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Christoblog

Les poings desserrés

Voici un premier film russe âpre, peu aimable et globalement oppressant.

On suit une jeune adolescente (formidable Milana Azugarova) qui se débat contre toutes les formes de masculinité toxique possible : un père intransigeant et silencieux, un frère simple d'esprit qui l'aime probablement un peu trop, un corps marqué par les dures conséquences d'un attentat terroriste, un copain trop collant. 

L'action se déroule dans une ville minière qui pourrait concourir pour le prix de la ville la plus déprimante vue en 2022 au cinéma, et les décors (appartements, magasin, extérieurs) donne une bonne idée de ce que la Russie peut avoir de plus sinistre.

Malgré ce contexte peu avenant, le film laisse une trace durable dans l'esprit du spectateur, par la grâce d'une mise en scène charnelle et engagée, qu'on doit à la réalisatrice Kira Kovalenko. Cette dernière parvient à saisir avec brio les frémissement qui agitent l'âme de son héroïne, les ambiances (le repas devant la caravane, les bains publics) et l'incroyable mélange d'amour et de haine qui soude les membres de cette famille.

Il rappelle en cela un autre remarquable premier film russe, découvert comme celui-ci dans la section Un certain regard du festival de Cannes : Tesnota, de Kantemir Balagov. Les deux films ont d'ailleurs le même type de personnage principal, une jeune fille en quête d'émancipation.

A découvrir absolument si vous aimez le cinéma russe.

 

3e

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Babylon

Babylon est comme un frigo rempli à ras bord.

Il ne faut donc pas chercher un repas équilibré ou délicat quand on va voir le dernier film de Damien Chazelle, mais plutôt un déversoir non maîtrisé de plats succulents, d'ingrédients plus ou moins frais, et enfin d'expérimentations culinaires osées.

Parmi ce que le film propose de meilleur, on peut citer sa première heure (un tournage apocalyptique, suivi d'une orgie chez un mogul du cinéma muet) qui est à la fois folle par son ampleur délirante et son rythme échevelé, mais aussi utile à l'intrigue en nous présentant in situ les six personnages principaux.

Parmi les ingrédients tirés du bac à légumes, il y a de tout : une excursion - un peu gratuite car peu reliée au reste du film - dans un souterrain lynchien qui sent un peu le fruit blet, des tics avariés que Chazelle devrait mettre à la poubelle (les gros plans sur les pavillons de trompette), des épices éparpillées au petit bonheur la chance (et hop un peu de cannelle façon Chantons sous la pluie, et zou du vomi pimenté façon Ruben Östlund). 

Au rayon des expérimentations ratées, je mettrais en avant le catastrophique dernier quart d'heure du film, mash-up horriblement prétentieux (mais naïvement attendrissant) mélangeant images de chefs-d'oeuvre du septième art (Godard, sors de ce corps) et immonde image WTF d'encres colorées se délayant dans un grand vide conceptuel.

Dans ce gloubi-boulga on peine à trouver du sens : s'il est indubitable qu'on parle ici du passage du muet au parlant, on cherchera en vain une profondeur psychologique dans l'évolution des personnages, une émotion dans les relations les liant les uns aux autres,  ou un approfondissement de thématiques qui l'auraient pourtant mérité (le temps qui passe, la place des Noirs dans les débuts du cinéma, les évolutions technologiques et économiques de ce Hollywood des origines, l'amour contrarié, l'instabilité psychologique).

Le miracle de Babylon est qu'on ne s'y ennuie pas vraiment : la boulimie de cinéma et de musique qu'il représente séduit autant qu'elle horripile, voire un peu plus en ce qui me concerne.

Damien Chazelle sur Christoblog : Whiplash - 2013 (****) / La la land - 2016 (****) / First man - 2018 (**) / The Eddy - 2020 (**)

 

2e

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Love & mercy

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le réalisateur de ce film, Bill Polhad, sort de nulle part : pas de bio dans Allociné, quelques lignes sur Wikipedia en anglais, et pas d'autres films au compteur.

La qualité de Love & mercy en est d'autant plus remarquable. Ce biopic subjectif de Brian Wilson, chanteur et âme des Beach boys, est en effet formidable.

