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Christoblog

Articles avec #festival de cannes

Journal de Cannes 2024

 

24 mai

Dernière journée. Direction le Cineum pour une séance de rattrapage : Viet and Nam (4/5) de Minh Quy Truong confirme la vitalité du nouveau cinéma vietnamien. Alors pour faire simple, il y a un petit côté Weerasethakul dans ce cinéma atmosphérique et même parfois onirique. Un peu dur pour une fin de festival, car c'est assez lent et en partie difficile à comprendre, mais il faut reconnaître qu'il y a dans le film des plans de toute beauté. Rattrapage de l'Acid, Kyuka - before summer's end (3/5) du grec Postais Charamountanis, est plein de promesses. La façon dont le film restitue les ambiances estivales sur la mer est formidable et l'intrigue familiale très bien foutue. Le réalisateur parsème son film d'effets de styles plus ou moins heureux et pas très cohérents entre eux, c'est dommage.

L'avant dernière projection de la compétition nous apporte un favori pour la Palme d'or : The seed of the sacred fig (5/5) de Mohammad Rasoulov, est de ces films dont on perçoit rapidement qu'ils sont parfaitement taillé pour la récompense suprême. Une écriture millimétrique, des acteurs incroyables, des styles différents (de la chronique familiale au film d'horreur, du thriller paranoïaque au pamphlet politique), et des sujets qui parleront au plus grand nombre. Un grand film, dans lequel les femmes sont sublimes face à un patriarcat usé jusqu'à l'os. Seul petit bémol : le film est un peu trop long (2h40) et la première heure de mise en place souffre de quelques longueurs.

Dernier film en compétition, La plus précieuse des marchandises (1/5) de Michel Hazanavicius est le plus mauvais film d'animation que j'ai vu depuis longtemps. Il échoue totalement à trouver le bon ton pour parler de la Shoah et semble inclure des séquences interminables, alors qu'il est le plus court film de la compétition.

C'était mon 41ème et dernier film pour cette année !

 

23 mai

La journée commence, une fois n'est pas coutume, par un film d'animation à Un Certain Regard. Flow (4/5) du Letton Gilts Zilbalodis, est visuellement une merveille, dans un style à l'évidence marqué par l'univers des jeux vidéo type Zelda. L'intrigue est une variation sur le thème du déluge et de l'Arche de Noé, vue à travers les yeux d'un chat. Les animaux sont tous figurés de façon réaliste et il n'y a donc aucun dialogue, mais cela n'empêche pas du tout, au contraire, l'émerveillement de poindre à de nombreuses occasions. 

Retour à la compétition pour le reste de la journée. On commence avec Motel Destino (4/5) de Karim Aïnouz, une variation très classique de film noir, mais ici sublimée par les décors incroyablement colorés de ce motel brésilien, par la mise en scène brillante et par le jeu des acteurs. C'est moite et poisseux, avec une fin improbable que j'ai beaucoup aimé. La montée des marches de L'amour ouf (2/5) de Gilles Lellouche, rassemblait ce soir un casting cinq étoiles : François Civil, Adèle Exarchopoulos, Elodie Bouchez, Alain Chabat, Karim Leklou, Raphaël Quenard, Anthony Bajon, Vincent Lacoste. Le film est très maladroit, beaucoup de scènes sont too much, mais on ne voit pas passer les 2h46 du film, parce qu'il est fait avec une authenticité qui se ressent à l'écran. Assez lucidement, Lellouche nous dit à la fin de la séance que sa présence parmi de si grands réalisateurs est une supercherie. Adèle Exarchopoulos est une fois de plus renversante. Je pense que le film sera un succès en salle.

Pour finir la journée je découvre All we imagine as light (4/5) de la jeune Indienne Payal Kapadia. Dans ce triple portrait de femmes qui essayent de trouver leur place à Mumbai, il y a une sensibilité exceptionnelle. Je fais le pari que cette cinéaste deviendra une très grande dans les années à venir.

 

22 mai

Journée cata en ce qui concerne la compétition. Marcellmio (1/5) de Christophe Honoré part d'une idée géniale (Chiara Mastroianni devient son père), mais les développements de cette idée semblent écrits par une IA : ils sont plats, peu intéressants et on a l'impression d'être l'invité indélicat d'une réunion de famille. Les étrangers n'ont pas aimé du tout le film, car si on ne connaît pas l'histoire personnelle de chaque acteur, le film n'a aucun intérêt. Dans son nouveau film, Parthenope (2/5), Paolo Sorrentino dresse le portrait d'une femme sur plusieurs décennies, tout en peignant sa ville natale, Naples. Le problème est que le personnage principal est assez mal écrit, et que l'interprète Celleste Dalla Porta ne crève pas l'écran. Du coup, il reste le caractère baroque de la mise en scène pour intéresser, mais le résultat est beaucoup moins convaincant que dans La grande belleza.

Les ennuis continuent avec Grand tour (1/5) de Miguel Gomes. La première heure, dans laquelle on contemple de pitoyables cartes postales de l'Asie du Sud-Est contemporaine filmées en Noir et blanc, accompagnées d'une voix off pontifiante, est insupportable. Le film devient ensuite moyen, ce qui parait un soulagement pour le spectateur traumatisé par la première partie. Beaucoup de critiques français adorent ce style "rétropical" brumeux en noir et blanc entièrement filmé en studio, qui évoque un Yann Gonzalez assagi, et il n'est pas exclu qu'on retrouve le film au palmarès à mon grand désarrois. La critique internationale est elle moins enthousiaste.

Heureusement je finis la journée sur une note plus positive. Gazer (4/5) est un premier film autoproduit par  Ryan J. Sloan et une bande de potes du New Jersey. L'histoire est celle d'une jeune femme qui souffre d'une maladie mentale qui altère sa perception de sa réalité et qui va se trouver mêlée à une affaire criminelle. C'est écrit d'une façon admirable, dans un style années 70, et l'interprétation de Ariella Mastroianni (rien à voir avec Marcello) est impeccable. Je mise un billet sur ce réalisateur : si son film avait bénéficié d'un financement normal, on aurait pu le trouver dans la sélection officielle.

 

21 mai

Grosse journée aujourd'hui avec cinq films. The apprentice (3/5), d'Ali Abbasi, décrit d'une façon très sage le début de la carrière de Donald Trump, dans l'immobilier. L'intérêt est surtout de nature informative : on voit bien dans quel moule s'est créé le Trump d'aujourd'hui, et l'importance de Roy Cohn, magistralement interprété par Jeremy Strong. La particularité de cinéma d'Abbasi est complètement dissoute dans ce projet trop lisse, mais plaisant. On ne peut pas en dire autant du film suivant, Les linceuls (2/5), un énième mauvais Cronenberg. Le film commence plutôt bien, dans une atmosphère à la fois lugubre et rationnelle, avant de sombrer par la faute d'un scénario déficient dans une soupe infâme dans laquelle tous les fils de l'intrigue complotiste semblent former une masse informe de spaghettis trop cuits. 

La compétition se réveille à la mi-journée avec un des meilleurs films vus depuis longtemps, le formidable Anora (5/5 ) de Sean Baker. Il faut imaginer un grand huit émotionnel, qui commencerait comme une romcom coquine, avant de devenir une sorte de virée nocturne filmée par les frères Safdie et qui se finirait comme un mélodrame russe. C'est exceptionnel de drôlerie, de maîtrise dans la mise en scène, de rythme et de rebondissements. Il y a au milieu du film une scène d'anthologie qui a déchainé des salves d'applaudissements en pleine séance dans le GTL, une situation que je n'avais pas vécu depuis bien longtemps (disons, depuis Toni Erdmann pour ceux qui y était).

Fin de journée plus tranquille au cinéma les Arcades où j'enchaîne deux films. Dans la sélection Acid, Ce n'est qu'un au revoir (3/5), de Guillaume Brac, est le touchant enregistrement de l'amitié qui cimente un petit groupe de lycéen(ne)s, dans les dernières semaines de leur scolarité. C'est très bien fait. L'espagnol Jonas Trueba déçoit par contre, avec son nouveau film, The other way around (1/5). Sa finesse d'observation est ici diluée dans un développement trop long et répétitif, encombré d'une fantaisie meta (on voit la confection du film en même temps que le film), dont je me suis dit qu'elle ne servait qu'à cacher la vacuité du propos.

 

20 mai

Comme d'habitude, je commence par la compétition. Le nouveau Serebrennikov, Limonov, the ballad (3/5) est meilleur que ses deux précédents opus, plutôt ratés à mon sens. Le style tantôt baroque tantôt apaisé du cinéaste russe est bien adapté à l'itinéraire de Limonov, qui n'est décidément pas un personnage sympathique (en fait, c'est une belle ordure). La virtuosité mise en oeuvre ne permet toutefois pas à l'émotion de surgir. Le film de la Française Coralie Fargeat, The substance (4/5) est le film dont tout Cannes parle ce matin. Un peu à la manière de Titane il y a trois ans, ce film de body horror trempé dans Barbie, à la fois drôle et horrifique, a réveillé une compétition un peu sage. Beaucoup d'hémoglobine et différentes déformations corporelles, dans un style pop épuré. Un film qui a du corps (et même des corps). 

Au début de My sunshine (3/5), film japonais de Hiroshi Okuyama présenté à Un Certain Regard, on pense tenir le feel good movie qui remonte le moral en milieu de festival, mais non, cette histoire d'un jeune garçon timide qui pense se réaliser dans le patinage artistique ne tourne pas si bien. C'est mignon, mais la comparaison souvent faite avec Kore-Eda me semble excessive. A noter que le film offre une vision originale d'un Japon complètement enneigé. Pour finir, Miséricorde (4/5) d'Alain Guiraudie, à Debussy. C'est du Guiraudie de très belle facture, tourné en huis-clos dans un petit village de l'Aveyron, et qui ménage surprise sur surprise, dans une atmosphère amusante : une sorte de Théorème cévenol si vous pouvez imaginer cela, emmené par une troupe d'acteurs excellente, Catherine Frot en tête. Le personnage du prêtre est déjà culte.

 

19 mai

Audiard réveille la compétition et propose un film parfait, de l'étoffe dont sont faites les Palmes d'or. Emilia Perez (5/5) est un défi osé : il décrit comment un parrain de cartel mexicain devient une femme, et il inclut des passages de comédie musicale. Ce mélange improbable est réussi dans tous les domaines : plaisir esthétique, émotions et suspense. La mise en scène est souveraine. 

Expérience radicalement différente à la Quinzaine, où je découvre un film indien complètement barré et plutôt réjouissant : Sister midnight (3/5). On suit une jeune femme devenir une sorte de vampire, dans un style qui rappelle par moment Tati. Le scénario peine à tenir la longueur, mais c'est plutôt sympa. A un certain regard Boris Lojkine propose la chronique d'un migrant guinéen, livreur Uber à Paris, dans les 48 heures qui précèdent son entretien avec l'Ofpra. L'histoire de Souleymane (4/5), c'est du Dardenne en mieux, car plus incarné et moins doloriste. Fin de soirée tristounette à la Semaine avec un film américain se déroulant dans la communauté chinoise de New-York autour de la thématique du deuil : Blue sun palace (1/5). Je me suis dit pendant le film que la réalisatrice Constance Tsang avait vraiment utilisé tous les outils que le cinéma met à sa disposition pour rendre son film ennuyeux.

 

18 mai

Je reprends la compétition ce matin avec Kinds of kindness (4/5) de Yorgos Lanthimos, qui retourne ici à ses premières amours, genre Canine ou The lobster. Décors réalistes percutés par des situations anormales et souvent absurdes : c'est du Lanthimos pur jus. Le film est décomposé en trois sketchs de valeur inégale. J'ai adoré le premier, moins le second et je trouve que le troisième est un peu long. La troupe d'acteurs est au top, Jesse Plemons et Emma Stone en tête. Oh, Canada (1/5) de Paul Schrader, est l'adaptation d'un roman de Russell Banks. En multipliant les sujets (la vieillesse, la confusion des souvenirs, les choix personnels) et les procédés, le film m'a complètement perdu. Je n'ai trouvé aucun intérêt dans le personnage principal, ni dans les péripéties de sa vie. Le type de film qu'on oublie cinq minutes après être sorti de la salle.

Troisième film de la compétition à la suite au GTL pour Caught by the tides (2/5), du Chinois Jia Zhang-Ke qui semble livrer ici un film-somme traversant sa filmographie comme plusieurs décennies d'histoire chinoise. Les procédés et format sont multiples, la narration presque inexistante, et le film ne comprend presqu'aucun dialogue. C'est un peu Godard dans l'empire du Milieu : intéressant, par moment beau, mais globalement ennuyeux. Pour finir, La prisonnière de Bordeaux (1/5) réunit Hafsia Herzi et Isabelle Huppert dans un film très mineur de Patricia Mazuy. Deux visiteuses de détenus de milieux très différents sympathisent. Le scénario est beaucoup trop faible pour maintenir vraiment l'intérêt. Les deux actrices n'ont pas l'air très copines à la fin de la projection et Isabelle Huppert part même de la salle avant la fin du générique : du jamais-vu pour moi à la Quinzaine.

 

17 mai

Ce matin commence par un miracle : je trouve une invitation pour entrer au GTL voir Megalopolis (4/5) de Francis Ford Coppola, peut-être le film le plus attendu du Festival. Impossible de parler brièvement de ce peplum rétro-futuriste, véritable fourre-tout cyberpunk qui contient plus d'idées de mise en scène, d'images et d'intrigues qu'une centaine de films classiques. C'est souvent génial, parfois terrifiant de mauvais goût, mais j'ai été fasciné tout du long : c'est un film qu'on peut adorer et détester simultanément. Je ne pense pas avoir jamais rien vu de comparable. Le film est descendu par 90 % de la critique et défendu par les autres. 

Toujours en compétition j'enchaîne avec Trois kilomètres avant la fin du monde (4/5) du roumain Emanuel Parvu. On dirait du Mungiu (écriture millimétrique, sens du cadre hors du commun, écheveau de relations et jeux de pouvoir qui étouffe les personnages) mais tourné dans les superbes paysages du delta du Danube. Incroyable vitalité de la "nouvelle vague" roumaine.

Pour finir la journée, séance Cannes Premières à Debussy avec le nouveau film de Nabil Ayouch, Everybody loves Tounda (3/5). Le sujet est une jeune femme qui rêve de devenir une cheikha (chanteuse traditionnelle pour faire simple) reconnue. Le film vaut surtout par l'interprétation pleine d'énergie de l'actrice Nisrin Erradi. Beaucoup de femmes fortes dans les films de ce début de festival. Fin de soirée en rattrapage Un Certain Regard salle Varda pour découvrir le film de fiction du fameux documentariste américain Roberto Minervini, Les damnés (4/5). En 1860, des soldats américains égarés doivent défendre une position lors de la Guerre de Sécession : c'est un peu le désert des Tartares filmé de façon très naturaliste, un peu à la façon d'une Kelly Reichardt. Beau, lent, pesant, et heureusement très court.

 

16 mai

Cap sur la compétition avec trois films à la suite. La séance de 9h dans la salle Agnès Varda constitue pour moi un choc de première ampleur, et la révélation d'une actrice incroyable qui semble tout brûler sur son passage (Malou Khebizi, photo ci-contre). Premier film de la réalisatrice Agathe Riedinger, Diamant brut (5/5) devrait rafler quelque chose (Caméra d'Or a minima, et prix d'interprétation féminine). Ce sera désormais LE film de référence sur la culture des influenceuses, qui ne regarde pas ce milieu de haut. Pour le style, il faut imaginer une Andrea Arnold revivifiée par la Méditerranée. C'est très beau de voir naître ainsi une cinéaste.

Le suédois Magnus Von Horn choisit un style très différent (noir et blanc stylé, décors proprets) pour compter une histoire d'une noirceur absolue. J'ai bien aimé La jeune fille à l'aiguille (3/5), en particulier pour ce contraste étonnant et aussi par l'originalité de l'histoire, réellement romanesque. J'enchaîne sans souffler avec la montée des marches du nouveau film d'Andrea Arnold, Bird (3/5). Si l'Anglaise excelle toujours à décrire avec sensibilité un milieu marginal, elle échoue à mon sens ici à y adosser un volet fantastique. Cela reste toutefois d'un bon niveau.

Pour finir, direction la Quinzaine. Thierry de Peretti adapte un roman de Jérôme Ferrari : A son image (1/5). L'intrigue balaye plusieurs décennies d'histoire du nationalisme corse à travers la destinée d'une photographe. Mal écrit, mal monté, mal dialogué, mal joué et moyennement réalisé : c'est pour moi un échec total.

 

15 mai

Cette première journée est principalement consacrée aux films d'ouverture des différentes sections. A la Quinzaine des Cinéastes on commence avec le film posthume de la réalisatrice Sophie Fillières, décédée trois semaines après le tournage de Ma vie ma gueule (3/5), foudroyée par la maladie. Agnès Jaoui, véritable alter ego de la réalisatrice dans le film, est sur scène, ainsi que ses deux enfants (Adam et Agathe Bonitzer, tous deux acteurs) qui ont finalisé le montage, pour un moment très émouvant. Le film est amusant, doux, sensible. On passe un très bon moment, même s'il manque un petit quelque chose pour être vraiment emporté. Le deuxième acte (2/5), qui lui fait l'ouverture de l'officielle, ne m'a pas enthousiasmé. C'est le Dupieux que je n'aime pas trop : des idées brillantes rapidement esquissées, un manque d'approfondissement des situations. Bref du travail bâclé et terriblement auto-centré, qui scintille par moment.

Je passe ensuite toute la soirée dans la très belle salle de la Semaine de la critique. Le film d'ouverture, Les fantômes (4/5) de Jonathan Millet est une première oeuvre étonnante de maîtrise, au niveau du scénario comme de la mise en scène. On suit avec intérêt la traque d'un criminel de guerre par un Syrien réfugié en Alsace, mais le film parle aussi du deuil et de l'exil. Un cinéaste très prometteur. Je finis un peu fatigué cette première journée par un film argentin qui n'est pas sans qualité, mais auquel je n'accroche pas vraiment : Simon de la montaña (3/5). Il s'agit du coming of age d'un groupe d'adolescents qui présentent la particularité d'être légèrement handicapés. L'intérêt du film, qui traite de sujets mille fois vus (la révolte contre l'autorité, les conneries en bande, ma découverte de la sexualité) est ici transcendée par le jeu de l'acteur principal et l'aspect incroyablement naturaliste du film. Demain, cap sur la compétition.

 

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En route pour le Festival de Cannes 2024

Du 14 au 25 mai 2024, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette, à suivre en lisant Mon journal de Cannes.

Pour mes avis immédiats à la sortie de chaque projection, vous pouvez me suivre sur Facebook ou Twitter, comme plus de 800 fidèles. 

Vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter de Christoblog, là, à droite de l'article, en inscrivant votre adresse mail dans la case "Saisissez votre email ici". 

Si vous allez à Cannes pour la première fois, ces articles pourraient vous intéresser :

 

Mon avis sur les différentes sélections 2024 : 

Compétition 

Cette année, la compétition comprend 22 films, soit un de plus que ces deux dernières années. On peut distinguer dans la sélection les cinéastes qui ont déjà eu au moins une Palme d'Or, moins nombreux que d'habitude (Coppola - Megalopolis, Audiard - Emilia Perez), ceux qui sans avoir reçu la récompense suprême ont très souvent participé (Cronenberg - The shrouds, Jia Zhang-Ke - Caught by the tides, Andrea Arnold - Bird), ceux qui ont déjà été en compétition au moins une fois (Abbasi - The apprentice, Aïnouz - Motel destino, Baker - Anora, Hazanavicius avec un film d'animation - La plus précieuse des marchandises, Honoré - Marcello mio, Lanthimos - Kinds of kindness, Schrader - Oh Canada, Serebrinnikov - Limonov the ballad, Sorrentino - Parthenope), et enfin ceux qui apparaisse en compétition pour la première fois.

Parmi ces derniers, l'Iranien Mohammad Rasoulov, en délicatesse avec le régime, monte si je puis dire en Ligue 1 avec The seed of the sacred fig, puisque beaucoup de ces films avaient été présenté à Un certain regard (dont le magnifique Au revoir). On attendra aussi avec beaucoup d'impatience de voir les débuts à ce niveau de Gilles Lellouche et son Amour ouf, mégaproduction française avec Adèle Exrachopoulos et François Civil.

4 femmes seulement parmi les 22 cinéastes retenus : outre Andrea Arnold, la jeune Payal Kapadia permet le grand retour de l'Inde en compétition (All we imagine as light), et la France sera représentée par Coralie Fargeat avec un film de body horror américain (The substance) et Agathe Riedinger, sorte de "Dardenne marseillaise" comme l'a présenté Thierry Frémaux, avec Diamant brut.

Enfin, le Portugal fait aussi son grand retour en compétition avec le très attendu Grand tour de Miguel Gomes, ainsi que la Roumanie avec Emanuel Parvu (Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde) et la Norvège avec Magnus Von Horn qui présentera un film en noir et blanc (La jeune femme à l'aiguille), comme celui de Gomes.

Cannes Premières

Avant 2020, les "refoulés" de la compétition se retrouvaient à Un certain regard, ou à la Quinzaine. En 2021, Thierry Frémaux leur a offert une nouvelle section qui est reconduite cette année, dans la salle Debussy, habituellement réservée à Un certain regard. On retrouvera ici un casting dont Venise ou Berlin se délecteraient : Nabil Ayouch, Leos Carax, Alain Guiraudie, les frères Larrieu et Rithy Panh, entre autres.

Un certain regard

Cette sélection se recentre sur son objectif initial, comme ces trois dernières années : faire découvrir des oeuvres originales et exigeantes. Peu de noms connus par conséquent. Pour ma part je guetterai avec attention le nouveau film de l'Islandais Runar Runarsson (When the light breaks) qui devait être très proche de la compétition, et la nouvelle fiction du formidable documentariste Roberto Minervini (Les damnés).

A noter aussi dans cette section un film d'animation, Flow, du prodige letton Gints Zilbalodis. Trois actrices présenteront dans cette section leur premier film : Laetitia Dosch (Le procès du chien), Ariane Labed (September says) et Céline Salette (Niki)

Autres séances de l'officielle

Dans le cadre des séances spéciales, séances de minuit et autres projections inclassables, on trouve cette année du très lourd, que ce soit en matière de cinéma d'auteur (Dupieux, Guy Maddin, Claire Simon, Desplechin) ou de fun (George Miller, Kevin Costner, Le comte de Monte-Cristo). 

Quinzaine des cinéastes

Julien Rejl continue de renouveller complètement le casting de la Quinzaine pour sa deuxième année, en affichant clairement sa volonté d'éviter les "poids lourds recalés de l'officielle".

Cap sur l'aventure, donc, avec une ligne éditoriale radicale orientée vers le cinéma expérimental, queer et imprévisible.Pas beaucoup de grands noms, mais comme l'année dernière un tropisme net pour le ciné indépendant américain (pas moins de cinq films !).

