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Christoblog

Les feuilles mortes

Le dernier film d'Aki Kaurismaki ressemble aux précédents (personnages hiératiques manipulés comme des marionnettes, formalisme extrême de la mise en scène et de la photographie), mais parvient, ce qui n'est pas toujours le cas chez le Finlandais, à  générer de l'émotion.

Le fond (une belle histoire d'amour contrariée par le hasard) épouse parfaitement une forme encore plus brillante que d'habitude.

La durée du film, son montage à la fois alerte et mesuré, sa mise en scène délicate, sa direction artistique toujours très travaillée, mais aussi - et c'est une nouveauté - l'irruption de l'actualité dans l'histoire : tous ces éléments contribuent à sublimer la simplicité du film jusqu'à un final bouleversant. 

On sourit souvent, on rit parfois ("Tu n'es pas un homme ici en Finlande, peut-être au Danemark tu le serais"), et l'on est ému.

C'est très beau.

Aki Kaurismaki sur Christoblog : La fille aux allumettes - 1990 (***) / L'autre côté de l'espoir - 2017 (***) 

 

3e

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Acide

Je ne partageais pas complètement l'enthousiasme général qu'a généré le premier film de Just Philippot.

Je retrouve ici les défauts qui me gênait dans La nuée : des ficelles un peu grosses, une prime au sensationnel sur le psychologique.

Si le début du film est très efficace, jusqu'à la glaçante scène du pont, la seconde  partie me semble beaucoup plus faible : on croit de moins en moins à ce que l'on voit, le resserrement autour du personnage joué (assez bien) par Guillaume Canet est étouffant, et la scène finale dans le champ m'a semblé mal tournée et surtout mal montée. Le personnage de la jeune fille est tellement antipathique que l'empathie ne fonctionne que très partiellement (à vrai dire, il ne me m'aurait pas déplu qu'elle se prenne une petite douche de pluie acide).

La tentative de film catastrophe à la française est cependant assez rare pour être saluée. Il y a du talent chez Philippot, qui méritera d'être suivi dans la durée.

Just Philippot sur Christoblog : La nuée - 2021 (**)

 

2e

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Le livre des solutions

Le livre des solutions est en réalité un autoportrait de Michel Gondry, même si ce dernier s'en défend mollement.

Beaucoup des scènes se sont réellement passées (par exemple celle du concert), et Gondry utilise même des décors issus de sa vie (c'est la véritable maison de sa tante qu'on voit à l'écran).

On est donc partagé pendant tout le visionnage entre l'amusement et le malaise, car ce qui nous est montré n'est pas très reluisant : le réalisateur martyrise littéralement des collaborateurs/trices ("Tu crois que ça me fait plaisir de te réveiller en pleine nuit ?"). Il est lâche, inconstant, peu respectueux des autres.

Pour ma part, et peut-être parce que je pardonne beaucoup aux créateurs de génie, j'ai été franchement diverti par les mésaventures de ce cinéaste bipolaire et/ou hyperactif. Beaucoup de scènes m'ont arraché de francs rires, notamment celles qui font la part belle à la complémentarité parfaite entre un Pierre Niney survitaminé et une Blanche Gardin formidable de résilience constructive.

La puissance de l'imagination de Gondry est aussi bien illustrée, par exemple avec l'histoire du renard ouvrant un salon de coiffure. 

Très plaisant.

Michel Gondry sur Christoblog : Be kind, rewind - 2008 (**) / The green hornet - 2011 (**) / The we and the I - 2012 (****)

 

3e

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L'été dernier

Le sujet du nouveau film de Catherine Breillat est-il aussi scandaleux que ce qu'en disent la plupart des critiques ? 

Je ne trouve pas. Pour ce qui est de la relation amoureuse / sexuelle des deux protagonistes, il faut beaucoup d'imagination, me semble-t-il, pour la ressentir comme véritablement incestueuse : les deux sont à l'évidence consentants, expérimentés, et le lien d'autorité entre le jeune homme et sa toute nouvelle belle-mère (qui seul justifie l'infraction, car l'ado a largement la majorité sexuelle) n'est pas évidente.

