J'avoue que je ne connaissais absolument pas l'histoire de George VI avant de voir ce film. C'est tout juste si le roi est évoqué dans la volumineuse biographie de Churchill que je viens de finir. Et si le défaut d'élocution de Winston est bien connu (et rappelé dans le film), celui du roi l'est beaucoup moins.
Tom Hooper et son scénariste réussissent donc le prodige de rendre passionnant la simple histoire d'un roi bègue et de son orthophoniste peu orthodoxe, en tenant en haleine le spectateur pendant presque 2 heures.
Ce prodige n'est possible que par la grâce d'un casting génial et en particulier d'un acteur extraordinaire, Colin Firth, qui réussit à distiller une émotion sourde dès sa première apparition, émotion qui ne nous quittera plus jusqu'au dernier plan.
Il parvient magnifiquement à incarner la royauté, dans le moindre de ses gestes. Il EST Georges VI, exactement comme Natalie Portman est Nina dans Black swan.
D'ailleurs, l'analogie entre les deux films ne s'arrête pas là. Dans les deux cas, que voit-on ? La volonté en lutte contre le corps, le combat de l'esprit et de la matière. Les deux films sont servis par une mise en scène intelligente, il est vrai beaucoup plus classique dans Le discours d'un roi. que dans le film d'Aronofski.
Et enfin, les deux films filent vers une représentation finale, qui est aussi un climax narratif, dans laquelle l'esprit finit par dominer le corps pour le meilleur, ou pour le pire.
Autant le dire tout de suite, je suis sorti de la salle super énervé.
Payer 12,70 € pour voir un film en 3D dans une salle parisienne, ça me gonfle prodigieusement. On ne le dira jamais assez : la 3D n'apporte pratiquement rien au cinéma, en tout cas pour l'instant. La plupart des plans de ce film sont absolument normaux et comme d'habitude on a ajouté en post-production un effet qui va bien en 3D : des capsules de bouteilles dégommées par Kato et qui volent vers nous. La belle affaire.
D'autre part un détail idiot : regarder de la 3D en VO a quelque chose de complètement stupide puisque l'immersion totale qu'est sensée représenter le procédé est gâchée par ces mots en français qui s'incrustent (bien à plat) entre les meubles du premier plan et les personnages au fond.... ou l'inverse.
Et le film là-dedans ? Insignifiant. On l'aurait projeté au public sans dire que c'était Michel Gondry qui l'a réalisé, je suis certain que personne ne l'aurait deviné. C'est à peine si ici ou là un petit effet (une caméra à l'envers, des arbres qui s'enflamment) rappelle un tout petit peu qu'un réalisateur inventif tient la caméra. Quel gâchis.
En plus, le deuxième degré ne fait qu'effleurer le récit et le film finit par ressembler à ce qu'il veut caricaturer : un bon gros film américain de baston avec pyrotechnie à tous les étages. Dire que j'ai lu que Gondry pensait avoir inventé de nouvelles façons de filmer les scènes d'actions ! Il n'a pas pas du en voir beaucoup car les siennes n'ont vraiment rien d'original. Les prestations de Seth Rogen en benêt infatué, raciste et sexiste, et de Christoph Waltz en méchant sans charisme, sauvent (un peu) les meubles.
Mais au final, j'ai quand même l'impression très désagréable de m'être fait arnaqué.
Si certains se contentaient de faire ce qu'il
savent faire (de la télé, des BD, de la musique, diriger des revues de cinéma), cela nous épargnerait la vision de mauvais films qui ne ressemblent à rien comme Mammuth, Gainsbourg,
Rubber et le présent Je suis un no man's land.
Parce qu'on ne s'improvise pas cinéaste.
Ce que n'a pas compris Thierry Jousse, comme ses collègues qui ont commis les longs-métrages ci-dessus, c'est qu'un film ce n'est pas seulement un enchaînement
d'idées qu'il suffit de filmer.
Une fan envahissante, un costume de cosmonaute, des parents émouvants, un pitch surnaturel, une chanson de Katerine, un look seventies, une partie de baby-foot mélangés ne font pas une oeuvre
cinématographique.
Il faudrait un point de vue, une sensualité, une progression, et de vrais choix. A force d'hésiter entre le drame familial, l'ambiance mystérieuse (on songe à la série Le Prisonnier), la comédie sentimentale (avec morceaux chantés), le portrait d'artiste (Philippe Katerine) et le délire foutraque, le film finit par ressembler à une
mayonnaise dont les ingrédients n'ont pas pris.
Une fois que c'est raté, c'est raté. Et même les quelques fulgurances sympathiques, plutôt situées dans la deuxième partie du film, ne réussissent pas à sauver l'ensemble, d'autant plus que la
fin est particulièrement mauvaise.
