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Christoblog

L'effet aquatique

On a déjà croisé les personnages d'Agathe, Samir, Anna et Ulfur dans un film précédent de la regrettée Solveig Anspach, Queen of Montreuil.   

C'est donc d'abord avec un doux plaisir de retrouvailles tendres qu'on retrouve le monde poétiquement bargeot de la franco-islandaise.

La première partie du film, presque entièrement centrée sur la piscine Maurice Thorez de Montreuil (un monde, un univers !), est une magnifique histoire d'amour irraisonnée entre ces deux acteurs uniques que sont la gracile Florence Loiret-Caille et le dégingandé hébété Samir Guesmi. On se délecte dans ce jeu subtil et inutile de l'amour et de l'indifférence, supervisé par deux agents d'entretien célestes joués par Philippe Rebot et Esteban.

La deuxième partie islandaise est jouissive pour ceux qui ne connaissent pas ce merveilleux pays qu'est l'Islande (je pèse mes mots), bien qu'un peu anecdotique. Le film navigue alors dans un registre plutôt folklorico-poético-lunaire, mâtiné de satyre des institutions internationales, qui n'est pas sans déclencher de francs afflux d'endorphine. 

Bon enfant, léger et délicat, un pur film d'été qui fait du bien.

 

3e

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Love and friendship

L'idée que le réalisateur du déroutant Damsels in distress puisse adapter la prose souvent piquante de Jane Austen avait quelque chose d'intrigant.

Malheureusement, le résultat m'a plutôt déçu. La structure épistolaire du court texte d'Austen donne ici un scénario assez verbeux, construit d'une façon artificielle à grand coup d'ellipse.

On peine à voir l'ensemble de l'intrigue se dessiner d'une façon riche et convaincante, comme c'est habituellement le cas chez Austen. La mise en scène statique et empesée de Stillman contribue à plomber le film qui n'évite pas les plages d'ennui.

Restent au crédit de ce film froid la belle prestation de Kate Beckinsale en femme manipulatrice et dénuée de tout scrupule, et surtout le très beau personnage de l'idiot congénital joué par Tom Bennett, qui parvient à insuffler dans le film un peu de cette grâce lunaire qui faisait le charme de Damsels in distress.

 

1e

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Diamant noir

Il faut un certain cran à Arthur Harari pour se lancer dans un scénario de film noir complexe à l'occasion de la réalisation de son premier film.

L'intrigue de Diamant noir est particulièrement alambiquée, sans être profondément originale : il est question d'un petit délinquant qui apprend la mort de son père, perdu de vue depuis longtemps. Ce père s'avère avoir été spolié par sa famille, des diamantaires d'Anvers. A l'occasion des funérailles, l'occasion va être donnée au fils de s'incruster dans la-dite famille et d'y faire à la fois son trou et le lit de sa vengeance.

Disons-le, l'intérêt du film n'est pas vraiment dans le scénario, ni dans l'interprétation artificielle du pourtant magnétique Niels Schneider, mais dans la mise en scène et ses parti-pris formels tout à fait étonnants : éclairages artificiels néo-expressionistes en couleurs, rêveries suréalistes, accumulations de gros plans inquiétants, scènes émergeant d'un inconscient torturé (le quasi-viol par exemple), mélange malsain des genres, récurrence des motifs narratifs.

Le tout donne au film une tonalité hitchcockienne post-moderne (on songe aussi au Coppola de Tetro ou encore à De Palma) pas désagréable. 

A suivre.

 

2e

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La loi de la jungle

Il y a une sorte de coolitude à être fan de La loi de jungle, si l'on en juge par les critiques hype, tendance Inrocks + Cahiers.

Curieusement, ce que les partisans du film aiment, ce sont ses défauts : un aspect bricolage de gags avec les moyens du bord, un burlesque qui s'assume dans l'approximation, un mélange des genres complètement foutraque et des références régressives qui échapperont à la plupart des spectateurs (la musique de Goldorak par exemple).

Pour ma part, je n'ai jamais vraiment accroché avec les très grosses blagues du film. Macaigne fait du Macaigne et Vimala Pons de l'Audrey Tautou sous acide. Ils sont assez convaincants tous les deux, contrairement aux seconds rôles qui semblent égarés dans la jungle de ce film : un Mathieu Amalric très mauvais, un Pascal Legitimus en perdition. 