La première partie de L'été dernier ne m'a donc pas vraiment convaincu, énième représentation de la naissance d'une relation estivale entre deux personnes que plusieurs éléments éloignent, sur fond de soleil écrasant, de baignade et de randonnée en deux roues. Une sorte de Call me by your name chez les bourgeois, mais dans lequel l'intensité des sentiments n'est pas réellement perceptible. La prestation de Samuel Kircher m'a parue très faible : le jeune acteur n'exprime en gros que deux émotions : la gouaille séductrice et la moue boudeuse.

La deuxième partie du film est plus intéressante et Léa Drucker y assez convaincante dans un rôle assez difficile. J'ai toutefois éprouvé l'impression curieuse de ne pas croire totalement à ce qui m'était proposé, comme si la volonté de démontrer l'emportait sur la vérité psychologique. Plusieurs passages m'ont semblé peu crédibles (le cambriolage par exemple). Les toutes dernières scènes m'ont semblé complètement artificielles, semblant ne vouloir que choquer au détriment d'une progression narrative raisonnée.

De la sensibilité et un vrai talent de mise en scène, gâchés par un manque d'incarnation rédhibitoire.

Catherine Breillat sur Christoblog : Romance - 1999 (*) 

 

2e

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Un métier sérieux

Un métier sérieux, peut-être, mais un film passablement ennuyeux.

Comme souvent, Lilti écrit une sorte de pensum qui coche toutes les cases de la bien-pensance à la mode Télérama, poursuivant son exploration des "métiers éprouvants pour lesquels on a pas assez de considération".

Les profs sont donc tous sympas, très unis et confrontés à toutes une série de personnes incapables (inspectrice distante, principal azimuthé, principal adjoint ridicule) et de circonstances contraires.

La dialectique qui préside à l'évolution de l'action est une dialectique de comptoir, comme il existe une psychologie de comptoir : les (rares) péripéties s'enchaînent sans surprise, dans le seul but apparent de valoriser de beau et noble métier d'enseignant.

On est donc nullement surpris, ni émus, sauf peut-être par la scène finale dans laquelle Adèle Exarchopoulos est seule dans sa salle de classe, comme un écho lointain de son personnage d'institutrice dans La vie d'Adèle.

Un métier sérieux est un film sensible, démonstratif et peu incarné, qui séduira probablement ceux et celles qui ont aimé Hippocrate et Première année.

Thomas Lilti sur Christoblog : Hippocrate - 2014 (**) / Première année - 2018 (**)

 

2e

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Le retour

Ce nouveau film de Catherine Corsini a dans un premier temps été marqué par une polémique qui a fait pschitt (une scène à connotation sexuelle - qui d'ailleurs ne figure pas dans le montage final - aurait été tournée avec une actrice mineure).

Le film est donc arrivé à Cannes 2023 avec une odeur de soufre, qui finalement s'avère totalement infondée, tant le film est relativement plat et inodore.

Le souci principal est que Corsini cherche ici à embrasser bien trop de sujets différents : chronique estivale, récit d'apprentissage, portrait de mère, réflexions sur le racisme et sur la Corse, drame familial, ascension sociale et transfuge de classe. Dans chacune de ces catégories, la réalisatrice ne parvient pas à réellement convaincre, même si au final le film n'est pas honteux, plus proche d'un film de télévision pour France 2 que d'un film de cinéma.

La satisfaction que procure Le retour réside principalement dans la prestation d'un casting convaincant, Aïssatou Diallo Sagna (qu'on avait découvert dans La fracture) en tête. La jeune Esther Gohorou, qui joue une adolescente électrique, indisciplinée, et lesbienne, est formidable.

Je n'ai pu m'empêcher de penser pendant le film à Un petit frère, beaucoup plus réussi, et qui possède beaucoup de points communs avec Le retour : une mère noire, élevant seule ses deux enfants, se débattant avec les difficultés du quotidien, et les problèmes sentimentaux.

