l'Ethiopie nous offre cette année coup sur coup deux films : Difret, de Zeresenay Mehari, en juillet, et Lamb ce mois-ci.

Autant le dire tout de suite, le film de Yared Zeleke vaut plus par son caractère documentaire que par son scénario, un peu faible. 

Un jeune garçon, Ephraïm, dont la mère vient de mourrir, est envoyé loin de chez lui chez un oncle éloigné. Quand ce dernier lui ordonne de sacrifier sa brebis bien-aimée, Ephraïm cherche à revenir chez lui et à sauver son animal.

Cet intrigue attachante permet de contempler des paysages à couper le souffle, et de s'approcher un peu de la vie quotidienne des habitants de ce pays magnifique. Il donne l'occasion de méditer sur le manque de pluie (réchauffement climatique ?), d'admirer la dignité des familles très pauvres, de s'étonner devant ce christianisme très exotique, et en ce qui me concerne, de dormir un peu. L'ensemble des acteurs, et le jeune garçon en particulier, sont tous très justes.

Instructif, mais pas renversant.

 

2e

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Ni le ciel ni la terre

Ni le ciel ni la terre est un premier film particulièrement gonflé, à la croisée de plusieurs genres très distincts : le film de guerre, le fantastique, la chronique réaliste, le suspense métaphysique

Nous sommes en Afghanistan, et des soldats disparaissent mystérieusement d'un poste de contrôle. Clément Cogitore ne semble pas très intéressé par la fourniture d'explications, rationnelles ou non. Il préfère étudier en détail les réactions de chacun des soldats face à l'étrangeté de la situation.

Dans cet exercice casse-gueule, le jeune réalisateur fait preuve d'une maîtrise tout à fait étonnante. Il rentre immédiatement dans le vif du sujet, avec un premier plan (sur le chien) dont l'importance apparaitra plus tard. Il enchaîne ensuite les scènes avec une maestria imposante, parvenant à traiter d'une façon hyper-réaliste une situation exceptionnelle. 

Les acteurs (la fine fleur de la jeunesse masculine : Swann Arlaud, Kévin Azaïs) sont absolument formidables. La mise en scène est impeccable, très immersive.

Ni le ciel ni la terre pourrait s'embourber dans des considérations mystico-religieuse à deux balles, le scénario parvient à en faire un thriller métaphysique palpitant de bout en bout.

Un coup de maître.

 

4e

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Sicario

Sicario est probablement le meilleur polar de l'année.

Il commence par une scène pleine de tension, d'une incroyable efficacité, qui laisse pantois. La suite est élégante, dense, parsemée d'excellents moments de cinéma. Un procédé assez classique comme les vues aériennes semble dans les mains de Denis Villeneuve se transformer en quelque chose de résolument neuf et inventif.

Le personnage de jeune flic volontaire et inexpérimentée, joué par Emily Blunt, est très attachant. On voit l'évolution de l'histoire à travers ses yeux : autrement dit, on n'y comprend pas grand-chose, et on est le jouet de forces bien plus terribles que ce qu'on imagine au départ.

Les acteurs sont très bien dirigés, avec une mention spéciale pour le grand Benicio del Toro, ici opaque à souhait.

Sur le fond, le film expose d'une façon intéressante les dilemmes moraux auxquels peuvent être confronté les policiers (faut-il faire les bouger les lignes entre ce qui est permis et ce qui ne l'est pas ?), tout en proposant une oeuvre solide, tendue, ramassée. Dans cette optique d'efficacité quasi monastique, le film évite la traditionnelle tuerie finale pour se concentrer sur une fin âpre et séduisante.

Il faut être attentif à la bande-son, qui contribue à donner au film cet aspect légèrement oppressant : bruits sourds et graves, pas forcément en lien avec ce qui se passe à l'écran.

L'impression générale que laisse Sicario est celle d'une fuite en avant sans retour, comme si les personnages glissaient irrésistiblement dans le grand entonnoir du destin.

Une réussite élégante et sans faute de goût.

 

3e

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Fatima

La loi du marché proposait au printemps une plongée en eaux profondes, au coeur de la réalité française, côté sombre. 

Fatima propose une apnée presque aussi puissante, côté optimiste cette fois-ci.

On ne montre pas souvent au cinéma la vie de ces mères d'origine maghrébine, qui parlent mal le français, si ce n'est parfois comme personnages secondaires se débattant avec une progéniture difficilement contrôlable. Philippe Faucon aborde donc un nouveau continent en choisissant de tracer ici le portrait sensible d'une de ces femmes.