Le découpage du film est d'abord très original : il alterne du début à la fin deux périodes temporelles, dans lesquelles Brian Wilson est joué par deux acteurs différents, tous deux excellents, Paul Dano (pour Wilson jeune) et John Cusack (pour Wilson plus âgé).

D'abord troublant, ce procédé, que je ne me souviens pas avoir vu dans un autre film, se révèle être captivant. Dano incarne un génie en pleine action, en partie incompris, dont la puissance créatrice semble sans limite. Cusak, dans un registre très différent, joue à la perfection la dépendance aux médicaments et donne à voir un phénomène d'emprise glaçant. Les deux parties, pourtant dissemblables, semblent entretenir un dialogue durant tout le film. 

Les personnages secondaires sont eux aussi formidables : Elizabeth Banks rayonne en femme solide et pugnace, Paul Giamatti fascine en psychologue malfaisant. La direction artistique est brillante et la mise en scène très solide.

Un biopic haut de gamme, passionnant et émouvant.

 

3e

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Retour à Séoul

Davy Chou confirme avec ce très beau film son incroyable talent.

L'histoire qu'il nous raconte ici est captivante : Freddie, une jeune Française d'origine coréenne, se retrouve presque par hasard en Corée du Sud pour la première fois de sa vie. Son voyage va se transformer, à l'insu de son plein gré, en une odyssée qui va transformer sa vie. 

Retour à Séoul est découpé en plusieurs parties, toutes assez différentes et qui donne à sentir, de façon captivante et puissante, l'écoulement du temps. L'autre grand atout du film, c'est l'actrice Park Ji-Min : coupante comme un diamant et émotionnellement déficiente, elle irradie le film de son charme douloureux, semblant chercher tout au long du film quelque chose d'insaisissable, à grand renfort d'alcool, de sexe et de danse.

L'émotion n'est jamais loin (le retour de mail sans destinataire par exemple) et la mise en scène est très agréable : un des tout meilleur film de ce début d'année.

Davy Chou sur Christoblog : Diamond Island - 2016 (****)

 

3e

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A couteaux tirés

Les nombreuses critiques positives à propos de ce film parlent souvent de formidable Cluedo géant.

Cette approche est très réductrice car A couteaux tirés est bien plus qu'un whodunit efficace : on identifie d'ailleurs assez rapidement les raisons de la mort de la victime. 

Ce qui fait le sel du film est à mon avis ailleurs. Rian Johnson propose d'abord un formidable jeu de massacre, dans lequel toute une famille richissime et cynique se fait dézinguer méthodiquement au profit d'une jeune fille dont la mère est sans-papier. Le sous-texte politique n'est pas d'une finesse extrême, mais il est réjouissant. 

Dans cet exercice d'horlogerie redoutablement rythmé (un rebondissement survient en gros toutes les 15 minutes), il faut également distinguer la prestation incroyable de Daniel Craig, qui campe un personnage dont on ne sait pas s'il est terriblement bête ou diablement perspicace (ou les deux). Son accent, ses mimiques, ses variations de ton sont superbes. Ana de Armas confirme son potentiel, et le reste du casting est brillant.

Un divertissement de très haute qualité.

Rian Johnson sur Christoblog : Looper - 2012 (**) / Star wars - Les derniers Jedis - 2017 (**)

 

3e

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Le journal de Bridget Jones

Ce n'est certainement pas son intrigue éculée, basée sur les pires poncifs de la comédie romantique, qui fait l'intérêt du Journal de Bridget Jones, mais  plutôt le personnage de Bridget lui-même, jouée par l'incroyable Renée Zellweger.

Bridget ne répond en effet pas vraiment aux canons de beauté hollywoodien : légèrement enveloppée, pataude, et pas aussi directement aguichante qu'une Scarlett Johansson. Bridget a quelques kilos en trop, mais aussi une inaptitude à se comporter normalement en société, ce qui génère plusieurs scènes désopilantes.

Le film a ceci de sympathique qu'il n'offre pas la possibilité à Bridget de s'améliorer, contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer : elle restera aussi gaffeuse et maladroite du début jusqu'à la fin.

