Pour cette année, pas de TOP 10, car 2013 a été chaotique, inégale et marquée par des films - ou des objets filmiques - tellement différents, que les comparer n'a pas beaucoup de sens. Donc, un POT plutôt qu'un TOP.
Si je me contente des films sortis cette année en salle (j'exclus donc le remarquable 'Til madness do us apart de Wang Bing, documentaire génial de quatre heures présenté à Venise et à Nantes, qui intégrerait parfaitement ma sélection), mes quatre principaux coup de coeur vont à des oeuvre fleuves, des films monstres, des objets qui dépassent les cadres classiques et tentent tous les quatre d'embrasser la vie dans toute sa complexité.
Et d'abord, mais j'en ai abondamment parlé 1 - La vie d'Adèle est l'expérience la plus proche de l'art parfait tel que je peux le concevoir, à la fois réalité pure et oeuvre de fiction totale. Juste à côté, pourrait-on dire, de la trilogie 2 - Paradis (Amour, Foi, Espoir) d'Ulrich Seidl qui en est en quelque sorte le contrepoint : réalité totale et oeuvre de fiction la plus pure. Toujours dans la démesure, mini-séries autant que films, bercés par une volonté romanesque de conter, de raconter, et de séduire, je mettrais à égalité le feuilletenant 3 - Shokuzai de Kyoshi Kurosawa et l'élégiaque 4 - Heimat de Karel Reisz, deux moments d'irréductibles ravissements.
Si on excepte ces monstres filmiques, oeuvres sommes semblant concentrer toute la maestria de leur auteur en un seul opus de 3 à 6 heures, j'ai plutôt envie de souligner des oeuvres singulières et immodestes : Kim Ki Duk défonce une grande partie des limites du bon goût dans son incroyable 5 - Pieta, justement récompensé à Venise, alors que Paolo Sorrentino heurte la sensibilité de quelques coincés du sphincter en défonçant d'autres barrières dans une 6 - Grande Belleza qui est à la fois une élégie démoniaque et un tendre oratorio.
Katell Quillévéré s'impose comme future super grande avec un 7 - Suzanne qui intronise Sara Forestier en immense artiste, et Clio Barnard réussit le même exploit avec son 8 - Géant égoïste qui est peut-être le film le plus formellement abouti de l'année.
Et pour finir, comment ne pas saluer cet extraordinaire vent de fraicheur que représente 9 - Wadjda, digne héritier de plusieurs traditions de cinéma, en particulier iranienne et italienne, et celui qui balaie de bout en bout toutes les limites du bon goût, 10 - Les garçons et Guillaume, à table ! qui réussit le défi de rassembler sujet improbable (premier coming out hétéro de l'histoire du cinéma), mélange de rire et d'émotion à proportion très variable suivant les spectateurs, et succès public autant que critique.
Ce bref survol de l'année 2013, décidément plutôt très bonne, ne serait pas complet si j'omettais de constater que beaucoup de grand réalisateurs ont produit d'excellents films : Soderbergh (Effets secondaires), Scorsese (Le loup de Wall street), Tarantino (Django Unchained), Jia Zhang Ke (A touch of sin), Alain Guiraudie (L'inconnu du Lac), Claire Simon (Gare du Nord), Hirokazu Kore-Eda (Tel père, tel fils).
Au chapître des petits nouveaux, il faudra surveiller les carrières d'Anthony Chen (Ilo Ilo), d'Any Abu-Assad (Omar) et Félix Van Groeningen (Alabama Monroe). Il fut enfin plaisant de voir Albert Dupontel réussir une comédie quasiment parfaite, qui ne rentre dans aucune catégorie et a donc par voie de conséquence le privilège de clore ce billet : 9 mois ferme.