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Christoblog

Articles avec #j'aime

L'infirmière

De film en film, Koji Fukada construit une oeuvre riche et singulière, qui en fait un des réalisateurs les plus intéressants au niveau mondial. 

Après la violence feutrée et intense de Harmonium, et le climat élégiaque de Au revoir l'été, le réalisateur japonais s'essaye ici à un exercice de style hitchockien de très haut niveau. Comme maître Alfred, Fukada parvient ici à brouiller les pistes d'une façon limpide, tout en ne psychologisant jamais : l'avancée de l'intrigue ne résulte que de la succession des évènements à l'écran, et non de l'expression de sentiments exprimés par les personnages.

Elégance de la mise en scène, sûreté du jeu d'acteurs, richesse et profondeur des thématiques abordées, précision du montage et du son : le film est intellectuellement jouissif et raisonnablement pervers. 

A noter que c'est l'une des premières fois où je vois évoquée (même indirectement) l'homosexualité féminine dans un film japonais contemporain. 

Je le conseille vivement.

 

3e

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Light of my life

Survival sous lexomyl, film apocalyptique du quotidien, Light of my life rappelle plein de films différents (La route, Les fils de l'homme, Captain Fantastic), sans ressembler vraiment à aucun.

Résumons brièvement le propos du film : une épidémie méchamment sexiste a éliminé toutes les femmes de la Terre. Enfin, presque. La petite Mar n'est pas morte, et erre avec son papa (le gentil Casey Affleck) qui la fait passer pour un garçon pendant qu'il le peut encore (la puberté menace).

C'est un peu près tout. Le film consiste donc à suivre les déambulations plus ou moins erratiques du couple père/fille, entrecoupées de rencontres par forcément agréables avec différents protagonistes.

L'atmosphère du film est douce, paisible et comme recueillie. Ce qui intéresse Affleck, c'est la description de la relation père fille plutôt que l'esbrouffe violente (même si certaines scènes sont très prenantes). La forêt est particulièrement bien filmée et les flash-backs dans lesquelles apparaît la mère disparue (Elizabeth Moss, l'actrice de La servante écarlate, tiens, tiens) sont apaisants.

Malgré toutes ses qualités, surtout formelles, on ne peut pas nier que le film pourra ennuyer un peu du fait de sa longueur exagérée. Mais c'est globalement de la belle ouvrage, dans le genre "maniaco-dépressif en pleine nature".

 

2e

 

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Family romance, LLC

Dans Family romance, LLC, Werner Herzog multiplie les mises en abyme.

Le film est une fiction qui raconte comment au Japon on peut louer les services de comédiens pour jouer des proches dans certaines occasions.

Mais cette fiction flirte avec le documentaire : l'acteur principal est en réalité le patron de la firme en question, et on peut penser que plusieurs scènes sont directement tirées d'expériences réelles. Comme Herzog opte pour une esthétique vidéo assez laide et comme filmée au téléphone portable (350 minutes de rush seulement !), le film dégage une ambiance de docu-fiction ambivalente.

Le résultat est inégal mais très intéressant. Le début du film est fascinant. Herzog y démontre une fois de plus son appétit vorace de faire oeuvre de cinéma : les émotions explosent à l'écran, chaque moment apparaît comme potentiellement d'anthologie (la scène où un employé de l'agence joue le rôle du père de la mariée, par exemple). On est saisi par un vertige qui résulte du contraste entre l'extrême formalisme des relations au Japon et le côté profondément mélancolique des situations qui se jouent devant nos yeux.

Malheureusement, le film s'affaiblit un peu en son milieu et se délite progressivement jusqu'à une dernière scène un peu tirée par les cheveux, dont on peine même à comprendre le sens. 

L'ensemble est tellement saisissant dans son propos comme dans sa forme que Family Romance, LLC mérite tout de même d'être vu.

 

2e

 

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Le sel des larmes

Philippe Garrel fait toujours un peu le même film : noir et blanc plutôt classe, états d'âmes parisiens, dialogues assez littéraires.

Bref, du cinéma d'un autre siècle diront certains, qui me laisse habituellement assez perplexe.

Dans cet opus toutefois, les errances rohmériennes du personnage principal se teintent de nuances plutôt inaccoutumées chez Garrel : une cruauté distanciée parfois brutale, une escapade en province, une belle relation au père, un personnage principal qui exerce un métier manuel (ébéniste),  une ouverture à des acteurs/trices d'origines diverses.