Ajoutons à cela que la réalisatrice Sharon Maguire, qui reviendra aux manettes 15 ans plus tard pour Bridget Jones baby, parvient à insuffler un dynamisme et une vivacité qui ne faiblit pas tout au long du film : on prend donc un réel plaisir à regarder ce qui constitue un joli portrait de jeune femme et un réjouissant divertissement, typiquement british.  

 

2e

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My name is Gulpilil

Ce documentaire est consacré à l'immense acteur aborigène David Gulpilil, qui raconte sa vie à travers les nombreux films qu'il a tourné, de Crocodile Dundee à Charlie's country, en passant par Australia.

Le début du film est plutôt encourageant : on a plaisir à suivre les aventures de Gulpilil, qui est resté très attaché à sa terre et à ses traditions ancestrales, et qui détonne agréablement dans le monde sans pitié du cinéma international. Le charisme du personnage, le fait qu'il soit très malade (en réalité il doit mourir prochainement) ajoute un supplément d'émotion.

Mais petit à petit, le film met le spectateur mal à l'aise. Tout d'abord, les partis-pris de mise en scène font un peu toc (les images agrandies des cellules cancéreuses comme une abstraction), puis la façon dont Gulpilil est filmé devient de plus en plus dérangeante. Sa déchéance physique est montrée avec une certaine complaisance. Ses propos, qui deviennent de plus en plus décousus, donne progressivement l'impression qu'il radote.

Par ailleurs, un reproche que l'on peut faire au film est de ne pratiquement pas aborder les travers de l'acteur, son alcoolisme invétéré et son comportement violent envers sa femme qui lui valu un an de prison.

On finit par éprouver de la gêne à regarder l'agonie d'un homme qu'on n'est pas sûr de vouloir admirer.

David Gulpilil sur Christoblog : Charlie's country - 2013 (**)

 

2e

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Nostalgia

Un homme revient à Naples, 40 ans après son départ, pour accompagner sa mère dans ses derniers jours. Un de ses amis d'enfance, avec qui il partage de douloureux souvenirs, est devenu parrain de la mafia.

Ce sujet, développé par le réalisateur Mario Martone, peu connu hors d'Italie, est l'occasion pour l'immense acteur Pierfrancesco Favino (Le traître) de nous donner à voir une prestation magistrale. Il porte le film sur ses épaules, déambulant le regard vague dans une Naples magnifiquement filmée, familière et exotique.

L'intrigue se résume à peu de choses (les deux amis d'enfance se reverront-ils ?) et les péripéties sont proches du néant. On prend pourtant beaucoup de plaisir à découvrir la vie de quartier, les efforts d'un prêtre valeureux pour combattre l'influence la pieuvre et une galerie de personnage assez pittoresque.

Le film porte bien son nom : il ne vaut finalement que pour ce sentiment dont il parvient à imprégner le cerveau du spectateur, pour peu que ce dernier soit dans de bonnes dispositions, ce qui a été mon cas.

 

3e

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L'envol

Tout est étrange dans ce curieux mélange des genres qu'est le nouveau film de Pietro Marcello. 

L'envol commence avec des images d'archives au très gros grain (vraies ou fausses ?), avant de devenir une chronique rurale naturaliste dans un paysage magnifique.

J'ai alors pensé que la trogne incroyable de l'acteur Raphaël Thierry allait être l'enjeu principal de l'histoire, quand tout à coup le film fait s'écouler le temps à toute vitesse et devient une sorte de fantaisie poétique qui ne ressemble à rien de connu.

Dans ce deuxième ou troisième film dans le film, la jeune actrice Juliette Jouan crève l'écran. L'envol s'envole vraiment, mêlant film d'animation et chansons à la Demy, figure légère d'aventurier (Louis Garrel, parfait en pilote d'aéronef) et voiles rouges battant au vent.

Le film est un bric-à-brac assez passionnant, polymorphe par son esthétique (tantôt l'image est très soignée, tantôt elle a l'apparence d'un Polaroïd) et insaisissable sur le fond.

Une belle découverte, qui me réconcilie avec le réalisateur italien, dont je n'avais pas aimé du tout Martin Eden.

Pietro Marcello sur Christoblog : Martin Eden - 2019 (*)

 

3e

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Les Cyclades

Je n'attendais pas grand-chose de cette comédie, qui semblait gentillette sur le papier.

