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Christoblog

Les premiers les derniers

Un Mad Max façon bisounours, voilà à quoi fait penser le dernier film du bon géant Bouli Lanners.

Le réalisateur belge aime toujours autant filmer les personnages dans les marges, en transformant les simples paysages du Bénélux en décor d'aventure.

Ici, c'est assez réussi d'un point de vue esthétique : les images sont surprenantes et le contexte intrigant.

Les premiers les derniers est définitivement un film de "tronches" : Bouli Lanners himself en nounours fragile, Dupontel toujours aussi magnétique, Michael Lonsdale en vieux monsieur précieux qui sait ce qu'il fait, Suzanne Clément en jolie-femme-mûre-au-gros-pull-de-laine-qui-connait-la-vie. 

D'histoire il n'est pas vraiment question. Le film suit paresseusement un téléphone portable et ses personnages dans des no man's land de western belge, ne s'attachant finalement qu'à dresser à petites touches pointillistes une chronique de gentils très gentils et de méchants pas très méchants.

C'est parfaitement inconsistant.

Bouli Lanners sur Christoblog : Les géants (*)

 

2e

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The revenant

Iñárritu est doué, quand il s'agit d'emballer une scène sur un tempo d'enfer en immergeant le spectateur dans ce qui ressemble vraiment beaucoup à la réalité.

A ce titre, l'attaque initiale du camp, la rencontre avec l'ours et quelques autres scènes sont de véritables morceaux de bravoure.

Si le film s'était cantonné à un manuel de survie en milieu hostile, sec et précis, il aurait probablement plus captivé. L'ajout inutile du personnage du fils (qui n'existe pas dans le livre) et le salmigondis pseudo mystique que constituent les visions du héros tendent à dévaloriser le film, qui ne sait plus trop où se situer : à mi-chemin entre un documentaire aux belles images type National Geographic et une errance spirituelle à la Malick des mauvais jours.

Du coup, l'épreuve est beaucoup trop longue (2h40 qui durent, qui durent), d'autant plus que The revenant se résume à son contenu programmatique, qu'on connaît en entrant dans la salle : un homme survit et se venge.

DiCaprio ne m'a pas fait forte impression : porter un maquillage de scarifié et rouler des yeux en mangeant du foie cru ne fait pas un grand acteur. J'ai trouvé par contre les autres personnages de trappeurs excellents, notamment le méchant, parfaitement joué par Tom Hardy.

Le cinéma d'Iñárritu ne se réalise au final peut-être que dans la performance ébouriffante, comme c'était le cas dans Birdman. La demi-mesure semble lui être interdite.

Iñárritu sur Christoblog : Birdman (****)

 

2e

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Un jour avec un jour sans

Certains trouvent que les films de Hong Sang-Soo se ressemblent tous, au prétexte qu'ils mettent toujours en scène le même type de relations homme / femme, et qu'ils sont parsemés des mêmes gimmicks (café, alcool, réalisateur).

Ils n'ont pas tout à fait tort. Le cinéaste coréen cherche visiblement depuis plusieurs films à travailler sur la forme de ses scénarios, plutôt que sur leur contenu.

Ici le prétexte est séduisant et casse-gueule à la fois : raconter la même histoire deux fois de suite.

Dans les deux cas, nous assistons à une rencontre entre un jeune cinéaste venu présenter son film dans une petite ville et une jeune femme artiste. Les deux parties du film comprennent en gros les mêmes épisodes, les mêmes décors et parfois même les mêmes dialogues. Les mouvements de caméras ne sont pas les mêmes, les scènes présentent des variations parfois notables et surtout le caractère des personnages (ou leur humeur ?) semblent différents dans les deux versions de la même histoire.  

Les conséquences de ces variations sont plus ou moins importantes et rendent la conclusion de l'histoire différente dans les deux cas. 

Un jour avec un jour sans est donc un jeu subtil et délicat qui pourra en rebuter plus d'un. Et si de plus on est allergique à l'obséquiosité des Coréens, le film pourra être franchement rebutant.

Pour les curieux qui aiment disséquer les différences d'ambiance et de tempo, qui cherchent à voir des signes là où il n'y en pas, et qui aiment en général couper les cheveux en quatre (voire en huit, ou seize), le film paraîtra un nectar délicieux explorant le champ des possibles.

Pour ma part, j'ai oscillé pendant tout le film entre les deux points de vue.

 

2e

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La terre et l'ombre

Les tout premiers plans de La terre et l'ombre donnent le ton : le film va être une splendeur visuelle. 

Et effectivement, il l'est. Des noirs envoutants, des cadrages parfaits, des contrastes éblouissants, des travellings ensorcelants, des plans d'anthologie, une bande son captivante : le film est d'abord un enchantement des sens. On se souviendra longtemps de ces pluies de cendres ou de ce rideau flottant dans le vent.

Au-delà de sa perfection plastique, le film de César Acevedo est une formidable histoire mélodramatique. Un homme revient dans sa ferme natale, parce que son fils souffre d'une terrible maladie du poumon. Pourquoi est-il parti ? Pourquoi sa femme ne l'a-t-elle pas suivi ? Le film répond à ces questions en dressant au passage un tableau documentaire de la culture de la canne à sucre très intéressant.

Les conditions de travail très dures des ouvriers sont admirablement dénoncées, sans que cela ne soit jamais lourdement accusateur. Ce que montre le film suffit à susciter l'effroi.

Légitime Caméro d'or du dernier Festival de Cannes, La terre et l'ombre prouve à la planète cinéphile que le cinéma colombien est l'un des plus florissants d'Amérique Latine.

A voir absolument.