Le résultat est un film très agréable qui nous surprend souvent et qui parfois nous ébloui par l'excellence de sa mise en scène. Des trois "segments" du film, chacun centré une femme (Djemila / Oulaya Amamra, Geneviève / Louise Chevillote / Betsy / Souleyla Yacoub) le premier est le plus beau. Le coup de foudre entre Luc et Djemila est superbement évoqué, et l'actrice de Divines révèle ici un talent réel, dans une composition à l'opposé de celle qui lui a valu de se faire connaître.

Mon film préféré de Philippe Garrel à ce jour.

Philippe Garrel sur Christoblog : La jalousie - 2013 (**) / L'ombre des femmes - 2015 (**)

 

3e

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Chained

Incroyable vitalité du cinéma israélien, qui nous propose ici un petit chef d'oeuvre plein d'intensité et de variété.

En suivant l'itinéraire de cet ours mal léché (je ne peux pas m'empêcher de penser au Denis Ménochet de Jusqu'à la garde), on parcourt à la fois le spectre de la masculinité bafouée, et celui de la société israélienne.

C'est puissant, excellemment filmé, magnifiquement interprété, et intrigant au possible. On a hâte de découvrir le deuxième volet de ce tableau du couple moderne, Beloved.

A signaler que le réalisateur de ce film est également l'auteur d'une oeuvre trop injustement méconnue, l'exceptionnel Ajami.

Foncez-y, c'est un des meilleurs films actuellement sur les écrans.

 

3e

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Tout simplement Noir

Si l'entreprise est louable (faire à la fois rire et réfléchir sur le thème de "Qu'est ce qu'être Noir aujourd'hui en France"), le film de Jean Pascal Zadi et John Wax ne m'a pas entièrement convaincu.

Au rayon des points positifs : une volonté d'autodérision qui fait souvent mouche. L'esprit de Candide est vraiment présent dans ce film, à travers toute une série de velléités militantes qui, justes dans l'esprit de notre anti-héros, se heurtent à leur contraire, ou à une autre cause tout aussi juste.

Le film est de ce point de vue très malin en renvoyant tous les acteurs à leur propre conception du racisme (ou de l'anti-racisme). Rien n'y est simple et tout mérite d'être contextualisé : c'est la morale du film.

A l'aune de cette recherche de sens souvent pertinente, la qualité comique du film ne mérite pas d'être vraiment relevée, et a sûrement fait l'objet d'une survente dans la presse. En effet, le film n'est pas vraiment drôle. La suite de sketchs avec célébrités qu'il propose sera diversement appréciée suivant les goûts de chacun. Pour ma part, j'ai par exemple vraiment trouvé l'escalade avec Fabrice Eboué et Lucien Jean Baptiste assez géniale, alors que l'intervention d'Eric Judor m'a laissé de marbre.

Tout simplement Noir tente sur la fin un virage à 180 degrés vers le sérieux à travers une agression de policiers blancs, filmée avec le plus grand sérieux. On sait que le film a été imaginé et tourné avant les évènements ayant suivi la mort de George Floyd, mais ce moment m'a laissé un goût amer dans la bouche, celui d'un opportunisme en décalage de phase. C'est sûrement injuste, mais je n'ai pu m'empêcher de penser que cette scène, toute en rupture de ton, nuisait au film plutôt que l'inverse.

Chacun se fera son opinion sur ce dernier point, mais au final Tout simplement Noir est suffisamment original pour mériter d'être vu.

 

2e

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Les parfums

Voici un film qui ne présente aucun défaut majeur. Ni aucune qualité notable.

J'ai donc beaucoup de mal à en dire du mal : l'interprétation est très solide (Emmanuelle Devos et Grégory Montel sauvent le film), la mise en scène inodore, le scénario inoffensif. 

J'ai aussi du mal à en dire du bien : le film ne présente quasiment aucun intérêt, à part celui d'être dans une salle de cinéma à regarder une histoire sans grands enjeux, sans sexe, sans amour, sans violence, sans exposition de la réalité sociale contemporaine, sans suspense mais raisonnablement bien filmée.