Quelques réalisateurs renommés tout de même : Ma vie ma gueule, le film posthume de Sophie Fillières en ouverture (moment d'émotion à prévoir pour Agnès Jaoui), ceux de Thierry de Peretti (toujours en Corse) et de Patricia Mazuy (avec Isabelle Huppert et Hafsia Herzi).

Côté espagnol, j'essaierai de voir The other way around, de l'excellent Jonas Trueba, que beaucoup attendait en sélection officielle.

Comme en 2023, c'est sur le papier la sélection qui m'attire le moins.

 

Semaine de la critique

On a toujours plaisir à fréquenter la Semaine, qui ces dernières années a fait de très belles découvertes (Aftersun, Le ravissement, Inchallach un fils).

On se promènera donc cette année du Brésil à l'Egypte, de Taïwann en Argentine et aussi beaucoup en ... France et en Belgique.

Parmi les séances les plus décalées de la quinzaine canoise on peut parier un ticket sur Les reines du drame, d'Alexis Langlois, "comédie musicale lesbienne populaire", avec en guest star Bilal Hassani et Asia Argento.

Le film d'ouverture, un thriller psychologique de Jonathan Millet (Les fantômes) est aussi très prometteur sur le papier. Le film de clôture est un body horror au féminin (sujet décidément à la mode) qui se passe en Camargue, avec l'actrice Oulaya Amamra : Animale.

 

ACID

Dans la petite dernière des sélections cannoises, peu de noms connus, mais beaucoup tenteront d'accéder aux séances de projection du dernier film de l'excellent Guillaume Brac, Ce n'est qu'un au revoir.

Le reste de la sélection nous propose comme d'habitude un beau tour du monde : Inde, Colombie, Grèce, Argentine, USA et Marseille.

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Aller au festival de Cannes (pour les nuls) N

En tant que simple cinéphile, puis-je aller à Cannes pendant le festival, voir des films, et en particulier puis-je assister à la montée des marches des films en compétition ?

C'est à cette question à la fois simple et compliquée que je vais essayer de répondre.

 

Première approche

D'abord, si vous allez sur le site internet du Festival, vous constaterez vite que le spectateur lambda est dissuadé de se présenter sur la Croisette. La seule possibilité qui apparait est celle de "l'accréditation cinéphiles" dont vous trouverez le détail sur cette page. Après avoir créé un compte, il vous faudra fournir les éléments suivants : une lettre de motivation, une copie de pièce d'identité et une preuve que vous fréquentez assidûment les cinémas, par exemple en demandant à votre cinéma d'éditer la liste des films vus si vous avez une carte, ou en fournissant une preuve que vous avez une carte d'abonnement mensuel type UGC. Tout est assez bien expliqué sur le site. Une contribution de 24 euros est demandée dans le cadre de la politique environnement du festival. Je détaille plus bas le fonctionnement de l'accréditation Cannes Cinéphiles et les changements intervenus en 2023.

 

Les festivals de Cannes

Mais avant d'aller plus loin, il nous faut détailler les différentes sections. Le Festival de Cannes proprement dit, sous la houlette d'Iris Knobloch (qui a remplacé Pierre Lescure fin 2022) et Thierry Frémaux, comprend la célèbre Sélection officielle (Compétition, Hors compétition, Séances spéciales, Cannes premières), la section Un certain regard, ainsi que les sections moins courues comme Cannes Classics, Cannes Court métrage, le Cinéma de la plage. Géographiquement, toutes les projections du Festival "officiel" dont je parle ici ont lieu dans l'enceinte du Palais qui comprend plusieurs salles (Le Grand Théâtre Lumière, les salles Debussy, Bazin, Buñuel, Varda - cette dernière étant une salle amovible uniquement montée pour le Festival), à l'exception du Cinéma de la Plage dont les projections ont lieu... sur la plage Macé.

 

La Quinzaine des Cinéastes est une sélection totalement indépendante. Les projections ont lieu plus loin à l'est, au Théâtre Croisette (photo ci-contre), sous l'hôtel JW Marriott, entrée dans la rue Frédéric Amouretti.

La Semaine de la Critique, dont la sélection ne comporte que des premiers et deuxièmes films, se déroule encore plus loin sur la Croisette, à l'Espace Miramar, à l'angle de la rue Pasteur.

La programmation ACID est la dernière-née des manifestations, et la plus modeste. Les projections ont lieu principalement au cinéma les Arcades, 77 rue Félix Faure.

Tous ces lieux sont dans un périmètre de 15 minutes à pied autour du Palais.

 

Jamais sans mon badge

Quand vous marchez à Cannes, vous remarquez rapidement que les gens se promènent avec leur(s) badge(s) autour du cou en toute circonstance.

La première grande catégorie est constituée des badges Presse. Ils ont des couleurs différentes suivant l'importance du média, si j'ai bien compris, avec un code qui associe une couleur principale et une pastille qui peut être d'une couleur différente. Le badge blanc est ainsi exceptionnel, réservé aux big boss. Il y a des badges presse roses, bleus, jaunes (les moins prioritaires). Vous verrez ensuite des badges "Marché du film", réservé aux vendeurs, producteurs, acheteurs, et aussi des badges pour les techniciens et les photographes, tous d'une couleur particulière, qui varie selon les années.

Les badges Festivaliers professionnels sont les plus courants. Ils constituent le gros de la troupe, regroupant tous les professionnels du cinéma, qui viennent en masse au Festival. 

Et enfin, le badge Cannes Cinéphiles, modeste, dont nous allons parler en détail ci-dessous, et le seul que vous pouvez obtenir.

Si on veut compliquer un peu, il faut signaler qu'il est possible d'accrocher à son tour de cou un Pass Quinzaine des cinéastes ou Semaine de la critique, ou les précieux sésames qui donnent accès aux endroits où l'on fait la fête. Mais bon, je ne m'étends pas, c'est assez compliqué comme ça.

L'accréditation Cannes Cinéphiles sert-elle à quelque chose ?

Si vous êtes un quidam, le seul badge que vous avez une chance d'obtenir est le badge Cannes Cinéphiles.

4000 étaient attribués chaque année jusqu'en 2023. Pour ma part j'ai tout simplement rempli un dossier sur le site du Festival, en mettant en avant mon goût pour le cinéma à travers Christoblog et en transmettant un scan de ma carte UGC illimité (et aussi un relevé bancaire prouvant que j'ai bien payé un abonnement UGC illimité en janvier), ou désormais un relevé de mes séances produit par mon cinéma habituel. La demande est à faire en février (date limite 1er mars en 2024).

Vous recevez une réponse par mail, l'organisation est efficace. Le badge est à retirer à l'espace accréditation, à la gare maritime, à deux pas à l'ouest du Palais (ouverture 9h - 18h, 20h le premier jour). 

D'abord, douchons les enthousiasmes : Cannes Cinéphiles ne vous permet pas d'accéder facilement aux films de la sélection officielle dans le Grand Théâtre Lumière, dont ceux en compétition.

Pour ces derniers, avant de détailler d'autres méthodes d'accès plus bas, je précise tout de suite qu'il existe une queue "Accès Dernière minute" (ouverte pour toutes les séances mais qui ouvre un maximum de possibilités l'après-midi et à 22h), qui offre une possibilité aux badgés n'ayant pas obtenu de places d'entrer au Grand Théâtre Lumière quand il reste des sièges vides, mais l'accès n'est absolument pas garanti, et il arrive qu'aucune personne de cette queue ne soit autorisées à entrer. L'entrée de cette queue "Last minute" est à gauche quand on regarde les marches. Utile pour les réfractaires à la mendicité que je décrirai plus loin. Il y a également un accès dernière minute possible pour la salle Debussy, la salle Agnès Varda, les salles du Cineum et des Arcades.

Tous les jours, à l'Espace Cannes Cinéphiles (il était à l'intérieur du Palais en 2023, près de la sortie Méditerranée) étaient distribuées jusqu'en 2021 des places pour 3 ou 4 séances du festival moins fréquentées mais parfois passionnantes : Cannes Classic, séance de minuit, et surtout master class de cinéastes. Parfois aussi quelques places pour des séance de la sélection officielle quand un groupe de scolaires a une défection.

 

La nouveauté 2021 : l'application billetterie

Depuis 2021 toutes les accréditations, Cannes Cinéphiles compris, doivent réserver leur places sur une application de billetterie en ligne spécifique au Festival, pour toutes les séances, quelque soit la section. Les billets sont envoyés par mail ou disponibles sur le site et se présente sous la forme d'un billet avec QR Code (photo ci-joint).

En 2023 l'accès aux séances de Un certain regard, la Quinzaine, la Semaine, ACID et reprise de la compétition dans les salles annexes, était relativement faciles par ce biais, y compris pour les Cannes Cinéphiles (sauf pour quelques séances exceptionnelles, particulièrement courues). 

En ce qui concerne les films en sélection officielle (en particulier la compétition), c'est plus compliqué. La probabilité que vous obteniez, en tant que Cinéphiles, des places pour la projection d'un film dans le Grand Théâtre Lumière par ce biais est assez faible (je dirais que j'en ai obtenu en moyenne une sur dix demandes environ). C'est pour les séances du matin, qui reprennent les films de la veille que vous avez le plus de chance, et pour les films très longs qui effraient le public (Nuri Bilge Ceylan ou Wang Bing en 2023 par exemple). 

Vous pourrez par contre voir facilement les films de la compétition lors des projections dans les salles annexes (mais dans ce cas vous ne verrez jamais les équipes de film) : les Arcades au centre ville, que je vous conseille, le Studio 13 un peu plus loin dans une ambiance MJC qui détonne un peu (20 minutes à pied, ou bus 1, 2 et 20 arrêt Médiathéque), la Licorne (bus 1, 2 ou 20, arrêt Mairie Annexe), le Raimu à la Bocca (bus 1, MJC Ranguin, plus loin), le théâtre Alexandre III, à l'est de Cannes (19 boulevard Alexandre III, accessible à pied du Palais), et enfin depuis 2021 dans les magnifiques et immenses salles du Cineum de Cannes La Bocca. Un bus navette relie gratuitement le Palais au Cineum pour ceux qui ont un badge (il faut télécharger le QR code sur son compte).

En conclusion, le badge Cinéphiles vous permettra de voir beaucoup de films durant votre séjour, mais si vous souhaitez vous immerger dans le coeur vital du Festival que constituent les projections de la sélection officielle dans le Grand Théâtre Lumière, et donc assister aux montées des marches, il vous faudra adopter une stratégie particulière que je détaillerai dans l'article suivant.

Avoir un truc rectangulaire qui pendouille sur sa poitrine à Cannes est donc quasiment indispensable pour se fondre dans la masse et procure un avantage psychologique certain sur celui ... qui est tout nu !

Je vous conseille donc fortement de tenter d'obtenir une accréditation Cannes Cinéphiles. Sans cette dernière, les moyens de voir des films est très limitée : obtenir une invitation bleue, ce qui est rare (j'en parle dans l'article suivant), acheter des billets à la Quinzaine, obtenir les quelques places gratuites octroyées à la Semaine et prendre des places dans les salles annexes en créant un compte "grand public", dont le fonctionnement n'est pas très fiable.

Si on résume :

  Films de la sélection officielle dans le Grand Théâtre Lumière Films de la sélection officielle dans les salles "annexes" Films des sections parallèles (Quinzaine, Semaine, ACID)
Avec accréditation Cannes Cinéphiles

Très difficile par la billetterie (sauf parfois la première séance du matin) 

Alternatives :

- accès dernière minute
- quémander une place 
- obtenir une invitation bleue
- exceptionnellement quelques invitations à glaner à l'espace Cinéphiles

Assez facile par la billetterie 

 

Possible par la billetterie, suivant les séances, dans les salles principales de chaque section (ne pas hésiter à consulter souvent l'appli billetterie).

Facile par la billetterie dans les salles annexes

Sans rien

Invitation "bleue" seulement

Alternative :

- Quémander une place ET rentrer avec un "badgé"

 

Possible avec l'appli grand public (sauf Cineum) Achats de billets très facile à la Quinzaine sur l'appli grand public, quelques places disponibles pour la Semaine et ACID sur l'appli grand public 

 

Voir aussi :

Aller au Festival de Cannes pour les nuls #2

Aller au Festival de Cannes pour les nuls #3

Pour les 18/28 ans, un zoom sur le Pass 3 jours à Cannes : Aller au Festival de Cannes pour les nuls #4

 

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Journal de Cannes 2023

 

27 mai

Drôle de début de journée ce matin : arrivé à la Licorne à 9h pour la première d'une série de trois séances de rattrapage, j'apprends que le projecteur est défectueux et qu'aucun film ne sera projeté de la journée. Je fonce donc un peu plus loin au Cineum où je parviens à voir les deux derniers films de la compétition, à commencer par La chimera (2/5) d'Alice Rohrwacher, qui confirme que le courant ne passe pas entre moi et cette réalisatrice. Toujours filmé en 16 et 35 mm, comme ses précédents, le film suit la trajectoire d'un pilleur de tombe lunatique et doué de pouvoir extra-sensoriel. C'est assez pauvre, et pour tout dire, raté. Pour finir, j'enchaîne avec le nouveau Ken Loach, qui décrit l'intégration de migrants syriens dans un village du Nord de l'Angleterre. The old oak (2/5) est par moment efficace mais manipule de si grosses ficelles pour faire appel à nos émotions que cela en est gênant. Un peu comme chez les Dardenne, on constate que les messages politiques prennent chez Loach petit à petit le pas sur la complexité et les nuances qui font la richesse d'une bonne histoire.

Enfin je peux entrer au GTL pour la cérémonie de clôture. Je suis absolument ravi par le palmarès, qui pour une fois me semble quasiment parfait dans son équilibre, sans injustice flagrante, en récompensant ce qui est à l'évidence le meilleur film, et tout cela sans ex aequo. Je reviendrai dans les jours qui viennent en détail sur ce palmarès et vous donnerai mon avis.

Pour terminer, le dernier Pixar, Elemental (3/5) clôture en beauté et dans la bonne humeur un très beau festival. Sans retrouver la profondeur et l'émotion de Vice-versa, le film reprend l'idée de personnage représentant des concepts (ici le feu et l'eau) et développe une histoire qui permet de faire l'éloge de la diversité tout en révisant sa physique. L'émotion du réalisateur Peter Sohn lors de la standing ovation finale fait plaisir à voir.

Voilà.

C'était mon 47ème film de mon onzième festival, record battu. Merci de m'avoir suivi et à l'année prochaine.

 

26 mai

On reprend la compétition avec le prétendu sulfureux L'été dernier (2/5) de Catherine Breillat, dans lequel une cinquantenaire a une aventure avec le fils de son conjoint, de 17 ans. Au-delà des polémiques complètement stupides sur le sujet du film (après tout il s'agit de deux majeurs sexuels consentants), je n'ai pas apprécié ce qui était proposé : pas assez incarné, très mal écrit, et surtout mal joué par le jeune Samuel Kircher, qui curieusement a la même propension à surjouer les têtes à claques que son frère Paul dans Le lycéen.

S'en suit une parenthèse coréenne, qui commence à la Quinzaine par In our time (2/5) de Hong Sang-Soo. Si les films précédents du Coréen était des épures, celui-ci est un haïku : deux conversations autour de presque rien. Pour les aficionados, comme moi, il y a un intérêt, car la petite musique du cinéaste a un parfum inimitable. Pour les autres, probablement aucun. Dans la toile (2/5), du prodige Kim Jee-Woon, était très attendu. J'ai été un peu déçu par ce récit de tournage d'un film par un réalisateur dont on ne sait s'il est génial ou incompétent. C'est un peu confus, pas toujours de très bon goût, avec cette énergie adolescente qui caractérise l'auteur de J'ai rencontré le diable. Heureusement, c'est le film nous permet de prendre notre dose annuelle de Song Kang-Ho.

Cérémonie de clôture d'Un certain regard pour finir, très sympathique. Le grand gagnant est le film How to have sex. Alors que nous attendons la réalisatrice Molly Manning Walker qui arrive de Rome en short de running et T-shirt vert, toute essoufflée, le président du jury, l'excellent John C. Reilly, nous chante une chanson : un grand moment ! Le film de clôture, Une nuit (4/5) d'Alex Lutz avec Karine Viard, est une romance dramatique délicieuse, un véritable bijou à découvrir en salle à partir du 5 juillet. Je reviendrai longuement sur ce film admirable. 

 

25 mai

On reprend la compétition ce matin avec pour commencer La passion de Dodin Bouffant (5/5) de Tran Anh Hung. Je n'aurais jamais pensé aimer à ce point un film où la caméra passe le plus clair de son temps dans une cuisine du XIXème siècle. Le film est à contre-courant de tout ce qui est à la mode, à un point où il en devient extrême. Le couple Magimel / Binoche est juste splendide et la mise en scène d'une élégance folle. A la suite, Vers un avenir radieux (2/5), de Nanni Moretti, m'a paru bien poussif, boursouflure d'un égo qui évoque en boucle ses obsessions. Perfect days (4/5), de Wim Wenders, démontre à l'inverse qu'on peut se renouveler à tout âge. Le réalisateur allemand revient en force avec cette épure à la japonaise, qui tente de donner à voir le fil ténu de la vie, à travers le quotidien d'un homme qui nettoie les toilettes tokyoïtes. Je sais que cela peut paraître bizarre, mais ça fonctionne parfaitement.

Pour finir, une petite gâterie belge : Le syndrome des amours passées (3/5) du duo Ann Sirot / Raphaël Balboni est une comédie extrêmement bien écrite. Le pitch est irrésistible : pour avoir un enfant, Sandra et Rémy doivent re-coucher avec tous leurs ex. Drôle et fantaisiste, ça fait du bien vers la fin de Festival.

 

24 mai

Le système Wes Anderson tourne maintenant à vide, avec toujours les mêmes idées et acteurs, et aucune émotion ni surprise. Asteroid city (1/5) m'a donc ennuyé, encore plus que ne l'avait fait The french dispatch. Anderson est comme un enfant qui ferait pour la fête des mères des colliers de nouilles de plus en plus sophistiqués : on ne cracherait pas sur une petite pyrogravure, pour changer. Je poursuis avec L'enlèvement (4/5) de Marco Bellochio, qui raconte un fait divers s'étant déroulé au XIXème : le "kidnapping" d'un petit juif baptisé en cachette par l'église catholique. Comme sa série Esterno notte, le film est solide, très réaliste et prenant. Il manque toutefois un petit quelque chose pour qu'il dépasse son déjà enviable statut d'excellent film-dossier.

Côté Quinzaine, je découvre ensuite La grâce (3/5), un film du Russe Ilya Povolotsky, qui porte a priori assez mal son nom puisque nous suivons un père et sa fille dans un triste périple du Sud au Nord du pays, parcourant en minivan les paysages les plus déprimants qu'on puisse imaginer. Il n'y a que les Russes pour pousser aussi loin le bouchon du spleen glauque, et en soi, cela mérite le voyage. Fin de journée à la Semaine, avec le deuxième film d'Erwan Le Duc, La fille de son père (2/5). J'avais beaucoup aimé Perdrix, son premier film, mais on ne retrouve qu'en partie ici le burlesque, la concision et le sens de la punchline du précédent film. Si Nahuel Perez-Biscayart et Céleste Brunnquell tirent leur épingle du jeu grâce à d'amusants dialogues dans la première partie, ils ne peuvent rien à la baisse de régime générale qui plombe le film dans la seconde.

 

23 mai

Club zéro (1/5), de l'Autrichienne Jessica Haussner, représente ce que je déteste le plus au cinéma. Le film est froid, guindé, vide de chair, creux et cynique. C'est du Haneke sans la cruauté et du Ostlund sans l'humour, avec les couleurs de Wes Anderson. Zéro pointé. 

Je bascule côté un Certain Regard pour Crowra (La fleur de buriti) (2/5), un film brésilien qui nous fait pénétrer dans l'intimité d'autochtones de la forêt profonde brésilienne. Les deux réalisateurs mélangent documentaire et fiction, entrelaçant songe, reconstitution d'un massacre et voyage contemporain à Brasilia pour une réunion des peuples autotochtones. Le sujet est intéressant, mais le film est trop confus et pas assez bien réalisé pour convaincre totalement. A l'inverse, Augure (3/5), du rappeur Baloji est une vraie réussite. A l'occasion du retour d'un Congolais dans son pays pour présenter sa future femme, le réalisateur dresse une série de quatre portraits délicieux, et mélange scènes de rue, discussion familiale et visions oniriques sur un rythme de comédie dramatique. Un candidat sérieux à la Caméra d'Or et une véritable immersion dans la psyché africaine.

A 19h45, un moment important, avec la présentation du nouveau film du maître Takeshi Kitano, Kubi (3/5), film de samouraïs dans lequel on décapite comme on respire. C'est complexe, très efficace, amusant et cela apporte une pause bienvenue dans tout le sérieux de la quinzaine cannoise. Longue standing ovation du public dans lequel se trouvent Kore-Eda et Elia Suleiman. Dernier effort pour The feeling that the time for doing something has passed (1/5), à la Quinzaine. Pourtant produit par le génial Sean Baker, ce film de et avec Joanna Arnow ne m'a pas convaincu. Pour résumer, je dirais qu'il s'agit d'une trentenaire new-yorkaise qui vit des relations masochistes avec plusieurs partenaire pour combler le vide de sa vie. C'est filmé dans l'esprit de Kaurismaki, mais sans l'humour ni la tendresse : c'est donc ennuyeux.

 

22 mai

La journée commence dans l'agréable salle Agnès Varda par Anatomie d'une chute (5/5), probablement le meilleur film de Justine Triet. Il s'agit d'un excellent film de procès, écrit avec une grande intelligence, magnifiquement interprété et très bien mise en scène. Ce serait étonnant qu'on ne le retrouve pas très haut dans le Palmarès. 

Je fonce ensuite à Un certain regard pour une double parenthèse. J'attendais beaucoup de Un hiver à Yanji (3/5), de Anthony Chen qui obtint il y a quelques années la caméra d'or avec le superbe Ilo Ilo. Eh bien j'ai été un peu déçu par cette déambulation de trois jeunes adultes dépressifs dans une Chine enneigée, façon Jules et Jim alcoolisés. Le film est tout de même assez fin et révèle une belle sensibilité. Je n'attendais rien à l'inverse de Les colons (4/5) de Felipe Galvez, mais ce superbe film chilien m'a enthousiasmé par sa beauté : les paysages sont extraordinaires, sa cohérence artistique remarquable et son propos politique (il dénonce le massacre des Indiens de Patagonie) passionnant. Le tout sous la forme d'un western haletant qui parvient à nous surprendre de bout en bout. 

Retour à la compétition avec un délicieux Kaurismaki, Les feuilles mortes (4/5). Rien de bien nouveau dans le cinéma du Finlandais (on va vraiment l'impression que ces personnages sont totalement interchangeables d'un film à l'autre) mais l'histoire d'amour qui nous est comptée ici est mignonne comme tout. Le fantasque cinéaste nous offre quelques moments clownesques lors de la montée des marches puis lors des ovations. Fin de journée à la Semaine pour un film coréen dont j'attendais trop : Sleep (2/5), annoncé comme un mélange de comédie et d'horreur s'avère finalement ni drôle ni horrifique. Une honnête série B sur le somnambulisme, mâtinée d'une histoire de fantôme.