L'aspect lunaire et poétique du précédent film d'Antonin Peretjatko est ici sacrifié au profit d'une tonalité plus fantasque et plus basiquement politique. Le nombre d'idées par plan est tellement énorme que certaines finissent tout de même par faire sourire (la scène d'aphrodisiaque, quelques gags purement visuels, les animaux), même si la majorité tombent à plat.

La loi de jungle manque de rythme, et souffre de trop d'imperfections pour être aussi drôle qu'il prétend l'être. Peretjatko semble plus doué pour avoir des idées que pour les concrétiser.

Antonin Peretjatko sur Christoblog : La fille du 14 juillet (**)

 

2e

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Mr Gaga, sur les pas d'Ohad Naharin

Je n'avais jamais entendu parler du chorégraphe Ohad Naharin avant d'aller voir ce film, et je suppose que je ne suis pas le seul.  

Ma surprise de découvrir une danse magnifique et inspirée fut donc totale. 

Le film est assez bien fait, bien que très classique dans sa forme (une alternance d'interviews, d'images d'archives, de scènes privées plus ou moins volées, d'astuces de montage). Son intérêt n'est donc pas à proprement cinématographique, mais surtout ... chorégraphique. 

Des premières pirouettes dans le jardin familial à la consécration en Israel, en passant par la riche expérience new-yorkaise (où l'on croise avec plaisir Alvin Ailey et Maurice Béjart), on vit de très près l'évolution d'un danseur/chorégraphe incroyablement charismatique. C'est, en dehors des extraits de chorégraphies, l'aspect le plus intéressant du film : comment la vision d'un homme peut fédérer un groupe, et entraîner chacun de ses membres à se dépasser lui-même.

Si on évacue donc les forces et faiblesses du film proprement dit, reste une série d'images absolument fascinantes : danseurs en demi-cercles sur des chaises, tombant à l'arrière plan, se propulsant comme des animaux mythologiques, avançant en ligne comme une armée d'anges ou se palpant comme des extra-terrestres.

Une danse incisive, incroyablement variée et spectaculaire. Il suffit de regarder les 25 premières de ce spectacle (Deca Dance) pour ce rendre compte de la déflagration sensuelle que procure l'art d'Ohad Naharin. Une découverte étourdissante.

 

2e

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The neon demon

Au moins, maintenant, Nicolas Winding Refn ne cache plus son jeu.

Ce qui m'avait si fortement déplu sans ses deux derniers opus (en gros, une outrancière primauté du style sur le fond) est ici pleinement assumé. 

Cela commence fort, avec dans les cartons du générique les initiales NWR comme gravées en arrière plan. Refn n'est plus un cinéaste, il est devenu une marque. 

On n'est donc plus vraiment dans du cinéma, mais dans une sorte d'egotrip qui n'a que peu d'équivalent dans l'histoire du cinéma - je ne vois que Fellini pour avoir proposé des oeuvres aussi esthétisantes, certes dans un style très différent, dont le contenu narratif devient complètement accessoire. 

Au début du film, l'arrivée du personnage jouée par la diaphane (et redoutable) Elle Fanning dans l'impitoyable monde de la mode essaye de maintenir encore une sorte de canevas narratif. On pense subrepticement à Mulholland Drive pour l'aspect "jeune et innocente" dans un milieu hostile, filmé bizarrement, mais NWR n'arrive qu'au mollet de Lynch.

L'impression fait long feu, The neon demon évoluant tout à coup dans une abstraction absconse et tape-à-l'oeil (les triangles et tout le barnum géométrique). On nage en plein porno soft lesbien type pub pour Chanel : c'est très mauvais.

La fin du film revient à son climat esthétique minimaliste du début dans un dernier volet que j'ai trouvé particulièrement réussi. NWR cadre alors pour le plaisir des créatures improbables qui évoluent dans une sorte de non-sens onirique particulièrement flippant, dans lequel on gobe un oeil avec une voracité goulue. Ca me plait.

A ce moment-là, NWR approche de l'art contemporain plutôt que du cinéma et on a envie de lui dire : Allez mon gars, encore un effort.

NWR sur Christoblog : Le guerrier silencieux - 2009 (**) / Drive - 2011 (*) / Only god forgives - 2013 (*)

 

2e

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Folles de joie

Il y a dans le cinéma de Paolo Virzi un allant et un élan, une générosité, qui pour ma part m'enthousiasment.

