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Christoblog

Beaucoup de bruit pour rien

Une comédie de Shakespeare tournée par le showrunner de Buffy contre les vampires, dans sa propre propriété, et en 12 jours ? Franchement, je ne donnais pas cher de ce film, et j'avais sorti la dézingueuse à tir automatique pour me payer Joss Whedon, réalisateur d'un seul film à 49 ans : le triste Avengers. Cela sentait le bricolage versifié à domicile.

Me voici donc dans la triste position du critique perfide qui doit rengainer son épée spirituelle pleine de fiel, pour dire en toute humilité le bien qu'il pense d'un film à la fois modeste et brillant. C'est moins drôle.

Je vais donc être bref. Les acteurs jouissent visiblement de prononcer la langue de Shakespeare, ils n'hésitent pas à jouer à fond le jeu de la comédie alternativement burlesque et sentimentale, la mise en scène est d'une élégance stupéfiante, l'intégration de décors et d'accessoires modernes dans l'histoire est tout à fait naturelle.

J'ai été vraiment charmé par l'intelligence qui transpire du film, dans le choix des cadres, la puissance comique de certains personnages (les policiers !), les choix musicaux très sûrs. Il y a beaucoup de trouvailles dans le film, qui enchantent la trame fantaisiste et cruelle de la pièce.

C'est parfaitement réussi : charmant et pétillant comme du champagne.

 

3e

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Love exposure

Les dimanches pluvieux de janvier étant propices au visionnage de DVD, je me suis enfin décidé à regarder l'OVNI azimuté de Sono Sion.

Pour résumer, disons qu'il y est question d'une grande histoire d'amour, et qu'on y croise : une secte qui s'appelle l'Eglise Zéro, un prêtre défroqué qui châtie son fils, un jeune garçon qui photographie sous les jupes des filles puis est obligé de travailler dans le porno, une cérémonie de  hara-kiri d'une jeune fille en blanc qui aime les oiseaux verts, des quiproquos sur le travestissement et l'identité sexuelle, un asile psychiatrique, et mille autres choses.

C'est vif, chatoyant, d'une absolue hétérogénéité de style, tout à tour mélo larmoyant, film de sabre cheap, romance érotique, film de kung-fu speedé. Ca dure 3h et 57 minutes, et ça ne ressemble à rien de connu.

Love exposure est plutôt plaisant, à condition de se laisser emporter par son flow à la fois délirant et mélodramatique, un peu comme il faut se laisser prendre par la folie d'un Bollywood.

Un autre film de Sono Sion sur Christoblog, d'une facture beaucoup plus classique : The land of hope.

 

3e

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Au bord du monde

Itinéraire étonnant que celui de Claus Drexel, réalisateur de la comédie Affaire de famille (avec Miou-Miou et André Dussolier), qui ici prend un virage à 180° en tournant un documentaire sur les SDF qui hantent les plus beaux sites parisiens.

Au bord du monde, présenté à Cannes 2013 dans la sélection ACiD, est un film nécessaire et utile. Il donne la parole à ceux que l'on croise dans les rues en détournant souvent le regard, et cette parole est surprenante. Dans le cas de Wenceslas par exemple, le discours est très structuré, plein de vivacité et de jeux de mots. Pour d'autres, que plusieurs années de vie dans la rue ont usé, la parole est plus difficile, elle est sujette à de petits déraillements, ou à des répétitions qui montrent cruellement que l'équilibre psychologique se détériore. Pour d'autres encore, la situation est catastrophique, et à l'évidence des soins psychiatriques seraient nécessaires - heureusement que la caméra ne s'attarde pas trop sur ces derniers, car on se sent vis à vis d'eux un peu trop voyeur.

Le film est également très surprenant par le contraste entre des images absolument sublimes de Paris la nuit (Arc de triomphe, Notre Dame, Champs Elysées, Conciergerie) et celles de ces habitants nocturnes qui apparaîssent du coup comme des fantômes. Peut-être certains trouveront-ils la beauté revendiquée de certains plans choquante, au regard de la détresse des hommes et femmes rencontrés. Cet aspect "enfer au paradis" m'a paru plutôt servir le propos du film.