 

21 mai

Grosse journée qui commence en compétition avec May december (3/5), de Todd Haynes. Le film est réalisé très solidement, mais il est malheureusement assez mal écrit. Plusieurs scènes frôlent le grotesque et le film ouvre sans cesse des pistes qui sont au final peu explorées. Comme souvent depuis le début, c'est à la Quinzaine qu'il faut aller pour être charmé et surpris. Michel Gondry offre avec son très bon Le livre des solutions (4/5) une comédie enlevée et très autobiographique sur les affres de la création. Pierre Niney y est irrésistible. 

A Un certain regard je fais l'effort d'aller voir le premier film mongol accueilli en sélection. If only I can hibernate (2/5) est le prototype du film d'auteur développé internationalement : scénario assez pauvre, magnifiques images, et une bonne dose d'ennui consensuel. On suit 3 jeunes enfants vivre un hiver très froid dans une banlieue pauvre d'Oulan-Bator. Retour au GTL pour la compétition avec Firebrand (3/5), ou Le jeu de la reine, de Karim Aïnouz. Il s'agit du portrait de la dernière femme du roi d'Angleterre Henry VIII. Il réussit tout ce que Jeanne du Bary a raté : c'est puissant, et cela dégage un profond sentiment réaliste. Une réussite formelle, un poil trop sage. Enfin séance de minuit avec Acide (3/5) de Just Philippot, qui reproduit le schéma de son premier film, La nuée. Une famille en difficulté est confrontée à la catastrophe, ici écologique, avec de terribles pluies acides. L'histoire, assez faible, est surtout le prétexte au développement d'un survival minimaliste, mais assez efficace dans la deuxième partie du film. Dommage que la grande scène finale dans le champ ne soit pas réellement réussie.

 

20 mai

The zone of interest (2/5), de Jonathan Glazer, est d'ors et déjà parmi les favoris pour la Palme d'Or, si l'on en croit les ragots cannois. Pour ma part je n'ai pas trop accroché à ce tableau de la vie de famille du patron du camp d'Auschwitz. Le propos du film est ambigu et son traitement très froid. C'est un film complexe, dont on peut dire tout et son contraire, qui méritera un long article dédié. Je glisse ensuite à Debussy pour le polar chinois du Festival, Only the river flows (3/5) de Wei Shujun. Le film est là encore complexe, voire incompréhensible dans l'instant, mais d'une facture très classique : il est très en-dessous des révélations chinoises de ces dernières années, comme Diao Yinan par exemple.

En début d'après-midi, c'est la montée des marches pour la toute jeune franco-sénégalaise Ramassa-Toulaye Sy. Je ne sais trop quoi penser de Banel et Adama (2/5), un premier film formellement épuré et intéressant, mais tout de même très fragile pour être exposé dans une telle vitrine. Je me suis ennuyé pour ce qui aurait fait un excellent moyen métrage.  Finalement, la bonne surprise viendra aujourd'hui de la Quinzaine avec l'impayable Riddle of fire (5/5) de Weston Razooli. Bricolé avec un budget minime, tourné en 16mm, ce film modeste et splendide a réveillé chez moi l'émerveillement devant la magie de l'imagination au cinéma. On suit trois enfants dans un périple de 24 heures durant lesquels ils vont expérimenter cent expériences différentes, de la recherche d'un oeuf bleu tâcheté à la confection d'une tarte aux myrtilles, en passant par des échanges de coup de feu en boite de nuit et la rencontre d'une fée taxidermiste. Jouissif et inclassable.

 

19 mai

La journée débute à Un certain regard, avec le remarquable film de la Québécoise Monia Chokri, Simple comme Sylvain (4/5), qui revisite l'éternel thème du coup de foudre entre deux personnes de milieux sociaux très différents. C'est frais, sensible, très intelligent, et franchement amusant, comme du Dolan apaisé.

Retour ensuite au GTL avec 3 films en compétition. Black flies (1/5), film américain du Français Jean Stéphane Sauvaire ne m'a pas convaincu du tout. Il brosse de façon scolaire (et bruyante, la bande-son est par moment insupportable) le quotidien de deux urgentistes new-yorkais. Le script tient sur un timbre poste et la fin est d'une naïveté confondante. Avec Les herbes sèches (5/5), on retrouve un Nuri Bilge Ceylan de haut niveau. Paysages enneigés du Kurdistan, analyse au scalpel de l'âme humaine, photographie superbe, dialogues interminable et durée de plus de trois heures : tout est à la fois attendu et parfaitement réalisé. Enfin, Les filles d'Olfa (5/5) de la Tunisienne Kaouther Ben Hania constitue pour moi la première vraie sensation du Festival. Une mère et deux de ses filles "rejouent" l'histoire de le leur vie et notamment la disparition des deux filles aînées parties combattre pour l'Etat islamique, et "remplacées" par deux actrices. Le procédé, entre thérapie de groupe et méta-cinéma, documentaire et mise en abyme à tiroir, garantit à mon avis une place au film dans le palmarès, même s'il ne faut pas chercher ici de grands effets de mise en scène.

 

18 mai

La journée commence par trois films en compétition enchaînés à la suite. Monster (4/5), le nouveau film d'Hirokazu Kore-Eda, est un bon cru, remarquable dans sa première partie, un peu moins convaincant dans la deuxième, qui résout les énigmes de la première. Il ne devrait pas permettre au Japonais d'aller chercher une seconde Palme d'or. On comprend difficilement que Le retour (2/5), de Catherine Corsini, ait pu passer les barrières de la compétition. Au-delà de la polémique anecdotique qui l'accompagne, cette chronique estivale se caractérise par son insignifiance et la banalité des thèmes qu'elle aborde. Un bon téléfilm, aurait-on dit il y a quelques années, tout de même servi par une interprétation convaincante.

La suite est d'un autre calibre : les 3h20 de Youth (Spring) (4/5), du Chinois Wang Bing documente le quotidien de jeunes travailleurs provinciaux dans les ateliers de couture dans une ville proche de Shanghai. Pour ceux qui n'ont jamais vu de films de ce réalisateur, pas facile de décrire l'incroyable sentiment immersif que procure son cinéma, ici plus dépourvu de spectaculaire que ses précédents opus. C'est long, c'est difficile de rester éveillé, mais c'est une expérience hors du commun. Fin de soirée très sympa à la Quinzaine pour voir The sweet east (4/5), premier film de Sean Price Williams, jusqu'alors connu pour être de chef op des frères Safdie. Un voyage picaresque dans une Amérique des marges, plein d'invention et porté par un casting de haute volée, comprenant le formidable Simon Rex et la révélation Talia Ryder.  

 

17 mai

La journée commence à la Quinzaine, avec le très bon nouveau film de Cédric Kahn, Le procès Goldman (4/5). Un classique film de procès, mais qui cumule de nombreux intérêts : un contenu informatif passionnant, un suspense psychologique haletant et une forme très maîtrisée. Je m'astreins ensuite à voir la bluette Jeanne du Barry (2/5). C'est dommage que le film ne soit pas conçu avec la même liberté que son héroïne met en oeuvre pour mener sa vie. Je l'ai trouvé académique, peu inspiré, superficiel dans le développement de sa narration. Pour moi, deux éléments le sauvent : Benjamin Lavernhe et son point de vue sur le fonctionnement de la cour.

A 15h, alors que nous attendons sous la pluie d'entrer à la master class d'Almodovar... on nous informe que la séance est complète. C'est la première fois que je vois autant de personnes avec un billet ne pas pouvoir rentrer. Du coup je me rabats en urgence sur Anselm (3/5), le documentaire que Wenders a consacré à son compatriote Anselm Kiefer. Le film est en 3D, ce qui nous rappelle que ce médium peut être diablement efficace quand il est utilisé par un grand réalisateur. Anselm passionnera les amateurs du peintre (le plus grand artiste vivant ?), dont je fais partie. Il est par moment splendide, mais s'égare un peu sur la fin.

Fin de journée à la Semaine. Ama Gloria (3/5), de Marie Amachoukeli, est un formidable film à hauteur d'enfant, qui décrit l'attachement mutuel d'une petite fille et de sa nounou. Rien de bien original dans son déroulement, hormis le fait qu'il se passe en grande partie au Cap Vert, mais une sensibilité extrême, qui fait mouche. Pour terminer, Tiger stripes (1/5), un film malaisien, est très décevant. Il m'a beaucoup fait pensé au film Teddy, des frères Boukherma, avec un soupçon de Weerasethakul, mais en beaucoup moins bien. Le film n'est pas tenu de bout en bout, sa progression dramatique est faiblarde et ses effets spéciaux plutôt ratés.

 

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En route pour le Festival de Cannes 2023

Du 16 au 27 mai 2023, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette, à suivre en lisant Mon journal de Cannes.

Pour mes avis immédiats à la sortie de chaque projection, vous pouvez me suivre sur Facebook ou Twitter, comme plus de 800 fidèles. Vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter de Christoblog, là, à droite de l'article, en inscrivant votre adresse mail dans la case "Saisissez votre email ici". 

Si vous allez à Cannes pour la première fois, ces articles pourraient vous intéresser :

 

Mon avis sur les différentes sélections : 

Compétition 

Cette année, la compétition comprend comme l'année dernière 21 films, ce qui représente un nombre raisonnable après l'orgie de 2021 (24 films). On peut distinguer dans la sélection ceux qui ont déjà eu au moins une Palme d'Or (Moretti, Kore-Eda, Ceylan, Loach, Wenders), ceux qui auraient mérité d'en avoir une (Kaurismaki, Anderson, Bellochio), ceux qui ont déjà tenté mais n'en auront peut-être jamais (Jessica Hausner, Justine Triet, Alice Rohrwacher, Todd Haynes, Catherine Corsini), et ceux qui apparaisse en compétition pour la première fois (Jonathan Glazer, la tunisienne Kaouther Ben Hania, Catherine Breillat, le franco-vietnamien Tran Anh Hung).

J'attends pour ma part impatiemment les films de Wang Bing (mon documentariste - et un de mes cinéastes - préféré), de la sénégalaise Ramata-Toulaye Sy (un premier film en provenance d'Afrique, c'est rare !), et du brésilien Karim Aïnouz, dont j'ai adoré La vie invisible d'Euridice Guismao. Le cinéaste "surprise" cette année est Jean Stéphane Sauvaire.

Cannes Premières

Avant 2020, les "refoulés" de la compétition se retrouvaient à Un certain regard, ou à la Quinzaine. En 2021, Thierry Frémaux leur a offert une nouvelle section qui est reconduite cette année, dans la salle Debussy, habituellement réservée à Un certain regard. On retrouvera ici un casting dont Venise ou Berlin se délecteraient : Takeshi Kitano, Victor Erice, Katell Quillévéré, Amat Escalante, Lisandro Alonso et Valérie Donzelli.

Un certain regard

Cette sélection se recentre sur son objectif initial, comme en 2021 et 2022 : faire découvrir des oeuvres originales et exigeantes. Peu de noms connus par conséquent. Le film d'ouverture, Le règne animal, de Thomas Cailley, est cependant très attendu. On croisera tout de même dans cette section Monia Chokri et Anthony Chen, qui remporta la Caméra d'or il y a plusieurs années pour un premier film de toute beauté, Ilo Ilo. Alex Lutz présentera son nouveau film en clôture.

Autres sélections

Dans le cadre des séances spéciales et autres projections inclassables, on trouve cette année du très lourd, que ce soit en matière de cinéma d'auteur (Scorsese, Mendonça Filho, Almodovar, Pedro Costa) ou de fun (le dernier Pixar en dernière séance du Festival, le nouveau Indiana Jones, le biopic sur l'Abbé Pierre). 

 

La Quinzaine des cinéastes

Julien Rejl renouvelle le casting de la Quinzaine d'une façon radicale pour sa première année, en affichant clairement sa volonté d'éviter les "poids lourds recalés de l'officielle". Cap sur l'aventure, donc. Pas beaucoup de grands noms, mais des inconnus et quelques réalisateurs renommés qui viennent avec des projets semble-t-il spécifiques (Cédric Kahn, Gondry). On notera aussi une forte présence de l'Asie et des USA. Sur le papier, et malgré le nouveau Hong Sang-Soo en clôture, c'est la sélection qui m'attire le moins.

Semaine de la critique

Cette année, la semaine m'a fait la gentillesse de m'accorder un Pass spécifique qui me facilitera l'entrée au Miramar. Ce sera pour moi l'occasion de découvrir une fort attirante sélection qui nous permettra de parcourir le monde, de la Malaisie au Brésil, en passant par la Serbie, la Belgique et la Jordanie. En hors compétition j'ai hâte de découvrir le deuxième film d'Erwan Le Duc et un film de genre qui s'annonce formidable (Vincent doit mourir, dans lequel tout le monde essaye de tuer Karim Leklou).

ACID

Dans la petite dernière des sélections cannoises, peu de noms connus, mais une fois n'est pas coutume, il faut noter la présence d'un film d'animation, Linda veut du poulet.

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Palmarès du 75ème Festival de Cannes

Cette année, la compétition était très homogène. Aucun film n'a entraîné l'adhésion de la Croisette comme cela avait été le cas en 2019 avec Parasite par exemple. Mais aucun film n'a déchaîné non plus une tempête de critiques, comme The last face en 2016 ou Les filles du soleil en 2018.

Plus curieux encore, et fait vraiment exceptionnel, presque tous les 21 films en compétition ont figuré dans les palmarès idéaux des uns et des autres. Par exemple le palmarès de Libération ne comprend qu'un seul film en commun avec le palmarès définitif et en cumulant les deux on a quasiment l'ensemble des films !

Pour ma part, je trouve très étonnant que ne figure pas dans les films récompensés le très beau Armageddon time de James Gray (cela devient une humiliation pour ce grand cinéaste qui n'a jamais rien gagné à Cannes, qu'il adore pourtant). Etonnant aussi qu'il manque à l'appel le magnifique Leila's brothers, film iranien qui est ma Palme d'or personnelle et celle de nombreux festivaliers, ainsi que Les amandiers, de Valeria Bruni Tedeschi. Mes trois films préférés de la compétition 🙄 !

Le jury a réagi à cette homogénéité de la sélection en voulant récompenser le plus de films possibles (1 prix supplémentaire et deux prix ex-aequo) : 10 films sur les 21 présentés ont ainsi obtenu une récompense.

Palme d'or : Sans filtre (Triangle of sadness) de Ruben Ostlund

De la part du jury, c'est sûrement le choix le plus consensuel. Cette farce parfois potache, par moment hilarante, est sûrement l'oeuvre qui peut prétendre ramener le public le plus large possible vers les salles, tout en véhiculant un message anti-capitaliste qui a du plaire au président. Je trouve pour ma part le film agréable, mais un peu superficiel. C'est du cinéma de petit malin.

Grand prix ex-aequo : Close de Lukas Dhont et Stars at noon de Claire Denis

Close était la Palme d'or du coeur de beaucoup de festivaliers, le film ayant généré la plus longue standing ovation de la compétition (12 minutes). C'est un très beau film et à 31 ans Lukas Dhont est promis à un grand avenir : une sorte de Xavier Dolan européen, l'égo en moins. Le Claire Denis est de bonne facture mais ne mérite pas cette place : peut-être une façon de récompenser la réalisatrice pour sa carrière (et de s'assurer une présence féminine dans le palmarès ?).

Prix de la mise en scène : Park Chan-wook pour Decision to leave

Rien à dire, le nouveau film du réalisateur d'Old boy est presque trop brillant en terme de réalisation, on est parfois au bord du trop-plein d'idées.

Prix du scénario : Tarik Saleh pour Boy from heaven

Si le sujet du film est intéressant (un jeune pêcheur au coeur pur se trouve mêlé à une guerre de succession à la tête de l'université El Azhar du Caire), j'ai justement trouvé que le scénario souffrait de quelques carences ! Probablement une façon de trouver une petite place au film dans le palmarès.

Prix du jury ex-aequo : EO de Jerzy Skolimovski et Les huit montagnes de Felix van Groningen et Charlotte Vandermeersh

EO aurait pu se trouver plus haut dans le palmarès, c'est un film formidable et inventif. Quant aux Huit montagnes, il a souffert d'une campagne de dénigrement dans la presse que je trouve injuste : c'est un film grand public qui s'intéresse à des sujets rarement montrés au cinéma (l'amour de la montagne, l'amitié masculine comme ciment d'une vie)

Prix du 75ème : Tori et Lokita, des frères Dardenne

C'est un des plus faibles Dardenne, qui sont ici en service minimum. Il semblerait qu'il y ait eu des débats animés au sein du jury à son sujet : Lindon le voulant peut-être plus haut dans le palmarès. Un exemple que les plaidoyers moraux, s'il ne font pas de bons films, permettent d'obtenir des récompenses.

Prix d'interprétation féminine : Zar Amir Ebrahimi dans Holy spider (Les nuits de Mashhad)

Mérité ! Le film de Ali Abbasi, qui suit la trajectoire d'un tueur en série de femmes, est d'une violence crue, mais c'est un beau film nécessaire et toute l'équipe du film est désormais interdite de retour en Iran, ce qui représente quand on y pense une incroyable preuve d'amour envers le cinéma. L'actrice, qui vit en France depuis plusieurs années, campe une journaliste opiniâtre, obsédée par cette affaire.

Prix d'interprétation masculine : Song Kang-ho pour Les bonnes étoiles

Curieux que le jury ait choisi de récompenser l'acteur coréen pour ce rôle qui est presque un second rôle. Sûrement une façon de récompenser sa carrière entière et/ou de donner quelque chose au très beau film de Kore-Eda. Beaucoup pensait à l'italien Pierfrancisco Favino, pour son rôle dans Nostalgia.

Retrouvez mon avis sur 42 films présentés à Cannes dans Mon journal de Cannes 2022.

A l'année prochaine !

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Journal de Cannes 2022

 

28 mai

Ultimes séances de rattrapage. Le bleu du caftan (2/5), de Maryam Touzani, présente beaucoup de points communs avec son film précédent, Adam : huis clos, visages filmés en gros plans, sensualité dans la façon de filmer les peaux, étude de l'évolution des sentiments. Le film décrit un trio : Halim, qui fabrique des caftan et est homosexuel, sa femme en fin de vie, et un jeune apprenti beau comme un Dieu. Malgré beaucoup de qualités, je trouve que tout est trop appuyé dans le film, qui est trop long.

Et pour finir, 41 ème projection à Cannes qui me permet d'avoir vu l'intégralité des 21 films en compétition, Pacifiction (Tourment sur les îles) (1/5), dont Libération, entre autres, fait sa Palme d'or. Ce pensum dure 2H45 et regroupe la plupart des éléments que je déteste dans un certain cinéma d'auteur auto-centré : une façon de s'étaler sans sembler se soucier une seconde du spectateur, un refus de donner les clés de ce qui est montré, des éléments plaqués sur un récit de façon totalement artificielle (les scènes de boites de nuit). Une sorte d'onanisme cinématographique, qui ne possède même pas l'excuse de la beauté plastique que peuvent revendiquer Malick ou Wheerasethakul.

A l'année prochaine !

 

27 mai

Je rattrape ce matin un très beau film de la Semaine de la critique, Dalva (4/5) d'Emmanuelle Nicot. Le film suit l'itinéraire d'une jeune fille de douze ans qui a été séquestrée et abusée par son père de 5 à 12 ans, à partir du moment où elle est soustraite à l'influence de ce dernier. L'interprétation de la jeune Zelda Samson est incroyable de justesse. Un film sec, ramassé, brillant. 

Je reprends ensuite le fil de la compétition avec le nouveau Kelly Reichardt, Showing up (1/5). Je ne comprends toujours pas ce que cette cinéaste minimaliste a à nous dire. Sur une échelle de l'ennui de 1 à 10, je mets 9,5 à cette chronique qui nous montre une artiste en chaussettes essayer de prendre une douche et de soigner un pigeon. 

Un petit frère (4/5), de Léonor Serraille est au contraire une ample fresque très abordable, qui donne à voir l'itinéraire en France d'une femme et ses deux fils, arrivés de Côte-d'Ivoire en 1989. Beaucoup de justesse et une grande qualité d'écriture, parfait pour terminer en beauté une compétition. Le nouveau Hirokazu Kore-Eda, tourné en Corée avec des acteurs coréens, est une nouvelle variation sur la notion de famille. Les bonnes étoiles (5/5), connu à Cannes sous le nom de Broker, est un petit peu moins puissant qu'Un air de famille, mais il touche souvent au coeur, mêlant avec beaucoup de grâce ironie douce, émotion feutrée et rebondissements inattendus.

26 mai

Retour à la compétition avec Leila's brothers (5/5), de l'iranien Saeed Roustaee (La loi de Téhéran). Un film fleuve (2h45 quand même), mais qui passe plus vite que certains films d'1h30. Il faut imaginer l'ambiance de la série Succession dans une famille iranienne modeste, avec des intrigues dignes de Farhadi. Grand film intimiste et politique, cette fresque familiale devient ma Palme d'or à ce stade de la compétition.

Stars at noon (3/5) de Claire Denis, est plutôt une réussite. Margaret Qualley et Joe Alwyn forme un couple très convaincant, qui confrontent leurs deux opacités dans un Nicaragua moite et gangrené par toutes sortes d'intrigues politiques auxquelles on ne comprend pas grand-chose, mais ce n'est pas grave. Avec une BO merveilleuse de Tindersticks. Enfin Close (4/5), le deuxième film de Lukas Dhont, l'auteur du formidable premier film Girl. Dhont film merveilleusement bien l'amitié de deux jeunes garçons de 13 ans. Un cinéma d'une grande finesse, qui pourrait trouver sa place au Palmarès. On devrait retrouver ce réalisateur de très nombreuses fois à Cannes dans l'avenir, il n'a que 31 ans et produit déjà des films de toute beauté.

25 mai

 

Pas de compétition pour aujourd'hui, mais un petit tour dans les sélections parallèles. A la Quinzaine, le nouveau film de Thomas Salvador, La montagne (1/5) m'a beaucoup déçu. L'idée d'un homme qui va dans la montagne et ne veut / peut plus en descendre était sympa, mais l'aspect surnaturel ajouté n'apporte rien au final, au contraire. Je passe à la clôture de la Semaine pour Next Sohee (3/5), de July Jung, dont j'avais beaucoup aimé A girl at my door. Ce deuxième film est une charge violente contre la façon dont la société coréenne traite ses jeunes sur le marché du travail. Bien qu'un peu long, la projection est agréable, notamment grâce aux actrices, parmi lesquelles la formidable Doona Bae.

A Un certain regard, Mediterranean fever (3/5) de la palestinienne Maha Haj est un joli film sur une amitié entre un malfrat et un écrivain dépressif. Bien écrit (un peu long, mais c'est une maladie générique à Cannes cette année) et bien joué, le film est étonnant, jusqu'au retournement final. Elia Suleiman et les frères Nasser sont dans la salle, solidarité palestinienne oblige.

