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Christoblog

En route pour le Festival de Cannes 2016

Du 11 au 22 mai 2016, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette.

Pour mes avis immédiats à la sortie de chaque projection, vous pouvez me suivre sur Facebook ou Twitter, comme plus de 400 fidèles. 

Et maintenant, voici mes commentaires sur la sélection officielle, qui compte 49 films parmi ... 1869 visionnés.

Un certain regard

Par rapport à d'autres années, pas beaucoup de grands noms à Un certain regard. 

A noter tout de même le nouveau film des soeurs Coulin (Voir du pays), dont j'avais beaucoup aimé 17 fillesComme Weerasethakul l'année dernière, Hirokazu Kore-Eda, habitué de la compétition, présentera son nouveau film (After the storm) dans cette section un peu moins prestigieuse.

Beaucoup de commentateurs sont impatients de découvrir Apprentice, le film du singapourien Boo Junfeng, produit par Eric Khoo. A noter aussi la présence du japonais Koji Fukada (Harmonium), qui a été récompensé à Nantes pour son film précédent, Au revoir l'été, dont je ferai bientôt la chronique. Comme souvent, Cannes fera un clin d'oeil à Sundance, en montrant The transfiguration, de Michael O'Shea, qui fut très bien reçu dans le festival américain.

On verra aussi le nouveau film de l'égyptien Mohamed Diab (Clash), dont j'avais beaucoup aimé Les femmes du bus 678. A noter pour terminer un film d'animation, fait rarissime à Un certain regard, avec La tortue rouge, du néerlandais Mickael Dudok de Wit.

Il y aura aussi des films roumain, israélien, iranien, finlandais, russe et argentin.

Hors compétition / Séances Spéciales / Séances de minuit

On savait déjà que Woody Allen faisait l'ouverture avec Café Society. Les USA seront très présents avec Steven Spielberg qui présentera son film familial, Le bon gros géant, Judi Foster (Money Monster) et Shane Black (The nice guys).

Dans un genre radicalement différent, on verra aussi le dernier film d'Albert Serra, avec Jean Pierre Léaud en Louis XIV vieillissant (La mort de Louis XIV). Pas sûr que je cherche à le voir, Serra m'ayant offert une de mes pires séances de cinéma avec Le chant des oiseaux.

Jim Jarmusch présentera un documentaire sur Iggy Pop (Gimme danger) et le grand Mahamat-Saleh Haroun un autre sur Hissein Habré

Je suis très impatient de voir le nouveau film du coréen Na Hong-Jin (le réalisateur de The Chaser et The Murderer)  : Goksung.

En compétition

C'est probablement, sur le papier, la plus intéressante sélection vue depuis des lustres. Tous les films font envie, quasiment sans exception. La liste équilibre grands noms, jeunes pousses et des cinéastes pas forcément habitués à être en compétition.

D'abord, les réalisateurs les plus connus sont là : Almodovar (Julieta), les frères Dardenne (La belle inconnue, avec Adèle Haenel), Olivier Assayas (Personal shopper, avec Kristen Stewart), Xavier Dolan (Juste la fin du monde, avec un casting incroyable, Léa Seydoux, Gaspard Ulliel, Marion Cotillard ), Bruno Dumont (Ma loute) dont j'attends énormément, Jim Jarmusch (Paterson), Nicole Garcia (Mal de pierre), Ken Loach pour son dernier dernier film (I, Daniel Blake), Cristian Mungiu, qui cherchera une deuxième Palme d'Or (Baccalauréat), Jeff Nichols, dont Midnight special est encore sur les écrans, qui présentera Loving, Park Chan-Wook, le réalisateur culte de Old boy (The handmaiden), Sean Penn (The last face), Paul Verhoeven avec Isabelle Huppert d'après Philippe Djian (Elle), Nicolas Winding Refn (The neon demon) et Asghar Farhadi qui a tourné The salesman en Iran avec les acteurs qui jouaient dans Une séparation.

A cette liste déjà époustouflante s'ajoutent les cinq noms suivants, qui me font saliver d'avance. Andrea Arnold (Fish tank, Red road), que j'adore, montrera son premier film américain, American HoneyAlain Guiraudie, l'excellent réalisateur de L'inconnu du lac, franchit pour la première fois la barrière de la compétition avec Rester verticalKleber Filho Mendonça, que le monde entier a découvert avec Les bruits de Récife, représentera le Brésil (Aquarius). Brillante Mendoza, le philippin, et Cristi Puiu, le roumain, deux de mes réalisateurs chouchous, complète la liste merveilleusement avec Ma'Rosa et Sieranevada.