Le film s'égare un peu entre différents sujets anodins (le père divorcé en mal de reconnaissance, l'anosmie comme maladie professionnelle). Comme c'est fait avec beaucoup de conscience professionnelle et de modestie, Les parfums nous incite à la bienveillance critique.  

A vous de voir.

 

2e

 

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L'homme de Rio

La dernière fois que j'ai vu ce film, je devais avoir douze ou treize ans. Inutile de dire que je ne me souvenais pratiquement de rien, si ce n'est d'une sorte de pétillement de champagne permanent.

Revoir L'homme de Rio quarante après procure une drôle de sensation. Si l'impression de vitesse permanente est toujours bien là, générée à la fois par les mouvements de caméra, le jeu des acteurs et la science du montage, il faut reconnaître que le film n'a pas tout à fait bien vieilli. 

Il faut d'abord dire que le scénario n'est pas très intéressant, et qu'il est servi par des dialogues minimum. La qualité technique de l'image et du son m'a paru également très moyenne : le film mériterait une bonne restauration (à moins que ce soit mon DVD TF1 Video !).

Le plus impressionnant dans le film de De Broca, c'est la présence physique de Jean-Paul Belmondo, véritable monstre d'énergie, musculeux et puissant. Il y a quelque chose de surnaturel en lui, y compris quand il se contente de marcher.

L'autre caractéristique du film qui frappe aujourd'hui, c'est sa naïveté joyeuse, réjouissante dans le dépouillement total qui est celui dans lequel se déplace Adrien, et symbolisée par la fameuse voiture rose aux étoiles vertes.

Une friandise désuète, dans l'esprit assez proche de la naïveté déterminée qu'on trouve chez Tintin.

 

2e

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Dark waters

Dark waters, s'il n'est pas un chef d'oeuvre, est un exemple de ce que le cinéma peut produire de plus riche et de plus gratifiant pour le spectateur.

Tout est en effet porté à haut niveau d'excellence dans ce dernier film de Todd Haynes. On savait ce dernier grand styliste, mais il porte ici l'art de la mise en scène à son plus haut niveau : tout est habile, beau, stylé dans ce que Haynes propose, des couleurs magnétiquement grisâtres aux plus subtils mouvements de caméra. 

L'interprétation de Mark Ruffalo atteint ici une intensité inusitée (même si dans Spotlight et Foxcatcher, il était déjà formidable), pleine de failles et de creux. Rarement la sourde obstination d'un justicier laborieux aura trouvé si parfaite illustration.

L'aspect documentaire donne au film une profondeur incroyable : rien n'y est simple, tout y est long. 

Pas forcément facile d'accès, Dark waters enthousiasme par sa puissance et sa densité. Un must de 2020.

 

4e 

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The big Lebowski

Il est toujours intéressant de se frotter à la vision tardive d'un prétendu "classique". C'est pourquoi, profitant d'une offre FNAC avantageuse, j'ai visionné hier soir l'archétype du film culte, The big Lebowski.

On voit très vite pourquoi le film des Coen bénéficie de cet aura quasi-magique : son héros est un parangon de coolitude et le style des Coen amplifie cette coolitude à la puissance dix (les passages oniriques, la bande-son, les contrastes avec les mecs "pas cool"). Quelques vieilles recettes (le buddy movie entre deux personnages assez dissemblables, des punchlines qui établissent une légende, des têtes de turc que tout le monde aime détester - comme les Eagles) et le tour est joué.

Le résultat est certes un film agréable, qui se regarde sans déplaisir, mais qui au final paraît un peu daté et dont les vives couleurs peinent à masquer la vacuité narrative et émotionnelle. L'intrigue est loin d'être passionnante et les références sont écrasantes : en gros le film tente d'être un Grand sommeil sous weed.

Ce n'est donc pas The big Lebowski qui va me faire changer d'opinion sur les Coen, qui m'ont toujours paru être d'habiles faiseurs surcôtés, qui parviennent souvent à être en légère avance de phase sur leur époque, ce qui explique leur succès.

Les frères Coen sur Christoblog :  No country for old men - 2007 (**) / Burn after reading - 2008 (**) / A serious man - 2009 (*) / True grit - 2010 (*) / Inside Llewyn Davies - 2013 (**) / Ave César ! - 2016 (*) 

 

2e 

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Cancion sin nombre

Sans sa sélection à la Quinzaine des réalisateurs en 2019, difficile d'envisager un accès aux salles françaises pour ce film péruvien assez pointu, tourné en noir et blanc et dans un format 4:3, et racontant la sordide histoire d'une mère dont on vole le nourrisson. Dans ce cas comme dans beaucoup d'autres, le Festival de Cannes prouve sa vocation essentielle de passeur, toutes sections confondues.