Angèle et Tony souffrira peut-être de son titre. Pourquoi pas César et Rosalie, Thelma et Louise, ou Marius et Jeannette tant qu'on y est ? Il souffrira aussi de son affiche et de sa bande annonce, stylés "vols de mouette certifiés France 3 Normandie".
C'est dommage, parce qu'avec sa modeste diffusion, le film a besoin de public, et il le mérite.
Oh bien sûr, je pourrais faire la fine bouche, mais pour une fois je laisserai d'autres railler l'aspect tire-larmes redoutablement efficace du film, ses quelques carences (scénaristiques) et facilités (de mise en scène et musicales). Je préfère retenir la partition exceptionnelle que jouent les deux acteurs principaux : la sublime Clotilde Hesme, félin androgyne écorché vif, et le plantigrade de la Comédie Française, Grégory Gadebois.
Ne boudons pas notre plaisir : le film soulève dans sa deuxième partie des vagues d'émotions brutes comme cela faisait longtemps que je n'en avais pas ressenti au cinéma, et il le fait sans évènements exceptionnels ni effets appuyés, mais simplement en montrant de petites choses (regards, sourires), qualité que je ne pensais plus trouver que dans le meilleur du cinéma roumain.
Voir le visage des deux acteurs se métamorphoser au fil du film agite dans l'esprit du spectateur des sentiments arc-en-ciel dont il ne se dessaisit pas en poussant la porte de sortie du cinéma. Fragile, ténu, au bord de se casser la figure à plusieurs moments, le premier film d'Alix Delaporte est remarquable et remarqué. On peut penser que l'avenir du cinéma français s'écrit décidément au féminin.
Voilà un film qui respire le travail bien fait. Peter Weir n'est pas enrobé de la croute de sel dont les critiques de l'establishment ont entouré un ex-acteur ayant joué des cow-boys dans des westerns spaghetti. Il peut donc faire un film pépère, plein de jolis paysages et qui se laisse regarder sans ennui malgré ses 2h14.
Ici, contrairement à une Thailande de pacotille ravagée par un tsunami de carton pâte (comme dans le calamiteux Au-delà), la nature est sereinement mais terriblement toute puissante. Et les acteurs en subissent les attaques corporelles d'une façon assez convaincante (le maquilleur est un artiste).
Alors si on regarde le film comme un Tintin ou un bon vieux film d'aventure, cela fonctionne. Colin Farrell joue des gros yeux et en rajoute des kilos, mais l'aspect BD du périple fait assez bien passer la pilule. Il y a des moments d'émotion gérés avec délicatesse et une fin qui est un peu plus digne qu'une certaine fin récente dans une galerie couverte londonienne (ibidem).
Loin d'être un chef-d'oeuvre, un boulot honnête et pas tape à l'oeil.
Il y a des films où je me prépare à écrire une mauvaise critique, et je le fais :
Au-delà. Des films où je m'apprête à sortir le dézingueur à recharge automatique, et à l'issue desquels je suis obligé de le remballer : Potiche.
Et il y a des films où je me prépare avant à tresser des louanges, avec des tournures de phrase pratiquement prêtes une heure avant le film ... et puis je m'endors pendant la séance.
Ben oui, j'ai honte, c'est rare que ça m'arrive, mais là c'était un peu too much. Ce n'est pas que le film n'est pas intéressant, mais parmi les 18 interviews qui s'enchaînent pour nous raconter
Shanghai, certaines sont intéressantes, mais d'autres un peu lassantes. Et puis les visions de l'actrice Zhao Tao errant dans les rues sans un mot n'apportent rien, au contraire. Comme
l'insertion de courts extraits de films d'Antonioni, Hou Hiao Hsen et Wong Kar Wai, dont je ne comprends pas vraiment le sens. En plus tout cela est très compliqué si vous n'êtes familier de
l'histoire de la Chine du XXème siècle.
Au détours de quelques plans on sent parfois l'immense potentiel qu'a Jia Zhang Ke (comme dans ces films précédents Still life et 24 city) et qui éclatera un jour à la face du monde, j'en suis absolument certain.
Cet article contribue modestement à compléter la très belle série de critiques qu'Anna consacre sur son blog à la légende arthurienne au cinéma.
Pour ceux qui auraient vécu sur la planète Mars ces dernières années, un petit rappel : Kaamelott est une série humoristique créée par un Alexandre Astier pour M6. D'abord constituée de très courts épisodes, à la manière de Caméra Café, qu'elle a remplacé, la série a ensuite évolué vers un format plus long pour aboutir dans son Livre VI à des épisodes de 50 minutes. Elle a regroupé jusqu'à 5 millions de téléspectateurs.
