Sara et Cata vivent avec leur mère divorcée, et la compagne de cette dernière.
Dans le Chili actuel, il n'est pas forcément évident d'avoir deux mamans, et le quotidien de la petite Sara va progressivement basculer au gré des évènements, alors que le papa tente de récupérer hors champ (on ne verra jamais le juge) la garde des deux fillettes.
La réalisatrice Pepa San Martin choisit, d'une façon devenue assez classique, de conter son histoire à travers les yeux de Sara : c'est à la fois le charme et les limites du film. L'approche pré-adolescente est pleine d'un charme non dénué d'ambiguité (l'attitude de Sara avantage indirectement et contre son gré le projet de son père), mais on regrette parfois de ne pas avoir plus de visibilité sur la façon dont l'homosexualité est perçue au Chili.
Rara est un film d'une touchante délicatesse, réalisé avec beaucoup de douceur et bien interprété, notamment par la très convaincante Mariana Loyola.
Free fire est une nouvelle preuve de ce que l''on savait déjà : Ben Wheatley a un talent fou, qu'il n'exploite que de façon parcimonieuse.
Comme souvent chez Wheatley, l'argument du film sonne comme une invitation à l'exercice de style : un gunfight en huis-clos dans un entrepôt, avec reconstitution des années 70 (donc sans téléphone portable, si vous pouvez imaginer cela).
Evidemment, tout invite à penser à Tarantino : la fascination pour les armes, les punchlines égrenées comme des perles dans un collier, l'utilisation percutante de la musique, le rôle musclé et déterminant de la seule femme du casting (excellente Brie Larson), les situations sadico-ubuesques, etc. Mais là où Tarantino parvient à faire décoller sa fusée, Wheatley ne réussit malheureusement qu'à attiser notre curiosité avant de la lasser.
Le film vaut donc surtout par l'intérêt qu'on pourra porter à ses "tronches" et à leurs interactions. Pour ma part, j'ai apprécié le jeu de chamboule-tout que propose le scénario, sans porter trop d'attention aux longueurs de la deuxième partie, et en jouissant du plaisir simple que procure une tête écrasée sous une roue de camion. Je rigole.
Okja ne sortira pas en salle, et c'est bien triste. Pour ceux qui, comme moi, pensent que le média cinéma ne peut se concevoir sans l'expérience du collectif, du grand écran et de l'extérieur, la nouveauté n'est pas plaisante.
On peut penser que les réalisateurs qui se dirigeront vers Netflix comprendront progressivement que leur propre intérêt n'est pas de travailler à la mort de leur activité : Bong Joon-ho affirme que Netflix lui a laissé toute liberté pour réaliser son film, mais quel intérêt si le grand public n'a pas accès à Okja ?
Heureusement, je suis persuadé que le modèle Netflix n'est pas destiné à triompher : son audience se rendra finalement compte qu'elle est prisonnière, l'effet de mode passera et les auteurs ne se priveront pas aussi facilement de la reconnaissance associée à une sortie en salle (ainsi que d'une sélection au Festival de Cannes, par exemple, pour les plus talentueux d'entre eux).
Mais revenons au film. Le dernier opus de Bong Joon-ho est à la limite du film pour enfant. Le début de Okja, dans la forêt coréenne, est très réussie : images époustouflantes, travail hyper réaliste et réussite totale de la première scène d'action le long de la falaise. Le second degré à la sauce coréenne (avec une bonne dose d'auto-dérision) est manié à la perfection par le réalisateur, même si ce n'est pas toujours très fin. La façon dont la mode des selfies est croquée est délicieuse.
L'attaque par les terroristes écolos très politiquement corrects est à mourir de rire. Elle marque, avec la course poursuite remarquable dans le supermarché, l'apogée du film, qui dans sa deuxième partie perd petit à petit en consistance.
Comme si souvent pour les cinéastes du monde, le talent du coréen semble se diluer dans le mauvais goût et les conventions une fois qu'il s'exerce aux USA. Même si Tilda Swinton et le reste du casting fait de son mieux (à l'exception notable de Jake Gyllenhaal qui signe ici sa pire prestation), le film ronronne tout à coup. Les scènes coréennes donnaient l'impression d'être ouvertes sur la ville, celles de New York semblent enfermées dans une sorte de cour miniature sclérosante.
Je résume. Deux films dans Okja : le premier coréen, très bon, le second américain, médiocre.