J'ai donc été agréablement surpris par la qualité globale du nouveau film de Marc Fitoussi, qui allie un script malin à une interprétation tout en finesse de ses trois actrices principales, toutes parfaites.

Les Cyclades est un bon exemple de comédie de caractères, qui n'est plus un genre très en vogue dans le cinéma français : les effets comiques résultent plus de l'opposition totale des personnalités de Magalie et Blandine que de l'intrigue, anecdotique. C'est donc une sorte de résurrection au féminin des films de Francis Veber (La chèvre, Les compères, Les fugitifs, L'emmerdeur) que propose Les Cyclades.

Si on rit de bon coeur aux frasques de notre duo si mal assorti, on est aussi curieusement ému par la rencontre de ces deux femmes, finalement en détresse l'une comme l'autre. Le temps qui passe, qui use les corps et ferment progressivement les possibilités, est un véritable personnage dans le film : il donne lieu à de très jolies scènes, comme celle par exemple dans laquelle les deux femmes sont remplacées par leur version adolescente.

La dernière qualité du film est la façon dont le décor naturel des Cyclades est filmé. Les paysages ne sont pas simplement beaux, ils sont signifiants : austères quand l'action le nécessite, séduisants quand l'atmosphère est à la fête, favorisant la méditation dans la partie finale.

Un excellent spectacle de divertissement, tout à fait estimable.

Marc Fitoussi sur Christoblog : Maman a tort - 2016 (***)

 

2e

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Les banshees d'Inisherin

J'avoue avoir du mal à comprendre l'enthousiasme autour de ce film, qui vient de remporter un Golden Globe.

Son contenu se contente en effet d'illustrer péniblement un pitch initial assez amusant : une rupture amicale prend des allures de drame sentimental dans un cadre insulaire à la fois magnifique et oppressant.

Le script suit avec application une trame qu'on devine dès le début malaisante et toute entière tournée vers l'aggravation et le drame. Ce contenu programmatique nuit beaucoup à l'intérêt qu'on peut porter au film : rien ne nous surprend, tout est anticipable. 

La psychologie des personnages est de la même façon exposée dès le début, pour ne plus varier jusqu'à la fin du film, ce qui ne contribue pas à générer de l'empathie chez le spectateur, d'autant plus qu'aucun des deux personnages n'est aimable, ni attendrissant. Leurs dilemmes ne m'ont pas intéressés. 

Les banshees d'Inisherin n'évite pas non plus les maladresses (les raccords de lumière sont approximatifs dans quelques scènes, par la faute de la versalité du climat insulaire), ni les facilités (la façon dont l'étudiant en musique gobe le mensonge de Padraic, l'aspect caricatural des seconds rôles, l'esthétique artificielle des décors). 

Le résultat est un exercice de style froid et désincarné, pauvre en cinéma comme en émotion, qui m'a totalement laissé au bord de la route. 

Martin McDonagh sur Christoblog : 3 billboards, les panneaux de la vengeance - 2017 (****)

 

1e

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Venez voir

Comme dans l'un des films précédents de Jonas Trueba, le remarquable Eva en août, il ne se passe presque rien dans Venez voir.

On suit deux couples de trentenaires, d'abord lors d'une soirée dans un bar, puis lors d'une visite de l'un chez l'autre, quelque part dans la campagne près de Madrid.

La caméra s'attarde longuement sur les visages, baignés d'une lumière qu'on dirait irréelle, alors que les personnages ne font rien de spectaculaire (écouter un pianiste les yeux dans le vague, enfiler une paire de chaussettes plus chaudes, faire pipi dans la nature).

Certains, devant la pauvreté narrative du film et sa brièveté presqu'exagérée (1h04), trouveront probablement qu'on frôle ici l'arnaque conceptuelle d'un cinéma bobo-intello, précieux et vain. D'autres, dont je fais partie, trouveront remarquable ce néant lumineux, captivés par la grâce de la mise en scène et de la direction d'acteurs.

Peu de cinéastes sont capables de faire surgir autant de subtilités de conversations banales : on pense  évidemment à Rohmer, mais peut-être encore plus à Hong Sang-Soo.