L'actrice non professionnelle Soria Zeroual incarne à la perfection la dignité, le discernement, la force de caractère et la rectitude morale. On est étonné et séduit par son changement de physionomie dans l'intimité : le voile qui disparait, la beauté de l'écriture arabe. On est frappé par les difficultés que sa non-maîtrise du français pose pour l'éducation de sa fille (terrible scène dans laquelle la fille insulte la mère). On sursaute au moment où le scénario choisit de nous surprendre par un évènement parfaitement innatendu.

Fatima se distingue par sa subtilité (les préjugés racistes juste esquissés sont d'autant plus révoltants) et séduit par la finesse de ses approches.

Un tableau sensible, une franche réussite.

 

3e

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Les chansons que mes frères m'ont apprises

Il existe des films qui, en quelques images, me saisissent à la gorge et ne me lâchent plus jusqu'au dernier plan, me laissant pantois sur un petit nuage de plaisir extatique.

Le modeste premier film de Chloé Zao fait partie de ceux-ci.

Nous sommes dans une réserve d'indiens Lakotas. Un jeune garçon veut partir en Californie, mais bien des liens le rattachent à sa terre : sa petite soeur, des amoureuses, son peuple, sa mère. Partira-t-il ?

Plus que son scénario, écrit au jour le jour, c'est la façon de filmer de Chloé Zao qui illumine le film. C'est comme ci un(e) Terrence Malick naissait sous nos yeux. La nature y est sublime, les visages et les corps irradient le film.

Les chansons que mes frères m'ont apprises propose une équation renversante rarement vue au cinéma : des images superbes au service de la description précise d'une terrible réalité. Le film expose avec une rigueur toute documentaire les affres vécues par les indiens, en particulier les ravages de l'alcoolisme, montrés également récemment - chez les aborigènes d'Australie cette fois-ci - dans le très beau Charlie's country (**).

Chloe Zao n'hésite pas à piocher sa matière dans la vraie vie des acteurs (la maison qui a brûlé est ainsi la vraie maison de Jashaun), ce qui confère au film une aura extrêmement puissante.

Une rencontre exceptionnelle.

 

4e 

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Vierge sous serment

Curieux premier film de la réalisatrice italienne Laura Bispuri, Vierge sous serment s'attaque à un sujet délicat et exotique : ce qu'il advient des garçons manqués en Albanie.

Dit comme ça, évidemment, ça ne fait pas trop envie. D'autant plus que l'image est volontairement un peu baveuse, la lumière crépusculaire et le jeu des acteurs légèrement mutique.

Pourtant, le film vaut vraiment d'être vu. Le talent de la réalisatrice pour camper une ambiance en quelques plans est remarquable. Après une première demi-heure très intrigante et franchement intéressante par son caractère d'étrangeté et son refus de toute concession, Vierge sous serment trouve un rythme de croisière un peu plus plan-plan et peut-être un poil scolaire. Alba Rochwahrer y est excellente, comme souvent.

Les scènes tournées en Albanie, dans un décor d'une puissance extrême, et avec des acteurs et actrices du cru (comme les deux petites filles), confèrent un intérêt quasi documentaire au film.

Nulle doute qu'on reparlera dans l'avenir du cinéma de Laura Bispura, dont le style peut être comparé à celui de sa compatriote Alice Rohrwacher : Corpo celeste (**) / Les merveilles (*).

 

3e    

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Marguerite

Il faut aller voir Marguerite pour ses acteurs. 

D'abord, bien sûr, il y a Catherine Frot. C'est peu dire qu'elle est ici excellente : probablement le rôle d'une vie, en tout cas un rôle à César. Elle parvient à camper son personnage excentrique avec une sensibilité touchante qui laisse coi. Le ridicule et l'excès menacent en permanence ce type de rôle : Catherine Frot se maintient tout au long du film sur une ligne de crête profondément émouvante.

Si le mari (André Marcon) est assez insipide, l'autre personnage qui donne du relief au film est le professeur sur le retour, joué par Michel Fau. Certes, le personnage est un peu outrancier, et les roulements d'yeux font pour lui un peu trop souvent office d'expression, mais on ne peut pas ne pas se délecter de cette baderne ventripotente entourée d'une vraie cour des miracles.

Les seconds rôles sont tous assez bien campés, et la reconstitution historique des années 20 est très plaisante, surtout dans la première partie du film.

Le scénario est bien construit (avec quelques longueurs tout de même) et la mise en scène de Xavier Giannoli plutôt efficace, et même parfois trop. Comme souvent chez ce réalisateur on peut regretter des effets de manche trop visibles : montage lourdingue, tension psychologique montée en Chantilly de façon largement artificielle, fin outrageusement et inutilement dramatique.

Ces quelques bémols ne gâchent pourtant pas le plaisir qu'on éprouve à la vision de cet étonnante histoire (que Stephen Frears est en train d'adapter également, avec Meryl Streep dans le rôle principal).