Il faut toujours un inconnu total dans une sélection (en tout cas de moi, et de Allociné) : ce sera l'allemande Maren Ade (Toni Erdmann).

A noter l'absence de films italiens cette année, alors que l'Allemagne fait son retour en compétition pour la première fois depuis bien longtemps.

Un programme gargantuesque... en attendant le programme de la Semaine de la critique et de la Quinzaine des réalisateurs. 

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Green room

Après le très réussi Blue ruin, j'attendais un peu Jeremy Saulnier au tournant. Son second film allait-il décevoir, comme c'est si souvent le cas ?

Eh bien la réponse est oui et non. 

Oui, si on s'attendait à un changement radical de style, non, si on aime le film de genre remarquablement écrit, sec et étouffant.

Encore plus que Blue ruin, Green room est oppressant de bout en bout. Le script est minimal : une bande de jeune rockers est témoin d'un meurtre dans un club punk-rock néo-nazi isolé (oups, c'est ballot !), et s'enferme dans une pièce, alors que le patron du lieu cherche à les exterminer un par un.

C'est simple, efficace, et parfois un peu gore. En réalité, l'action est moins sanglante qu'on peut le craindre pendant tout le film, et c'est sûrement là sa force. Saulnier filme merveilleusement bien les scènes d'action comme celles de répit, et instille dans Green room cet humour un peu distant et ironique qui irriguait déjà son précédent film.

Le scénario s'ingénie à nous jouer quelques tours, sans jamais tomber dans la surenchère, et donne l'impression de filer droit comme une flèche à travers ce groupe de personnages complètement paumés, qui possèdent chacun une silhouette, une personnalité bien dessinée. Saulnier possède aussi un talent remarquable pour installer en quelques plans l'ambiance d'un lieu.

De la belle ouvrage, à déconseiller cependant aux âmes sensibles et aux enfants de moins de 12 ans.

Jeremy Saulnier sur Christoblog : Blue ruin (***)

 

3e  

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Lenny

Ce qu'il y a de frappant quand on voit un chef-d'oeuvre un peu ancien, c'est de constater à quel point le talent des grands réalisateurs reste évident malgré le temps qui passe. 

Nos yeux ne sont plus forcément habitués à ce grain de noir et blanc, au son parfois un peu déficient, gavés que nous sommes par l'enchaînement des sorties à la trame médiocre mais à la technique irréprochable. Il ne faut pourtant que quelques minutes pour se laisser happer par l'incroyable maestria de Bob Fosse, ici au meilleur de sa forme et peut-être à ce moment-là le meilleur réalisateur du monde.  

Deux ans avant, Fosse a réalisé le sublime Cabaret, et quatre plus tard il signera un des plus beaux films de tous les temps, All that jazz, justement récompensé par la Palme d'or à Cannes en 1980. Bob Fosse n'aura réalisé durant sa carrière que cinq films. Il aura finalement plus exercé comme chorégraphe et metteur en scène de comédies musicales que comme cinéaste, considérant les films comme une autre façon de parler de lui-même, ce qui l'intéresse avant tout.

En évoquant la vie plutôt triste de Lenny Bruce, comique provocateur inventeur du stand-up dans les années 50/60, il cherche à décrire l'hypocrisie de l'Amérique mais aussi, et surtout, le souffle de liberté (sexe, drogue, idées, excès en tout genre) que lui-même expérimentera tout au long de sa vie agitée.

Dustin Hoffman et Valérie Perrine (qui reçoit le prix d'interpértation féminine à Cannes) réussissent tous les deux une incroyable prestation, mais ce que je retiens du film c'est la perfection du montage, l'admirable complexité de la construction (le film alterne les spectacles reconstitués, les témoignages a posteriori et les scènes de vies réelles), la qualité de la photographie et la virtuosité de la mise en scène.

Peu de films d'aujourd'hui (à l'image de La vie d'Adèle) peuvent revendiquer d'être à la fois émotionnellement extrêmement fort et plastiquement admirable, tout en offrant une riche palette de thématiques différentes. Lenny fait partie de ces films qui impressionnent votre rétine et votre cerveau simultanément, et avec la même force.