L'émotion peine toutefois à se développer pleinement, peut-être à cause d'un parti pris de plans fixes et larges qui ne s'approchent jamais des visages, ou de questions parfois un peu trop intrusives à mon goût. La sidération l'emporte sur l'empathie, ce qui n'enlève rien à l'intérêt du film, que je conseille, évidemment.

 

2e

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Le vent se lève

A ceux qui pensent trouver dans le dernier Hayao Miyazaki les mêmes envolées oniriques que dans Le voyage de Chihiro ou Princesse Mononoké, il faut dire qu'il ne s'agit pas ici du même genre de film.

Le vent se lève est d'une veine beaucoup plus réaliste, et, du coup, il pourra décevoir certains fans.

En ce qui me concerne, j'ai été ravi par l'ambiance à la fois poétique et studieuse qui règne tout au long du film. Son introduction est magistrale : la première scène de rêve est d'une beauté qui coupe le souffle et fait monter immédiatement les larmes aux yeux. Les scènes d'enfance sont splendides, avec des trouvailles dans chaque plan (comme la vision troublée tant que Jiro n'a pas mis ses lunettes). Pour les amoureux du Japon, comme moi, le film est d'abord une merveille par sa reconstitution amoureuse de la vie campagnarde, qui ne semble pas avoir évolué en un siècle.

Le passage concernant le tremblement de terre est aussi un grand moment, qui résonne évidemment très fort avec la catastrophe récente qui a frappé l'archipel. C'est vers le milieu du film, dans le long développement consacré à la carrière d'ingénieur de Jiro, que Miyazaki pourra perdre quelques spectateurs au passage : le rythme est plus lent, les détails parfois un peu techniques et les développements politiques incertains (le voyage en Allemagne, le rôle des Services Secrets).

Enfin, pour apprécier l'histoire d'amour de Jiro avec la jeune fille tuberculeuse, il faut probablement avoir une âme d'enfant et/ou un coeur d'artichaut, ce qui doit être mon cas, si j'en crois l'émotion que j'ai éprouvé au moment de l'apparition de Nahoko en robe de mariée.

Esthétiquement, le film est une splendeur, notamment à travers ses décors de toute beauté : paysages, bâtiments, intérieurs, moyens de transport.

Il se dégage de cette oeuvre inondée d'une joyeuse tristesse une force de vivre peu commune, et on ne peut éviter d'y voir un testament emprunt d'une sourde et douce nostalgie.

 

3e

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12 years a slave

Quel ennui ! 12 years a slave prouve une fois de plus que bons sentiments et grand cinéma ne coïncident que rarement.

Tout est malheureusement très lourd et très fadasse dans ce troisième film de Steve McQueen. Les méchants y sont très prévisiblement méchants, les opprimés sont tous très gentils. Le soleil se couche (on a donc droit à plusieurs couchers de soleil), la lune brille la nuit, l'eau coule, la nature est belle, et le Noir se laisse gagner par l'irrépressible besoin de chanter un gospel.

La progression de l'histoire est édifiante, le film didactique et profondément académique, jusqu'à ses choix de cadres, de mouvements de caméra ou de plans. Par exemple : la pelletée de terre sur la caméra lors d'un enterrement, je pensais que plus personne n'osait ça de nos jours. Les scènes accumulent une telle quantité de poncifs que le film finit par desservir la cause qu'il devrait servir.

Du Steve McQueen de Hunger, il ne subsiste que l'acteur, le toujours impressionnant Michael Fassbender, quelques très gros plans et une coloration doloriste. Ce qui faisait l'originalité de ce premier film (le mémorable plan de 22 minutes par exemple) s'était déjà perdu en route, dans le calamiteux Shame.

On dirait que Steve McQueen a volontairement conçu un produit pour les Oscars : lisse, sans accroc, mais sans véritable enjeux dramatiques non plus. Il est fort étonnant de constater que toutes les scènes prétendument insupportables sont totalement désamorcées par l'indigence du scénario, du montage, et parfois du jeu approximatif des acteurs.

Un film de dimanche soir sur TF1.

 

2e

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Mère et fils

Avec Mère et fils, le cinéma roumain revient en force dans un genre qui lui réussit très bien (4 mois, 3 semaines, 2 jours, Mardi, après Noel) : la chronique sociale/familiale noire.