Xavier Giannoli sur Christoblog : A l'origine (*)

 

3e    

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Les deux amis

Pour son premier long métrage, Louis Garrel nous offre un film délicieux.

Impossible de ne pas succomber au charme extraordinaire de Golshifteh Farahani, et à celui, un poil plus convenu, de la paire d'adulescent Garrel/Macaigne. 

Les deux acteurs jouent des rôles qui leur collent chacun à la peau : Garrel est beau, trop sûr de lui, donneur de leçon et fouteur de merde. Macaigne incarne à la perfection le Droopy amoureux, timide, indécis et dépendant. 

Plus que leur amitié superficielle, et typiquement parisienne (on pense à Dans Paris, de Christophe Honoré, ce dernier ayant co-écrit le scénario), c'est la beauté du jeu de Golshifteh Farahani qui donne de la valeur au film. Elle parvient à être à la fois sublime et terrienne, désirante, vulgaire et décidée. Son personnage fait du film une sorte de manifeste féministe qui renvoie les deux hommes au rôle de simples faire-valoir, juste bons à donner un titre au film, faibles, menteurs et ridicules.

Les deux amis est donc un badinage profond, cruel et amusant.

Louis Garrel avait auparavant réalisé un moyen-métrage de très bonne facture : Petit tailleur.

 

2e

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Everest

Baltasar Kormakur est décidément friand de récit dramatique tourné dans le froid : après avoir filmé le calvaire d'un marin islandais dans l'eau glaciale (Survivre), le voici qui raconte une expédition virant à la catastrophe en 1996 sur l'Everest.

Le film est en 3D (je ne crois pas qu'on puisse le voir en 2D) et une fois de plus, il faut bien avouer que le procédé n'apporte rien au film. Au contraire, la 3D accentue l'aspect artificiel de certains décors. 

L'aspect documentaire est pourtant le point le plus intéressant du film : l'approche du camp de base est joliment filmé, l'envahissement de l'Everest par des agences de voyage peu scrupuleuses est intéressante, et les péripéties ont un aspect un peu sec qui évite (presque) tout sentimentalisme. 

Dans Everest, pas de péripéties classiques et téléphonées (adieux émouvants entre alpinistes, corps suspendus au bout d'une corde), on se concentre sur l'essentiel : on meurt en tombant à l'arrière-plan.

Le film parvient ainsi à donner une sensation assez réaliste de ce qu'est une course en Himalaya, en ménageant sa part de grand spectacle. Pas facile de dire au début du film qui s'en tirera, et qui y restera, ce qui constitue en soi une qualité.

A noter que le film est tiré d'un livre de John Krakauer, présent dans l'expédition, et qui écrivit aussi le livre adapté par Sean Penn dans Into the wild.

Du beau spectacle au casting XXL, plutôt honnête à défaut d'être super-spectaculaire.

 

2e

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Much loved

En calant sa caméra au plus près de quatre prostituées marocaines, Nabil Ayouch n'a pas choisi la facilité : il savait probablement qu'il allait s'attirer les foudres de certains intégristes, sûrement pas que son film allait être interdit au Maroc et qu'il allait être attaqué en justice par des associations...

La société traditionnelle marocaine refuse de regarder en face le phénomène de la prostitution, qui crève pourtant les yeux, et préfère donc l'hypocrisie : il faut dire que le miroir tendu par Ayouch est d'une netteté fulgurante.

Du projet initial de documentaire, le film garde une sorte de naturalisme puissant qui emporte l'adhésion, porté par des actrices non-professionnelles (à l'exception de l'excellente Loubna Abidar). Il ne se passe pas grand-chose dans le film en terme de dramaturgie. On s'attend constamment au pire, mais l'hypothèse du naufrage ou de la catastrophe est balayé par la force magistrale que génèrent ces quatre magnifiques femmes : tout l'intérêt de Much loved est dans ce portrait.

Nabil Ayouch dessine un tableau à la fois tendre et sans concession d'un milieu où le terrifiant (les hommes en général, les policiers et les saoudiens en particulier) cotoie le généreux (les travestis, Saïd). Il faut toute l'attention du réalisateur aux menus détails du quotidien pour tranfigurer une existence misérable en promesse d'avenir : trajets en voiture filmés comme dans un rêve (beau travail sur le son), gros plans empathiques sur les visages ou les corps, scènes de colère ou d'exaltation.

Jamais voyeur, parfois brutal, Much loved donne à voir l'énergie féminine comme peu de films savent le faire.

Nabil Ayouch sur Christoblog : Les chevaux de Dieu (***)

 

4e 

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Natür therapy

Représenter à l'écran les pensées d'un homme qui marche : c'est le défi que se propose de relever le réalisateur norvégien Ole Giaever.