Cancion sin nombre est donc d'une grande beauté formelle. Tourné dans un noir et blanc plutôt gris, au grain un peu épais qui rappelle plus Bela Tarr que le piqué incroyablement précis de Roma, le film enchante souvent par la symétrie de ses plans, la sourde poésie qui s'échappe des paysages désolés comme des tableaux urbains de la pauvreté quotidienne, sa mise en scène élégante, sa façon triste de donner à voir un écran obstinément obscur, dans lequel on distingue à peine deux nuances de noir, ou la fragile lueur d'une bougie.

Une fois dit la splendeur de l'expérience visuelle, il faut reconnaître que le reste laisse à désirer, même si le montage est assez alerte, les acteurs convaincants et l'histoire intéressante. C'est que le scénario peine à unifier les différentes histoires montrées (la maman désespérée, l'histoire d'amour du journaliste gay, son enquête parcellaire). 

Au fur et à mesure que le film avance, il est de plus en plus évident que son horizon ultime est la perfection formelle plus que tout autre chose : c'est sa limite.

 

2e 

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Il était une fois dans l'Est

Présenté à Cannes 2019 dans la section Un certain regard, ce modeste film russe n'aura donc pas eu les honneurs d'une sortie dans les salles françaises, par la faute de ce satané Covid. Vous pouvez le voir en VOD cette semaine sur plusieurs plateformes, dont Canal et Orange VOD.

Rien de renversant ici. Une chronique douce amère (et parfois burlesque) d'un double adultère qui s'écoule au fil des quatre saisons, entre une femme quelconque et un routier anodin. Leur histoire n'est ni exceptionnelle, ni insipide. La réalisatrice Larissa Sadilova distille une petite musique typiquement russe, qui évoque aussi bien la compassion de Tchékov que l'ironie de l'âme slave. 

Les mésaventures de nos amants (la femme est ici la plus décidée, comme souvent) sont sans attrait particulier, et il faut bien regarder dans les personnages secondaires et les mini-péripéties de ce récit minimaliste  pour trouver son plaisir : celui de l'immensité des petits sentiments, errant dans la petitesse de ces vastes espaces.

Une cinéaste à suivre.

 

2e 

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Filles de joie

Beau et sensible portrait de trois femmes, Filles de joie se distingue par un montage très intelligent et un sens du rythme qui ne se laisse jamais prendre en défaut.

Si le sujet (la prostitution) a déjà fait l'objet de mille traitements au cinéma, il trouve ici une déclinaison "près de chez vous" assez originale. Les trois actrices sont formidables et font de ce film une oeuvre profondément féminine, plus encore que féministe. Sara Forestier est vulnérable, sexy, vulgaire, énervée. Noémie Lvovsky est incroyable en pute mature mère de famille et Annabelle Lengronne, révélation du film, est explosive.

Les hommes n'ont évidemment pas le beau rôle dans ce tableau : ils sont au mieux faibles, au pire pervers.

La prostitution de proximité en Belgique est montrée ici sous un angle quasi documentaire par Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevitch, qui donnent à voir un tableau du Nord foncièrement réaliste. Filles de joie se termine par une très jolie scène, pleine de joie et de légèreté, efficace et agréable, à l'image du film.

Je le recommande chaudement.

 

3e

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Benni

On a vu ces dernières années pas mal de films décrivant le quotidien d'enfants en rupture avec la société, hyperactifs et violents. Le cinéma a souvent montré combien il était difficile de trouver une solution durable pour eux : Mommy, La tête haute, La prière....

Avec Benni, le sujet atteint un degré de brutalité inusité, par la grâce de l'interprétation exceptionnelle de la jeune actrice Helena Zengel. On est littéralement happé dès les premières scènes par le mélange de douceur enfantine et d'éruption hyper-violente qui émane du personnage de Benni.