Autant le dire pour commencer, la série ne vise pas à donner une nouvelle version du cycle arthurien. Si les principaux personnages sont bien là, et globalement respectent certaines de leurs caractéristiques (Lancelot enlèvera bien Guenièvre, Excalibur est bien magique), ils ne fournissent qu'un fond approximativement cohérent aux délires d'Astier. Un élément cependant ; si le ton est résolument à la comédie (du moins dans les Livres I à IV), la quête du Graal fournit un bruit de fond à la fois absurde et lancinant à la série, tout à fait étonnant.
Un humour bien français
Il serait tentant de rapprocher Kaamelott de Sacré Graal. Je trouve pourtant que les deux oeuvres ne se ressemblent pas du tout. Autant le film des Monty Python est un archétype du non-sense britannique, autant l'humour de Kaamelott trouve sa source dans un fond typiquement hexagonal. Les dialogues sont le ressort principal du rire et on ne peut s'empêcher de songer à Audiard par exemple (Léodagan est un personnage tout droit sorti des Tontons Flingueurs). Chacun des personnages a son propre trait de personnalité, ses mimiques, ses tics de langages qui deviennent des répliques cultes. On pense évidemment à De Funés ou Fernandel. Ils fonctionnent d'ailleurs souvent en double (Yvain/Gauvain, Merlin/Elias, Perceval/Karadoc) dans une grande tradition française du duo comique. Personnage aux traits typiques + duo comique + jeux de mots = Astérix et Obélix.
Un des personnages les plus drôles, Caradoc, fait dans cette déclaration une démonstration parfaite de l'art d'Astier de jouer avec les mots, jusqu'à obtenir un effet d'embrouillamini sublime : "Le débutant, qu'est-ce qui fait ?, il attrape le fenouil par la tige, et essaye de donner des coups avec la partie sporadique[...] et ben non, en faite, qu'est-ce qu'on constate, quand on observe l'objet en détail, c'est que la partie sporadique, ne présente pas de prospérité et que donc, elle est lisse. Il vaut mieux l'attraper par la partie boulière, ou sporadique, et se battre avec la tige, la partie tigeuse, dont la pointe peut être considéré comme redondante !"
Kaamelott, série univers
Kaamelott est l'objet de son créateur, Alexandre Astier, qui en est l'acteur principal, le scénariste, le dialoguiste, le réalisateur, et qui en compose la musique. Il joue dans la série avec son père, sa mère, sa-belle mère, son frère, et fait apparaître ses enfants. Il décline de nouvelles trames narratives sous forme de BD, et bientôt de nouvelles, après avoir publié tous les dialogues, et avant une trilogie au cinéma dont le premier volet sortira en 2012.
Astier est tenté de tout inclure dans son monde : des dizaines de références à des éléments extérieurs ont été répertoriées, de Star Wars aux divinités japonnaises en passant par la coupe de monde de football.
Perceval : Bourvil meets Kafka
De tous les personnages, Perceval se détache pour beaucoup d'aficionados. Très bête, ne sachant ni lire ni écrire, mais surdoué en ce qui concerne les nombres et les jeux hyper compliqués (le fameux Sloubi, voir la règle, hilarante), ne reconnaissant pas sa droite de sa gauche, inconscient face au danger, il semble pourtant être marqué par le destin pour tenir un rôle prépondérant dans la quête, et Arthur ne s'y trompe pas, puisqu'il le tient en haute estime et déjeune souvent seul avec lui.
La composition du comédien Franck Pitiot est exceptionnelle et donne à la série des moments d'anthologie. Pour vous donner une petite idée de l'art Percevalien je vous conseille de passer 5 minutes à regarder le magnifique épisode 92 (L'inspiration) du Livre IV, ici en streaming.
La table ronde sur Christoblog, c'est aussi Excalibur.
Nul, pitoyable, bâclé, mièvre, superficiel, mou, racoleur, ridicule, ennuyeux, plat, vide de sens, inutile : et vous, quel adjectif trouverez-vous pour qualifier l'infâme Au-delà ?
Regardez Matt Damon sur cette photo : il ressemble à une éponge. Et bien, en vérité je vous le dis, il joue comme une éponge, il parle comme une éponge.
Cécile de France est toute contente d'être là, elle rigole en bêtasse franchouillarde, essayant de se doubler elle-même en Français et n'y arrivant que partiellement. Pauvre France (l'autre), montrée d'une façon aussi caricaturale que le rugby dans Invictus. Mitterrand vu par le fin connaisseur Eastwood : coureur et malhonnête ! Ca c'est de l'annalyse politique de haute volée !
Seul avantage de ce navet abyssal, c'est que l'imposture qui consiste à considérer Eastwood comme un grand réalisateur devrait normalement commencer à apparaître clairement aux yeux de tous.
Au-delà est en-dessous. De tout.
Certains trouvent que ma critique manquent d'arguments. Alors voici un complément.