 

4e  

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En route pour le Festival de Cannes 2016 (2)

Après avoir examiné dans le détail la sélection du Festival de Cannes proprement dit, regardons maintenant ce que nous proposent les sections dites parallèles.

Quinzaine des réalisateurs

Côté Quinzaine, il n'y a pas eu d'effet "débauchage" comme l'année dernière. Edouard Waintrop avait été très fier d'annoncer en 2015 qu'il accueillait Gomes et Desplechin, dont les films avaient été refusé dans la sélection officielle. 

Cette année, Bertrand Bonello n'a pas plus intéressé Waintrop que Frémaux, et son film Nocturama est du coup annoncé à ... San Sebastian.

L'édition 2016 de la Quinzaine est placée sous le signe de deux glorieux anciens : Marco Bellochio fera l'ouverture avec Fais de beaux rêves, et Paul Schrader offrira une clôture de prestige (Dog eat dog, avec Nicolas Cage et Willem Dafoe).

Au rayon du très lourd qui ferait le bonheur de Berlin ou Venise, il faut noter les nouveaux films de Joachim Lafosse (L'économie du couple), de l'excellent Pablo Larrain (Neruda) ou encore celui de l'italien Paolo Virzi (La pazza Gioia).

On retrouvera également des cinéastes particulièrement suivi par la Quinzaine : Anurag Kashyap (dont j'avais aimé Gangs of Wasseypur), Alejandro Jodorowsky ou Rachid Djaïdani (révélé au même endroit par Rengaine) qui présentera Tour de France, avec ... rien moins que Gérard Depardieu !

Ajoutons à ce programme déjà copieux l'émotion de découvrir de façon postume le dernier film de la formidable Solveig Anspach (L'effet aquatique), la curiosité provoquée par les documentaires de Sébatien Lifshitz (Les vies de Thérèse, une sorte de spin off des Invisibles) et celui de Laura Poitras (Risk, sur Julian Assange)... la Quinzaine est comme chaque année the place to be

NB : Je n'oublie pas Ma vie de courgette, énigmatique long-métrage d'animation de Claude Barras, sur un scénario de Céline Sciamma, et le nouveau film du canadien Kim Nguyen, Two lovers and a bear, dont j'avais adoré le trop méconnu Rebelle.

 

Semaine de la critique

La Semaine ne sélectionnant que des premiers ou des deuxièmes films, il est évidemment plus difficile de se faire une idée de la sélection. 

Parmi les sept films en compétition, j'ai tout de même noté Grave, de Julia Ducourneau, dont le pitch laisse rêveur : une jeune fille issue d'une famille de vétérinaires végétariens (!) se découvre un vrai goût pour une ... certaine viande. 

Nul doute que ça se bousculera aussi pour l'ouverture : le deuxième de film de Justin Triet, (Victoria, avec Virginie Efira) remarquée avec La bataille de Solférino, intrigue beaucoup. 

Hors compétition, on notera aussi Happy Times, de l'italien Alessandro Comodin, l'auteur du plébiscité Eté de Giacommo

En clôture, salve de trois courts-métrages qui permettra de réunir trois réalisatrices en herbe de haute volée : Sandrine Kiberlain, Chloe Savigny et Laetitia Casta : ça devrait là aussi se bousculer à l'entrée !

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Johnny got his gun

A l'occasion de la sortie du film Dalton Trumbo, le 17 avril, je reviens sur le film majeur de ce réalisateur :

Histoire d'une âme

Johnny got his gun s'ouvre sur un plan culotté. L'écran est complètement noir pendant une dizaine de secondes, on entend juste le bruit d'une respiration.

Puis on découvre trois chirurgiens en contre-plongée qui évoquent ce qu'il voient. Cette vue subjective (le spectateur est brutalement placé à la place du personnage principal), donne la tonalité et l'ambition du film : donner à ressentir la situation d'un homme qui a perdu ses jambes, ses bras, ses yeux, ses oreilles et sa bouche.

L'action du film se situe durant la première guerre mondiale. Johnny vient de subir l'horrible accident qui le réduit à l'état de "tas de viande" (a piece of meat), comme il le dit lui-même. Les médecins pensent qu'il n'est pas conscient, mais Johnny, s'il a perdu les sens, n'a pas perdu son âme.

