Notre petite soeur
Quel autre cinéaste qu'Hirokazu Kore-Eda est aujourd'hui capable de filmer la beauté du monde ?
Depuis que Malick est parti en vrille dans sa trilogie émoliente, la réponse est claire : personne.
Alors évidemment, les aficionados de testostérone, les excités du bocal qui se pâment devant l'histoire d'une gentille fille amoureuse d'un salopard, ne verront pas l'immense beauté qui irrigue le dernier film de Kore-Eda.
Ils ne seront pas à sensible à la beauté zen de la mise en scène, au soin apporté à ces cadrages d'une extrême sensibilité. Maisons, trains, visages, mer : dans Notre petite soeur, chaque élément devient le personnage d'une grande symphonie panthéiste.
C'est un ravissement extrême qui nous saisit à la vision de ce tunnel d'arbres en fleur, de cette montée au cimetierre. Il y a un Japon éternel dans ces images, une délicatesse typiquement nippone dans la peinture des sentiments.
Le film tente avec succès de saisir le temps qui passe : saisons, funérailles, cérémonies du souvenir, petit autel pour les ancêtres. Sous une surface un peu sage circulent des forces telluriques : absence ou présence des parents, sentiment de culpabilité, justification d'être au monde, rapports hommes / femmes (tous décevants ou incomplets), maladie, alcool, fragilité humaine, solitude, mort, solidarité.
A chaque fois que Kore-Eda filme un visage, c'est un paysage qui se meut sous nos yeux. L'univers entier entre dans sa caméra, par le biais d'un simple verre d'alcool de prune - ou d'un pétale de fleur de cerisier. C'est magnifique.