Les Bisounours chez les morts. Ils sont sympas les morts. D'abord, ils sont toujours très disponibles pour répondre à Matt, notre interphone céleste. Gentil papa incesteux demande à fifille de lui pardonner. Bouh, comme c'est beau. Madame demande à Monsieur de refaire sa vie avec une autre, et sans traîner. Bouh, comme c'est altruiste. Jason a l'air de s'éclater comme un fou là-haut, il rigole tout le temps, trop drôle d'être mort. En plus il intervient dans la réalité, sauve son frère, et le remet face à ses responsabilités : soit un homme, aurait dit l'inspecteur Harry. Et une petite question amusante : si notre médium prend les mains de son frère, il parle avec ses parents ?
Les Bisounours au pays des catastrophes. C'est beau un tsunami. Quand vous êtes sur un balcon et que vous voyez tout ce beau spectacle en bas (sans que votre immeuble tremble, c'est un miracle), vous ne pouvez vous empêcher d'être ému. Quelques plans plus tard, votre immeuble a disparu de la plage (il a du avoir une faiblesse inopinée), mais ouf, au milieu des débris bien rangés par petits tas d'égale hauteur, et au milieu de cadavres déjà soigneusement alignés sous des draps miraculeusement repassés, vous retrouvez, par hasard, votre bien-aimée ! Celle-ci, emportée par les flots furieux n'a pas lâché le bracelet acheté à la petite fille (trooop mignonne) dont le nounours a suivi par miracle notre journaliste rescapée, le tout dans une eau cristalline.
Marcus, sur le quai de métro, n'a pas un cheveu qui bouge, et ne semble pas souffrir des oreilles alors qu'une bombe de grande puissance vient d'exploser dans un espace confiné à quelques dizaines de mètres de lui : ce gosse a quelque chose de spécial, vraiment.
Les Bisounours savent conclure. Ha, cette scène finale ! Une seule comparaison possible : notre grand Lelouch sur un scénario de Musso, notre futur prix Nobel de littérature. Tout y est : le regard éperdu de Cécile, la vision de Matt qui se voit tendrement chercher les lèvres de son amour, les mains qui s'unissent, la caméra qui tournoie, le ralenti, la musique. Rien à redire, c'est parfait. Et le décor, j'oubliais cette sublime galerie couverte, romantique en diable et si naturelle.
Je m'arrête là mais j'en aurais d'autres : Les Bisounours et Tonton, Les Bisounours au pays des pubs Blackberry, Les Bisounours font de la cuisine italienne, Les Bisounours jouent au travelling, Les Bisounours visitent une clinique, Les Bisounours à France Télévisions, Les Bisounours écrivent un livre, etc, etc.
La relève est assurée, voilà la conclusion
qu'on peut tirer de la vision d'Arrietty, le petit monde des chapardeurs.
Le grand Hayao Miyazaki (70 ans) peut commencer à passer la main. Hiromasa Yonebayashi (38 ans) assure parfaitement la réalisation de cette nouvelle production des studios Ghibli.
L'histoire est simple et limpide : de petits êtres (les chapardeurs) vivent dans les maisons des humains. Ils ne doivent en aucun cas se faire remarquer de leurs hôtes, sinon, ils doivent partir
et trouver une nouvelle maison. Arrietty, 13 ans, sympathise avec un jeune humain malade du coeur qui vient se reposer chez sa tante, et met du coup sa famille en danger.
Les images sont comme d'habitude magnifiques, la nature étant cette fois-ci particulièrement à l'honneur.
Le film est lent, le caractère de certains personnages semble dessiné à la hâte (le père), l'histoire manque certainement un peu de relief, mais la magie opère tout de même. C'est dans la poésie
des proportions que le film est une franche réussite. Lorsqu'Arrietty et son père progresse dans la maison à l'aide d'astuces variées, lorsque la jeune chapardeuse découvre l'immense cuisine pour
la première fois, on vibre réellement avec elle. Les décors exploitent à fond cet aspect de l'histoire en fournissant des tas de détails très bien trouvés : les timbres postes deviennent posters,
une seule goutte émergeant de la mini-théière remplit une tasse, une épingle se transforme en épée, etc.
L'enthousiasme irréductible qui émane d'Arrietty, son appétit de vivre, d'aimer et de découvrir, est le deuxième point fort du film. Il est particulièrement attendrissant au regard du caractère
maladif et très calme du jeune garçon.
A conseiller aux petits et aux grands, même si de par son scénario, Arrietty ne peut rivaliser avec les "grands" Miyazaki, dont les thèmes sont autrement plus complexes.
La première bonne surprise de l'année est française, et elle vient de Mouthe (Doubs) !
C'est en effet dans cette petite ville à la frontière suisse qu'on découvre le corps d'une jeune femme qui s'est suicidée. Suicidée ? Pas sûr, pense un écrivain de roman policier en panne d'inspiration de passage dans la petite Sibérie française...