Johnny se souvient. Johnny rêve. Puis Johnny, dans un vertige métaphysique, se demande comment savoir s'il rêve ou pas. Alors que les scènes au présent sont tournées dans un joli noir et blanc, les scènes de souvenirs ou de rêves le sont en couleur. Les deux premières sont de purs souvenirs, mais la troisième scène mentale donne à voir un drôle de colosse blond (incroyable Donald Sutherland), qui s'avère être Jésus parlant à un groupe de futurs soldats morts. 

La force de Johnny got his gun tient avant tout à cet incroyable postulat : nous allons être dans la tête d'un homme pendant 1h50, entendre ce qu'il pense, ressentir ce qu'il sent, voir ce qu'il imagine.

 

Oeuvre totale

Après une ouverture très classique, Johnny got his gun s'envole vers des sommets à la fois oniriques (avec licorne et visite des morts au programme) et triviaux (la sensation qu'un rat va dévorer le visage de Johnny). Ils sont rares les films qui parviennent à la fois à nous emmener dans des mondes imaginaires et à nous conter des histoire bassement, affreusement réelles : je ne vois qu'Elephant man de David Lynch et Mysterious skin de Gregg Araki, pour réussir cette fusion des contraires à très haute densité émotionnelle.

Si le film de Trumbo est assez classique dans sa forme (rien à voir avec la virtuosité des réalisateurs du Nouveau Hollywood qui émergent à cette époque), il réussit une prouesse rare et estimable : allier l'esthétique du film à une réflexion politique, émoitonnelle et métaphysique.

A me lire, certains qui ne connaissent pas le film craindront le pensum à la Tarkovski. Qu'ils se rassurent, c'est plutôt Hitchcock que le film évoque. Il est une tranche de vie magnifique, un plaidoyer anti-militariste bien sûr, mais aussi un thriller psychologique :  Johnny pourra-t-il sortir de sa prison intérieure et communiquer avec son entourage ? Si oui, comment et que deviendra-t-il ? Sa vie a-t-elle encore un sens ? Que l'extérieur peut-il pour lui ?

 

Coup d'essai, coup de maître

Seul film de l'écrivain et scénariste Dalton Trumbo (tiré se son propre roman paru en 1949, quelques jours après le début de la deuxième guerre mondiale), Johnny got his gun est sorti en 1971 et a emporté le Grand Prix du Jury à Cannes cette année-là, en pleine guerre du Viet Nam. Il est parfois considéré comme le plus grand film anti-militariste jamais tourné, entraînant avec lui un large spectre de fans absolus, de John Lennon à ... Metallica (la video du morceau One s'appuie sur les images du film)

En revoyant Johnny pour répondre à l'invitation du Bleu du miroir, dans une jolie édition DVD proposant des bonus intéressants, la force du film m'apparaît intacte. Sans être génial au sens cinématographique du terme, il est porté par une énergie souterraine d'une incroyable intensité, qui sidère et dérange à la fois. La force qui a permis à Trumbo de réaliser son film contre le système des studios iradie de la pellicule. Il faut dire que le pauvre, inscrit sur la fameuse liste noire, avait déjà eu à lutter contre le système. 

Aujourd'hui, certains détails m'apparaissent, que je n'avais pas remarqué lors de ma première vision, comme cette scène osée où il me semble que l'infirmière est en train de masturber Johnny, et comme de nombreuse allusions psychanalytique et/ou surréalistes (le père mort est avec la fiancée de Johnny, etc). 

Ces éléments rappellent que Luis Bunuel et Salvador Dali furent sollicités par Trumbo pour travailler sur le film. Ils refusèrent tous deux, Bunuel se contentant d'écrire le texte du Christ dans le film. Bunuel avait lui-même failli adapter le roman de Trumbo en 1965.

Puissant, troublant, bouleversant : Johnny got his gun fait partie de ces films dont le fond prime sur la forme. Ce sont ceux que je préfère.

 

3e  

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L'avenir

Il y a une sorte de masochisme dans mon activité de blogueur : me forcer à aller voir des films de réalisateurs/trices, dont j'ai abondamment détesté tous les films (voir ci-dessous). Appelons ça conscience professionnelle, ou conviction optimiste qu'on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise.