Enfin je rattrape Godland (2/5) de l'islandais Hlynur Palmason (Un jour si blanc). Certains s'extasient sur cet exercice de style hyper stylisé qui décrit le périple d'un prêtre danois en Islande au XIXème siècle : format carré, absence presque totale de dialogue pendant la première partie du film, paysages grandioses, action réduite à sa plus simple expression, longueur excessive (2h23). Je n'ai pas été sensible du tout à la démarche du réalisateur, même si la qualité de la photographie est en effet incroyable. Pour ceux qui ont aimé des films comme La dernière piste ou Jauja.

 

24 mai

Début de journée à Un certain regard. Retour à Séoul (4/5), de Davy Chou, est un très beau film sur la recherche de ses origines par une Française adoptée en Corée. Le film est à la fois ample, précis et émouvant. L'actrice est formidable.

Les frères Dardenne, dans Tori et Lokita (2/5) appliquent une recette éprouvée : accumuler un maximum d'humiliations sur les deux personnages de migrants jusqu'au drame, et sans possibilité de s'échapper. C'est peut-être efficace pour dénoncer la façon dont les migrants sont traités en Europe, mais cela ne fait pas un bon film, tout juste un manifeste pour une ONG. Heureusement que les deux interprètes principaux sont très bons.

La suite est plus réjouissante. Je parviens à entrer dans le GTL pour la cérémonie du 75ème anniversaire. Une centaine de sommités du cinéma mondial sont là, je ne peux pas tous les citer. C'est devant ce parterre de réalisateurs incroyables (14 palmes d'or pour les présents) que Louis Garrel à la lourde tâche de présenter son film, L'innocent (4/5). Heureusement pour lui le film est très bon, c'est la comédie dramatique dont le festivalier épuisé à besoin à l'approche du sprint final. La salle a éclaté de rire à de nombreuses reprises - et moi aussi. 

Fin de soirée avec Nostalgia (4/5) de l'italien Mario Martone, avec l'excellent acteur Pierfrancesco Favino (Le traître), qui pourrait bien ici espérer un prix d'interprétation. On suit un italien qui revient à Naples quarante ans après en être parti, et qui se frotte à son ancien meilleur ami, devenu boss du quartier pour la Camorra. C'est efficace, et surtout c'est un magnifique portrait de la cité napolitaine.

 

23 mai

Enorme journée aujourd'hui avec 5 films, 2 montées des marches en soirée et beaucoup d'émotions. Cela commence à la Quinzaine avec le nouveau film de Léa Mysius, Les cinq diables (3/5), un drama familial teinté de surnaturel. Cela commence très bien avant de s'affadir un peu. Le film paraît trop écrit. Adèle Exarchopoulos est là avec toute l'équipe du film.

On continue à Un certain regard avec un film turc, Burning days (2/5), de Emin Alper. Cela se situe quelque part entre Zvyaguintsev et Nuri Bilge Celan, avec beaucoup moins de finesse et de talent. Cette critique de la société turque est pleine de bonnes intentions, mais un peu naïve.

J'arrive ensuite au GTL pour un trois à la suite. Je ne me serais jamais attendu à adorer le film de Valéria Bruni-Tedeschi, Les amandiers (5/5) ! Ce portrait de groupe est magnifique. Il saisit les spécificités du métier d'acteur, il dresse un portrait sans concession mais passionnant de Patrice Chéreau, et il restitue à merveille l'ambiance des années 80. Le casting est au top. Les amandiers, c'est tout ce que le cinéma peut apporter : des infos, des émotions, des sensations. J'attendais beaucoup (sûrement trop) du nouveau film de Park Chan-Wook, Decision to leave (3/5). La mise en scène est comme d'habitude souveraine, et le scénario excelle à rendre compréhensible une histoire très complexe, mais le film est un peu long et moins spectaculaire que Mademoiselle, par exemple. Eventuellement un prix du scénario ou de la mise en scène.

Pour finir, j'obtiens miraculeusement un billet pour Les crimes du futur (1/5), de David Cronenberg. Je n'aime pas du tout le film que je trouve compassé, artificiel et finalement pauvre en cinéma. Les concepts qu'évoquent les personnages (par ailleurs tous assez mal joués) sont finalement plus intéressants que le film lui-même. Mais le spectacle autour de moi, dans un carré de 20x20 sièges est d'anthologie : outre Léa Seydoux et Kristen Stewart, je vois Guillermo del Toro se lever pour applaudir Cronenberg, Claude Lelouch de lever pour laisser passer Sharon Stone rejoindre sa place, Nuri Bilge Ceylan arriver avec son fils, Chiara Mastroianni saluer Rebecca Zlotowski, Félix Moati se pointer sans costard et s'assoir non loin d'Agnès Jaoui, Vincent Cassel présenter son billet à l'ouvreuse juste avant moi, etc. J'ai rarement vu un parterre de cette qualité.

 

22 mai

Trois films en compétition à la suite aujourd'hui. Dans Triangle of sadness (3/5), Ruben Ostlund poursuit dans la veine qui lui a déjà donné une palme d'or (The square) : se moquer avec causticité des petits travers de notre société, et des grands aussi. C'est souvent très bien vu, et parfois hilarant, mais comme ses personnages sont réduits à des caricatures sans épaisseur, l'impression finale est celle d'une superficialité un peu creuse, d'une farce potache.

Autre palmé, Cristian Mungiu ne pourra lui sûrement jamais être accusé d'être superficiel. RMN (3/5) est magnifiquement réalisé, mais un peu moins bien écrit que ses oeuvres précédentes. Le film aborde beaucoup de thèmes qu'il ne traite pas complètement, avant de se concentrer sur un tableau de la xénophobie ordinaire dans un petit village roumain. Une scène de 15 minutes, en plan-séquence fixe et avec une petite centaine de figurants, est magistrale. Holy spider (5/5), qui sortira en France sous le nom de Les nuits de Mashhad, est une oeuvre coup de poing d'Ali Abbasi, cinéaste iranien vivant en Suède, dont j'avais adoré le film précédent, Border. On suit un tueur en série fou d'Allah, qui s'en prend aux prostituées. C'est rugueux, très rythmé et frontal. On devrait le retrouver au palmarès, si les scènes de violence n'effraient pas le jury.

Pour finir en douceur, Don Juan (3/5) de Serge Bozon démontre surtout le talent immense de Virginie Efira, et celui de Tahar Rahim chanteur. L'univers décalé et très formel de Bozon trouve dans cette histoire mélancolique et triste un parfait terrain, je trouve, bien plus que dans le registre de la comédie grinçante. Le film est descendu par tout le monde ou presque.

 

21 mai

La journée commence avec Frère et soeur (2/5), qui m'a déçu. Je reviendrai très bientôt sur ce film, qui est une parodie de Desplechin par Desplechin. Étonnant de voir le contraste entre les critiques "parisiennes", dithyrambiques si on en croit Allociné (4,3 de moyenne !), et l'accueil glacial de la Croisette (il y aurait eu des ricanements pendant la projection presse).

Pamfir (5/5) est un coup de coeur. Le film est ukrainien mais n'a rien de politique. Il s'agit d'une sorte de tragédie grecque en forme de western slave, servi par une mise en scène d'une élégance rare. Un film que j'aurais volontiers vu en compétition dans l'officielle. Le nom du réalisateur est à retenir, et pas seulement si on joue au scrabble : Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk. Je continue à la Quinzaine avec Sous les figues (2/5) de la tunisienne Erige Sehiri, rayonnante dans la salle avec son casting non professionnel. Le film est un portrait de la jeunesse tunisienne, solaire, énergique et anecdotique, le temps d'une journée de cueillette de figues.

Pour finir, dans une salle archi-comble du Cineum, un des évènements de cette édition, le nouveau film de George Miller, Trois mille ans à t'attendre (3/5). C'est du divertissement de très bonne tenue, servi par un duo admirable (Tilda Swinton et Idriss Elba), qui loue les pouvoirs de l'imagination. Ca fait plaisir de voir du cinéma grand public qui quitte le sillon Marvel pour retrouver le plaisir des Mille et une nuits.

 

20 mai

Retour à la compétition aujourd'hui avec pour commencer le superbe Armageddon time (5/5) de James Gray. Très bien accueilli par la Croisette, c'est ma première Palme d'or potentielle. Le James Gray des débuts (jusqu'à Two lovers) revient dans ce film délicat, fluide et très bien réalisé, qui mélange la chronique intime et l'exploration du racisme chronique américain. Magnifique.

EO (4/5) (on peut traduire par Hi-Han) du polonais Jerzy Skolimovski est quant à lui le premier film complètement barré de l'édition 2022. iL s'agit de suivre la trajectoire d'un âne de son point de vue, en explorant la grandeur de la nature et la bêtise cruelle des hommes. Il y a une idée de cinéma toutes les 2 minutes, et c'est comme si Lynch croisait Kaurismaki. Troisième film à la suite au GTL, Boy from heaven (2/5) du réalisateur suédois d'origine égyptienne Tarik Saleh (Le Caire confidentiel) m'a déçu. Si l'histoire est intéressante (un jeune étudiant est entraîné dans une guerre de succession à la tête de la prestigieuse université coranique Al Azhar du Caire), le traitement est trop plat, et le scénario m'a semblé bâclé. Un produit trop formaté "compétition cannoise" à mon goût.

Enfin, direction Debussy pour le nouveau film d'un réalisateur que j'aime beaucoup, Dominik Moll. La nuit du 12 (4/5) est une sorte de Zodiac franchouillard, sur une affaire d'homicide non résolue à Saint-Jean de Maurienne. C'est captivant et excellemment joué par Bastien Bouillon et Bouli Lanners. La projection est marquée par un évènement rarissime : devant le manque de sous-titres anglais une partie du public fait interrompre la séance, qui repartira quelques minutes plus tard !

 

19 mai

Rodeo (4/5), premier film de la Française Lola Quivoron, était très attendu. Le film nous fait pénétrer dans le monde méconnu des adeptes de cross-bitume. L'héroïne principale (qui m'a beaucoup fait penser à celle du film American Honey) suit un parcours initiatique entre délinquance et quête de soi-même. C'est très bien fait, même si la fin m'a laissé perplexe.

Harka (3/5) m'a ensuite emmené en Tunisie. Le réalisateur qui vit aux USA, Lotfy Nathan, imprime une efficacité toute américaine à ce tableau d'un jeune tunisien qui va finir par s'immoler par le feu. Le tableau de la société tunisienne est glaçant. A la Quinzaine, Philippe Faucon propose Les harkis (2/5), qui décrit de façon un peu académique et sans grand enjeu dramatique les dilemmes des supplétifs algériens qui aidèrent l'armée française. Intsructif et très bien photographié, sans être génial. Après Tirailleurs, on dirait que le cinéma français a envie de se frotter à son passé colonial...

Le film du couple belge Félix Van Groningen et Charlotte Vandermeersch, Les huit montagnes (4/5) est plus sage que les films précédents de Van Groningen (La merditude des choses, Alabama Monroe). Format carré, écoulement lent du temps, paysages alpestres magnifiquement filmés, un sujet finalement peu montré au cinéma (l'amitié masculine comme sens à sa vie). Le film est un poil trop long (2h27) et pas toujours de très bon goût, mais il est beau et je me suis laissé emporté par l'évolution des personnages. La presse n'a pas aimé du tout.

 

18 mai

A peine arrivé, je trouve par miracle en quatre minutes chrono une place pour le premier film en compétition, La femme de Tchaïkovski (2/5), de Kiril Serebrennikov. Si la caméra est nettement moins agitée que dans La fièvre de Petrov (ce n'est pas difficile), la mise en scène reste virtuose. C'est intéressant, mais assez froid et surtout très long (2h30). Il faut dire que le sujet est un peu austère : l'amour obsessionnel et aveuglé d'une jeune femme pour un homme qui n'en voulait pas (le musicien était homosexuel, et pas vraiment sympa avec son épouse).

Je glisse ensuite dans la salle Debussy pour l'ouverture d'Un certain regard. Tirailleurs (3/5) est présenté par l'équipe du film au complet, dont un Omar Sy rayonnant et très ému. Le film raconte la première guerre mondiale du point de vue des tirailleurs sénégalais. C'est bien fait sans être génial, et le scénario aborde beaucoup de sujets intéressants. Dans la lignée d'Indigènes, qui avait été aussi présenté à Cannes. 

Pour finir, direction le théâtre Croisette pour l'ouverture de la Quinzaine. Je n'avais pas aimé son film précédent (Martin Eden), mais Pietro Marcello réussit ici à me convaincre avec pourtant des ingrédients similaires : un jeu constant et déstabilisant sur les différentes textures d'image, une sorte de romantisme rude et mal dégrossi, un vérisme parfois très cru. La réussite de L'envol (4/5) tient dans son très beau portrait de jeune fille, associé à une poésie diffuse. Un film étonnant et profond.

 

17 mai

Comme j'en ai pris l'habitude depuis plusieurs années, le Festival commence pour moi à distance, je ne rejoindrai la Croisette que demain. Après le feu d'artifice que constituait Annette en ouverture l'année dernière, cette édition s'ouvre sur un mode plus mineur, mais qui célèbre à sa façon, modeste et réjouissante, la magie du cinéma.

Coupez ! (4/5) de Michel Hazanavicius, est un kick off parfait, habilement construit, remake du film récent Ne coupez pas !, du japonais Ueda. On découvre tout d'abord une série Z japonisante d'une demi-heure, avant d'assister intrigué à des flashbacks qui nous font voir l'envers du décors. C'est simple, très bien écrit, et servi par des acteurs qui ont l'air de bien s'amuser. Les seconds rôles sont parfaits, Jean Pascal Zadi en tête. Une ouverture pétillante en forme de déclaration d'amour à l'amateurisme et au septième art. 

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En route pour le Festival de Cannes 2022

Du 17 au 28 mai 2022, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette, à suivre en lisant Mon journal de Cannes.

Pour mes avis immédiats à la sortie de chaque projection, vous pouvez me suivre sur Facebook ou Twitter, comme plus de 800 fidèles. Vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter de Christoblog, là, à droite de l'article, en inscrivant votre adresse mail dans la case "Saisissez votre email ici". 

Vincent Lindon est cette année le Président du jury. Il sera entouré, entre autres, par Noomi Rapace, Asghar Farhadi, Lady Ly, Jeff Nichols, Rebecca Hall, Joachim Trier et Jasmine Trinca. Valeria Golino dirigera le jury d'Un certain regard. 

Si vous allez à Cannes pour la première fois, ces articles pourraient vous intéresser :

 

Mon avis sur les différentes sélections : 

Compétition 

Cette année, la compétition comprend 21 films, ce qui représente un nombre raisonnable après l'orgie de l'année dernière (24 films). On peut distinguer dans la sélection ceux qui ont déjà eu une Palme d'Or (les Dardenne, Kore-Eda, Mungiu, Ostlund), ceux qui auraient pu en avoir une (Cronenberg, Desplechin, Park Chan-Wook), ceux qui n'en auront peut-être jamais (Claire Denis, James Gray, Kelly Reichardt, Albert Serra, Jerzy Skolimowski, Valeria Bruni Tedeschi), les jeunes pousses qui en auront probablement une un jour (Dhont, Serebrennikov). J'attends pour ma part impatiemment les films d'Ali Abbasi (dont j'ai adoré Border), Léonor Serraille (je suis fan de son premier film Jeune femme), Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen (La merditude des choses, Alabama Monroe), Saeed Roustaee (auteur de l'excellent La loi de Téhéran) et Tarik Saleh (Le Caire confidentiel). Le cinéaste que je connais pas du tout cette année est l'italien Mario Martone, le seul dont je n'ai vu aucun film.

Cannes Premières

Avant 2020, les "refoulés" de la compétition se retrouvaient à Un certain regard, ou à la Quinzaine. En 2021, Thierry Frémaux leur a offert une nouvelle section qui est reconduite cette année, dans la salle Debussy, habituellement réservée à Un certain regard. On retrouvera ici un casting dont Venise ou Berlin se délecteraient : Marco Bellochio, Olivier Assayas, Serge Bozon, Emmanuel Mouret, Rodrigo Sorogoyen, Panos Koutras, Rachid Bouchareb et Dominik Moll.

Un certain regard

Cette sélection se recentre sur son objectif initial, comme en 2021 : faire découvrir des oeuvres originales et exigeantes. Peu de noms connus par conséquent. Le film d'ouverture, Tirailleurs, de Mathieu Vadepied, avec Omar Sy, est cependant très attendu. On croisera tout de même dans cette section Davy Chou, dont j'ai adoré un des films précédents, Diamond island. Un islandais sera là, comme c'est de tradition, et il s'agira de Hlynur Palmason, remarqué à Cannes pour un film précédent de bonne facture, Un jour si blanc. L'actrice Riley KEOUGH (petite-fille  d'Elvis Presley) y présentera son premier film. La sélection nous fera voyager à travers le monde entier : Japon, Allemagne, Costa-Rica, Norvège, Palestine, Turquie, Australie, Pakistan, Pologne, USA, France et ... Ukraine.

Autres sélections

Dans le cadre des séances spéciales et autres projections inclassables, on trouve cette année du très lourd, que ce soit en matière de cinéma d'auteur (Losnitza, Louis Garrel, Jasmine Trinca, Etan Coen, Patricio Guzman), de fun (Top Gun Maverick et un hommage à Tom Cruise, Elvis de Baz Luhrman, les nouveaux films de Cédric Jimenez, Nicolas Bedos et surtout George Miller). Quentin Dupieux présentera son nouveau projet dans une séance de minuit qui s'annonce délirante. Dans la section Cannes classics, on verra un film sur les jeux olympiques de Tokyo, tourné par l'habituée cannoise Naomi Kawase. Enfin, deux curiosités : l'acteur principal de Squid game, Lee Jung-Rae, présentera son premier film en séance de minuit et la chanteuse Diam's un documentaire autobiographique.

 

 

 

 

 

 

 

 

La Quinzaine des réalisateurs

Paolo Moretti renouvelle comme l'année dernière le casting de la Quinzaine (pour sa dernière année à ce poste), habituée auparavant à ronronner sur des noms récurrents et/ou sur les recalés de l'officielle. Cap sur l'aventure, donc. Pas beaucoup de grands noms, mais des inconnus, des réalisateurs à (re)découvrir (Rodrigues, Alex Garland, Charlotte Le Bon), et une très forte présence française (Léa Mysius, Philippe Faucon, Thomas Salvador, Alice Winocour, Mia Hansen-Love, Nicolas Pariser), ce qui est une caractéristique de cette année, toutes sections confondues. Annie Ernaux y présentera un film. L'envol, film de l'italien Pietro Marcello, avec Louis Garrel et Noémie Lvosky, une des grosses attente de cette édition, sera présenté en ouverture.

Semaine de la critique

Cette année, je ne connais vraiment personne dans la compétition qui nous fera voyager en France, en Finlande, en Iran, en Colombie, au Portugal et aux USA. Dans les séances spéciales, on retrouvera l'acteur Jesse Eissenberg qui viendra présenter ici son premier film et la nouvelle proposition du cinéaste / artiste Clément Cogitore. C'est un film coréen de Jung July qui fera la clôture (son premier film, A girl at my door, est très bon).

ACID

Dans la petite dernière des sélections cannoises, peu de noms connus, mais comme dans les autres sélections une forte présence française. Polaris, d'Ainara Vera, aiguise ma curiosité : il promet de nous emmener naviguer au Groenland.

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Journal de Cannes 2021

 

17 juillet

Dernier jour sur la Croisette. C'est le moment des ultimes rattrapages. A 10 heures, nouveau rendez-vous avec Apichatpong Weerasethakul, pour le seul film en compétition que je n'ai pas encore vu. Memoria (3/5), tourné en Colombie, est un Weerasethakul relativement abordable et toujours magnifiquement filmé. En plus, vous pouvez dormir une minute sur deux sans rien rater. Dans la foulée, j'ai vu et détesté le nouveau Gaspar Noé, Vortex (1/5). Noé filme la vieillesse et la fin de vie sans imagination, et avec une certaine complaisance. Il est bien meilleur quand il filme l'exubérance des corps et la folie des dérapages incontrôlés. Son film est pesant sans être dérangeant. 

Pour la première fois depuis que je fréquente Cannes, je peux entrer dans la salle pour la cérémonie de clôture. La cérémonie est barrée, Spike Lee étant complètement à l'ouest. Sans télé, on ne comprend pas toujours ce qui se passe (il n'y a aucune traduction en direct), mais la salle est en ébullition et réagit au peu de ce qu'elle comprend : par exemple quand Kuosmanen déclare son admiration pour Farhadi et que les deux s'étreignent. Une cérémonie bordélique, humaine, et concluant parfaitement cette semaine de retrouvailles avec le cinéma. Pour finir, mon 41ème film à Cannes (record de 2018 égalé) sera OSS 117, Alerte rouge en Afrique noire (2/5), qui se laisse regarder sans trop de déplaisir, même si l'épisode est inférieur aux précédents.

C'est fini, à l'année prochaine !

16 juillet

Journée spéciale aujourd'hui où j'ai enchaîné les cinq séances consécutives au Grand Théâtre Lumière. Haut et court (2/5) de Nabil Ayouch est un film sympa et quasi-documentaire sur le rap comme voie d'émancipation dans une banlieue de Casablanca. Un peu superficiel, mais agréable. France (4/5) ne ressemble à rien de ce que Bruno Dumont a fait jusqu'à aujourd'hui et c'est sûrement son film le plus accessible. Oeuvre étrange et très stimulante intellectuellement, qui peut se regarder au troisième degré, France en désarçonnera plus d'un. Un des tous meilleurs rôles de Léa Seydoux.

Nitram (3/5), de l'australien Justin Kurzel, est le portrait abrupt et oppressant d'un jeune mal adapté à son milieu et sa famille. Le film est puissant et révèle un acteur très spécial : Caleb Landry Jones. Enfin, le nouveau Joachim Lafosse, Les intranquilles (3/5) est un beau film sur le trouble bipolaire. Il bénéficie de la très solide interprétation de Damien Bonnard et Leïla Bekhti, tous deux excellents. Pour terminer cette longue journée, quel plaisir de retrouver dans la salle Lumière l'immense acteur Song Kang-Ho, deux ans après son triomphe dans Parasite. Emergency declaration (2/5) est un film catastrophe coréen très convenu, trop long et pas passionnant, mais ce n'est pas grave, c'est la dernière séance "officielle" du Festival en attendant la clôture demain, et quelques séances de rattrapage en ce qui me concerne dans la matinée.

 

15 juillet

Début de journée en compétition avec L'histoire de ma femme (1/5) de la hongroise Ildiko Enyedi. On ne retrouve pas du tout ici la concision rêveuse qui faisait le prix de son film précédent, Corps et âme, Ours d'or à Berlin. Le traitement de cette histoire d'amour compliquée au début du XXième siècle est laborieux, et la mise en scène très approximative, pour une durée beaucoup trop longue (2h40). Une déception que la présence de Léa Seydoux ne parvient pas à atténuer. Le nouveau Hong Sang-Soo, In front of your face (4/5) est exactement l'inverse du film précédent : 1h20 de minimalisme total, quelques plans fixes et, chose peu courante pour le coréen, beaucoup d'émotion lors d'une séquence mémorable. Un film qui marque peut-être un tournant dans la prolifique carrière de Hong Sang-Soo.