A la fois polar (qui l'a tuée ?), comédie grinçante, thriller psychologique, comédie sentimentale, Poupoupidou est très maîtrisé. Il manie avec brio émotions, amusement et curiosité.
Les grilles de lecture y sont multiples : on peut le voir comme un film-collage de références à Marilyn, une chronique amère de la vie provinciale, un essai sur la mobilité faciale d'un acteur hors du commun, le magnifique Jean-Paul Rouve, un exemple d'habileté scénaristique autour du concept de flashbacks, l'esquisse tendre et désabusée d'un destin brisé.
Il ne lui manque pas grand-chose pour franchir le cap des 4**** : quelques traits moins appuyés, ou au contraire un surcroît de noirceur neigeuse, qui le ferait alors tendre vers le Fargo des Coen, ou mieux encore vers le film étincelant de Sam Raimi Un plan simple.
Jeu express
Le réalisateur s'est amusé à déposé le chiffre 5 sur une multitude d'objets dans le film, en référence, je suppose, à la fameuse répartie de Marilyn : "Que portez vous la nuit ?" "5 gouttes de Chanel N°5 uniquement".
Pour ma part j'en ai remarqué 6. Combien pourriez vous en citer ?
J'attendais beaucoup de ce film, mais comme souvent avec la "nouvelle comédie américaine", celle des Stiller, Carell, Black et consorts, je suis déçu.
On s'attend en effet, d'après la réputation du film, à assister à une parodie outrancière et passablement déjantée des films de guerre.
Or si Tonnerre sous les tropiques commence en effet dans cet esprit avec de fausses bandes-annonces assez marrantes, sa critique du système holywoodien et
sa capacité d'auto-dérision s'éteignent très rapidement.
A partir du moment où nos héros sont abandonnés dans la forêt (la scène gore de la disparition du metteur en scène, la seule de vraiment mauvais goût), le film devient progressivement ce qu'il
entendait initialement moquer : un blockbuster dans lequel ça canarde dru. Il y a parfois de bons moments, mais ceux ci ne suffisent pas à sauver l'ensemble. C'est finalement le maquilleur qui
mérite un Oscar : il réussit un maquillage surprenant de Robert Downey Jr en noir (voir photo) assez confondant. Dans ce personnage qui s'ingénie à parler comme un black pendant toute l'aventure
réside d'ailleurs l'effet comique le plus efficace. Deuxième exploit : grimer Tom Cruise jusqu'à le rendre méconnaissable, transformé en magnat ignoble jurant comme un charretier.
Lorsque ce dernier danse (incroyablement !) sur du rap, le film atteint alors son but : surprendre en décalant.
Il est assez rare qu'un film arrive à
me convaincre sur la durée, lorsque j'ai été déçu par son début. C'est pourtant ce que parvient à faire brillamment Pieds nus sur les limaces.
Lily est simple d'esprit et vit à la campagne avec sa mère, qui meurt brutalement, dans des circonstances curieusement identiques à celles de la mort du père dans L'arbre. Sa soeur, bien
éduquée, vivant en ville, mariée avec un homme à responsabilité, doit s'en occuper.
Les personnages sont dans les premières minutes dessinés à tellement gros traits qu'on se demande jusqu'où la caricature va nous emmener : le visage de Diane Kruger est désespérément vide, et
Ludivine Sagnier semble surjouer. Et puis le film se transforme, par l'enchantement d'une sorte de féerie dictée par la nature, qui n'est pas sans rappeler le très beau Lady Chatterley de Pascale Ferran.
Ludivine Sagnier élève son niveau de jeu et devient vraiment son personnage. Diane Kruger se met à l'unisson, dégageant progressivement un charisme fragile et des failles béantes. La mise en
scène, qui montre quelques afféteries en début de film, se tend progressivement pour devenir sèche et précise. Le film culmine alors à des hauteurs qui le laisse en équilibre entre plusieurs
genres tout aussi maîtrisés les uns que les autres : thriller psychologique (la douche, la visite des 3 lascars, les 3 garçons dans la caravane), drame familial (le nounours pendu), la comédie
sentimentale (le rugbyman), le filme de province chabrollien (le pique-nique au bord du lac) ?
Un film dont les défauts sont compensés par de grandes qualités de mise en scène et de direction d'acteurs, et qui confirme la forme éclatante des réalisatrices françaises. A suivre.
Les frères Vega (Diego et Daniel), cinéastes
péruviens, complètent la liste déjà assez longue des frères réalisateurs : Coen, Dardenne, Larrieu, Taviani. Wachowski, Farrelly, Pang...
Pour leur premier film, on peut dire qu'ils réussissent leur coup, avec le prix du jury de la section Un certain regard du dernier festival de Cannes.