Ici, on est dans la haute bourgeoisie, de celle qui se drape de manteaux de fourrure et qui conduit des berlines allemandes. La mère, jouée par l'incroyable Luminita Gheorghiu, ne vit que pour son grand fils. Lorsque celui-ci tue par accident un jeune garçon pauvre, que va-t-elle faire ? Tenter de sauver ce qui peut l'être, à tout prix.

Sur cette trame classique, le réalisateur Calin Peter Netzer réussit un tour de force : nous faire au départ détester cette mère qui paraît presque sans émotion, puis nous amener à l'admirer dans sa constance, avant de nous émouvoir par des scènes finales sidérantes.

Sans trop déflorer le sujet (mais il est encore temps pour vous d'arrêter de lire), l'enchaînement des dernières séquences (la conversation irréelle entre la mère et la belle-fille, la visite finale dans la famille du jeune garçon) donne lieu à une double prestation d'exception : un jeu parfait de l'actrice principale qui parvient à être à la fois émouvante et solide comme un roc, et une véritable leçon de mise en scène, qui culmine dans un dernier plan d'anthologie.

Pour peu qu'on pardonne au film un début un peu lent, et qu'on ne soit pas trop sensible au mal de mer (de mère ?) occasionné par un style kéchichien de tournage, caméra oscillant à l'épaule, Mère et fils offre dans son développement inexorable les sources de profondes satisfactions cinéphiliques.

 

3e

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L'amour est un crime parfait

L'intérêt N°1 du dernier film des frères Larrieu, ce sont les décors.

Les architectures sont non seulement magnifiques, mais de plus admirablement filmées. L'occasion est donc idéale de découvrir le fameux Rolex Learning Center, conçu par le cabinet d'architecte SANAA, qui est d'une beauté stupéfiante. Le chalet des deux personnages principaux est également sublime, dans un style plus traditionnel. Dans le genre moderne, la villa où se passe le barbecue nordique (un grand moment du film) est somptueuse également. L'appartement du père d'Annie et sa déco hyper-moderne, l'hôtel/bungalow dépouillé/chic au bord du lac, sont encore des endroits exceptionnels.

Au-delà des bâtiments, le décor naturel du film, les Alpes Suisses, est incroyablement photogénique, qu'il s'agisse de la forêt, des plus hauts sommets, ou de la ville de Lausanne. Les frères Larrieu s'en donnent d'ailleurs à coeur joie en multipliant les plans en extérieur et les trajets en voiture, qui constituent d'ailleurs un élément dramaturgique du film.

Pour le reste L'amour est un crime parfait ne m'a pas réellement convaincu. On lit beaucoup qu'il est vénéneux et malsain, je l'ai trouvé plutôt artificiel et compassé. Mathieu Amalric joue d'une façon trop uniforme pour être réellement ambigu. Maïwenn joue un personnage que le twist final rend peu crédible. Sara Forestier surjoue la jeune nymphomane hystérique. Seule Karin Viard distille un semblant de sentiment inquiétant.

Les dialogues sont très écrits, comme si Djian avait rencontré Rohmer, donnant au film un vernis de suréalisme un peu froid. Mais c'est le scénario, plein de blancs, de trous et d'imprécisions, qui me laisse le plus dubitatif. Bien sûr, on pourra arguer que ces éléments de flous font partie du mystère : je répondrai que de grands maîtres (Polanski, Hitchckock) savaient distiller des ambiances mystérieuses avec plus de précision.

Les frères Larrieu me semblaient beaucoup plus à l'aise avec un sujet qui se prêtait mieux à leur cinéma subtilement décalé dans Les derniers jours du monde.

 

2e

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R

Tourné la même année que Un prophète, ce film de Thobias Lindholm (Hijacking, scénariste de La chasse et Borgen) et Michael Noer (Northwest) n'avait pas été diffusé en France, son sujet étant jugé trop proche de celui de Jacques Audiard : un jeune homme arrive en prison et se confronte à la violence des caïds.

Pourtant le traitement du sujet est vraiment très différent dans les deux films. Autant le film d'Audiard est pointilliste, et parfois onirique, autant celui du duo danois est d'un réalisme absolument froid.

Le film est très dur. Si la violence physique est la plupart du temps hors champ, la violence psychologique, elle, vous accompagne sans discontinuer pendant tout le film. En cela R est une véritable immersion dans le monde carcéral danois, dans lequel les détenus ont une curieuse liberté d'allées et venues, y compris dans de grands espaces extérieurs.