 

2e

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Concours Le piège de Huda : Gagnez 3x2 places (Terminé)

l'occasion de sa sortie, je vous propose de gagner 3x2 places pour découvrir le nouveau film de Hana Abu-Hassad, Le piège de Huda.

Pour ce faire :

- répondez à la question suivante : pour quel film le réalisateur a t il obtenu le Golden Globe du meilleur film étranger ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le tout par ici avant le 25 janvier 20h
 

Un tirage au sort départagera les gagnants. Vous recevrez ensuite les places envoyé par le distributeur. NB : un des trois lots sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB ou mon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien)

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L'immensità

Pas grand-chose à redire à ce nouveau film d'Emmanuel Crialese.

Le tableau des années 70 en Italie est très réussi, on s'y croirait. L'histoire du petit garçon né dans un corps de fille est d'une grande sensibilité. Il est d'autant plus touchant qu'on comprend qu'il s'agit de l'histoire intime du réalisateur lui-même.

Penelope Cruz livre une partition une nouvelle fois exceptionnelle en tout point : exubérante et joyeuse, dépressive, aimante, rêveuse, obsédée. L'actrice espagnole parvient à jouer les troubles mentaux avec une force et une ambiguïté qui cloue le spectateur dans son siège, et qui sème le doute sur le véritable sujet du film : introspection historique, tableau de famille, itinéraire trans ou sublime portrait de femme ?

Et pourtant, malgré ses qualités, L'immensità n'arrive jamais à vraiment décoller, pour quitter la catégorie des bons films et accéder à celle des très bons films. Ses quelques longueurs, ses petites maladresses narratives, sa légère naïveté, sa volonté d'aborder beaucoup de sujets différents : tout cela rend le film un petit peu bancal. 

 

2e

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Tirailleurs

Tirailleurs est construit sur une double bonne idée : mettre en scène l'incorporation d'Africains dans l'armée française pendant la première guerre mondiale d'une part, et dresser le tableau d'un conflit père / fils plutôt intéressant d'autre part (le fils cherchant le risque, le père voulant l'en protéger).

Ses deux idées menées de front donnent un début de film plaisant. La reconstitution historique est plutôt agréable (peut-être un peu trop "jolie", comme dans le 1917 de Sam Mendes) et il est très intéressant de découvrir la façon dont les Africains se comportent entre eux sur la ligne de front.

Le film se laisse donc tout à fait regarder durant toute sa première partie. Il devient ensuite malheureusement de plus en plus convenu, jusqu'à un final d'une lourdeur que le propos liminaire ne laissait pas deviner, comme si l'aspect compassionnel du film le condamnait à devenir gnan-gnan et à se terminer dans un conformisme bon teint digne d'un dimanche soir sur TF1.

Au final, je le conseille plutôt, car la modestie et la sincérité du propos l'emporte pour moi sur les maladresses.

 

2e

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Les survivants

Premier film de Guillaume Renusson, Les survivants est une sorte de western hivernal. D'un côté un groupe de trois locaux voulant chasser du réfugié et de l'autre, un veuf bougon qui se trouve par hasard à aider une migrante afghane.

Curieusement, le rôle de Denis Ménochet présente beaucoup de similitudes avec celui qu'il joue dans As bestas : même visage taciturne et imperturbable, même confrontation violente avec des locaux obtus, même immersion dans une nature plus hostile qu'accueillante, même difficulté à exprimer ses sentiments.

Par rapport à celui de Sorogoyen, le film de Renusson est bien plus sec et moins tarabiscoté. La fuite de ce couple de circonstance est filmée comme une épure, souvent haletante et parfois d'une brutalité crue, qui pourra rappeler le cinéma de Peckinpah.

Il faut reconnaître au réalisateur une grande qualité : ne pas ajouter de superflu à ce thriller neigeux qui n'en a pas besoin (pas de sentiments amoureux entre les deux protagonistes, pas de scènes d'émotions tire-larmes et une fin sèche comme un coup de trique).

On est curieux de voir ce que l'efficacité démontrée ici par Renusson donnera, appliquée à un script moins linéaire et plus complexe.

 

2e

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In viaggio

Drôle de film que ce documentaire uniquement constitué d'images d'archives officielles du Vatican, assemblées par le cinéaste italien Gianfranco Rosi.