Catherine Corsini sur Christoblog : Trois mondes - 2012 (**) / La belle saison - 2015 (***) / Un amour impossible - 2018 (****) / La fracture - 2021 (**)

 

2e

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Barbie

Barbie est un film savonnette. Jusqu'à la grande tirade centrale qui éclaircit le propos du film, on ne sait pas trop ce qu'on est en train de regarder tant les situations peuvent être lues de manière différente.

Les stéréotypes sexistes et féministes sont en effet exposés de multiples façons, qui ne permettent pas de déterminer nettement la part de moquerie, de burlesque et de militantisme que contient chaque scène.

En ce sens, Barbie m'a rappelé le cinéma des Monty Python : des scènes plus ou moins réalistes découlant de situations initiales complètement absurdes, un travail de déconstruction du langage sensible dans chaque dialogue, de la drôlerie parfois teintée d'un surréalisme extrême, le tout entraînant au final un sentiment de sidération inquiète chez le spectateur.

Le film est donc passionnant à regarder et suscite de nombreuses réflexions. La direction artistique est exceptionnelle et l'interprétation de Ryan Gosling mémorable. Margot Robbie assure le job avec un aplomb étonnant.

L'univers que propose le film, dans ses allers-retours entre le monde de plastique rose de Barbie et la réalité, est tellement riche qu'on peut s'attendre au développement d'une franchise juteuse pour Mattel, qui accepte d'ailleurs d'être copieusement ridiculisé dans sa propre production : l'un des nombreux et réjouissant paradoxe de Barbie.

Greta Gerwig sur Christoblog : Lady Bird - 2017 (***) / Les filles du Docteur March - 2019 (***)

 

3e

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Les repentis

Iciar Bollain traite ici d'un sujet assez proche de celui du film Je verrai toujours vos visages, sur un mode encore plus casse-gueule puisqu'il s'agit d'une veuve qui rencontre le véritable assassin de son mari.

Il est amusant de constater que les deux films présentent des qualités semblables : une sécheresse dans la construction et le montage, une capacité à éviter les écueils d'un sentimentalisme trop lacrymal. 

Les repentis est dans cette optique encore plus dépouillé et plus âpre que le film français : on est ici dans l'exposé froid et absolument pas psychologisant d'un rapprochement entre deux êtres que tout devrait opposer. C'est vertigineux et souvent extrêmement beau. Les sentiments que le film génère sont très nombreux : incompréhension, curiosité, étonnement, émotion, peur, révolte.

Un film d'une grande beauté, sec et musculeux, servi par un couple Tosar / Portillo de très haut niveau.

Iciar Bollain sur Christoblog : Katmandu, un miroir dans le ciel - 2011 (**)

 

3e

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Banel et Adama

Quelle déception ! Lors du dernier festival de Cannes, le premier film de Ramata-Toulaye Sy promettait du lourd : un premier film africain d'une jeune réalisatrice franco-sénégalaise, s'éloignant des clichés naturalistes sur l'Afrique sub-saharienne. On allait voir ce qu'on allait voir.

Malheureusement, si le film s'éloigne effectivement de tout naturalisme, c'est pour mieux re-créer toute une série de clichés sur l'Afrique, sur un mode poético-mystique qui ne convainc pas.

De cette histoire d'amour efflanquée et bancale, mâtinée de fantastique, il ne me reste pratiquement aucun souvenir, si ce n'est quelques belles images baignées d'une lumière très "National Geographic" et le souvenir confus de personnages antipathiques ou vaporeux, évoluant dans un réseau de thématiques très politiquement correctes (émancipation féminine, réchauffement climatique...).

Banel et Adama est un essai épuré qui relève de la fable, et qui aurait probablement pu faire l'objet d'un moyen-métrage stylisé. Il peine à remplir toute la durée d'un long-métrage, par manque de densité narrative et de profondeur psychologique. 

Deux points positifs sauvent le film : la beauté parfois sidérante de certaines images, et l'originalité du regard. 

 

2e

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