 

4e   

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Le trésor

Comme le savent les plus fidèles de mes lecteurs, je rate rarement lors de leur sortie en salle les films de mes pays chouchous : Roumanie et Corée.

Impossible donc de ne pas évoquer sur Christoblog le dernier film de Corneliu Porumboiu. 

Ce dernier n'est pas mon réalisateur roumain préféré, mais Le trésor est certainement son film le plus accessible et le plus plaisant.

Le thème du film est celui d'un film italien des années 70, entre misère sociale et causticité bon enfant : un homme pense qu'un trésor est enterré dans le jardin de ses grands-parents. Il entraîne son voisin, un bon père de famille sans histoire, dans l'aventure.

Evidemment, la recherche de ce trésor familial va s'avérer plus compliqué et inattendu que prévu, mettant en scène plusieurs des tares de la société roumaine contemporaine (jalousie de voisinage, corruption, lourdeurs admistratives). Le film est réussi en cela qu'il emprunte des pistes qui sont systématiquement surprenantes. Sans rien révèler de l'intrigue on peut dire que ce qui arrive est à chaque fois l'option la moins prévisible.

Le trésor, sous ses apparences de comédie dégingandée et burlesque, est une apologie de la rationalité opiniâtre. Dis comme ça, pas évident que cela vous donne envie d'y aller. A vous de voir.

 

2e

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The danish girl

Ceux qui, comme moi, avaient aimé Le discours d'un roi trouveront dans ce nouveau film de Tom Hooper une partie des qualités qui les avaient séduit dans l'histoire de Georges VI.

A savoir : une réalisation très soignée, un scénario habile sur un sujet intéressant, des thématiques modernes dans un cadre ancien, un montage plutôt alerte, et de belles scènes d'émotion.

Le cinéma de Hooper est tellement léché, tellement joli, que le réalisateur doit en permanence faire attention à ne pas franchir les limites qui feraient de ses films des illustrations glacées. Dans Le discours d'un roi, la prestation de Colin Firth, toute en subtilité, permettait de trouver un équilibre fragile, à la frontière du maniérisme.

Dans The danish girl, malheureusement, il m'a semblé que la limite du mauvais goût était plus d'une fois dépassée : Eddie Redmayne surjoue parfois à force de minauderies, alors que Matthias Schoenaerts, en potiche accomodante, ne joue pas, les décors sont trop propres pour être vrais, les scènes sont trop explicites ou trop tire-larmes (à l'exemple de l'écharpe de la fin). 

Le film, par sa direction artistique archi-propre, n'évite donc pas sur la durée le style académique corseté. La musique d'Alexandre Desplat, un peu guindée, renforce l'aspect artificiel du film.

Si l'histoire racontée est sur le papier très instructive, j'ai trouvé que le scénario de Lucinda Coxon était un peu trop sage. Il évite soigneusement les aspects les plus crus (la sexualité, les détails médicaux, les dilemnes psychologiques) pour ne se concentrer que sur les aspects les plus mélodramatiques de l'histoire. Il sacrifie aussi en partie le personnage de Gerda, dont la force de caractère est pourtant formidable.

Une déception.

Tom Hooper sur Chrsitoblog : Le discours d'un roi (****)

 

2e

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Les chevaliers blancs

Le cinéma de Joachim Lafosse a quelque chose de froid et d'intrigant.

On ne sait jamais trop quoi penser de ce qu'il nous montre : faut-il prendre les choses au premier ou au deuxième, voire troisième degré ?

De ce tableau très réaliste de ce que fut l'épopée picaresque et ridicule de l'Arche de Zoé, on ne sait pas exactement quoi retenir. Peut-être simplement cette évidence : la détermination n'a pas besoin d'être malhonnête pour être dangereuse, il lui suffit d'être stupide.

Le point faible du film est de ne pas ménager assez de suspense sur la motivation des uns et des autres, les cartes sont trop rapidement abattues dans un contexte qui nécessiterait (encore) plus de subtilité machiavélique dans l'écriture du scénario.

Le point du fort du film est de placer Vincent Lindon, icone de l'intransigeance morale depuis La loi du marché, dans la position amigüe de celui qui se trompe de combat.

Au final, malgré ses indéniables qualités de mise en scène, il n'est pas naturel de conseiller sans états d'âme la vision des Chevalier blancs : à vous de voir. 

Joachim Lafosse sur Christoblog : A perdre la raison (***)

 

2e

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Les délices de Tokyo

Certains pourront penser que la sélection du dernier Naomi Kawase dans la section Un certain regard du festival de Cannes s'apparente à une relégation en Ligue 2, pour elle qui fut plusieurs fois dans la sélection officielle (et reçut le Grand Prix en 2007 pour La forêt de Mogari).

Ce serait une faute de goût et une erreur d'appréciation : Les délices de Tokyo est certes un film moins ambitieux dans son propos que Still the water, par exemple, mais il en n'est pas moins délectable. 

Le panthéisme voilé de Kawase se teinte ici de colorations tendres qui font se rapprocher son style de celui de Hirokazu Kore-Eda.

Les éléments naturels (fleurs de cerisier, haricots rouges, lune) restent toujours les intercesseurs entre notre monde et l'autre, mais ce sont ici plus que jamais peut-être dans son cinéma les rapports entre êtres humains qui fascinent. Le plissement d'une lèvre, l'étonnement dans un oeil, un muscle de la joue qui se contracte, une larme qui fraie son chemin : les visages deviennent des reflets vivants de l'univers, et c'est magnifique. 

Tout cela paraitrait bien niais si la mise en scène somptueuse de Kawase ne venait pas transcender ce réseau de solitudes croisées pour en faire une sorte d'hymne à ... à quoi exactement ? Peut-être simplement au plaisir d'être au monde.

 

4e 

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