On vit donc les différentes étapes de l'intégration de R avec lui, souffrant quand il est humilié, exultant quand il prend peu à peu sa place, s'inquiétant quand il est pris au piège de ses propres manoeuvres. L'impression que donne le film est celle d'une implacable maîtrise et d'une grande froideur, tout à fait dans l'esprit du film suivant de Michael Noer, Northwest.

A voir si vous pensez aimer un Prison break filmé par Bresson.

 

2e

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The lebanese rocket society

Ces dernières années, on a pu voir des documentaires dont on peut dire qu'ils étaient de très grands films de cinéma (Into the abyss, La vie moderne, Twenty feet from stardom), et d'autres oeuvres moins impressionantes, mais fort plaisantes, car révélant souvent le talent original de leur auteur.

Ces oeuvres sont souvent fortement scénarisées (Sugarman) ou flirtent avec l'auto-fiction (La Vierge, les Coptes et moi) : le documentaire n'est finalement que l'expression d'une démarche artistique globale, qui se nourrit à la fois de narration et d'images. C'est dans cette catégorie qu'on pourra classer le curieux film de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige.

Au début, rien que de très classique : nos deux auteurs découvrent un peu par hasard l'existence d'un programme de construction de fusées, développé au Liban dans les années 60. A Beyrouth, ils ne trouvent pas grand-chose sur le sujet, puis tout à coup retrouvent le principal protagoniste aux USA. De fil en aiguille ils reconstituent toute l'histoire, mélange (d)étonnant d'amateurisme brillant, de situations burlesques et d'implications politiques.

Si cette partie, très classique, est un peu ronronnante, bien qu'éveillant tout de même la curiosité, le film prend une toute autre dimension quand les deux artistes imaginent de construire une sculpture représentant une des fusées, puis de l'installer dans l'université où le programme fut conçu. Cette partie, la plus intéressante, interpelle la mémoire du Proche-Orient (tout le monde semble avoir oublié ce pan de l'histoire), et est intellectuellement très stimulante.

Le film se termine par une animation fantaisiste qui imagine le Liban actuel en puissance spatiale.

A noter dans les bonus du DVD à venir (sortie le 5 mars), des présentations très intéressantes d'oeuvres conçues par les deux réalisateurs autour du film, présentées lors de diverses manifestations d'art contemporain.

Une curiosité à découvrir.

 

2e

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AIME et fais ce que tu veux

http://fr.web.img5.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/505/21050502_20131017155542629.jpgUn prêtre tombe amoureux d'un jeune homme.

On imagine ce qu'en Pologne ce film de la réalisatrice Malgorzata Szumowska a du soulever comme polémique !

En France, le sujet est évidemment moins original : bien des films ont raconté la tentation de la chair chez des prêtres, et bien des films ont des personnages principaux homosexuels. 

Ce n'est donc pas dans le déroulé du film que réside son intérêt, mais plutôt dans son grain, sa capacité à capter les regards des acteurs et la puissance de la nature, dans un élan qui rappelle parfois celui de Terence Mallick. Si l'intrigue principale se ramifie quelque peu avec des intrigues parallèles, d'ailleurs pas forcément limpides (le suicide d'un jeune homme, assez mal amené), c'est vraiment pour tenir sur la durée. Il aurait peut-être mieux valu s'attarder encore plus longtemps sur le très beau visage de l'acteur Andrzej Chyra (vu dans La terre outragée), qui irradie le film de sa sensibilité.

Une réalisatrice de talent, qu'on aimerait revoir à l'oeuvre sur un scénario plus complexe et plus tenu.

 

2e

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Yves Saint Laurent

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/558/21055851_20131107160125747.jpgEn attendant la version de Bertrand Bonello, dont la date de sortie était initialement prévue durant le Festival de Cannes (le film sera-t-il sur la Croisette ?), on peut découvir ce premier biopic de Jalil Lespert.

Ce dernier a surtout eu pour l'instant une carrière d'acteur : il est le jeune homme du Ressources humaines de Laurent Cantet, et du Petit lieutenant de Xavier Beauvois. Yves Saint Laurent est son troisième long-métrage en tant que réalisateur.