Bien sûr, Natür therapy évoque Wild, le beau film de Jean-Marc Vallée, qui s'attaquait au même type de sujet, même si la marche de Reese Whiterspoon était beaucoup plus longue et spectaculaire. Dans les deux cas, les personnages sont à un tournant de leur vie, et doivent prendre (ou pas) des décisions radicales.

Le film de Giaever se situe à une sorte de croisement scandinave entre la sensibilité psychologique extrême de Oslo, 31 août et la distanciation cynique de Snow therapy. On est parfois compatissant envers le personnage et sa crise de la quarantaine mal gérée, mais le plus souvent c'est plutôt avec un oeil goguenard qu'on regarde Ole Giaever se débattre dans ses contradictions : il est à la fois acteur et réalisateur, et on ne peut s'empêcher de penser que le film est autobiographique.

La façon de montrer la nature norvégienne et de l'intégrer au récit est habile, les rebondissements humoristiques viennent ponctuer le récit avec bonheur. La vision du film est donc agréable, sans être renversante. Il lui manque un peu de profondeur et d'originalité pour susciter un enthousiasme plus entier.

 

2e

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Le président

J'aurais vraiment aimé dire du bien de ce film : j'apprécie énormément le cinéma iranien, et la figure de Makhmalbaf, patriarche cinéaste (sa femme et se deux filles font également des films), est éminemment sympathique.

Malheureusement, Le président est une fable un peu lourdingue qui ne trouve jamais son point d'équilibre. 

Le film commence par un tableau engoncé de dictateur mégalomane, se transforme ensuite en manuel de survie en milieu hostile, en rendant le vieillard tyrannique presque sympathique, pour finir en western néo-réaliste façon Sergio Leone meets Rossellini.

On ressort de tout cela franchement déboussolé, fugitivement intéressé par certaines péripéties (la visite à la prostituée) et quelques idées de cinéma (la façon dont est filmé le retour du mari qui découvre que sa femme ne l'a pas attendu). 

Le film se déroule dans un pays imaginaire, et a été touné en Géorgie : Makhmalbaf est un éternel exilé. Si les acteurs géorgiens sont plutôt bons, la qualité technique du film est globalement en-dessous des standards de qualité habituels en terme de photographie et de montage. Le propos général est décousu et pétri de bonne intentions.

Le film était présenté à Venise en 2014, dans la section paralllèle Orizzonti.

 

1e

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Youth

Il faut aujourd'hui un certain aplomb pour défendre Sorrentino.

Il faut en tout cas résister à l'influence du triumvirat de la bien-pensance cinéphilique tendance soporifique thaïlandaise : Libération, Les Inrocks, Les Cahiers. Pour ces gens-là, Sorrentino est définitivement classé avec une véhémence haineuse comme un réalisateur pompier (lire ma Lettre ouverte aux Cahiers), alors que Gomes et Weerasethakul, pour ne citer qu'eux, sont géniaux avant même d'avoir levé leur caméra.

Pour le spectateur vierge de tout a priori que je suis, la vision d'un film de Sorrentino génère deux émotions opposées : le plaisir que procurent les trouvailles baroques d'un réalisateur surdoué, et l'ennui qui découle de voir ces trouvailles juxtaposées sans constituer un ensemble cohérent et profond.

Dans La Grande Belleza, le plaisir était largement supérieur à l'ennui, parce que le sujet se prêtait admirablement à la démesure triste de la mise en scène.

Ici, et même si le film abordent les mêmes sujets que le précédent (la vieillesse, la sublimation par l'art, la déchéance physique), ce n'est pas tout à fait le cas.

Si la photo est toujours admirable, les images incroyablement bien composées, le plaisir est un peu gâché par une impression d'épate à tout prix (la scène d'ouverture, le clip de la pop star, le concert de la fin). La retenue de Michael Caine (excellent) et de Harvey Keitel fait pourtant mouche au début du film. Associée à le netteté suisse, cette sourdine inhabituelle donne une tonalité nouvelle au cinéma de Sorrentino : on navigue dans une sorte d'humour british, et les répliques spirituelles fusent.

Malheureusement, l'équilibre précaire du film se délite dans son dernier tiers (le pitoyable concert de fin, atrocement filmé, la lévitation du bonze, ridicule).

Je rêve d'un jour où Sorrentino débarassera son cinéma de toutes ses scories (Hitler ! Maradona ! Miss Monde qui pense ?!) pour exprimer pleinement ses incroyables qualités de plasticiens et d'amuseur.

Paolo Sorrentino sur Christoblog : This must be the place (***) / La grande belleza (***)

 

2e

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