Avec son nouveau film, Ours d'argent à Berlin, Mia Hansen Love, réussit presque à me conforter dans ma position : je n'ai pas détesté (pour une fois) L'avenir, même si je n'irais pas jusqu'à dire que je l'ai aimé.

Isabelle Huppert joue ici comme joue habituellement Isabelle Huppert : en imitant Isabelle Huppert. Port de tête magnifique, dos bien droit, hésitation bien amenée dans les dialogues, menton en galoche parfois pointé vers le haut, habile jeu avec la commissure des lèvres, air surpris un peu idiot et compassé ("Et moi qui pensais que tu m'aimerais toujours"). Bref, comme d'hab.

La pauvre Isabelle (en fait son personnage s'appelle Nathalie, mais ce prénom ne va pas du tout à Isabelle) passe par bien des malheurs dans le film : son mari la quitte, sa mère meurt, un jeune étudiant qu'elle admire la déçoit, son éditeur la vire. Mais comme elle est proche de philo, elle trouve du réconfort chez Lévinas ou Jankélévitch. Et puis elle est grand-mère et le bébé a un très beau sourire.

Voilà.

Je ne sais pas trop vous dire d'autre, parce que le film ne se distingue pas par un trait particulier. Il est plutôt agréable à regarder, le sentiment du temps qui passe est assez bien rendu (c'est la principale qualité de Mia Hansen-Love). J'ai juste eu souvent l'impression que les personnage ne parlait pas au bon moment, de telle façon que la musique des dialogues chez Mia Hansen-Love semble toujours sonner faux à mes oreilles.

A la fin du film, je me demandais quel était le propos et l'intérêt du film. Ce n'est pas bon signe.

Mia hansen-Love sur Christoblog : Un amour de jeunesse (*) / Eden (*)

 

2e

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Les Ardennes

Au début, on a l'impression d'avoir vu ce type d'histoire mille fois : deux frères, un braquage qui tourne mal, l'un qui s'en sort et l'autre pas.

Que le frère qui échappe à la taule pique la copine de l'autre renforce le sentiment qu'on va assister à un énième ersatz de cinéma social, façon Dardenne (justement), mais en flamand, c'est à dire violent.

C'est d'ailleurs en partie vrai. Dans sa première partie, le film oscille entre de très bons moments lors desquels la sensibilité du casting fait merveille, et d'autres, qui semblent un peu convenus. La mise en scène de Robin Pront s'affirme dès les premiers plans comme tape à l'oeil, et plutôt agréable à regarder, même si elle semble essayer successivement toutes les possibilités de cadrage et de focale que le cinéma permet !

Vers le milieu du film, alors qu'on commence à s'intéresser vraiment à l'issue du conflit larvé entre les deux frères aux personnalités si différentes, Les Ardennes glisse tout à coup vers un tout autre genre : règlement de compte très noir et franchement gore, dans un décor de nature sauvage et inquiétante. Oui, je parle ici des Ardennes, montrées comme si c'était l'enfer sur terre. 

On aura rarement vu récemment au cinéma un décor aussi bien filmé. On peut d'ailleurs presque ranger dans ce décor le formidablement inquiétant acteur Jan Bijvoet, vu dans le décapant Borgman.

Le cinéma de Pront devient alors glaçant et jouissif, pourvu qu'on apprécie les rebondissements sanglants, l'équarissage de corps humain et les twists improbables. Le film rappelle alors un peu ceux du jeune Jeremy Saulnier (Blue ruin).

Avec un coup d'essai aussi frappant, et malgré les imperfections d'un premier film dans lequel il a voulu trop en mettre, Robin Pront semble promis à un grand avenir.

 

3e  

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Taklub

Présenté à Cannes en 2015 dans la section Un certain regard, et sorti d'une façon hyper-confidentielle en salle en 2016, Taklub est un film aux frontières de la fiction et du documentaire.

Le film décrit le quotidien de plusieurs Philippins un an après le passage du terrible typhon Haiyan, qui détruisit quasi intégralement la ville de Tacloban, y faisant plus de 10 000 morts.

On y suit le destin d'un homme qui perd sa femme et ses cinq enfants dans l'incendie d'une tente de fortune (scène terrible d'une densité incroyable), celui d'une femme divorcée qui tient un petit restaurant et qui a perdu ses deux enfants, celui d'un homme qui doit à l'inverse élever les deux siens alors que sa femme est décédée. On suit aussi un jeune garçon qui élève sa soeur alors que leurs deux parents sont morts.