Sans être complètement raté, le film est un peu trop appliqué pour générer de vraies émotions. On suit la vie et la carrière de YSL avec une curiosité polie. Les décors sont jolis, Pierre Niney est assez intéressant au début mais moins ensuite, et Gallienne ne m'a pas convaincu du tout.

Le film manque de souffle, d'énergie, et surtout d'un véritable point de vue. Ni découverte du monde de la mode, ni chronique d'une déchéance physique, ni tableau d'une époque, ni démonstration du génie créatif de YSL, le film tente d'être le récit d'un amour sur la durée, ce qu'il ne parvient à être que poussivement.

Bien léché, me film manque de folie pour emporter.

 

2e

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Philomena

http://fr.web.img3.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/501/21050161_20131016165208601.jpgJe m'attendais à un Stephen Frears un peu mou, au regard des critiques et de la bande annonce. Mais pour une fois, cette dernière ne dévoile que très partiellement la trame complète du film, qui s'avère une oeuvre à la fois très attachante et parfaitement maîtrisée.

Le sujet est multiple. Il s'agit d'abord de relater un épisode terrible de l'histoire irlandaise : la façon dont des bonnes soeurs catholiques vendaient en 1952 des enfants de filles-mères à des Américains. Cet aspect est passionnant et permet au duo Frears/Cogan d'être particulièrement caustique et impitoyable vis à vis de l'Eglise.

Mais il y a bien d'autres angles de vue dans le film, comme celui qui consiste à confronter deux personnalités totalement différentes qui vont apprendre progressivement à se connaître et à se respecter : le journaliste cultivé et cynique, la vieille femme inculte mais digne.

Le film séduit enfin par un troisième aspect : celui d'une enquête quasi policière, avec ses rebondissements improbables (la mention "inspiré de faits réels" permet ici de ne pas crier à l'invraisemblance), ses culs-de-sacs apparents et son final ahurissant.

Stephen Frears y affirme une maîtrise totale, et tout est parfait dans le film : montage au cordeau, décors magnifiques, cadrages et photographie superbes, utilisation judicieuse de fausses images d'archive, et surtout, surtout, deux performances d'acteurs sublimes.

Un excellent moment, qui allie rire, larmes, émotion et curiosité intellectuelle. Le meilleur film de l'année, pour l'instant, avec Nymphomaniac, dans un genre très différent.

Stephen Frears sur Christoblog : Tamara Drew

 

4e

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La vie rêvée de Walter Mitty

http://fr.web.img5.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/13/12/16/15/37/548553.jpgLe nouveau film de Ben Stiller, lancé par un intense matraquage médiatique, mérite-t-il d'être vu ?

Eh bien, oui pour sa première partie, et non pour sa seconde.

Le début du film est en effet à la fois beau et intrigant. Le générique est par exemple très joli, avec ces textes qui s'incrustent dans le paysage urbain. Les premières scènes ont un charme certain, même si Ben Stiller surjoue un peu dans le non-jeu, si je puis dire.

Lorsque Walter est perdu dans la lune, ou imagine d'improbables développements aux situations réelles, les trouvailles visuelles fonctionnent parfaitement bien. L'association d'un certain réalisme (la disparition du magazine LIFE comme toile de fond), d'effets visuels époustouflants et d'un casting très juste (par exemple la beauté non conventionnelle de Kristen Wiig) rend le film très séduisant.

Lorsque Walter Mitty part au Groenland, c'est encore très beau : qu'est-ce qui est vrai dans ce que l'on voit ? Vit-il vraiment ces aventures ? Le passage islandais marque une première dégradation : si les paysages sont superbes, la longue descente en skate est un peu too much.

La deuxième partie du film se dégrade alors progressivement : de la magie tendre du début, il ne reste plus grand-chose. L'imagination de Walter n'est plus visualisée, et le voyage en Afghanistan est confondant d'auto-congratulation ushuaïesque et esthétisante, ego-trip pénible à regarder, jusqu'à cette scène ridicule de football inter-culturel en plein Himalaya.

Raté sur la fin. Dommage.

 

2e

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Fruitvale station

http://fr.web.img5.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/13/12/04/10/26/511858.jpg Fruitvale station fait partie de ces films dont on connait la fin dès le début : alors qu'on voit le personnage principal noir se lever dans les premières scènes, on sait qu'il sera mort le soir même, suite à une bavure policière commise par un policier blanc.