Certains (probablement les Cahiers du Cinéma par exemple) trouveront peut-être que les actrices en font trop, que le scénario n'hésite pas à utiliser de grosses ficelles, et que la mise en scène est pleine d'effets de petit malin. 

Toute cela est vrai en partie, et contribue au charme du film. Votre ressenti dans la salle de cinéma dépendra de la façon dont le jeu outré de Valeria Bruni Tedeschi va vous happer, vous emporter, ou non. Son débit de moulin à parole sous amphétamine et son décolleté abyssal ne génèrent pas une confiance immédiate, et peut même susciter, on le comprend, une forme de rejet.

L'art de Virzi est de maintenir le film dans un état d'équilibre précaire : on hésite pendant tout le film à qualifier les deux héroïnes de folles, certaines de leurs élucubrations s'avérant finalement vraies.

Folles de Joie oscille donc entre deux pôles : un mauvais goût hystérique et plaisant, et un sentimentalisme tire-larme à l'italienne. A ne conseiller qu'aux coeurs d'artichaut, orientation latine, dont je pense faire partie.

Paolo Virzi sur Christoblog : La prima bella cosa - 2010 (***) / Les opportunistes - 2013 (**)

 

3e  

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A war

Dans sa première partie, A war ressemble à un film de guerre naturaliste, filmé dans un style quasi documentaire, et centré sur un soldat danois en service en Afghanistan.

La chronique du conflit est entrelardée de vignettes présentant la vie de son épouse et de ses trois enfants  au Danemark.

Cette partie n'est pas inintéressante, bien qu'un peu longue. Le style de Lindholm est d'une efficacité extrême, mêlant toute sorte d'effets (gros plans sur les visages, caméra à l'épaule, plans larges). Le réalisateur ne sacrifie quasiment rien au rendu réaliste du film : les dialogues, bourrés d'abrévations, sont parfois incompréhensibles.

Le personnage principal est dans la deuxième partie questionné par un tribunal sur une de ses décisions. A war prend alors une autre dimension, donnant à voir une série de dilemnes moraux agissant sur différentes strates. Cette partie lorgne sans hésitation vers les effets du film de procés (coup de théâtre compris), tout en gardant l'aspect sec, sans affect, presque austère de la première partie. 

Tobias Lindholm excelle véritablement dans cette façon de filmer les évènements sans emphase, les épurant jusqu'à l'os, et semblant réduire l'intrigue à sa substanfique moelle. Le jeu des acteurs, dépouillé à l'extrême, parvient cependant à nous surprendre.

A noter à titre de curiosité, et comme souvent dans le cinéma danois, qu'on retrouve dans le casting trois des acteurs principaux de la géniale série Borgen, dont Tobias Lindholm fut le scénariste. 

Tobias Lindholm sur Christoblog : R - 2010 (**) / Hijacking - 2012 (**)

 

3e  

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Le lendemain

Un jeune homme a étranglé sa copine. Deux ans après l'évènement, il sort de prison et réintègre son lycée, et .... la classe même où il était !

Difficile pour moi de me concentrer sur un film qui part d'un postulat aussi grotesque. 

Je vais quand même essayer de donner un avis objectif. L'histoire dévoile progressivement le terrible passé, en n'évitant aucun effet prévisible et dramatique. Exemple : la mère de la victime pique une crise en croisant l'assassin au supermarché (on la comprend !). On ne peut pas dire que le scénario fasse dans la subtilité. Deuxième exemple : en parlant de sa nouvelle copine, son frère lui demande "Tu vas aussi la tuer, celle-là ?"

Le script fait vraiment l'effet d'un bulldozer enfonçant les portes ouvertes et écrasant toute véllléité d'originalité. Le film est bâti sur des principes tellement aberrants (personne n'appelle la police) qu'il se dégage du Lendemain un profond sentiment d'irréalité.

Les histoires de lynchage semblent intéresser particulièrement les cinéastes scandinave (voir La chasse), comme si l'aspect très lisse de ces sociétés cachaient de terribles pulsions.

L'acteur principal joue le mutisme obstiné avec une constance absolue (et entre nous, n'a pas l'air dévoré par le remords...), alors que les autres acteurs adoptent des jeux très stéréotypés. Le film semble vouloir hurler silencieusement son "message" : tout le monde a droit à la rédemption. Amen.

Il serait risible s'il n'était pas terriblement ennuyeux.

 

1e

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