OK, ce n'est pas gai, gai.

Taklub est un film dérangeant, austère, âpre, qui parvient parfaitement à réstituer le sentiment d'extrême précarité qui règne dans ce type de situation. Si on y retrouve le talent habituel du cinéaste philippin pour faire entrer un souffle de réalité extrêmement puissant dans l'image, il faut quand même considérer qu'il s'agit d'une oeuvre mineure dans sa carrière.

Mendoza réussit à captiver à quelques moments (les tests ADN, le glissement de terrain...), mais il manque au film quelque chose pour séduire complètement. Peut-être un scénario ?

Brillante Mendoza sur Christoblog : Kinatay (**) / Lola (**) / Captive (***) / Thy womb (***)

 

2e

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Quand on a 17 ans

On ne peut pas dire que le dernier Téchiné fasse durer longtemps le suspense : il ne nous faut que quelques instants pour sentir qu'il y a une attirance amoureuse entre les deux jeunes personnages, Tom et Damien.

La question qu'explore la film, c'est la suite. A partir de la naissance évidente de ce sentiment, que les deux garçons acceptent d'ailleurs plus ou moins, que va-t-il se passer ? 

Il faudra plusieurs trimestres et un certain nombre d'évènements tragiques ou heureux, pour que nous ayons la réponse, que je ne dévoilerai pas ici (mais, bon, hein, on s'en doute un peu).

La qualité du film ne tient ni à la mise en scène de Téchiné (tantôt académique, tantôt expressionniste), ni au scénario de Céline Sciamma (un peu cousu de fil blanc), mais à l'incroyable prestation des comédiens.  

Si les deux jeunes, Kacey Mottet Klein et Corentin Fila, sont très bien dans l'expression de multiples nuances, c'est surtout la sidérante prestation de Sandrine Kiberlain qui emporte le film. Il lui suffit d'une réplique ("Je t'écoute") pour élever le film vers une montagne d'émotion. Cette actrice, qui m'a parfois décontenancé, assume son âge avec une élégance qui laisse pantois et admiratif.

Quand on a 17 ans est donc un beau film français à la trame narrative ample et ambitieuse. Il excelle dans la peinture de certains milieux, malgré quelques maladresses de dialogues et certaines longueurs. 

Au final, le film de Téchiné marque peut-être le définitif avènement de la relation amoureuse homosexuelle dans le cinéma mainstream (après La vie d'Adèle et La belle saison) : c'est à la fois son mérite et sa limite.

 

2e

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Soleil de plomb

Dans le tourbillon cannois de 2015, un film me laissa à la fois séduit et perplexe : Zvizdan, depuis renommé en Soleil de plomb.

Il faut dire que je ne suis plus habitué à recevoir une proposition narrative aussi généreuse et originale que celle de Dalibor Matanic.

Pour résumer, le film propose trois histoires. 1991 : un jeune couple veut s'aimer, mais le futur conflit va tuer cet amour naissant. 2001 : une fille et une mère reviennent dans leur maison, alors qu'un ouvrier travaille à la restauration de cette dernière (je veux dire, de la maison, même s'il s'occupera fort habilement de la fille). 2011 : un homme revient dans son village, mais il ne vit pas avec sa femme et sa fille. On comprend à chaque histoire que le noeud de l'intrigue réside dans le fait qu'un des membres de la troupe est serbe, ou croate, et réciproquement.

Les rapports entre les histoires sont ambigus : elle n'ont rien à voir entre elles, et en même temps, elles semblent se dérouler dans les mêmes endroits et sont jouées (au moins en partie) par les mêmes acteurs/trices. L'installation est troublante, il faut un temps pour comprendre ce à quoi on assiste.

Pour compliquer le tout, il existe des rapports subtils entre les histoires (des personnages tapent dans leur assiette dans les épisodes 1 et 2, les scènes de bains dans le lac se répètent, il y a des photos évoquant des épisodes précédents sur les tombes) : bref, le film joue beaucoup sur une sorte d'ambiguïté dans le genre Jamais tout à fait la même, ni tout à fait une autre...

Soleil de plomb est compliqué et - à la fois - agréable à regarder. C'est suffisammant rare pour être remarqué.

 

3e  

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