On pourrait croire qu'à partir de ce postulat le film soit d'un grand ennui, sorte de réquisitoire plombé de bons sentiments (le film est directement inspiré par un fait réel)

Il n'en est rien. Le mérite en revient avant tout au jeune réalisateur Ryan Coogler, qui filme avec une attention exceptionnelle ces personnages. Bien que les moyens du film soient à l'évidence très réduits, il s'en dégage une force de tragédie grecque, qui sublime son aspect documentaire : on croit voir le destin, le fatum, en marche sous nos yeux. C'est à la fois très excitant et très émouvant.

La description de la famille dans lequel évolue le personnage principal, joué par l'excellent MB Jordan (acteur dans la très bonne série The Wire) est magnifiquement réussie. Sa femme est parfaite, et sa mère encore plus. L'autre point fort du film est l'efficacité redoutable de son montage, sa capacité à faire monter progressivement la tension d'une façon impitoyable.

Fruitvale station, dont l'originalité est quasiment nulle, parvient donc à émouvoir à l'extrême par la grâce d'une alchimie un peu mystérieuse, qui a néanmoins enthousiasmé public et jury partout où il a été projeté : Grand prix du jury à Sundance (mais ce n'est pas du tout un film "typé" Sundance), Prix du regard vers l'avenir à Un certain regard à Cannes, Prix du public et Prix de la révélation Cartier à Deauville.

Je le conseille vivement.

 

3e

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Nymphomaniac (Volume 1)

http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/13/12/02/16/30/380373.jpgJe n'étais pas loin de craindre le pire en allant voir le dernier Lars von Trier : une sorte de démesure dans la dégradation de la femme, et de Charlotte Gainsbourg en particulier, voilà ce que le passé du réalisateur (Antéchrist), le titre et la bande-annonce me laissait présager.

Et puis vint la première scène, lors de laquelle Seligman, le personnage joué par le très bon Stellan Skarsgård, découvre Joe (Charlotte Gainsbourg) inconsciente. Elle est somptueuse. Les mouvements de caméra y sont divins, les cadrages et la bande-son audacieux, tout y est parfait.

A partir de cette entrée en matière alléchante, le film met en scène un dialogue entre une femme qui va raconter l'histoire de sa vie, et un vieil homme. Il y a de la Schéhérazade dans le personnage de Joe : Seligman est suspendu à la progression de l'histoire, et le couple s'amuse pour chacun des épisodes à faire correspondre les éléments du récit à quelque chose qui se trouve dans la pièce : une mouche pour pêcher, une fourchette à gâteau, un tableau, une cassette de musique. Ce procédé donne au film un charme intense, entremêlant détails et anecdotes philosophiques, scientifiques ou religieux  avec le récit de Joe.

Le miracle de Nymphomaniac est bien là : on croit venir voir un film porno un peu trash, et on a droit à des exposés sur la suite de Fibonacci, sur la musique de JS Bach, ou sur les feuilles de frênes. Lars Von Trier utilise des procédés de mise en scène que certains ne trouveront pas forcément de très bon goût (vraies ou fausses images d'archive, noir et blanc un peu tapageur, split-screen, accélérés, incrustations, répétitions, musiques très contrastées), mais qui contribuent à donner à l'oeuvre l'aspect d'une construction subtile et ludique.

Autre surprise, on rit franchement à plusieurs reprises, et de différentes façons. On sursaute aussi, au moins une fois, je vous le garantis. Et on est aussi agréablement mal à l'aise lors d'une scène stupéfiante, lors de laquelle Uma Thurman donne toute la mesure de son talent.

Vous pensez sûrement à ce stade de la critique : mais quand va-t-il de parler de sexe ? Eh bien au risque de vous décevoir, je ne vais pas en dire grand-chose. Joe est victime d'une addiction au sexe, mais elle pourrait être tout autant dépendante de l'alcool, du mensonge ou du risque. La multiplication des partenaires (jusqu'à 10 par jour) donne à son activité sexuelle un aspect routinier qui en enlève pratiquement tout intérêt sensuel. La nymphomanie est donc ici plutôt le prétexte à décrire la solitude de Joe d'une part, et à fournir au film des ressorts scénaristiques intéressants, d'autre part.