Enfin accueil très enthousiaste de la salle Debussy pour le nouveau film d'animation de Mamoru Hosoda, Belle (5/5) qui ravira tous les amateurs du genre (14 minutes de standing ovation). Pour peu que vous soyez friand de l'esthétique des anime et intéressé par le sujet des réseaux sociaux virtuels, le film est une merveille. Je vous le conseille fortement si vous avez aimé les autres films de Hosoda : Summer wars, Les enfants loups, Le garçon et la bête ou Miraï, ma petite soeur.

14 juillet

Début de journée renversant avec Titane (5/5) de Julia Ducourneau, qui secoue un peu une compétition assez ronronnante. Ce film, comme Grave, est porté par un élan vital qui donne plaisir à voir et impose un univers très particulier, entre fantasmagorie et ancrage dans le réel. Les thématiques abordées ne sont pas originales, mais leur assemblage dans un creuset intime et sensuel est remarquable. Le deuxième film de Leyla Bouzid, Une histoire d'amour et de désir (4/5) est frais et attachant. Il nous permet de découvrir la poésie érotique arabe du XIIème siècle et renverse les rôles féminin / masculin avec une belle malice. Le film conclut la très belle sélection 2021 de la Semaine de la Critique.

Je reviens ensuite à la compétition. Red rocket (4/5), de Sean Baker, est une bulle de cinéma pop, sensuel et réaliste, servi par un acteur hors du commun, Simon Rex, qui est en réalité le véritable sujet du film. Après cette série de trois bons films, grosse déception devant le nouveau Audiard, Les olympiades (2/5). Je n'ai pas vu grand-chose d'intéressant dans ses chassés-croisés amoureux et sexuels de trentenaires parisiens. Le scénario est bancal (assemblage de trois romans graphiques du même auteur américain, Adrian Tomine), les acteurs moyens, le propos insignifiant : seule la mise en scène est à remarquer, un peu. C'est donc plutôt raté, très loin du registre habituel d'Audiard.

13 juillet

La journée commence à Un certain regard avec un beau premier film, Mes frères et moi (4/5) de Yohan Manca. Un regard frais et profond sur une fratrie laissée à elle même dans une cité de Sète. On a l'impression d'avoir vu mille fois ce genre de choses, qui pourtant ici prennent un tour nouveau, attendrissant et réaliste, sur fond d'amour de l'opéra. Le film suivant à la Semaine est une sorte de performance. Feathers (3/5) de l'égyptien Omar El Zohairy, est une fable presque muette dans l'Egypte des plus défavorisés. Que se passe-t-il si un jour le mari est transformé en poulet par un magicien ? Bizarre, mais d'une grande beauté formelle : une sorte d'expressionnisme coloré et silencieux.

Retour au palais pour le reste de la journée, et des expériences plus classiques ! Un héros (5/5), d'Asghar Farhadi, marque le retour du maître dans son pays. Le film, farhadien en diable, brille par son scénario mathématique, qui comme d'habitude fouille les dilemmes moraux en multipliant les points de vue, et aussi par sa mise en scène toujours superbement intelligente. Se dessine aussi en creux un portrait de la société iranienne contemporaine. Pour finir, le nouveau Desplechin en salle Debussy, Tromperie (2/5). Léa Seydoux n'est pas là pour cause de Covid, mais Denis Podalydès, si. Le film est un parfait croisement de l'univers du cinéaste nordiste et de celui de Philip Roth. C'est parfois intéressant, mais souvent anecdotique et ennuyeux. Les acteurs et actrices assez bons, ce qui sauve le film, inutilement verbeux, de la catastrophe. Pas un grand Desplechin.

12 juillet

Ce matin premier contact avec le nouveau complexe Cineum de Cannes La Bocca qui permet de voir à coup sûr la compétition en rattrapage. Drive my car (5/5) de Ryusuke Hamaguchi s'impose pour moi comme le meilleur film en compétition à ce jour. Les 3 heures semblent durer 1H30 : c'est beau, profond, ample. Tout ce qu'on a pu voir auparavant semble lourd et pesant à côté de miracle de sensibilité. Le cinéma d'Hamaguchi (Senses, Asako 1&2) culmine ici à son point le plus haut : Palme d'or en vue en ce qui me concerne, et la Saab 900 turbo rouge en passe de devenir mythique.

Fin de journée au GTL avec deux montées des marches. La fièvre de Petrov (2/5) de Kiril Serebrennikov est un film où règne le trop-plein : trop d'intentions, trop d'effets, trop de dialogues, trop de tout. On peine à comprendre ce qu'on voit, et je n'ai jamais compris quel était le sujet du film. La mise en scène du réalisateur de Leto est toujours aussi brillante, mais tourne à vide. The French dispatch (2/5) de Wes Anderson m'a laissé lui aussi complètement froid. Pas d'émotion dans ce film ou Anderson ressasse mécaniquement ses recettes au service de trois histoires dans lesquelles aucune émotion ne circule. La montée des marches est cependant homérique : Bill Muray, Adrien Brody, Tilda Swinton, Benicio Del Toro, Owen Wilson, Jarvis Cocker, Alexandre Desplat, Mathieu Amalric, Lyna Khoudri, Thimothée Chalamet, et beaucoup d'autres.

 

11 juillet

Journée entièrement consacrée à la compétition dans le Grand Théâtre Lumière. Le nouveau Sean Penn, Flag day (1/5,) est un peu moins mauvais que son dernier film présenté à Cannes (The last face), réputé comme le film ayant obtenu le plus mauvais accueil critique de ces dix dernières années, mais cela reste vulgaire, emphatique, sirupeux, mal conçu et mal réalisé. Compartiment N°6 (5/5) du finlandais Juho Kusmanen, est l’exact opposé du Sean Penn : un projet modeste, cohérent stylistiquement et réalisé avec les tripes. Le dépaysement dans le train Moscou Moursmank est total, et l’âme russe y est parfaitement décrite. J’ai beaucoup aimé cette histoire simple, mais pas simplette. J'aimerais que le film figure au palmarès.

En soirée, deux montées des marches avec noeud papillon, les premières de cette année. Quel plaisir de se retrouver sur la même rangée que Nanni Moretti ! Son nouveau film, Tre piani (3/5) est un film de scénario plutôt qu'un film d'acteur ou de mise en scène. On pourra peut-être le trouver un peu froid. Trois histoires différentes s’entremêlent, de qualité différentes, fouillant sur une dizaine d’années les dilemmes de la conscience humaine. Bergman Island (2/5) de Mia Hansen-Løve, vu dans la foulée, ne m'a pas convaincu : synopsis meta (film dans le film, Bergman partout), entre-soi chichiteux, mise en scène a minima. Intérêts du film : se faire une idée du culte dont Bergman fait l'objet et  découvrir les jolis paysages de l’île de Fårö.

 

10 juillet

Une bonne journée qui commence avec Benedetta (4/5) de Paul Verhoeven. La bande annonce me faisait un peu peur, mais heureusement le film est bien plus complexe que ce que le teaser laissait penser. Les niveaux de lecture du film sont nombreux et s'imbriquent les uns dans les autres de façon très stimulante. Si on accepte une certaine démesure (comme dans Annette, finalement) le plaisir est grand. Je poursuis avec la compétition : La fracture (3/5), de Catherine Corsini, est le tableau saisissant d'une nuit à l'hôpital pendant les manifestations des gilets jaunes. Le film vaut principalement par son aspect documentaire, et par la performance de Valeria Bruni-Tedeschi en bourgeoise lesbienne hors de contrôle. Je prédis un succès public au film.

A Un certain regard, qui s'avère cette année la section la plus intéressante, je fais une nouvelle découverte : le très bon Et il y eut un matin (4/5), de l'israélien Eran Korilin (La visite de la fanfare). Le film raconte la mésaventure d'un arabe de Jérusalem bloqué dans le village de ses parents par des évènements imprévus : c'est drôle, émouvant, interpellant. Le type de cinéma qu'on vient chercher à Cannes, qui donne des nouvelles du monde tout en divertissant. Pour finir, séance plaisir avec le nouveau Samuel Benchetrit, Cette musique ne joue pour personne (3/5), pour moi le meilleur film de son auteur. Une comédie décalée avec rassemblé dans la salle Debussy un casting sympa : JoeyStarr, Vanessa Paradis, Bruno Podalydès, Ramzy Bedia, Gustave Kervern.

 

9 juillet

Bon début de journée à la Quinzaine avec le troisième volet que Jonas Carpignano consacre à sa ville de Calabre, Gioia Tauro. A Chiara (4/5) est une vraie réussite, une fois de plus d'un réalisme saisissant, tournée uniquement avec des acteurs non professionnels. L'actrice principale est remarquable dans le rôle d'une jeune fille de 15 ans qui découvre que son père est un mafieux. Je continue à la Quinzaine et je suis très déçu par La colline où les lionnes rugissent (1/5) de Luana Bajrami, actrice française d'origine kosovar qu'on voit beaucoup en ce moment au cinéma (elle était la servante dans Portrait de la jeune fille en feu). Peu d'intérêt dans ce portrait foutraque et déjà vu de trois jeunes filles engluées dans une adolescence sans avenir, au fond d'un trou paumé. Le fait que le film se déroule au Kosovo n'apporte rien.

Retour à la compétition avec le nouveau Joachim Trier, Julie (en 12 chapitres) (3/5), film sur une trentenaire irrésolue, qui se veut à la fois amusant (il l'est fugitivement) et dramatique (cela n'a pas marché pour moi). C'est en tout cas assez bien fait, et c'est le meilleur film de Trier depuis Oslo, 31 août. L'actrice, Renate Reinsve est très bien (prix d'interprétation en vue ?). Enfin pour terminer la journée, je tente un peu par hasard Mothering sunday (1/5) d'Eva Husson. Son dernier film, présenté en compétition (Les filles du soleil) s'était bien fait descendre, et ce sera probablement le cas de celui-ci aussi, d'une nullité affligeante. C'est académique, boursouflé, une sorte de Downton Abbey cheap. Ni Olivia Colman, ni Colin Firth, d'ailleurs absents tous deux de la projection, n'évitent le naufrage. Josh O'Connor, l'acteur principal, le prince Charles aux grandes oreilles de The crown, est lui présent dans un magnifique costume rose.

 

8 juillet

Le dernier Ozon pour commencer la journée. Tout s'est bien passé (2/5), n'est pas un cru extraordinaire. Le film aborde la fin de vie assistée sous un angle un peu particulier, qui colle très bien au cinéma de Ozon : celui d'un vieillard gay dont le choix emmerde sa famille. Les dialogues semblent écrits sur un coin de table, le scénario ne ressemble à rien et les personnages sont stéréotypés. Sophie Marceau, égérie de la maturité rayonnante, sauve le film.

J'enchaîne (au pif) à la salle Debussy pour Great freedom (5/5) de l'autrichien Sebastian Meise, qui raconte la vie d'un homosexuel allemand de 1945 à 1969, à travers ses expériences carcérales. Le film est prenant, intéressant, et l'acteur fétiche de Petzold, Franz Rogowski, irradie la pellicule. Retour ensuite à la compétition avec le maître tchadien, Mahamat-Saleh Haroun. Lingui, les liens sacrés (2/5) est comme d'habitude une splendeur visuelle, mais est moins prenant que les films précédents du cinéastes (Grigris, Un homme qui crie). Il est même assez ennuyeux par la faute d'un scénario paresseux.

Enfin, bonne surprise à la Semaine de la critique, avec la projection du premier long-métrage de Sandrine Kiberlain, Une jeune fille qui va bien (4/5). Le film est gracieux et profond à la fois, sur un sujet casse-gueule (l'optimisme et la joie de vivre d'une jeune fille juive dans la France des années 40). Les acteurs sont extraordinairement bien dirigés : la jeune Rebecca Mader bien sûr, mais aussi Anthony Bajon et India Hair. Sandrine Kiberlain est émue aux larmes. Tiens, Benjamin Lavernhe est dans la salle, accompagnant ses potes de la Comédie Française qui jouent dans le film.

 

7 juillet

Juste arrivé, première montée des marches pour le quatrième film de Nadav Lapid, Ours d'or à Berlin pour Synonymes. Le genou d'Ahed (3/5) interpelle d'abord par son formalisme : on pourra trouver que les afféteries de mise en scène rendent le cinéma de Lapid un peu froid et distancié. C'est le cas d'une bonne partie de la critique. Mais tout à coup le propos prend un tour très différent et le film se transforme en thriller psychologique et en brûlot anti-gouvernement israélien incendiaire. 

L'ouverture d'Un certain regard me réserve mon premier vrai coup de coeur du Festival. Onoda (5/5) est une fresque d'une ampleur incroyable qui raconte la destinée d'un soldat japonais qui poursuivit la seconde guerre mondiale isolé sur une île des Philippines jusqu'en 1973. J'ai rarement vu un film français aussi ambitieux. Pour tout dire, le film est quasiment parfait, je ne vois rien à lui reprocher, il excelle dans tous les domaines pendant 2h40. Arthur Harari (Diamant noir) a tout d'un (très) grand. Pour finir, séance spéciale : Jane par Charlotte (2/5) avec la mère et la fille évidemment présentes. Le film ravira les fans (on a droit à une visite privée de la maison de Gainsbourg, rue de Verneuil), séduira éventuellement grâce à la spontanéité candide de Birkin qui fait souvent mouche et laissera indifférents les autres, dont je fais partie. On ne peut pas dire que Charlotte Gainsbourg montre d'immenses qualités de documentariste dans ce premier film, consacré à sa mère.

 

6 juillet

Comme pour les deux éditions précédentes, mon Festival commence loin de Cannes, cette fois-ci à Lille.

On ne pouvait rêver mieux comme film d'ouverture : Annette (4/5) de Leos Carax, après plus d'un an de privation de salles, invoque toute la magie du cinéma pour ouvrir cette 74ème édition. Le film est complètement dingue, ose tout, et réussit beaucoup de choses. Comme au temps de Méliès, on croit tout ce qu'on voit, même les artifices les plus grossiers. Il y a de la magie dans ce cinéma-là, même si, en ce qui me concerne, l'émotion n'a pas été vraiment au rendez-vous. Adam Driver se pose comme un premier concurrent sérieux pour le prix d'interprétation masculine. Et demain : la Croisette.

 

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En route pour le Festival de Cannes 2021

Du 6 au 17 juillet 2021, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette, à suivre en lisant Mon journal de Cannes.

Pour mes avis immédiats à la sortie de chaque projection, vous pouvez me suivre sur Facebook ou Twitter, comme plus de 800 fidèles. Vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter de Christoblog, là, à droite de l'article, en inscrivant votre adresse mail dans la case "Saisissez votre email ici". 

Spike Lee est cette année le Président du jury. Il sera entouré, entre autres, par le génial Song Kang-Ho (acteur de Parasite), Tahar Rahim, Kleber Mendonça Filho et Mélanie Laurent. Andrea Arnold dirigera le jury d'Un certain regard. 

Si vous allez à Cannes pour la première fois, ces articles pourraient vous intéresser :

 

Mon avis sur les différentes sélections : 

Compétition

Cette année, la compétition est pléthorique (24 films, du jamais vu) et d'un niveau incroyablement élevé et homogène. Pour la première fois depuis 10 ans, j'ai vu au moins un film de tous les réalisateurs(trices) en compétition. On peut distinguer ceux qui ont déjà eu une Palme d'Or (Moretti, Audiard, Weerasethakul), ceux qui auraient pu en avoir une (Carax, Dumont, Verhoeven, Farhadi, Anderson, Haroun), ceux qui n'en auront peut-être jamais (Ozon, Penn, Corsini, Lafosse, Ayouch, Hansen-Love), les jeunes pousses qui en auront probablement une un jour (Hamaguchi, Serebrennikov, Lapid). J'attends pour ma part impatiemment les films de la hongroise Ildiko Enyedi (dont j'ai beaucoup aimé Corps et âme, Lion d'or à Berlin), Saul Baker (Florida Project), Julie Ducourneau (Grave), Juho Kosmanen (à qui on doit le très curieux Olli Maki)  et Joachim Trier (Oslo 31 août). Une seule erreur de casting sur le papier : la sélection du tâcheron australien Kurzel.

Cannes Premières

Les années précédentes, les "refoulés" de la compétition se retrouvaient à Un certain regard, ou à la Quinzaine. Cette année, Thierry Frémaux leur offre une nouvelle section, dans la salle Debussy, habituellement réservée à Un certain regard. On retrouvera ici un casting dont Venise ou Berlin se délecteraient : Gaspar Noé, Mathieu Amalric, Arnaud Desplechin, Andrea Arnold, Kornel Mundruczo, Oliver Stone, Eva Husson, Marco Bellochio et Hong Sang-Soo. Incroyable !

Un certain regard

Cette sélection se recentre sur son objectif initial : faire découvrir des oeuvres originales et exigeante. Peu de noms connus par conséquent. Le film d'ouverture, Onoda, d'Arthur Harrari (Diamant noir) est très attendu. On croisera tout de même dans cette section la délicieuse Hafsia Herzi, ainsi que l'intéressant réalisateur turc Kaplanoglu, à qui on doit le beau Miel.

Sélection officielle

Dans le cadre des séances spéciales et autres projections inclassables, on trouve du cinéma d'auteur (Losnitza, Noémie Merlant, Karim Aïnouz), du fun (Fast and furious 9, la comédie musicale décalée des frères Larrieu, Tralala, un documentaire sur le Velvet Underground signé Todd Haynes, OSS 117 Alerte rouge en Afrique noire en clôture) et un film qui pourrait être dans toutes les sélections, Where is Ann Franck d'Ari Folman, seul film d'animation de l'officielle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Quinzaine des réalisateurs

Paolo Moretti renouvelle totalement le casting de la Quinzaine, habituée à ronronner sur des noms récurrents et/ou sur les recalés de l'officielle. Cette année, cap sur l'aventure. Pas de grands noms, mais des réalisateurs que j'apprécie : l'anglaise Clio Barnard (dont j'avais beaucoup aimé le film Le géant égoïste) et le génial Jonas Carpignano, dont j'ai adoré A ciambra. On croisera aussi à la Quinzaine Emmanuel Carrère avec Juliette Binoche, Radu Muntean et Miguel Gomes (dont je n'attends personnellement plus grand-chose).

Semaine de la critique

Pour sa dernière sélection, Charles Tesson propose une sélection intrigante et obscure (par exemple un film égyptien dans lequel un père de famille se transforme en .... poulet) et des séances spéciales glamour, s'offrant Gérard Depardieu, Sandrine Kiberlain en tant que réalisatrice, et Adèle Exarchopoulos (dans le très attendu Rien à foutre de Julie Lecoustre et Emmanuel Marre).

ACID

Dans la petite dernière des sélections cannoises, peu de noms connus. J'aimerais voir Vedette, de Claudine Bories et Patrice Chagnard dont le premier rôle est ... une vache.

A bientôt en direct de Cannes !

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Journal de Cannes 2019

 

Le Palmarès (et mon avis) :

Palme d'Or : Parasite de Bong Joon-Ho (c'était aussi ma Palme, et celle de la presse internationale)
Grand Prix : Atlantique de Mati Diop (un film sympathique et plein de promesses, mais que j'ai trouvé un peu fragile. On peut dire que c'est un signe d'encouragement, et de renouvellement. Discutable, mais pas idiot)
Prix du jury ex-aequo : Les Misérables de Ladj Ly et Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles (mérité pour les deux, surtout pour Ladj Ly)
Prix d'interprétation féminine : Emily Beecham dans Little Joe. (c'est le bug de ce Palmarès, même si l'actrice ne démérite pas dans le film. Il y avait tellement mieux ailleurs, Virginie Efira par exemple, ou Léa Seydoux, ou Noémie Merlant)
Prix d'interprétation masculine : Antonio Banderas dans Douleur et Gloire. (normal, il est magnifique)
Prix de la mise en scène : les Dardenne pour Le jeune Ahmed (étonnant à première vue vu la concurrence, ce choix n'est pas complètement aberrant car pendant le film, je me souviens m'être dit "c'est quand même hyper bien fait", indépendamment du scénario, qui ne vaut rien)
Prix du scénario : Portait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma (pourquoi pas, je n'ai pas trop aimé le film qui est besogneux, mais c'est un soulagement pour moi de ne pas le voir plus haut)
Mention spéciale : It must be heaven de Elia Suleiman (un film spécial auquel ce prix va très bien)
 
Au final, un des meilleurs Palmarès de ces dernières années.Très heureux de ne pas voir la bouillie mystique de Malick au Palmarès. Un peu déçu pour Bellochio, Loach, Diao et Desplechin qui ont signé de très beaux films, mais il semblerait que la prime ait été donné à la jeunesse.
 
Merci de m'avoir suivi, et à l'année prochaine !

 

25 mai

Je profite d'être encore à Cannes en ce dernier jour pour rattraper deux films de la compétition que j'avais raté (le dernier jour, tous les films sont re-projeté, mais une seule fois).

Le lac aux oies sauvages (5/5) du chinois Yinan Diao est une splendeur visuelle, probablement ce que j'ai vu de plus beau pendant mes dix jours cannois. La photographie est magnifique, chaque plan étant baigné d'une lumière quasi surnaturelle. Certaines scènes sont d'une beauté à couper le souffle, l'histoire est bouleversante et la vision de la Chine contemporaine très instructive.

Le film Les siffleurs (2/5) du roumain Corneliu Porumboiu est un objet étrange, sorte de polar vintage qui me rappelle de vieilles séries télé, dans lequel aucun personnage n'est vraiment intéressant, et dont on se fout de l'intrigue. Il reste quelques bouts de mise en scène à admirer, mais bon, c'est quand même très faible.

 

24 mai

La journée commence avec les 3h30 très contreversées de Mektoub my love : Intermezzo (3/5) de Kechiche. On est ici un petit peu au-delà de ce qu'est le cinéma, puisqu'on est plongé pendant tout le film (hormis les 15 premières minutes sur une plage) dans une boîte de nuit à regarder des jeunes twerker, discuter, boire, s'allumer et avoir des relations sexuelles (cunnilingus d'une quinzaine de minutes dans les toilettes, qu'on jurerait non simulé). Bref, c'est presque plus de l'art contemporain que du cinéma. Curieusement, comme l'on dit deux spectatrices à la fin du film à mes côtés, c'est étonnant qu'on ne se soit pas plus fait chier. Les débats sur les réseaux sociaux vont bon train, concernant le malegaze de Kechiche, l'absence d'Ophélie Bau à la conférence de presse et les accusations répétées d'abus sur les tournages de Kechiche. L'expérience mérite pour moi d'être vécue, même si les principales qualités de film précédent (Mektoub my love : Canto Uno) ne sont pas là.

A la suite, les 1h20 de Il était une fois dans l'est (3/5) de la russe Larisa Sadilova à Un certain regard passent en un clin d'oeil. Il s'agit de la chronique douce amère d'un double adultère dans un petit village de la Russie profonde et c'est apaisant.