Un prêteur sur gage patibulaire (voir photo), qui a les zygomatiques bloqués en position off, se voit un jour remettre un adorable poupon fille. Il recherche la mère supposée (une prostituée) et
confie la garde du bébé à une voisine dévote qui aimerait bien avoir un homme dans son lit. Las ! Notre usurier continue d'aller aux putes. La pauvre. Même le fait de lui faire boire une eau dans
laquelle a trempé une de ses culottes (usagée) ne le rend pas amoureux...
La mise en scène prend le parti pris d'un formalisme épuré : plans fixes uniquement, pas de musique. La photographie est très belle, le cadre parfait, le montage réussi. Le scénario est à mon
avis le point faible du film : il ne se passe pas grand-chose et les frères Vega se la joue "humour à froid" ou "burlesque minimal", un peu à la Kaurismaki. Octubre a donc à la fois les qualités et les défauts des films du cinéaste finlandais, par moment développant un humour assez incompréhensible, à d'autres réussissant
à captiver.
Raconter le synopsis n'est pas chose facile. Un vieux berger tousse beaucoup. Il se soigne en mélangeant de la poussière ramassée à l'église et mélangée à de l'eau. Un jour, il perd la précieuse
poussière en faisant ses besoins. Il va à l'église, qui est fermée. Il meurt. On suit ensuite la naissance d'un chevreau puis son apprentissage. Il se perd, et échoue au pied d'un arbre. Le film
décrit ensuite la vie de l'arbre, jusqu'à ce qu'il serve de mât pour une fête de village. L'arbre finit en charbon de bois, puis en fumée, dans une sorte de féerie vaporeuse de toute beauté.
C'est beau, magnifiquement lent, cadré avec une rare élégance et tous les éléments de la nature semblent littéralement habités. Les jeux de lumière magnifient les objets filmés. Pourtant, il
serait inexact de parler de panthéisme, ou de réincarnation, car le film n'est ni religieux, ni fantastique. Il est ... il est ... ce qu'Oncle Boonmee n'a pas pu ou su être !
Passée la première demi-heure un peu convenue, le film parvient à une densité rarement vue, et tout cela sans aucun dialogue.
Si j'avais vu le film avant de faire mon classement 2010, il n'aurait pas été loin d'intégrer mon Top 20 : un vrai espoir pour le cinéma italien, passablement sinistré.
Incendies est tiré de la célèbre pièce de Wajdi Mouawad, que je n'ai pas vue.
Pour commencer, j'ai un problème avec le scénario. Je veux bien admettre les coïncidences, c'est même souvent le ressort dramatique par excellence, mais là, franchement, et même en considérant que le monde est petit, ça fait beaucoup. Je pense à la prison + la piscine, ceux qui verront le film comprendront.
Mais bon, passons. Ce ne serait pas si grave si le réalisateur canadien n'avait échangé sa caméra contre une truelle. Il utilise les morceaux musicaux comme des parpaings, les changements de focale comme des marteaux-piqueurs et les flashbacks comme des bulldozers. La nuance n'est pas son fort, témoin cette scène ridicule ou le jeune fils fait une plaisanterie sur le viol vraiment mal venue.
Les scènes de violence ne sont pas tournées de façon professionnelle (lors de l'assassinat de Wahab on dirait que le flingue est en plastique) et la volonté de faire de la belle image nuit cruellement au réalisme du film (le bus en feu...).
De nombreux plans de remplissage nuisent également au rythme du film, qui apparait finalement bancal et comme inachevé. Heureusement que les actrices jouant Nawal et Jeanne Marwan tirent leur épingle du jeu : elles sauvent globalement l'essentiel.
Denis Villeneuve fera bien mieux ensuite, lorsqu'il aura réduit son style à l'essentiel.
J'ai découvert ce film au Festival des 3 continents 2009, alors qu'il s'appelait encore Schéhérazade Tell me a story, ce qui était un fort joli titre,
correspondant parfaitement au contenu puisque l'héroïne nous raconte littéralement des histoires. Un mix de Desperate Housewives et des romans foisonnants
de Naguib Mahfouz, si vous pouvez imaginer. Lire la critique
N° 4
Je ne sais pas si vous vous rappelez avoir lu en cachette sous vos draps quand vous étiez enfant Les 3 mousquetaires ou Le club des cinq. Si oui, c'est exactement le type de sentiment que m'a procuré ce film, avec de plus une mise en scène virtuose. Lire la critique
N° 3
Au-delà des émotions, sûrement le film qui m'a fait la plus grosse impression en termes purement cinématographiques cette année : scénario incroyable, photo splendide, mise en scène parfaite, et
une brochette d'acteurs excellents. Lire la critique
N° 2
Bright star est un poème éblouissant, servi par une réalisatrice en état d'apesanteur et une actrice habitée. De la magie pure. Lire la critique
N° 1
Au-delà de toute considérations intellectuelles, tout simplement le film que j'ai eu le plus de plaisir à regarder depuis fort longtemps. Rire, sidération, angoisse, plaisir des yeux, mystère,
curiosité intellectuelle, vertige métaphysique, Kaboom est un grand huit cinématographique qui démarre à 100 à l'heure et ne s'arrête jamais.