Le propos du film est doublement servi par un scénario subtil et par la mise en scène de Nora Fingscheidt, qui se met au diapason de sa jeune actrice : violente, brute et directe. Les quelques passages oniriques qui nous donnent à voir le chaos mental intérieur de Benni sont très réussis. L'utilisation de la musique est aussi remarquable, entretenant un suspense qui flirte parfois avec l'insoutenable.

Une pépite de dureté, de tension et d'émotion, comme on en voit peu.

 

4e

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La communion

La communion offre pratiquement tout ce qu'on peut attendre du cinéma : une histoire intéressante, une interprétation inspirée y compris chez les seconds rôles, une mise en scène qui sert son sujet tout en étant inventive.

J'ai été littéralement bluffé par la qualité d'écriture du film : un scénario qui nous entraîne dans des méandres inattendus, un découpage très efficace, un rythme enlevé. Jan Komasa parvient à nous faire éprouver une gamme de sentiments très différents, qui va de la peur à la sidération, de l'amusement à l'émotion esthétique. Quand le cinéma parvient à un tel degré de maîtrise dans toutes ses composantes, il me procure une sorte de jouissance permanente.

Difficile de ne pas évoquer dans cette débauche de compliments le regard tour à tour dur, tendre et halluciné de Bartosz Bielena. A ce titre, la dernière scène du film constitue un climax impressionnant, qui s'impose déjà comme un des grands moments de l'année cinéma.

A ne rater sous aucun prétexte : le meilleur film de 2020 à ce jour.

 

4e

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Un fils

Un fils commence par l’exposition d’un couple de Tunisiens aisés et influents dans leur métier, vivant à l’occidentale avec leur fils. Lors de ces premières scènes, on se demande d’ailleurs vers quoi le film va bien pouvoir s’orienter, tant les pistes paraissent nombreuses : chronique socio-politique, thriller psychologique à la Asghar Farhadi (on pense à A propos d'Elly), suspense hitchcokien, drame sentimental. 

Le réalisateur Mehdi M. Barsaoui parvient dans ces premières scènes à distiller une sourde tension sous des airs décontractés de film efficace et bien rythmé, à l’américaine. 

L’histoire bascule ensuite dans un drame brutal, qui va déclencher une série de révélations et de rebondissements passionnants, permettant d’explorer de nombreux sujets : la condition de la femme en Tunisie, des questions de morale individuelle, une réflexion sur l’adultère. Le film est aussi un très beau film sur l’amour qui se délite.

L’acteur principal, Sami Bouajila (qu'on a vu dans Indigènes), est formidable, il a d’ailleurs justement obtenu un prix au Festival de Venise. L’actrice Najla Ben Abdallah lui donne une réplique très convaincante. La mise en scène est extrêmement séduisante, et l’ensemble de la direction artistique contribue à donner une patine extrêmement réaliste au film, dans lequel on est complètement immergé du début à la fin.

Un beau film dynamique et séduisant, à découvrir absolument.

 

3e

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Da 5 bloods

Da 5 bloods est loin d'être parfait. Le casting est inégal (Jean Reno en particulier est très mauvais), le film est trop long et trop bavard, certains personnages à peine esquissés sont caricaturaux, les effets mélodramatiques sont parfois au-delà du ridicule et la mise en scène flirte avec le mauvais goût ostentatoire.

Mais malgré tous ses défauts, le film m'est sympathique. 

Il est porté par l'énergie intacte de Spike Lee, qui aime ses personnages, n'hésite pas à donner le souffle du grand spectacle à un film dont on se dit au début qu'il va se borner au politiquement correct, et produit au final une oeuvre hybride, mi-western et mi-réflexion politique.

C'est dans la dualité grande Histoire / petites histoires que Da 5 bloods trouve son énergie positive : il ne va pas forcément là où on pense que la conscience politique de Spike Lee devrait le porter. Le personnage de Paul en particulier, qui se développe progressivement dans toute sa complexité, est particulièrement intéressant. Le résultat est foutraque, et donne une sorte d'Apocalypse now en mode western spaghetti, qui ne se donne même pas la peine de faire sérieux (sauf quand il s'agit de compter le nombre de foulées qu'Edwin Moses faisait entre deux haies).

Une fable punchy, façon pop-corn, dans la lignée de son film précédent.

Spike Lee sur Christoblog : BlacKkKlansman - 2018 (***)

 

3e

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Une famille heureuse

Une famille heureuse est bâti sur presque rien.