Pour finir, suite (et fin) de la compétition : It must be heaven (2/5), du palestinien Elia Suleiman est une collection de vignettes absurdes et/ou burlesques. Le réalisateur silencieux promène sa silhouette et son chapeau de paille en Palestine, à Paris et à New-York, donnant à voir à travers de petits haïkus visuels les travers de notre civilisation. Un Tati contemporain, dont l'humour me laisse assez froid.

Pour finir, émouvant de voir Justine Triet (très) enceinte regarder son film Sibyl (3/5) pieds nus. Malgré quelques qualités (Virginie Efira impeccable, une histoire intéressante), le film ne m'a pas vraiment emporté comme je l'espérais. Critique à venir très vite sur Christoblog.

 

23 mai

Début de journée avec le film de clôture de la Quinzaine, Yves (2/5) de Benoit Forgeard. Sur le papier, le pitch était intéressant : un rappeur tombe sous l'emprise de son frigo connecté et intelligent. Malheureusement la farce est indigeste et le film tourne à la comédie sentimentale qui se voudrait déjantée, mais n'y arrive pas.

J'enchaîne ensuite trois films de la compétition. Roubaix, une lumière (4/5), d'Arnaud Desplechin, est très beau. Le film traite avec une douceur incroyable de faits divers sordide. Roschdy Zem est magnifique de calme et de sérénité. Léa Seydoux et Sara Forestier sont aussi formidables. Une franche réussite qui dans n'importe quel autre Festival paraîtrait un bijou, mais cette année à Cannes, il y a du lourd.

Le nouveau film de Dolan, Matthias et Maxime (2/5) est meilleur que ces deux derniers (pas difficile), mais est assez mineur. Cet amour de jeunesse qu'on devine autobiographique présente peu de relief et n'intéresserait probablement pas grand-monde si Xavier Dolan n'en était pas le réalisateur / acteur. Il faudra un jour que le jeune canadien parvienne à tuer sa mère, encore bien nocive dans ce dernier opus.

Enfin, les 2h20 de la fresque de Marco Bellochio, Le traître (4/5), passent très vite, preuve de la qualité du film qui raconte l'histoire du repenti de la mafia qui a permis au juge Falcone de faire condamner des centaines de mafiosi. C'est du beau cinéma classique et l'acteur Pierfrancesco Favino est exceptionnel (pris d'interprétation possible).

 

22 mai

Après une relative grasse matinée (le réveil a sonné à 8h au lieu de 6h30), et une vaine deuxième tentative d'accéder au Tarantino, je consacre ma journée aux sections parallèles avant de revenir à la compétition pour les deux derniers jours.

A la Quinzaine, Les particules (3/5), premier film de Blaise Harrison est intéressant sans être génial. Tourné dans le pays de Gex, le film décrit de façon assez naturaliste le quotidien d'adolescents, tout en y mêlant des éléments oniriques liés au fait que la région est traversée par l'accélérateur de particules du CERN, le LHC (d'où le titre). Un petit peu décousu, mais le réalisateur est à suivre.

A Un Certain Regard, je vois un film chinois de facture assez traditionnelle (c'est à dire sans la lenteur / noirceur qu'on peut attribuer à la production chinoise visible en Festival) : Summer of Changsha (3/5) de Zu Feng. Cela commence comme une intrigue policière classique (un bras coupé est retrouvé dans une rivière) avant d'évoluer vers un drame sentimental.

Pas mal, mais le meilleur est à venir : La vie invisible d'Euridice Gusmao (5/5) est un film impressionnant à beaucoup d'égards. Le brésilien Karim Aïnouz dresse le portrait de deux soeurs que le patriarcat sépare sur plusieurs décennies, et il y a du mélodrame romanesque à la puissance 10 dans ce film fleuve (2h19) qui s'étire sur plusieurs décennies. Une vraie révélation, avec une mise en scène irréprochable et une interprétation top niveau de deux grandes actrices brésiliennes.

 

21 mai

Début de journée qui commence comme celle de hier s'est terminée : avec un film d'animation, une fois n'est pas coutume. La fameuse invasion des ours en Sicile (3/5) est une adaptation d'un conte de Buzatti, réalisé par le grand dessinateur de BD Lorenzo Mattotti. C'est beau et plaisant : le film sera à conseiller aux enfants comme une excellente alternative à l'imagerie Disney, apportant le même genre de renouvellement esthétique que le fit en son temps Michel Ocelot.

J'enchaîne avec un film hors compétition, le formidable La belle époque (4/5). Dans la catégorie film français grand public de qualité, le film de Nicolas Bedos remplit le même office que Le grand bain l'année dernière, en encore mieux. Fanny Ardant (dont habituellement je ne suis pas fan) est excellente, tout comme Daniel Auteuil. Je prédis quelques millions d'entrée.

Le petit détour en début d'après-midi à la Quinzaine s'avère catastrophique : Por el dinero (1/5) est un film argentin absolument nul. Une sorte de méta cinéma qui se moque de lui-même en pensant être drôle. Cela dure 1h20, mais après 20 minutes je pensais déjà qu'il s'était écoulé 2 heures.

A 17h, tout le monde sur la Croisette ne pensait qu'à une chose : voir le Tarantino. En 8 ans d'expériences cannoises, je crois que je n'ai jamais vu autant de personnes chercher une place. Du délire. 

Du coup, j'en ai profité pour faire un vrai repas, et j'ai réussi in extremis à me faufiler dans la salle pour la montée des marches de Parasite (5/5) de Bong Joon-Ho à 22h. Le film, dont il ne faut pas dire grand-chose pour ne pas déflorer le plaisir du spectateur, est formidable, admirablement maîtrisé de tous les points de vue. Une sorte de croisement de Kore-Eda et de Park Chan-Wook si vous pouvez imaginer. On devrait le retrouver au Palmarès.

 

20 mai

Démarrage en douceur ce matin à la Quinzaine avec Une fille facile (3/5) de Rebecca Zlotowski. Le pôle d'attraction principal du film est évidemment Zahia Dehar (l'affaire Ribéry, etc), qui joue très dénudée dans le film et dont je craignais qu'elle génère un effet "bête de foire" autour du film. Au final, ce que j'ai vu est la gentille chronique d'émancipation d'une autre jeune fille, jouée par Mina Farid, et le film trouve un ton juste et attachant. Benoit Magimel est très bon. 

Vient ensuite un des morceaux de résistance de la compétition, les trois heures de Une vie cachée (2/5) de Terrence Malick. Je trouve que les tics malickiens, dans lesquels j'inclus la bouillie poético-mystique en voix off, auraient dû être mis en sourdine au regard du sujet, l'objection de conscience d'un autrichien qui refusa de prêter serment à Hitler (et qui parle anglais dans le film, contrairement aux méchants nazis qui baragouinent l'allemand). Ce n'est pas le cas, on est dans la même emphase que dans The tree of life. Je n'ai pas aimé, même si on ne peut nier qu'il y a des plans superbes.

Le jeune Ahmed (3/5) des frères Dardenne est intéressant. Il s'empare d'un sujet difficile (la fanatisation des plus jeunes) mais ne développe pas complètement ses idées. On a un sentiment d'inachevé en regardant ce film court, qu'on dirait presque même écourté par une fin bizarre. Un petit Dardenne, mais stimulant par les réflexions qu'il génère. 

Enfin, la principale satisfaction de la journée viendra de ma première incursion à la Semaine de la Critique. J'ai perdu mon corps (4/5) est un premier film d'animation français, de Jérémy Clapin. Tout part d'une idée folle : une main coupée part à la recherche de son corps, ce qui va nous entraîner dans toutes une série de flashbacks et d'aventures émouvantes, amusantes et mélancoliques. Un très beau film, qui je l'espère aura une belle carrière en salle.

 

19 mai

Journée cinéma français aujourd'hui, qui commence à Un certain regard avec le dernier film de Christophe Honoré, Chambre 212 (5/5). Honoré s'y révèle un excellent scénariste (quelle inventivité !), un formidable metteur en scène et un directeur d'acteur époustouflant. Chiara Mastroianni y est impériale. Un de mes coups de coeur 2019, sans aucun doute.

J'enchaîne à la Quinzaine avec Perdrix (4/5) de Erwan Le Duc. C'est "l'instant fraîcheur" de ce Festival, un peu comme le fut Les combattants il y a quelques années : une comédie burlesque parfois hilarante, parfois mélancolique, servie par un casting d'exception (Fanny Ardant, Swann Arlaud, Maud Wyler). Délectable. 

Je reviens ensuite à la compétition avec Portrait de la jeune fille en feu (2/5) de Céline Sciamma, qui me déçoit énormément. Le synopsis du film est simpliste (un huis clos entre deux femmes qui évolue de façon hyper-prévisible en histoire d'amour), les dialogues compassés, la mise en scène fadasse. Le film ne présente d'intérêt que si on est amoureux(se) d'Adèle Haenel, qui est le coeur vibrant du film, et son unique intérêt. Comme ce n'est pas mon cas, je me suis ennuyé à mourir. Petit complément non contradictoire avec ce que je viens d'écrire : Xavier Dolan a adoré.

 

18 mai

Journée consacrée aux sections parallèles. A la Quinzaine, le formidable film de l'américain d'origine russe Kirill Mikhanovsky, Give me liberty (4/5), très remarqué à Sundance où une version incomplète a été montrée, est une excellente surprise. A travers la journée mouvementée d'un jeune ambulancier, on va rire, pleurer, et pleurer de rire, en découvrant plusieurs communautés différentes, toutes très attachantes. A la suite, le nouveau film de Nicolas Pariser, Alice et le maire (3/5), avec Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier, est un film agréable sans être renversant, qui fait voir la politique sous un angle différent.

Pour finir la journée, projection bourrée d'émotion de Port authority (3/5) de Danielle Lessovitz. A travers une histoire d'amour, on découvre un New-York paupérisé et la fraternité de la communauté LGBT. A la fin de la projection un des acteurs se jette sur scène pour danser lors du générique. Un magnifique moment, doux et triste à la fois.

 

17 mai

Aujourd'hui, c'était pour moi journée Sélection officielle au Grand Théâtre Lumière.  A 8h30, réveil en fanfare avec le dernier Ken Loach, excellent : Sorry we missed you (5/5). Dans la lignée de Moi, Daniel Blake Loach dissèque avec son complice Laverty les dernières mutations de notre société, ici l'uberisation. Par tout autre que Loach, cela paraîtrait too much, mais l'attention portée aux personnages et la qualité du scénario sont tellement bons que le miracle se reproduit une fois de plus.

Rocketman (4/5) est un biopic d'Elton John super efficace et très bien filmé par Dexter Fletcher. Contrairement à Bohemian Rhapsody, le film a une véritable personnalité, et les scènes de comédies musicales sont formidables. Little Joe (1/5) de l'autrichienne Jessica Hausner est très décevant. Malgré une idée de base particulièrement originale et riche de développements narratifs (et métaphysiques) potentiels, le film est froid, voire glacial. Une erreur de casting : le film aurait par exemple pu être remplacé avantageusement en compétition par Une grande fille (cf ci-dessous).

Clou de la soirée, la montée des marches de Douleur et gloire (5/5) du grand Pedro Almodovar, avec un Antonio Banderas exceptionnel. Le film est riche, dense, profond, émouvant. Il constitue une mise en abyme maîtrisée et puissante de l'homme et du cinéaste. Ca sent la Palme d'Or, et vous pouvez le voir au cinéma dès maintenant.

 

16 mai

Première journée "complète", avec quatre films au compteur. On commence à Un certain regard avec Une grande fille (4/5) de Kantemir Balagov, qui avait été très remarqué il y a deux ans au même endroit avec Tesnota. Ce deuxième film est moins convaincant que le premier. Il multiplie les scènes dérangeantes en les étirant plus que nécessaire, mais formellement c'est une splendeur. Un "film de Festival" par excellence, comme ceux de Loznitsa. 

A la Quinzaine, On va tout péter (1/5), le documentaire de Lech Kowalski sur les GMS, représente pour moi le degré 0 du documentaire : pas de tranche de vie, pas de scénarisation, pas de contrechamps. Aucun intérêt hormis le sujet lui-même, mais cela ne suffit évidemment pas.  Je reviens à la compétition pour un des films les plus attendus  de cette année : Atlantique (2/5) de la réalisatrice Mati Diop (première réalisatrice noire en compétition en 72 éditions). Le film est plein de bonnes intentions, aussi bien dans son scénario que dans sa mise en scène, mais il semble lui manquer dans chaque domaine un petit plus pour franchir la marche de la compétition. On croirait par moment voir Claire Denis tourner au Sénégal.

Enfin, j'arrive de justesse (avant-dernier à entrer) à choper une séance de rattrapage du film d'ouverture de la Quinzaine, Le daim (4/5) de Quentin Dupieux avec Jean Dujardin. Beaucoup disent qu'il s'agit d'un film mineur et réussi de Dupieux : pour moi, c'est celui que ... je préfère. Les errements aléatoires des films précédents (Réalité, Wrong cops, Rubber) semblent ici de canaliser sur un sujet bien identifié, formidablement joué par Dujardin, qui acquière ici pour moi le statut de grand acteur. 1h17 de pur plaisir cinématographique.

 

15 mai

Premier choc du Festival cet après-midi pour moi avec la montée des marches du premier film Les misérables (5/5) de Ladj Ly. Issu du collectif Kourtrajmé venu collectivement le soutenir (Romain Goupil, Kim Shapiron, JR et Mathieu Kassovitz étaient entre autres présents), le jeune réalisateur propose une oeuvre très maîtrisée, à la fois puissante et subtile, en prise directe avec la réalité mais très travaillée. Ce serait fort étonnant que ce film tourné en et par la banlieue ne trouve pas son chemin jusqu'au Palmarès.

J'enchaîne ensuite avec Bacurau (3/5) des brésiliens Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles. Après les oeuvres précédentes de KMF (Les bruits de Recife et Aquarius), le film était très attendu, mais il m'a un peu déçu. Pas facile de rentrer dans ce western dystopique, mais une fois qu'on y est on peut apprécier. Etonnant de constater que le film partage beaucoup de points communs avec le Jarmusch (en mieux quand même) : hommage au film de genre, problème de scénario et de rythme, qualité de l'interprétation, scènes gore, éléments fantastiques, message politique peu subtil.  

 

14 mai

Le Festival commence pour moi au Majestic de Lille, qui s'embrouille un peu dans la retransmission de la cérémonie d'ouverture : on en rate je pense une bonne moitié le temps que le projectionniste trouve le bon canal. 

Le film de Jarmusch qui fait l'ouverture, The dead don't die (2/5) ne me convainc pas du tout. Je le trouve lent, paresseux, sans imagination, poussif. Il ne vaut pour moi que par quelques éclairs plaisants (la trombine de Bill Murray en particulier, toujours parfait) et une atmosphère d'Amérique profonde bien composée. Le mélange d'horreur, de comédie décalée et de film à message politique est assez indigeste à mon goût.

 

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En route pour le Festival de Cannes 2019

Du 14 au 25 mai 2018, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette, à suivre en lisant Mon journal de Cannes.

Pour mes avis immédiats à la sortie de chaque projection, vous pouvez me suivre sur Facebook ou Twitter, comme plus de 800 fidèles. Vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter de Christoblog, là, à droite de l'article, en inscrivant votre adresse mail dans la case "Saisissez votre email ici". 

Alejandro Gonzalez Iñárritu est cette année le Président du jury. Il est accompagné par des jurés qui sont en grande majorité des réalisateurs de très haut niveau (Pawlikowski, Campillo, Lanthimos, Rohrwacher, Reichardt), ce qui peut laisser présager d'un Palmarès faisant la part belle aux parti-pris de mise en scène plutôt pointus.

Edouard Baer sera maître de cérémonie (on s'en régale déjà), Claire Denis présidera les jurys Courts-métrages et Cinéfondation, et Nadine Labaki dirigera le jury d'Un certain regard. Le réalisateur Ciro Guerra sera quand à la lui à la tête du jury de la Semaine de la Critique.

Si vous allez à Cannes pour la première fois, ces articles pourraient vous intéresser :

 

Mon avis sur les différentes sélections :

Compétition

Cette année, la compétition est partagée assez équitablement entre valeurs sûres et nouveaux venus, formant un ensemble diablement excitant.

Parmi les habitués du Festival, il y aura les déjà palmés Ken Loach (présent pour la 14ème fois), frères Dardenne, Terrence Malick, Quentin Tarantino, Kechiche, ainsi qu'Arnaud Desplechin, Jim Jarmusch, Xavier Dolan, Elia Suleiman, Marco Bellochio, Bong Joon Ho, Kleber Mendonça Filho, qui malgré leur âge très différent ont tous déjà présenté un film en compétition. C'est la première fois que la compétition comprend autant de cinéastes ayant déjà remporté une Palme d'Or.

Le groupe des nouveaux entrants est emmené par une sélection française très audacieuse avec Céline Sciamma, Justine Triet et le premier film de Ladj Ly, complété par le roumain Porumboiu, le chinois Diao Yinan, l'autrichienne Jessica Hausner, l'américain Ira Sachs et la franco-sénégalaise Mati Diop dont le film Atlantique est précédé des meilleures rumeurs possibles.

Un certain regard

Du (très) beau monde dans la section Un certain regard, qui ferait le plaisir de nombreux festivals dans le monde, avec entre autres les nouveaux films de Bruno Dumont, Christophe Honoré, Albert Serra et Kantemir Balagov, le réalisateur d'un excellent premier film déjà présenté dans cette section il y a deux ans, Tesnota. A signaler deux films d'animation dans cette section, ce qui est assez rare : Les hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman adapté d'un roman de Yasmina Khadra et La fameuse invasion des ours en Sicile de l'auteur de BD cultissime Lorenzo Mattotti.

Sélection officielle

Dans le cadre des séances spéciales, Elton John est attendu en personne pour la présentation du biopic qui lui est consacré, Rocketman. Une projection où on se bousculera, c'est sûr. A noter aussi Les plus belles années d'une vie, de Claude Lelouch, qui reprend les personnages d'Un homme et une femme, 50 ans après, et trois documentaires signés (excusez du peu), Alain Cavalier, Abel Ferrara et Werner Herzorg.  

C'est La belle époque, de Nicolas Bedos, qui remplit cette année la case "film français grand public" qui a si bien réussi au Grand bain l'année dernière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Quinzaine des réalisateurs

Pour sa première sélection après avoir succédé au règne de 7 ans d'Edouard Waintrop, le jeune Paolo Moretti frappe fort d'entrée avec une série impressionnante de grands noms : Lav Diaz, Bertrand Bonello, Takashi Miike, Fabrice Lucchini (dans le nouveau film de Nicolas Pariser, Alice et le maire), Robert Pattinson et Willem Dafoe (dans The lightouse, le nouveau film très attendu de Robert Eggers, a qui l'on doit The witch), Rebecca Zlotowski et Quentin Dupieux.

Il surprend aussi avec d'autres invités qu'on n'a jamais vu à Cannes (16 en tout) mais dont les quelques lignes de synopsis donne l'impression d'une volonté de fantaisie particulièrement rafraîchissante : il sera entre autre question d'un rappeur qui discute avec son frigo intelligent, d'un concert prolétarien, d'un fantôme, d'un ambulancier malchanceux et de pratiques sado-maso (dans un film finlandais au titre évocateur : Les chiens ne portent pas de pantalons). 

Les séances spéciales, avec une master class de Robert Rodriguez suivi d'un moyen métrage inédit (Red 11), tourné avec 7000 $, et un court-métrage de 35 minutes de Luca Guadagnino (avec Julianne Moore et Kyle MacLachlan), feront également le plein.

 

Semaine de la critique

Après une année somptueuse en 2018, la Semaine de la Critique propose comme souvent un programme intrigant et prometteur, dans lequel on notera tout particulièrement Vivarium de l'irlandais Lorcan Finnegan, film fantastique avec Jesse Eisenberg et Imogen Poots.  

ACID

Dans la petite dernière des sélections cannoise, 5 fictions et 4 documentaires. Peu de noms connus dans cette liste qui vise justement à faire découvrir de nouveaux réalisateurs au public et (surtout) aux distributeurs, sauf peut-être L'angle mort, de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic, avec Isabelle Carré et Golshifteh Farahani.   

 

A bientôt en direct de Cannes !

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Aller au Festival de Cannes (pour les nuls) N°4

Ce dernier opus de ma série de conseils pour ceux qui veulent aller au Festival de Cannes est consacrée à l'accréditation apparue en 2018 : 3 jours à Cannes.

Ce qui va suivre est un résumé tiré de plusieurs témoignages, dont celui de Maxime Decerier et celui de Nicolas Am. Je les remercie tous les deux.

Pour bien comprendre ce qui va suivre, il est préférable d'avoir lu les 3 premiers articles.

Pour les jeunes uniquement

Premier point important, cette accréditation ne concerne que les jeunes de 18 à 28 ans, de toutes nationalités. Officiellement, elle a été crée pour rajeunir l'audience du festival et permettre à des jeunes de profiter du plus grand Festival de cinéma au monde. Il est évident que cette initiative permet aussi d'augmenter les audiences en dehors du week-end central et de rééquilibrer la fréquentation sur les 11 jours de festival, puisque trois sessions sont désormais ouvertes : une en début de Festival (du mercredi au vendredi de la première semaine), et deux plutôt à la fin (du lundi au mercredi, puis du jeudi au samedi de la deuxième semaine).

Comment ça marche ? Il suffit d'envoyer une lettre de motivation au Festival en passant par le portail d'inscription ! 1500 jeunes environ sont sélectionnés et il y aurait eu 10000 candidatures en 2023. On voit donc que la probabilité d'être retenu est loin d'être négligeable.

En 2018, les réponses favorables ont parfois été envoyées très peu de temps avant le début du Festival, ce qui a posé évidemment de gros problèmes logistiques pour se loger.

Comment ça marche ?

L'accréditation 3 jours à Cannes ne fonctionne que les pendant 3 jours, comme son nom l'indique. 

Elle permet l'accès : 

- au cinéma Les Arcades pour des projections exclusivement dédiées aux pass 3 jours (extrait ci-contre). La programmation est constituée de la plupart des films en compétition, et de quelques films de la sélection Un certain regard. Comme les salles des Arcades font environ 300 places, les places sont chères !

- à certaines séances spécifiques à l'intérieur du Palais comme les masters class (à condition d'en faire la demande préalable au bureau des invitations), certaines séances "du lendemain" et lors du dernier jour, à la reprise de tous les films en compétition. 

- au système de réservation des invitations qui permet d'accéder aux séances officielles dans le Grand Théâtre Lumière. Pour cela vous avez accès à la Centrale de réservation informatique. A priori, en 2018, il a été possible d'obtenir par ce biais des invitations pour des séances en journée, mais quasiment aucune pour les séances du soir. Bien sûr il est toujours possible de procéder aux séances de quémandage que je décris dans les articles précédents. Une séance spécifique de Star Wars Solo semble également avoir été ajoutée le vendredi 18 mai 2018 à 22h visant en particulier la population des pass 3 jours : comme toujours à Cannes, il faut être perpétuellement aux aguets ! Pour toutes ces projections, vous êtes soumis aux même règles que les autres festivaliers (voir articles précédents)

- aux séances d'Un certain regard salle Debussy, de la Semaine et de la Quinzaine, et aux salles annexes comme le Cineum, dans les mêmes conditions que les badges Festivalier (cf mes autres articles).