Le travail de ce dernier vaut habituellement par les sublimes images qu'il tourne (Fuocoammare, Notturno).

On est donc forcément assez déçu de n'avoir ici que des images tournées par d'obscurs cameramans papaux, fussent-elles montées brillamment.

Ceci étant dit, le film présente deux intérêts : on prend conscience de l'aspect universel du métier de Pape (la planète semble ridiculement petite, enjambée par François avec une facilité déconcertante) et on découvre avec curiosité la personnalité attachante du souverain pontife.

L'amour que ce dernier reçoit, comme celui qu'il donne, irradient In viaggio et suscitent chez le spectateur un étonnement intrigué et ému. François apparaît ainsi plus comme une grande figure de gauche que comme un homme de foi (j'ai longtemps attendu qu'il prononce le mot Dieu dans ses discours).

A voir éventuellement, par curiosité.

Gianfranco Rosi sur Christoblog : Fuocoammare - 2016 (****) 

 

2e

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Nos frangins

Lorsqu'un film décrit des faits divers dramatiques récents comme le fait Nos frangins, il doit choisir entre deux options : la reconstitution minutieuse et documentée, ou le développement d'un point de vue mettant la psychologie de certains personnages en valeur.

Rachid Bouchareb ne réussit ni l'un ni l'autre,  en s'égarant quelque part entre ces deux possibilités.

Côté reconstitution, il faut noter l'utilisation intéressante des archives, qui se mêlent habilement avec les images de fiction. Pour le reste, on reste sur sa faim, n'apprenant pas grand-chose de nouveau sur l'enchaînement des évènements durant ces quelques jours. 

L'introduction de personnages de fiction est particulièrement ratée : le flic de l'IGS par exemple, joué par Raphael Personnaz, traverse le film comme un spectre inexpressif. Il ne fait que ralentir sans raison l'intrigue.

Les acteurs principaux surjouent tous leur personnage, Samir Guesmi dans l'égarement hébété, Lyna Khoudri dans l'effondrement dépressif, Reda Kateb dans la colère agressive puis l'incompréhension passive.

Le découpage du film m'a semblé très mauvais. Le fait d'avoir saucissonné la scène fatale de l'agression en la répartissant tout au long du film m'a paru maladroit, voire même gênant : comme si Bouchareb voulait soutenir artificiellement l'intérêt du spectateur. 

Au final, et c'est un comble, j'ai trouvé que Nos frangins ne rendait pas justice au sort de Malik Oussekine, et encore moins à celui d'Abdel Benyahia, que le film semble d'ailleurs traiter plus superficiellement que celui de Malik, reflétant tristement une disparité de traitement au sein-même du film.

Rachid Bouchareb sur Christoblog : Indigènes - 2006 (**)  

 

1e

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Joyland

Difficile de dire ce qui est le plus remarquable dans ce premier film de Saim Sadiq, qui a reçu le prix du Jury, section Un certain regard, au dernier festival de Cannes.

Le script est d'abord d'une grande qualité. Embrassant un nombre important de personnages sans en négliger aucun, l'histoire nous mène par le bout du nez, sans que l'on puisse jamais deviner quelle sera sa prochaine évolution. Dans ce registre, il n'y a que Leila et ses frères qui puisse cette année rivaliser avec Joyland.

Pour un premier film, la mise en scène est bluffante d'efficacité. Travail sur le son, cadrages osés, couleurs vives et lumières directes, lents mouvements de caméra, changements de ton assumés, gros plans, plan-séquence virtuose : le réalisateur pakistanais impose un style qui lui est propre, toujours au service de ce qui est raconté. Du grand art.

L'interprétation est enfin incroyablement convaincante. Du personnage principal (Ali Juheno) à la trans (Alina Khan) en passant par tous les personnages secondaires, la distribution brille par son homogénéité et son originalité : chaque personnage brille par une personnalité bien dessinée, à l'image de la femme de Haider.

Si on ajoute à toutes ses qualités intrinsèques l'intérêt du tableau que dessine Joyland de la société pakistanaise dans son ensemble, on tient vraiment là un des tous meilleurs films de l'année 2022.

Allez-y, vous passerez du sourire aux larmes, et de la curiosité à l'émerveillement. 

 

4e

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