Lire la critique
Sofia Coppola filme très bien l'ennui. Si bien qu'on finit par s'ennuyer ferme en regardant son film.
Résumons nous : un acteur hollywoodien qui a tout (Ferrari, alcool et blondasses a gogo) ne trouve pas beaucoup de sens à sa vie. Sa fille de 11 ans avec qui il va vivre quelque temps lui fait
sentir ce qu'il a raté. Voilà. C'est tout. (Ici baillez).
On a connu Sofia Coppola (un peu) plus subtile que dans ce film. Illustration : premier plan fixe sur un circuit de voiture, la Ferrari noire sort et entre dans le champ une dizaine de fois.
Baillez. Encore plus lourd : pour illustrer l'incommunicabilité entre le père et sa fille, le film fait crier au père "Excuse moi de ne pas avoir été là" alors que ce dernier se trouve sous un
hélicoptère qui envoie les décibels comme 10 groupes de heavy metal. Et tout est à l'avenant. Autre tic insupportable : les répétitions de scène (je joue à la Wii, puis je rejoue, je me
douche, puis je me redouche, je me trompe de nom en baisant une fois, puis deux, je reçois un message d'insultes, puis un deuxième, puis un troisième). Re-baillez.
Allez. Je lance la vacherie attendue (je ne serai pas le seul) : il fallait probablement avoir couché avec le président du jury (Tarantino) pour avoir le Lion d'Or cette année. C'est d'autant
plus triste que ces dernières années Venise s'était distingué par la sûreté de ces choix (par exemple le magnifique The Wrestler en 2008).
Finalement, Sofia Coppola filme le milieu qu'elle connaît avec les moyens de ce même milieu : le résultat n'est pas dérangeant (comme peuvent l'être les romans de Bret Easton Ellis par exemple),
il est simplement vain et auto-parodique, comme un collage raté de ses trois films précédents.
Bien sûr, certains esthètes pugnaces aimeront. Je peux deviner ce qu'ils écrireront. Ca ressemblera à ça : Sofia Coppola réussit parfaitement à donner cette sensation de vide qui emplit petit à petit l'esprit du personnage principal par une succession de vignettes
originales et poétiques, qui flottent dans le temps comme autant de bulles irisées. La jeune Cléo apporte une gravité virevoltante dans ce vide abyssal et le remplit comme elle remplit l'espace
de la patinoire par ses arabesques et celui de la piscine par ses singeries expressives, et bla, et bla... je pourrais continuer comme ça pendant une heure.
Mais au final (l'homme gare sa Ferrari en plein désert et part, seul, marchant sur la route tel un lonesome cow-boy post-moderne) croyez moi : vous re-re-baillerez !
Comme un diamant noir dans ma liste de 20 films, Mardi, après Noël brille d'un éclat particulier. Coup de force cinématographique d'une tranquille
assurance, il semble illustrer le quotidien comme jamais un film ne l'a fait. Et il contient la plus belle scène vue au cinéma cette année. Lire la critique
N° 9
Chaque année produit désormais son lot de films documentaires de haut niveau. 2010 ne fait pas exception : j'aurais pu intégrer le croustillant Anvil !
dans mon top 20 mais je préfère finalement ce film solaire, épanouissant, qui vous réconcilie avec la vie. Lire la critique
N° 8
Une imagerie qui concilie le meilleur du Japon traditionnel façon Myazaki et les délires geeks les plus extravagants, une intrigue somptueuse qui manie la tendresse et décrit la complexité de
mondes numériques et virtuels : un bijou de grande classe passé quasi inaperçu. Je vous le conseille en DVD. Lire la critique
N° 7
Des hommes et des dieux présente de nombreuses imperfections mais un mérite sans pareil : il raconte une histoire d'hommes portés par des valeurs. Son
succès s'explique aussi simplement que ça : il est le western spirituel du XXIème siècle. Les moines sont des cow-boys de l'âme, assiégés par le mal, et John Ford n'est pas loin : paysages, gros
plans sur les visages, émotions. Lire la critique
N° 6
Je suis loin d'être un inconditionnel de Wes Anderson, mais sur ce coup, il frôle la perfection. C'est drôle, frais, malin, inventif, délicieux. Une soirée mémorable. Lire la critique
Avant de dévoiler mon TOP 5 d'ici quelques jours voici une liste de films (parfois encensés ailleurs) qui n'y figureront pas : Trop faibles : Rubber, Oncle Boonmee, Mammuth, Gainsbourg, Another Year, A single man, Enter the void, The American Trop moyens : Vénus noire, Shutter Island, Le nom des gens, Invictus, Buried, Biutiful, A serious man Pas assez bons : The social network, Inception, The ghost writer, Dans ses yeux, La comtesse, Les amours imaginaires, Amore, Tournée, Precious
Vous allez me dire : que reste-t-il ? Réponse vendredi.