Pour finir, il faut signaler que tout le casting est excellent, car outre les acteurs déjà nommés, Stacy Martin (Joe jeune) est confondante, et Shia LaBeouf, que je n'apprécie pas habituellement, est ici une parfaite tête à claque. Les seconds rôles sont éclatants : Christian Slater campe par exemple le père de Joe avec une belle dignité.

2014 commence en beauté.

 

4e

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Les films les plus attendus de 2014

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USA

 

A la vue de bande-annonce, on peut craindre que le nouvel Aronofsky (Noé, en avril) soit assez raté. Mais avant cela on aura pu découvrir 12 years a slave de Steve McQueen, bien accueilli par ceux qui l'ont vu, The monuments men de George Clooney, The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, et son casting de folie. Toujours avant Cannes, je recommande un petit bijou : Blue ruin, premier film prometteur du très doué Jeremy  Saulnier. On prédit déjà un Oscar à Meryl Streep, pour son rôle dans Le temps d'un été, de John Wells, remarqué à Toronto.

Beaucoup de poids lourds ont des films en postproduction et peuvent viser Cannes : David Cronenberg (Maps to the stars avec, malheureusement, Robert Pattinson), Abel Ferrara (Welcome to New York avec Depardieu, malheureusement, en DSK), Terrence Malick (Knight of cups), Paul Thomas Anderson (Inherent Vice), les frères Farrelly (Dumb and Dumber To) et pourquoi pas Christopher Nolan (Interstellar). Woody Allen devrait être sur la Croisette avec un film tourné sur la Côte d'Azur, Magic in the moonlight. On y annonce aussi Tommy Lee Jones pour son deuxième film (après le très bon Trois enterrements) : The Horsman.

Un nouvel opus de Lana et Andy Wachowski est prévu en juillet (Jupiter ascending, avec Mila Kunis), et un de Clint Eastwood en juin (Jersey boys). On ne sait pas quand sortira le prochain Inarritu, une comédie (!?) nommée Birdman, au casting délectable : Michael Keaton, Naomi Watts, Emma Stone et Zach Galifianakis.

Côté plus indépendant, il faudra voir At Berkeley du grand documentariste Frederick Wiseman, Her de Spike Jonze, Night moves de Kelly Reichardt, Under the skin de Jonathan Glazer (avec Scarlett Johansson), White bird in blizzard du grand Gregg Araki et While we're young du très en vogue Noah Baumbach (Frances Ha). A noter aussi The smell of us, de Larry Clark, avec des skaters bien sûr, mais cette fois-ci parisiens.

L'annnée US sera encore riche en reboot, prequel et suites de toutes sortes de franchises, et autres marveleries : un X-Men par Bryan Singer, un Captain America, The Amazing Spider-man 2, et même La grande aventure Lego, avec ... des Lego. Peu convaincant dans Oblivion, Tom Cruise replonge pourtant dans la SF en mai avec Edge of tomorrow, de Doug Liman.

Rappelons qu'il faudra attendre 2015 pour voir Jurassic World et le septième épisode de Star Wars.

 

FRANCE

 

Duel en début d'année entre le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert avec Pierre Niney et Guillaume Gallienne, et le Saint Laurent de Bertrand Bonello avec Gaspard Ulliel et Jérémie Renier. On verra aussi dans la première partie de 2014 Vincent Macaigne chez Guillaume Brac (Tonnerre), Isabelle Huppert chez Catherine Breillat (Abus de faiblesse) sans oublier dès janvier Amalric chez les frères Larrieu (L'amour est un crime parfait).

Ils s'éloignent tous les deux de la comédie : Emmanuel Mouret en janvier avec Une autre vie, et Pierre Salvadori en mars avec Dans la cour. Kim Chapiron (Dog pound) change aussi complètement de milieu avec La crème de la crème, tourné dans une école de commerce. Michel Hazanavicius termine The search, qui se déroule durant la deuxième guerre de Tchétchénie.