Conclusion

Le pass 3 jours est une bonne façon de découvrir le Festival de Cannes. Si vous avez les moyens de vous loger il peut être agréable de venir un ou deux jours avant le jour de début de votre accréditation : votre accréditation 3 jours ne vous sera d'aucune utilité, mais vous pourrez fréquenter la Quinzaine en achetant vos billets, et vous pourrez aussi vous favoriser avec les lieux pour être pleinement opérationnel le jour J.  

Pour bien comprendre comprendre le fonctionnement du festival de Cannes dans son ensemble, je vous conseille de lire  :

Aller au Festival de Cannes pour les nuls #1

Aller au Festival de Cannes pour les nuls #2

Aller au Festival de Cannes pour les nuls #3

 

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Journal de Cannes 2018

 

19 mai

Pour la première fois depuis sept ans, je suis à Cannes pour le dernier jour, ce qui me permet de tester les séances de rattrapage qui reprennent sur une même journée tous les films en compétition. Cela me permet de voir Heureux comme Lazarro (2/5) de Alice Rohrwacher. Le film commence dans le même esprit que Les merveilles, son film précédent, que j'avais peu goûté. Il évolue ensuite vers une sorte de délire mystico new age à base de loup, que j'apprécie à peine plus. Le scénario du film, si on excepte la fin catastrophique, est toutefois intéressant.

J'aurai vu 20 des 21 films en compétition : au vu des critiques toutes négatives, j'ai fait l'impasse sur Les filles du soleil, de Eva Husson. 

Ayant échoué dans mes tentatives d'assister à la cérémonie de cloture, je regarde le Palmarès avec mon pote Maxime en terrasse du Café Roma. Un Palmarès (pour une fois) très satisfaisant, j'y reviendrai. La fin de soirée est consacrée au film de Terry Gilliam, L'homme qui tua Don Quichotte (4/5), qui m'a plu par sa faculté à multiplier les niveaux de lectures, presqu'à l'infini. C'est du grand spectacle intelligent, et j'espère que le film sera un succès en salle.

Merci à tous ceux qui m'ont lu régulièrement (vous êtes au moins 500), et à l'année prochaine en direct de la Croisette.

18 mai

Dernier sprint aujourd'hui avec les quatre derniers films en compétition. Je commence avec Vanessa Paradis et Un couteau dans le coeur (2/5) de Yann Gonzalez. Si vous aimez l'esthétique queer / porno gay années 70 / giallo, vous aimerez ce film. Sinon, vous le trouverez cheap et sans intérêt.

A la suite, Capharnaüm (5/5), de Nadine Labaki, est sans conteste un des chocs de ce Festival. Il s'agit d'une plongée en apnée dans les bas-fonds de Beyrouth, sur la trace de Zaïn 12 ans, et Yonas, 2 ans. Peu d'yeux encore secs en fin de séance autour de moi. Le film sera à coup sûr au Palmarès, reste à savoir à quelle place.

Ayka (3/5), de Sergey Dvortsevoy, est un peu le pendant russe de Capharnaüm, en plus enneigé, plus sombre et plus pessimiste. Formellement, le cinéaste suit son actrice caméra à l'épaule à courte distance pendant tout le film, créant un sentiment d'urgence permanente et de claustrophobie.

Dernier et quarantième film de mon Festival, Le poirier sauvage (4/5) de Nuri Bilge Ceylan est une fresque ambitieuse dont le noeud est la relation père / fils. On y retrouve tous les ingrédients du maître : une photographie prodigieuse, une mise en scène d'une précision surnaturelle, de longues conversations philosophiques, le sentiment physique du temps qui s'écoule, la complexité des sentiments.

17 mai

Premier film en compétition de la matinée, Dogman (5/5) de Matteo Garrone. C'est probablement le meilleur film du réalisateur italien. Tableau sobre et puissant de la bonté bafouée : j'ai adoré. L'acteur principal et l'utilisation des décors sont admirables.

Toujours en compétition, Burning (4/5) du coréen Lee Chang-Dong (Poetry, Secret sunshine) est un thriller vaporeux à l'atmosphère murakamienne en diable (le film est tiré d'une nouvelle de l'auteur japonais). C'est parfois sublime, globalement très intéressant, mais un peu long et un peu mou à mon goût. Le film est le chouchou de la presse internationale, qui le voit Palme d'or.

C'est la dernière journée à la Semaine de la Critique, qui repasse les films primés de cette section, ce qui me permet d'enchaîner trois films à la suite. Il est très surprenant que le jury présidé par Joachim Trier ait donné le Grand Prix à Diamantino (1/5), film portugais complètement barré où un clone de Ronaldo voit des chiots géants sur le terrain quand il marque des buts. Un film d'une laideur insigne, tourné avec les pieds. Woman at war (3/5) est un film islandais plutôt sympa, où il est question d'une militante écologiste qui sabote les lignes électriques de son pays, tout en tentant d'adopter une petite orpheline ukrainienne. Très islandais dans l'esprit WTF. Pour finir, un très joli film indien, Sir (4/5) de la réalisatrice Rohena Gera, qui est présente dans la salle. Le film raconte avec une grande subtilité la naissance d'un amour entre un jeune maître et sa servante dans le Bombay d'aujourd'hui.  

16 mai

Début de journée avec la sélection officielle et Under the silver lake (2/5), du jeune prodige US David Robert Mitchell, un des films les plus attendus du Festival. Pour résumer, il faut s'imaginer un film réalisé comme dans les années 50 (même musique symphonique, mêmes couleurs pétantes, même intrigue alambiquée que dans les romans de Dashiell Hammett), passé au mixeur des années 2010 (thèse complotiste, hipster new age). C'est marrant pendant une heure, mais le film dure 2h19. Donc non.

J'enchaîne rapidement à la salle Debussy pour Sofia (2/5), de la marocaine Meryem BenM'Barek. Le film dure 1h20, il est très bien fait mais le scénario peine à tenir la distance, un moyen métrage aurait suffi. Le film rappelle opportunément que les relations sexuelles hors mariage sont punies de 1 mois à 1 an de prison au Maroc.

A la Quinzaine, quel plaisir d'applaudir le merveilleux Mamoru Hosoda, pour son nouveau bijou Miraï, ma petite soeur (4/5). Ce film d'animation raconte les tourments d'un petit garçon jaloux de l'arrivée de sa soeur. C'est à la fois trois fois rien, et l'univers entier qui est invité dans ce film attachant et précieux.

Fin de soirée alternative à la sélection ACID, pour voir un documentaire réalisé par deux jeunes femmes (Ombline Ley et Caroline Capelle) dans un IME du Nord Pas de Calais. Ca s'appelle Dans la terrible jungle (4/5) et je vous le conseille ardemment. Le travail effectué avec les handicapés de ce Centre est joyeux, émouvant, dynamique. Du coeur d'Hollywood à 8h30 aux applaudissements d'une petite salle de 200 personnes pour les jeunes handicapés descendus du Nord sur la Croisette pour présenter le film : c'est la magie du Festival.

15 mai

Après ma folle journée de hier (le von Trier m'a fait me coucher vers 3h du matin), je m'accorde un répit et je ne commence ce matin qu'à 11h, avec le nouveau film de Bi Gan, le réalisateur chinois très remarqué pour Kaïli blues, Un grand voyage vers la nuit (5/5). Ce film, connu à Cannes sous le nom Long day's journey into night, est une splendeur visuelle, dont chaque plan est magnifique et comprend plusieurs idées de mise en scène. La dernière partie du film est constituée d'un prodigieux plan séquence d'une heure environ, en 3D. Il faut simplement accepter, comme dans Mulholland drive par exemple, de ne pas comprendre tout ce qu'on voit.

A 16h, je fais la montée des marches d'En guerre (3/5) de Stéphane Brizé. Le point fort du film est le sentiment d'immersion totale qu'il procure, son point faible c'est la difficulté à développer dans sa deuxième partie des enjeux narratifs consistants (ce qui aboutit à une fin un peu too much). 

Après avoir échoué dans une tentative de rattrapage à la Quinzaine (c'est mon deuxième échec depuis que je suis là), je me retrouve un peu par hasard à regarder un film d'une jeune réalisatrice kazakhe, Bad bad winter (1/5), présenté dans la section ACID. Le pitch du film, incluant un huis clos entre 5 personnes et une succession de dilemmes moraux, rappelle les films iraniens de Farhadi. Malheureusement la sauce ne prend pas ici, par la faute d'une direction d'acteurs flottante et d'un montage trop lâche.

14 mai

Journée exceptionnelle avec cinq films, du suspense et des émotions. Je m'étais fixé pour objectif de voir tous les films projeté au Grand Théâtre Lumière dans la journée. Je commence donc par Une affaire de famille (5/5), d'un de mes réalisateurs préférés, Hirokazu Kore-Eda. C'est touchant, profond, magnifiquement mis en scène. Le meilleur film de la compétition pour moi à ce jour.

J'enchaîne avec une excellente comédie française, parfait buddy-feelgood movie, Full monty aquatique : Le grand bain (4/5) de Gilles Lellouch, avec un casting exceptionnel (Guillaume Canet, Benoit Poelvoorde, Philippe Katherine, Mathieu Amalric, Virginie Efira et plein d'autres). 

Journée japonaise en compétition avec ensuite Asako (3/5), de Ryusuke Hamaguchi, l'auteur de Senses. Une chronique sentimentale originale et un traitement distancié qui fait paraître l'intrigue presque surnaturelle par moment. Le traitement sage de comportements complexes est clairement la marque de fabrique de son auteur.  

Ca se complique pour trouver une place pour la montée des marches de Blackkklansman (4/5) de Spike Lee, mais j'y arrive. Le film est très classique dans sa forme, hyper énergique, drôle et prenant, un vrai plaisir de spectateur. Trump en prend pour son grade, mais la charge politique est subtilement menée à travers une histoire incroyable inspirée de faits réels.

Je n'y croyais pas beaucoup, mais un heureux concours de circonstance m'a projeté au premier rang du GTL, à quelques mètres du réalisateur, pour la première mondiale très attendue de The house that Jack built (2/5) de Lars von Trier. Le film m'a déçu, moche, trop bavard et mal foutu à mon goût, et beaucoup moins malsain que ce que la petite centaine de spectateurs ayant quitté la salle pourront colporter. Quand un film traite d'un tueur en série, il ne faut pas s'attendre à voir courir des agneaux dans des champs de fleurs (et en plus si, on voit aussi ça dans le film). 

13 mai

Un petit Gaspar Noé pour se réveiller, c'est brutal, d'autant plus qu'il fallait être dans la file d'attente vers 7h30 du matin pour espérer entrer (la séance était à 8h45). Pour le coup, rien n'avait filtré, et nous avons vraiment vu le film en première mondiale. Climax (5/5) est pour le moi le meilleur film de son auteur : tourné en trois semaines avec des danseurs, le film raconte une fête qui dégénère suite à l'absorption d'une sangria augmentée. Il faut imaginer une nef des fous (façon Bosch) tournée par l'enfant naturel de Pasolini et de Lynch. C'est brillant, virtuose, scotchant, très dérangeant sans être gore. Du grand art.

A la suite, je tente un film indien (c'est un pays qui ne figure pas encore dans ma carte du monde Cannes 2018) à Un Certain Regard. Manto (3/5) est un biopic à gros budget (il y avait 25 personnes sur la scène de Debussy pour la présentation du film, je n'ai jamais vu ça), qui raconte la vie d'un écrivain musulman ayant vécu à l'époque de l'indépendance de l'Inde. Réflexion sur la façon dont les écrivains sacrifient tout pour leur art, chronique socio-historique intéressante, le film ne trouvera peut-être pas le chemin des salles françaises.

Retour à la compétition avec Trois visages (3/5) de l'iranien Jafar Panahi. Le film débute par un scène d'anthologie d'un point de vue scénaristique et développe une enquête champêtre lors de laquelle l'approche pince sans rire de Panahi fait des merveilles. Peut-être un poil anecdotique, mais réalisé dans un esprit kiarostamien des plus agréables qui ravira les admirateurs de Taxi Téhéran.

Fin de journée au Studio 13 avec le nouveau film de Romain Gavras, Le monde est à toi (3/5), comédie grinçante et déjantée au casting plus que parfait : Karim Leklou en premier rôle (enfin !), Isabelle Adjani impériale, Vincent Cassel à contre-emploi et des apparitions désopilantes de Philippe Katerine et François Damiens. Un feel-good movie de qualité, qui me réconcilie avec l'auteur.

12 mai

J'attendais beaucoup du nouveau film du chinois Jia Zhang-Ke, dont j'avais beaucoup aimé les deux films précédents (A touch of sin, Au-delà des montagnes). Malheureusement, Les éternels (2/5) m'a déçu. Le film reprend beaucoup des thèmes du film précédent de son auteur, en les développant moins bien. Je n'ai pas accroché avec cette histoire d'amour qui traverse le temps. Le film m'a paru à peine fini et mal monté.

La première vraie, grande, bonne surprise de ce Festival vient à 16h d'Un Certain Regard, avec la projection de Girl (5/5), du belge Lukas Dhont. On suit une jeune transexuel qui veut devenir danseuse. Lara est une fille avec un corps de garçon, et on n'a à mon avis jamais aussi bien montré cette situation au cinéma. L'acteur Victor Polster est prodigieux, et la mise en scène est d'une grande sensibilité. Un film magnifique, caméra d'or en puissance puisque premier film.  

Fin de journée à la Quinzaine, avec un film de genre, Mandy (1/5) de Panos Cosmatos, avec Nicolas Cage, qui n'a pas fait le déplacement pour Cannes. Le film montre ce dernier tuer des sortes de zombies en ferraille avec une hallebarde faite maison, alors qu'une secte a enlevé et brûlé vive sa femme. C'est très série Z, moche, et les seuls bons moments sont les moments de second degré où toute la salle rigole. La magie de Cannes c'est (aussi) de passer de Girl à Mandy sans transition.

11 mai

Je commence par un film de la compétition, Cold War (4/5) du polonais Pawel Pawlikovski, le réalisateur de Ida. Le film est d'une beauté formelle époustouflante (format carré, noir et blanc sublime), qui sert très bien une histoire d'amour sur plusieurs décennies, racontée sous forme de vignettes euphémistiques. L'actrice Joanna Kulig est magnétique.

J'enchaîne rapidement à la Quinzaine par le premier film de Marie Monge, Joueurs (2/5). L'intérêt du film est de montrer avec beaucoup de réalisme le fonctionnement les cercles de jeu parisiens. Tahar Rahim et Stacy Martin sont parfaits et la réalisation solide, mais le film souffre d'un manque d'originalité : on a l'impression d'avoir vu ça mille fois.

En milieu d'après-midi je trouve une place en orchestre pour la montée des marches du Godard, Le livre d'image (1/5). Le film est laid, incompréhensible et représente une vraie torture. Un spectateur hurle sur ma gauche en début de séance "Godard forever", mais beaucoup d'autres partiront avant la fin.

Parlons plutôt de mes voisins. Sur le siège à ma gauche est assis Patrick Poivre d'Arvor : c'est bizarre d'être assis à côté de quelqu'un de célèbre ... à qui on a rien à dire ! Trois places à ma droite le réalisateur ukrainien Sergei Loznitsa. Trois rangs derrière moi, une bonne partie du jury : Cate Blanchett surveillée de près par Robert Guédiguian, Kristen Stewart en jean, Laura Seydoux, Andrey Zviagintsev en blouson de cuir et Denis Villeneuve en jeans et chemise bleu clair. Le président de la confédération helvétique (et ses impressionnants gardes du corps) cinq rangs devant moi.

Fin de journée dans la modeste salle Alexandre III, pour un rattrapage, le film d'ouverture de la Quinzaine, Les oiseaux de passage (4/5), un film colombien de Ciro Guerra (L'étreinte du serpent) et Cristina Gallego. Pour résumer, c'est Scarface chez les indiens Wayuu. Beau et intéressant.

10 mai

La journée commence bien à la Quinzaine, avec Petra (4/5), du catalan Jaime Rosales. On dirait un Haneke du sud, qui se finirait bien et qui serait agréable à regarder. Le récit est composé de 7 chapîtres qu'on voit dans le désordre, ce qui constitue une belle émulation intellectuelle. Le film possède bien des points communs avec le film de Farhadi (l'Espagne, son actrice principale, des thématiques liées à la famille et au passé), mais il est bien plus réussi.

Toujours à la Quinzaine, Les confins du monde (2/5), de Guillaume Nicloux, est raté. Je comprend que Frémaux n'en ait pas voulu, malgré tout le potentiel glamour du film (Depardieu, Gaspard Ulliel, Guillaume Gouix, et le fric qui suinte de chaque plan). Pour résumer, je dirais que c'est un Apocalypse now franchouillard et gore, qui relie guerre et frustration sexuelle. Tout m'y a semblé factice.

Je rentre ensuite grâce à une invitation glanée auprès de l'attaché de presse du film à Un certain regard, pour la projection du très attendu A genoux les gars (4/5). Antoine Desrosières, le réalisateur, s'était fait remarqué avec son court métrage Haramiste, qui mettait en scène deux jeunes filles voilées, parlant très librement de sexe. On retrouve ici les deux actrices (formidables) dans un film qui ne ressemble à rien de connu, mêlant sujets de sociétés (homophobie, viol et consentement) à l'histoire d'une émancipation sexuelle. C'est vif, déjanté, une logorrhée étourdissante et enivrante qui sert une dialectique complètement zarbi. 

Quand je sors de cette troisième projection à la suite, il est 16h, et il est temps de ... manger une salade niçoise, avant de chercher une invitation pour la montée des marches de Plaire, aimer et courir vite (4/5), en compétition. Le film de Christophe Honoré, que vous pouvez voir en salle, est beau et sage. La mise en scène est d'une grande beauté et les acteurs m'ont convaincu. Pourtant, curieusement, l'émotion a été assez peu au rendez-vous. Le films souffre peut-être d'une longueur un poil excessive.

 

9 mai

La journée ne commence qu'en début d'après-midi, pour cause d'avion, de transport, d'installation à l'hôtel...

Mon premier film à Cannes est Rafiki (3/5), un film kényan, réalisé par une jeune femme, et qui raconte une histoire d'amour entre deux jeunes filles, un peu sur le mode de La vie d'Adèle, le sexe frontal en moins et l'Afrique en plus. C'est pop, coloré, chaleureux, parfois maladroit mais finalement estimable. Les actrices sont très bien.

J'enchaîne avec un deuxième film africain (c'est exceptionnel à Cannes !) : Yomeddine (5/5) premier film d'un jeune réalisateur égyptien. Il s'agit d'un road movie qui met en scène un lépreux très marqué par sa maladie, et un jeune nubien qui s'appelle Obama. C'est un film formidable, entre Elephant man, Freaks, et les comédies italiennes des années 70. J'ai beaucoup aimé, et le film a été acclamé par le public du Grand Théâtre Lumière pendant de longues minutes. La presse a été plus bégueule, reprochant au film ses quelques facilités ou maladresses. On pourrait à mon avis le retrouver au palmarès.

Pour finir, à 22 h, le troisième film de la compétition : Leto (2/5), du russe Kirill Serebrennikov. Ce dernier est assigné à résidence en Russie et l'actrice principale entre dans la salle avec un panneau portant son nom. Au-delà de l'aspect politique, le film m'a laissé complètement froid : du Garrel russe et rock, agrémenté de clips moches et d'une musique médiocre. Le film présente sûrement un intérêt, mais je ne l'ai pas vu.

 

8 mai

Une fois n'est pas coutume, mon Festival de Cannes commence cette année au beau cinéma le Louxor, à Barbès. Je ne prendrai l'avion qu'aux aurores, demain matin.

Pas grand-chose à reprocher formellement au film d'Asghar Farhadi, Everybody knows (3/5), solidement réalisé, bien écrit et bien interprété. L'intrigue, qui se développe agréablement lors de la première partie, patine cependant franchement dans la deuxième, et les nuances habituelles des scénarios de Farhadi cèdent ici la place à un conformisme décevant.

Un film qu'on devine invité en ouverture principalement pour le côté glamour du couple Bardem / Cruz.

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En route pour le Festival de Cannes 2018

Du 8 au 19 mai 2018, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette.

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Cate Blanchett est cette année la Présidente du jury.

Edouard Baer sera maître de cérémonie (on s'en régale déjà), Bertrand Bonello président des jurys Courts-métrages et Cinéfondation, Ursula Meier présidente du jury de la Caméra d'Or et Benicio del Toro (grand cinéphile devant l'éternel) dirigera le jury d'Un certain regard. Le réalisateur Joachim Trier présidera le jury de la Semaine de la Critique.

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Mon avis sur les différentes sélections :

Compétition

Une sélection qui sent le neuf. A part Nuri Bilge Ceylan, dont le film a été ajouté à la sélection tardivement, aucun des réalisateurs sélectionnés n'a gagné de Palme d'or.

Si la liste comprend quelques cinéastes reconnus et/ou habitués du Festival (Matteo Garrone, Hirokazu Kore-Eda, Jia Zhang-Ke, Asghar Farhadi), il y a beaucoup de nouveaux venus, peu connus du grand public : le japonais Ryusuke Hamaguchi, le kazakh Sergey Dvortsevoy, la libanaise Nadine Labaki, et l'égyptien AB Shawky, dont il est même difficile à ce jour de trouver trace sur internet.

Même les anciens (Jean Luc Godard, Spike Lee) font figure de revenants improbables.

La représentation française est rafraichissante elle aussi : Christophe Honoré, Eva Husson, Yann Gonzalez, et dans une moindre mesure Stéphane Brizé.

Trois cinéastes ayant réalisé peu de films - mais très remarqués pour leur film précédent - sont également présents : David Robert Mitchell (44 ans, It follows), Pawel Pawlikowski (60 ans, Ida) et Alice Rohrwacher (36 ans, Les merveilles). Aucun de ses trois films ne m'a plu, espérons qu'ils sauront me faire changer d'avis.

Le coréen Lee Chang-Dong, que j'aime à l'inverse beaucoup (Poetry, Secret sunshine), sera également présent, ainsi que l'iranien Jafar Panahi et le russe Kirill Serebrennikov, qui tous deux ont maille à partir avec les autorités de leur pays.

La compétition s'annonce donc cette année à la fois rajeunie, à forte coloration asiatique, sans grande star, et politique.

L'intégralité de la sélection sur le site du Festival.

Un certain regard

Dans cette section, le renouvellement est aussi impressionnant. Pas moins de six premiers films sur dix-huit sélectionnés, ça ne doit pas être loin du record.

Je ne connais pas beaucoup de réalisateurs, à part Sergei Loznitsa qui fera l'ouverture, Valeria Golino (Miele) et l'actrice Andréa Bescond dont j'ai vu le magnifique spectacle (Les chatouilles) au théâtre.