Continuant d'explorer la filmographie de Jacques Demy, je me plonge avec délice en ce début d'année 2011 dans le remarquable Une chambre en ville.
Le film est exceptionnel à plus d'un titre. Il constitue d'abord un des plus anciens projets de Demy (1963), qui faillit le réaliser en 1975 avec Deneuve et Depardieu. Il est ensuite, avec Lola, LE film de Demy sur sa ville, Nantes, qui en constitue le décors naturel. Il est enfin un nouveau pari complètement fou qui rappelle Les Parapluies de Cherbourg : complètement chanté, avec des couleurs absolument extraordinaires et une histoire digne des grands opéras.
On ne peut qu'être fasciné par l'audace de Demy qui met dans la bouche de Danièle Darrieux les phrases chantées "Tu me prends pour une conne" ou "J'emmerde les bourgeois", dans celle de Piccoli affublé de cheveux roux et d'un costume vert Babar "Tu es ma petite pute", dans celle de Dominique Sanda lui répondant "Salaud, ordure, SS" et dans celle de Richard Berry répliquant à la grande Darrieux "J'en ai rien à foutre".
Ce qui surprend, comme toujours chez Demy, c'est que le résultat de ces visions de coloriste, de metteur en scène et de musicien ne sont jamais mièvres, alors que chez n'importe qui d'autre, elle le seraient. Sûrement cela vient-il de ce mélange constant de trivialité / perversité / romantisme / sentiments que Demy distille dans ces films, associé à un montage très nerveux.
Dominique Sanda est nue sous sa robe, le spectre de l'inceste envahit Peau d'âne, les 2 héros des Parapluies s'ignorent dans une dernière scène terrible : rien n'est rose, le noir rôde.
En 1982, la sortie du film causa une sorte de bataille d'Hernani, 80 critiques de grands journaux se liguant pour se payer une tribune dans le Monde incitant les Français à aller voir le film : « Le film à voir aujourd'hui, c'est Une chambre en ville » (sous-entendu plutôt que L'As des As) et Belmondo y répondant avec une vindicte qui ne l'honore pas dans "Une lettre ouverte aux coupeurs de têtes".
Le film prête enfin à toute une interprétation sociologique (il se passe durant les grandes grèves ayant secoué les chantiers navals de Nantes en 1955) assez inhabituelle chez Demy : l'ouvrier, le "métallo" y est écrasé par le patron, mais en plus il est interdit d'amour (et de sexe) avec la bourgeoise.
Un film étonnant, ébouriffant, un coup de génie visionnaire, que tout le monde devrait avoir vu.
Quand on sait dans quelles conditions a été tourné ce film, on ne peut qu'être abasourdi par le talent de son metteur en scène, Mahamat Saleh Haroun : quel chef d'oeuvre pourrait-il produire avec
des moyens normaux ? Lire la critique
N° 14
Deux actrices magnifiques, un sujet d'une force exceptionnelle, j'ai été bouleversé par ce film très remarqué du vétéran Civeyrac, dont j'ai adoré la mise en scène épurée, brillante, inspirée.
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N° 13
C'est drôle, c'est rythmé, c'est bien mis en scène. Mon chouchou Fatik Akin signe une petite friandise cinématographique après une série de films plus graves qui comprenait au moins un chef
d'oeuvre : Head on. Si Soul kitchen sait être parfaitement hilarant, c'est aussi par la grâce de son acteur
principal, le génial Adam Bousdoukos. Lire la critique
N° 12
Ceux qui me connaissent le savent : je considère que Bong Joon-ho est probablement un des 10 plus grands cinéaste en activité.
Mother est moins surprenant que The Host et moins complet que Memories of murder, mais il reste un grand film.
Scénario, direction d'acteur, mise en scène au cordeau, scènes d'anthologie : c'est du solide. Lire la critique
N° 11
C'est drôle, c'est brillant, et si ce n'est pas génial, c'est bien agréable à regarder. Catherine Deneuve est grandiose, elle convoque avec elle toute sa carrière et l'ombre de Demy plane sur le
film : couleurs, ultime chanson, trivialité assumée. Même Depardieu n'arrive pas à gacher la bonne impression générale.
Du boulevard de haute qualité. Lire la critique