Ils pourraient être à Cannes : Bird People de Pascale Ferran, Eden de Mia Hansen-Love, Bandes de filles de Céline Sciamma, Gaby Baby Doll de Sophie Letourneur (de quoi retrouver des femmes réalisatrices en compétition !), Mange tes morts de Jean Charles Hue, Adieu au langage de Jean Luc Godard, Deux jours, une nuit des frères Dardenne (avec Marion Cotillard), Métamorphoses de Christophe Honoré, Mercuriales de Virgil Vernier, La chambre bleue de et avec Mathieu Almaric et La rançon de la gloire de Xavier Beauvois. André Téchiné pourrait en être aussi, avec L'homme que l'on aimait trop, ce qui aménerait Catherine Deneuve et Guillaume Canet sur la Croisette. 

Comme d'habitude, je ne sais pas trop quoi penser du fait qu'un nouveau Lelouch va arriver, Salaud, on t'aime, avec un casting complètement hétéroclite : Sandrine Bonnaire et Johnny Hallyday. Je ne suis pas sûr non plus qu'il faille se réjouir de voir un nouveau Assayas, Sils Maria, fût-il avec Juliette Binoche et Chloe Grace Moretz. Record au box office à prévoir pour le polar Mea culpa du plus US des réalisateurs français, Fred Cavayé, et la comédie annuelle de Danny Boon, Supercondriaque.

Alain Resnais, inusable, continue de faire tourner Sabine Azema et André Dussolier dans Aimer, boire et chanter, prévu en mars.

 

Reste du monde

 

Après une année 2013 extraordinaire en qualité, l'Asie comptera sur Tsai Ming Liang (Les chiens errants), Kyoshi Kurosawa (Real) et Hong Sang-Soo (Our Sunhi et un autre film en cours de tournage) pour faire aussi bien. A ce jour difficile de dire si les nouveaux projets de Weerasethakul (Cemetery of kings), Wang Bing (Love and hate), Eric Khoo (The charming rose) et Naomi Kawase (2 ways) seront finis dans l'année, ou même pour Cannes.

Immanquables, les deux films des maîtres de l'animation japonaise : Le vent se lève de Hayao Miyazaki, et L'histoire de la princesse Kaguya d'Isao Takahata.

Le cinéma roumain revient sur le devant de la scène dès janvier avec Mère et fils de Calin Peter Netzer (Ours d'or 2013), puis Quand le soir tombe à Bucarest ou Métabolisme, de Corneliu Porumboiu

Le film que j'attends le plus en 2014 est Sommeil d'hiver, d'un de mes réalisateurs préférés, le turc Nuri Bilge Ceylan.   

Cette année pourrait voir la Scandinavie triompher (et peut-être aussi à Cannes) avec le film très attendu du suédois Roy Anderson, A pigeon sat on a branch reflecting on existence, la grosse production de son compatriote Tomas Alfredson (Morse), Les frères Coeur de Lion et surtout le nouveau film du norvégien Joachim Trier, auteur du superbe Oslo 31 août, Louder than bombs, avec Isabelle Huppert (encore !).

Pour finir avec l'Europe, l'année commencera avec les deux volets de Nymphomaniac de Lars von trier, et le Philomena de Stephen Frears. On verra peut-être plus tard dans l'année le nouveau film de Mike Leigh, un biopic du peintre Turner, et celui de Ken Loach, Jimmy's hall. Kusturica cherchera peut-être à obtenir une troisième Palme d'or avec L'amour et la paix. Le belge Michael R Roskam (auteur du remarqué Bullhead) a tourné un polar aux USA, Animal rescue.

Du Canada nous parviendront Tom à la ferme de et avec Xavier Dolan (et peut-être aussi le film qu'il est en train de tourner, Mommy), ainsi que le très différent Dallas buyers club de Jean-Marc Vallée. Sont potentiellement annoncés à Cannes les nouveaux films de Denis Arcand (Deux nuits) et Atom Egoyan (Captives), ainsi que la première réalisation de Ryan Gosling, How to catch a monster, un film fantastique.

Les nouveaux films de l'israélien Nadav Lapid (L'institutrice) et du jeune argentin Lisandro Alonso seront très attendus. Nous avions été nombreux a remarquer Sur les planches : le prochain film de la jeune marocaine Leila Kilani, Indivision, sera lui aussi observé avec attention.

Pour finir, difficile de ne pas évoquer, comme chaque année, Histoire du carnage d'Arkanar, film du russe Alexei Guerman, réputé terminé depuis des années, mais que son auteur peaufine de façon maniaque, et peut-être éternelle.

 

Bonne année de cinéma à tous, et merci pour votre fidélité.

 

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