Une femme dans la cinquantaine, Manana, souhaite habiter seule. Elle ne divorce pas, n'a pas rencontré quelqu'un, n'est fâchée avec personne. Elle veut simplement un peu de temps à elle, préparer tranquillement ses cours, écouter de la musique classique en buvant du thé.

Sa famille ne comprend évidemment pas, et tout le monde essaye de la dissuader. L'affaire ne vire pas au thriller car personne n'est violent et tout le monde l'aime.

Les réalisateurs, l'allemand Simon Gross et la géorgienne Nana Ekvtimishvili, parviennent à nous faire parfaitement ressentir le désir de repos et de liberté de l'héroïne principale. Pour cela il usent merveilleusement bien du contraste entre l'excitation perpétuelle régnant dans la maison familiale et le calme de l'appartement dans lequel se réfugie Manana. La sérénité du lieu est parfaitement rendue, notamment par un admirable travail sur la lumière (le directeur de la photo, Tudor Vladimir Panduru, est celui du Baccalauréat de Cristian Mungiu).

L'actrice Ia Shugliashvili est admirable, et sa prestation au chant, lors d'une soirée décisive, est mémorable.

Un très joli film à découvrir.

 

3e 

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Chat noir, chat blanc

Chat noir, chat blanc commence sur un tempo assez lent, qui fait penser à une sorte de western spaghetti des Balkans. Kusturica prend le temps de présenter chacun des personnages à travers de longues scènes d'exposition assez surprenantes, dans lesquelles la démesure du film commence déjà à impressionner. La découverte de l'incroyable personnage de Grga est une scène dans laquelle la fantaisie débridée du film est parfaitement canalisée.

Petit à petit, le film monte en puissance et culmine longuement dans toute sa deuxième partie, morceau d'anthologie en terme de rythme et de mise en scène. La suite des mariages, les grands-pères dans le grenier, la formation des couples, la musique omniprésente : tout s'allie pour donner au spectateur un tournis vertigineux, source de plaisir constant.

Il y a dans Chat noir, chat blanc une atmosphère quasi shakespearienne : les jeunes amoureux triomphent grâce à leur astuce des cruels méchants, et les ridiculisent au passage. Comme dans les comédies du grand William, Kusturica n'hésite pas devant les péripéties grivoises et scatologiques, les insultes fusent, la mort devient risible et les quiproquos sentimentaux.

De toute cette folie subtilement orchestrée émergent une émotion pure et légère (les amoureux dans le champ de tournesols) et une puissance de vie qui fait ressusciter les morts et danser les mourants (magnifique scène du vieillard que l'orchestre vient chercher à l'hôpital). 

Un film magique, dont le souffle puissant marque durablement.

 

4e

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Sueurs froides

Comme beaucoup d'autres, ce classique d'Hitchcock mérite d'être revu.

Je gardais le souvenir d'une certaine lenteur, et c'est peu dire que toute la première heure est effectivement lente. On suit le personnage joué par le grand James Stewart (quelle classe !) à travers un San Francisco de carte postale, et il arrive qu'on s'ennuie autant que lui à tournicoter dans les rues en pente.

Bien sûr, me diront les thuriféraires hitchcockiens, ces errements préliminaires participent de la mise en place qui vise à nous prendre au piège d'une intrigue particulièrement biscornue.  Et j'admettrai alors que le voyage n'est pas si désagréable, même si les couleurs y sont parfois un peu trop vives, et le jeu de Kim Nowak trop maniéré.

Tout cette lumineuse matière énigmatique et en partie soporifique trouve évidemment sa justification dans la ténébreuse seconde partie, morceau de cinéma assez impressionnant, dans lequel les deux acteurs se livrent cette fois-ci sans retenue dans un pas de deux prenant, et souvent émouvant. Le film devient alors pesant, le destin semblant comme englué dans une sorte de mélancolie mortifère.

L'ensemble du film suinte de solitude, et apparaît encore aujourd'hui dans toute sa force comme une ode féroce et noire à l'amour impossible, aux émotions corrompues et aux occasions ratées.

L'efficacité de la mise en scène d'Hitchcock est redoutable, et la scène centrale du cauchemar garde encore aujourd'hui son efficacité psychédélique.

Un beau morceau de cinéma, très légèrement indigeste à certains moments, mais brillant à d'autres.

 

3e 

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