Comment inciter quelqu'un qui n'aime pas la science fiction à se lancer dans l'aventure du Battlestar Galactica, comme je viens de le faire, en dévorant dans la foulée les 4 saisons et le stand-alone Razor ?
En soulignant d'abord que la série brasse des sujets bien éloignés de la science-fiction habituelle. Ici très peu de combats spatiaux par exemple. Les rares vaisseaux de guerre que vous verrez sont plus souvent en phase d'entraînement qu'en phase de combat. Rien à voir avec Star Trek et Star Wars, donc. Pas d'aliens non plus, ni de paradoxe temporel. Battlestar Galactica est autant une série de SF que Hamlet est une pièce sur le royaume du Danemark.
Un thème cher à la SF constitue tout de même une thématique de la série : celui des robots. L'histoire débute juste après la destruction presque totale de l'humanité par les Cylons, robots conçus par cette même humanité. Les Cylons (ceux qui nous intéressent) se distinguent des Centurions (métalliques et conformes à l'image traditionnelle du robot) par une caractéristique tout à fait extraordinaire : on ne peut quasiment pas les distinguer des êtres humains, et ils peuvent se répliquer à l'infini, atteignant ainsi une sorte d'immortalité.
Un des principaux intérêts de la série réside dans cette interrogation latente, qui soutient un mystère remarquable jusqu'au tout derniers épisodes de la dernière saison : parmi les héros de la série qui est vraiment humain ? qui est Cylon ?
Evidemment les Cylons, qui s'avèrent être des ennemis incompréhensibles au tout début de la série, vont petit à petit être découverts par les humains.
Leurs secrets vont tomber, leur unité s'effriter, et certain(e)s s'uniront aux humains.
La réussite majeure de la série réside dans l'équilibre quasi parfait qu'elle arrive à maintenir entre le plaisir du mystère et de l'aventure (les Cylons comme les humains parcourent le cosmos à la recherche de la Terre) et les délices de la spéculation métaphysique et politique. La série a de ce point de vue l'immense mérite de ne pas reculer devant les questions complexes : l'immortalité, l'altérité, le racisme, l'amour, la trahison, la révolution (peut on tuer pour une cause juste ?), les alliances politiques, la religion (les Cylons sont monothéistes et les humains polythéistes), les regrets, la maladie, etc...
On a souvent comparé Battlestar à un A la Maison Blanche (The West Wing) de l'espace, de par la complexité des thèmes abordés. C'est en grande partie justifié et les images du camp de la saison 3 rappellent sans conteste des camps contemporains (à Gaza par exemple). L'ombre projetée du 11 septembre est également bien présente.
Si l'édifice improbable de la série - dont l'esthétique un peu ringarde peut rebuter et qui est en fait un remake d'une série mineure des années 70 - tient debout, c'est surtout grâce à une distribution exceptionnelle. L'amiral Adama (incarné par le charismatique James Edward Olmos), roc dans les tempêtes, est le symbole du pouvoir militaire. Son second alcoolique, Saul Tigh, et sa femme Ellen vont jouer un rôle majeur dans le développement de l'intrigue. La présidente Laura Roslin, institutrice projetée Présidente suite à l'apocalypse, va lutter à la fois contre ses ennemis et son cancer avec un courage et une habileté remarquables. Tom Zarek est un leader politique révolutionnaire qui finira par sombrer dans les dérives extrémistes. Gaïus Baltar est le personnage le plus ambigu de la série, complexe, lâche, narcissique (exceptionnel James Callis). Ces personnages principaux sont entourés d'un multitude d'autres personnages qui auront, à un moment ou à un autre, un rôle à jouer dans la série (Lee Adama, Kara Thrace, Lieutenant Gaeta, Numéro 6, Sam, etc....).
La saga n'est peut-être pas tout à fait terminée puisque Bryan Singer (Usual Suspects) pourrait être aux commandes d'un film consacré à BSG, et qu'une série prequel (Caprica) arrive sur les écran américains en janvier 2010.
Un souffle de mystère et d'aventure qui balaye tous les épisodes, des thématiques riches et complexes, des personnages attachants et dont la personnalité évolue tout au long des quatre saisons : BSG place l'art de la série au plus haut niveau. Et comme souvent pour les toutes meilleures production de ce type, elle sait se terminer au bon moment, après 4 saisons denses et très différentes, par un final éblouissant.
So say we all.