Pour le reste, c'est le grand saut vers l'inconnu, avec des destinations particulièrement exotiques : l'Iran, l'Afrique du Sud, le Kazakhstan, le Maroc, l'Inde, la Syrie, le Kenya et l'Argentine.

Le belge Lukas Dhont, l'allemand Ulrich Kohler et le français Antoine Desrosières complètent la sélection.

Un seul film, me semble-t-il, bénéficie d'un buzz pré-Cannes vraiment notable : Long day's journey into night, du chinois Bi Gan, que beaucoup annonçaient en compétition.

Sélection officielle

Etonnant de voir se cotoyer Solo : a star wars story, de Ron Howard, pour lequel les places seront très chères, et le documentaire de l'austère - mais génial - cinéaste chinois Wang Bing, qui dure ... 8h15 ! 

Je suis intrigué par le film de Gilles Lelouche, Le grand bain, au casting imparable : Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Philippe Katerine, Benoit Poolvoerde. J'essaierai de voir The house that Jack built, qui marque le retour de Lars von Trier sur la Croisette.

Wim Wenders présentera un documentaire sur le pape et Mads Mikkelsen essayera de survivre par - 70 ° dans Arctic, en séance de minuit : contraste cannois...

 

Quinzaine des réalisateurs

Sous la houlette d'Edouard Waintrop, la recette de la sélection a toujours obéi à des règles simples : une part de grands noms refoulés de la Sélection officielle, une part de découvertes plus ou moins réussies, un film de genre, une comédie française de qualité, un film déjà présenté à Sundance.

En 2018 cela donne pour la première catégorie les nouveaux films de Guillaume Nicloux (avec Gérard Depardieu), Gaspar Noé, Philippe Faucon, Mamoru Hosada. Pour la seconde, des films espagnols et sud-américains à la pelle, le nouveau film de Mohammed Ben Attia (le réalisateur de Hedi). Le film de genre, Mandy, fournira action, horreur, et Nicolas Cage sur la Croisette. La comédie française fait très envie cette année : En liberté ! de Pierre Salvadori, avec Adèle Haenel. Le film de sundance est le second film de l'américaine Debra Granik. Son film précédent, Winter's bone, avait révélé une jeune actrice alors inconnue, Jennifer Lawrence.

Parmi les nombreuses curiosité de la Quinzaine, signalons Le monde est à toi de Romain Gavras, et son casting d'exception : Vincent Cassel, Isabelle Adjani, Karim Leklou.

 

Semaine de la critique

Côté de la Semaine, qui ne programme que des premiers et des seconds films, on a affaire comme d'habitude à des inconnus. Sept films, deux seconds et cinq premiers, dont quatre sont réalisés par des femmes, ce qui rend la Semaine beaucoup plus féminine que la sélection officielle.

Les films viennent de Pologne, d'Inde, de France, de Hongrie, de Suisse, du Portugal et d'Islande.

Hors compétition, la Semaine présente le premier film de l'acteur américain Paul Dano avec la sublime Carey Mulligan et Jake Gyllenhall, ainsi que le deuxième film du Belge Guillaume Senez, avec Romain Duris. 

Souhaitons à l'ensemble de la sélection le même avenir que David Robert Mitchell, qui avait présenté It follows il y a deux ans à la Semaine, et se retrouve cette année en compétition de l'officielle.

La sélection de la Semaine de la critique 2018.

ACID

Comme souvent, je ne connais pas grand-chose dans la sélection ACID, si ce n'est Thunder road de l'américain Jim Cummings. Ce dernier avait réalisé (et joué) un court-métrage extraordinaire visible ici, sur l'amour que porte un homme à sa mère, exprimé sur une chanson de Bruce Springsteen. Ce long-métrage semble être une extension du court primé à Sundance. J'essaierai évidemment d'y aller.

 

A bientôt en direct de Cannes !

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Journal de Cannes 2017

 

 

27 mai

Dernier jour, qui commence en douceur avec le rattrapage d'un documentaire présenté en sélection officielle (mais hors compétition), Demons in paradise (3/5). Le film revient sur le guerre civile au Sri Lanka, et plus spécialement sur la lutte sanguinaire entre les différentes factions tamoules. C'est basé sur des témoignages de protagonistes qui reviennent sur les lieux des exactions. Intéressant.

Je reviens en compétition pour You were never really here (5/5) de Lynn Ramsay, qui sortira finalement en France sous le titre A beautiful day. Le film n'est pas très original par son propos (un justicier urbain tente de sauver une petite fille d'un réseau pédophile), mais l'est par sa mise en scène d'une beauté et d'une intelligence admirable. Joaquin Phoenix y est sidérant d'intériorité.

Fin de Festival avec une montée des marches en grande tenue. Le dernier Polanski, D'après une histoire vraie (1/5), est malheureusement raté à tout point de vue. L'interprétation d'Eva Green est particulièrement mauvaise. A oublier.

Merci de m'avoir suivi jusqu'au bout, et à l'année prochaine !

 

26 mai

L'un des chocs de ce Festival sera à coup sûr Patti Cake$ (4/5), film de clôture de la Quinzaine, avec lequel je commence la journée. Le réalisateur Geremy Jasper décrit la vie quotidienne des classes défavorisées du New Jersey, à travers le désir d'une jeune fille (blanche et en surpoids) de devenir une star du rap. C'est le parfait feel-good movie de fin de Festival. Un délice.

Je reviens ensuite dans la compétition, avec pour commencer In the fade (3/5) de Fatih Akin. Diane Kruger joue avec un talent incroyable une femme dont le mari et le fils sont tués dans un attentat : prix d'interprétation féminine en vue ! Sinon, le film, sous des dehors un peu pépère, est plus subtil qu'il n'y paraît : il nous conduit de nombreuses fois à changer d'opinion sur ce qu'on voit. Un film rudement efficace en matière de suspense psychologique.

A la suite, la montée des marches de 19h pour le Ozon, L'amant double (2/5). Ozon essaye de faire son Hitchcock et son Cronenberg à la fois, mais comme il n'a pas la précision du premier, ni le caractère malsain du deuxième, le résultat est couci-couça, propre sans être convaincant. J'ai eu un peu de mal à m'impliquer dans l'histoire, et n'ai pas vraiment été surpris par sa conclusion. Le film est loin d'être aussi transgressif que ce que le bouche à oreille en disait.

 

25 mai

Double shot à la Quinzaine ce matin. I'm not a witch (4/5) de la jeune zambienne Rungano Nyoni est un très joli premier film, qui traite avec beaucoup de subtilité du sujet des sorcières en Zambie, à travers le regard d'une enfant. De l'humour et de très belles images, un candidat sérieux à la Caméra d'Or.

Dans un genre totalement différent, Bushwick (3/5) de Cary Munion et Jonathan Milott, flirte avec la série B. On suit une héroïne plongée brutalement dans une véritable guerre civile en plein Brooklyn, entre une armée de miliciens et la population. Le sous-texte politique est permanent et les quelques traits d'humour rendent le film plutôt sympa. C'est une production Netflix, qui ne sortira donc pas en salle.

Retour à la compétition à 16h avec la montée des marches de Une femme douce (3/5), de Sergei Loznitsa. C'est long, c'est lent, c'est superbement filmé, c'est russe au possible et c'est sûrement le film le plus ambitieux de la compétition. Sans être ébloui, je trouve qu'il a une densité et une profondeur unique. La fin, critiquée par quelques cinéphiles, me semble éclairer toute la première partie d'une autre lumière. Fait assez rare, le film s'est fait hué par une partie du public.

Pour finir en douceur sur la belle terrasse qui mène à la salle du soixantième, 12 jours (3/5), de Raymond Depardon. Le film, modeste, s'intéresse au sort de malades dans un hôpital psychiatrique de Lyon. C'est toujours intéressant un Depardon, même si ici le sujet est assez anecdotique. A trois places de la mienne, Vincent Lindon et Clothilde Hesme. 

 

24 mai

Petite journée aujourd'hui, consacrée à la Quinzaine. La defensa del dragon (2/5), de la jeune réalisatrice colombienne Natalia Santa, est le prototype du film du Sud : des plans fixes uniquement, un développement narratif lent. Il s'agit de tirer le portrait de trois hommes mûrs unis par la passion des échecs et qui éprouvent des difficultés dans leurs relations sociales. Pas sûr que ce film trouve le chemin des salles.

Plus tard dans la journée, je retourne dans la salle de la Quinzaine un peu au hasard, après avoir échoué à Un certain regard, et je découvre un objet filmique bizarre et exaltant : Nothingwood (4/5), un documentaire de Sonia Kronlund. Nothingwood fait référence à Bollywood, mais il s'agit ici de faire du cinéma avec... rien. Il suit sur un tournage le personnage haut en couleur qu'est Salim Shaheem, une star afghane qui a tourné 110 films avec des bouts de chandelles, dans un style inimitable, qui doit beaucoup au cinéma indien. Le film parle aussi de l'Afghanistan d'aujourd'hui. La leçon de vie qu'il propose (le cinéma contre la terreur) est formidable, et quand un des acteurs nous dit après la projection qu'il est prêt à mourir pour le cinéma (et ce n'est pas en l'espèce une figure de style), on est sidéré par la force du média qu'on célèbre ici à Cannes.

Le reste de la journée est consacré à accueillir ma petite famille et à essayer de nous faire tous entrer au GTL pour le film de Sofia Coppola, entreprise dans laquelle nous échouons d'un cheveu.

 

23 mai

Aujourd'hui un seul film vu en compétition, Vers la lumière (2/5) de Naomi Kawase. Après un début intéressant centré sur un personnage qui fait les commentaires audio pour aveugle sur les films, Vers la lumière sombre progressivement dans les travers contre lesquels Kawase doit toujours lutter : la mièvrerie et le délitement du scénario.

Heureusement, j'enchaîne immédiatement à Un certain regard avec le premier film d'une jeune française, Léonor Serraille, tourné avec une équipe technique essentiellement féminine et une actrice extraordinaire, l'incroyable Laetitia Dosch. Le film s'appelle Jeune femme (4/5), et il a tout pour devenir culte et emblématique d'une génération : humble, en prise directe avec le réel, bourré d'énergie, électrisant et férocement féministe. Un régal.

Du coup, je reste salle Debussy pour un autre premier film, italien cette fois-ci : Après la guerre (2/5) de Annarita Zambrano. Le film revient sur le moment où les terroristes italiens d'extrême-gauche protégés par Mitterrand ont été soudain remis à disposition de la justice italienne en 2002. C'est appliqué et proprement fait, mais après 22 film en 6 jours, j'ai besoin d'être empoigné par les films que je vois, et ce n'est pas le cas ici.

Quatrième et dernière séance de cette sixième journée, encore un italien, de la Quinzaine cette fois. L'intrusa (3/5) de Leonardo di Costanzo. Comme A ciambra (voir au 20 mai), L'intrusa possède un fort caractère documentaire. De Calabre on passe à Naples, dans une institution qui accueille les enfants défavorisés. La directrice va être confrontée a un véritable cas de conscience quand un membre de la camorra va être découvert dans ses locaux. Le film est admirablement réalisé dans une veine très naturaliste.

 

22 mai

Journée en grande partie dédiée à la compétition. The killing of a sacred deer (4/5), ne plaira pas à tout le monde, c'est sûr. Le nouveau film de Yorgos Lanthimos (The lobster) est une sorte de mix entre tragédie grecque, film d'horreur, thriller métaphysique et exposition de la cruauté façon Haneke. Moi j'ai mordu au dilemme que propose le film, et j'ai trouvé la réalisation époustouflante, bien que glaciale.

J'enchaîne avec le nouvel Haneke, Happy end (1/5) qui est d'après certains (peu nombreux sur la Croisette) sa somme, et pour d'autres (dont moi) son plus mauvais film. C'est pauvre en cinéma, ça sonne terriblement creux et ce n'est même pas dérangeant. Haneke se cite lui-même en faisant dire à Trintignant qu'il a étouffé sa femme il y a trois ans : ça sent le sapin pour l'autrichien. La troisième Palme d'or semble inacessible.

Troisième film en compétition à la suite : Le jour d'après (2/5) de Hong Sang-soo. La petite musique du coréen est ici réduite à sa plus simple expression. Aucune recherche ludique ou formelle comme dans la plupart de ces derniers films. Du coup, j'ai trouvé qu'il ne restait plus grand-chose : le film se résume à quelques conversations autour d'une table où on absorbe beaucoup de soju. De plus, il est construit sur la base de distorsions chronologiques qui ne facilitent pas la compréhension de ce qu'on voit. La critique française semble cependant beaucoup aimer.

Dernière séance plaisir avec la projection du nouveau film d'André Téchiné, Nos années folles (4/5). Le film, très qualité française dans sa forme, se révèle parfaitement subversif dans son sujet, sur lequel je vous conseille d'en savoir le moins possible. Un moment de cinéma à l'ancienne qui fait du bien. Assis aux côtés de Téchiné, les actrices qui ont compté pour lui, une brochette ahurissante comprenant Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart, Elodie Bouchez et Sandrine Kiberlain. Ajoutez que dans la salle se trouvaient aussi Lambert Wilson, Claude Lelouch, Bérénice Bejo, Nicole Garcia, Gilles Jacob, Michel Hazanavicius et John Cameron Mitchell, et vous aurez une petite d'idée de l'aura dont bénéficie Téchiné.

 

21 mai

Premier film de la compétition ce matin, qui est la deuxième production Netflix après Okja, et que vous ne verrez donc pas en salle : The Meyerowitz stories (2/5) de Noah Baumbach. Etats d'âme, conflits familiaux et égos en péril dans le milieu aisé new-yorkais : Baumbach continue à inscrire ses pas dans ceux de Woody Allen, le talent en moins. C'est oublié aussi vite que c'est vu.

Je glisse en salle Debussy pour Un Certain Regard et Before we vanish (3/5) le nouveau film du prolifique Kiyoshi Kurasawa. Des extra-terrestres débarquent sur Terre pour nous voler nos concepts puis nous envahir. Extraordinairement captivant au début, le film tombe dans la deuxième partie dans des biais (des effets trop appuyés, une mauvaise utilisation des effets spéciaux, une certaine mièvrerie) qui malheureusement gâche un peu mon plaisir de retrouver le réalisateur en bien meilleure forme que dans Le secret de la chambre noire. Le film est tout de même très intéressant par son mélange de rationalité et de poésie, et par sa réflexion sur la nature humaine.

Ce début de journée en demi-teinte est heureusement effacé dans l'après-midi par le très réjouissant How to talk to girls in parties (4/5) du trublion John Cameron Mitchell (Shortbus). Cette adaptation d'une nouvelle SF de Neil Gaman est parfaite au premier tiers du Festival : du rythme, des couleurs, du romantisme sans niaiserie. Un film punk explosif et jouissif. J'assiste à la montée des marches en direct de la salle : Nicole Kidman et Elle Fanning ont l'air complices, et le réalisateur porte une veste rouge admirable.Toute l'équipe du film se marre bien.

Fin de journée à la Quinzaine avec Otez-moi d'un doute (3/5) comédie française sans prétention de Carine Tardieu, sensible, bien faite et bien jouée (par Cécile de France et François Damiens notamment). On rit et on réfléchit simultanément, c'est le signe d'une comédie réussie.

 

20 mai

La journée commence en compétition avec 120 battements par minute (3/5) de Robin Campillo, qui décrit les années SIDA à travers quelques destins individuels de militants d'Act Up - Paris. C'est visiblement documenté, très sagement réalisé, et un brin didactique. Alors que je pleure généralement facilement au cinéma, le film ne m'émeut curieusement pas plus que ça. Je m'attendais à plus original de la part de Campillo (à l'origine des Revenants). Un plan toutefois est absolument magique : celui de la Seine ensanglantée. Les échos sur la Croisette place le film en favori de la compétition.

J'enchaîne ma deuxième séance en compétition grâce à un membre d'une société de prod qui travaille pour Amazon et me donne une invitation pour The square (2/5) de Ruben Ostlund. Le film est basé sur le même principe que Snow therapy : un évènement initial et ses multiples conséquences mettent en évidence nos petitesses, hypocrisies et autres lâchetés. J'ai trouvé toutefois le film moins tenu que son prédécesseur, plus brouillon. Il mériterait aussi d'être sérieusement raccourci. Quelques moments plaisants tout de même, comme la performance du dîner, ou la scène du préservatif.

Je passe ensuite à la Semaine de la Critique, pour voir le film évènement : Ava (4/5) de Léa Mysius. On compare beaucoup le film à Grave, présenté l'année dernière : ce sont deux premiers films français réalisés par des jeunes femmes, et mettant en scène des jeunes femmes. Ava est pourtant un peu moins maîtrisé que Grave en terme de mise en scène, mais aussi plus chaleureux. La jeune actrice Noée Abita est absolument renversante, en jeune fille qui devient aveugle en même temps qu'elle devient femme. Les dialogues percutants rendent le film très attachant. Une réalisatrice de plus à suivre de près, et un film qui va plaire.

Dernière section visitée aujourd'hui : la Quinzaine. A Ciambra (5/5), de Jonas Carpignano, est une plongée en apnée dans la communauté gitane calabraise. C'est beau, riche, parfois vertigineux tellement c'est réel (A ciambra est le résultat d'un travail de sept ans avec la famille qu'on voit à l'écran). Après le strass des marches ce matin (Will Smith m'a pratiquement marché sur le pied), la discussion avec Jonas Carpignano dans l'atmosphère feutrée du Studio 13 m'a projeté dans un autre monde. C'est aussi ça, la magie de Cannes. 

 

19 mai

Le début de journée commence par un quiproquo, lors de projection de Okja (4/5), le film de Bong Joon-Ho produit par Netflix. Il y d'abord des huées et des sifflets pour protester contre le fait que Netflix ne sortira pas le film en salles, puis la bronca perdure... mais parce que l'écran est tronqué sur sa partie supérieure du fait d'un problème technique. Cela donne sur les réseaux sociaux des bêtises du genre : "Les opposants à Netflix arrêtent le film", etc. D'abord absolument superbe et inventif dans sa partie coréenne, Okja devient ensuite un produit beaucoup plus formaté et lourdaud quand l'action de déplace aux USA.

J'enchaîne avec le deuxième film en compétition, Jupiter's moon (3/5) de Kornell Mundruczo, en orchestre, juste à côté du jury au grand complet : Paolo Sorrentino arrive le premier, Almodovar tape ses SMS avec un doigt, Jessica Chastain fait la bise à tout le monde et Park Chan-Wook à personne. Le film est un curieux mélange de réalisme forcené, de critique sociale à la Mungiu, et de film d'action américain. Il y est aussi question d'un migrant qui lévite. Intéressant, même si imparfait.

A 16h, énorme plaisir avec la projection de Visages Villages (5/5) d'Agnès Varda et JR. Le film est intelligent, malicieux, émouvant, bienveillant : c'est un plaisir absolu, qui permet en plus de découvrir dans le détail le passionnant travail de JR. Enorme ovation pour Agnès Varda avant et après le film.

En soirée, je rattrape le film en compétition de hier que je n'ai pas vu : Loveless (5/5) d'Andrey Zvyagintsev. Le film porte bien son nom : il est dur, tendu et sec. Loveless n'a pas la richesse narrative et la variété de ton qu'avait son prédécesseur, l'excellent Léviathan, mais il recèle quelques plans exceptionnels qui méritent le déplacement. Zvyagintsev est un formaliste hors pair, la photo du film est splendide.

 

18 mai

La journée commence bien avec le premier film en compétition, Le musée des merveilles (Wonderstruck) (5/5) de Todd Haynes. Ses films précédents (Loin du paradis, Carol) ne m'avaient pas convaincu. Je les trouvais froids et désincarnés. On retrouve ici la virtuosité de la mise en scène, mais cette fois au service d'un scénario brillantissime. On dirait que toutes les fées du cinéma se sont penchées sur ce film. Il est quasiment impossible de ne pas pleurer dans la dernière demi-heure.

Forcément, après une telle entame, difficile d'apprécier pleinement ce qui suit. Western (3/5) de l'allemande Valeska Grisebach, présenté dans la section Un Certain Regard, est intéressant, quoiqu'un peu paresseux. On suit un groupe d'ouvriers allemands qui construisent un barrage au fin fond de la Bulgarie et se frottent à la population locale. C'est produit par Maren Ade (Toni Erdmann), et ça se sent. Le film présente des points communs avec celui de Ade (une sorte de causticité froide, des réflexions quasi-métaphysiques qui surgissent de problèmes très pragmatiques), mais en moins bien.

Après avoir fait la queue 1h45 pour rien à la Semaine, je termine la journée avec Sea Sorrow (1/5) de l'actrice Vanessa Redgrave. Le film parle de façon très polie du problème des réfugiés en Europe et décrit plus spécifiquement l'action de Redgrave et ses amis au Royaume-Uni. Le sujet est estimable, le traitement très mauvais. Le spectacle est plutôt dans la salle puisque sont voisines juste derrière moi Sandrine Kiberlain, Elodie Bouchez et Sandrine Bonnaire, toutes membres de différents jurys (meilleur documentaire et Caméra d'Or).

 

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En route pour le Festival de Cannes 2017

Du 17 au 28 mai 2017, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette.

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Pedro Almodovar sera cette année le Président d'un jury assez exceptionnel, composé de réalisateur/trices de grand talent (Paolo Sorrentino, Maren Ade, Park Chang-Wook), d'acteurs/trices d'envergure mondiale (Will Smith, Jessica Chastain, Fan Bingbing), d'Agnès Jaoui et du compositeur de musique de film Gabriel Yared.

Monica Belluci sera maîtresse de cérémonie, Cristian Mungiu président des jurys Courts-métrages et Cinéfondation, Sandrine Kiberlain présidente du jury de la Caméra d'Or et Uma Thurman d'Un certain regard. Le réalisateur (et critique) Kleber Mendonça Filho, qui a enthousiasmé la Croisette l'année dernière avec Aquarius, présidera le jury de la Semaine de la Critique.

Bref, du très beau monde côté des jurys.

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Et maintenant, mon avis sur les différentes sélections.

Compétition

D'abord, une évidence : il y aura cette année moins de réalisateurs déjà palmés que les années précédentes, puisque seul Michael Haneke est dans de cas. On assiste donc à un certain renouvellement du casting. Quatre français (classique Ozon, rare Doillon, inattendu Campillo et habitué Hazanavicius) et quatre américains (surprenants frères Safdie, favori Haynes, revenante Sofia Coppola et bobo Noah Baumbach) : autour de des deux pôles majeurs s'organisera une compétition plutôt ouverte. Le grec Yorgos Lanthimos est souvent cité parmi les valeurs à la fois montantes et sûres de cette année, comme le russe Andrey Zvyagintsev (à mon avis un des cinq meilleurs cinéastes en activité) et le jeune suédois Ruben Ostlund dont le précédent film avait secoué la Croisette (Snow therapy).

Pour compléter  on notera l'absence de l'Espagne, de l'Amérique du Sud, et de l'Italie, alors que sont présents l'Allemagne (avec Fatih Akin), l'Ukraine (avec Sergei Loznitsa), la Hongrie (avec Kornel Mundruczco), le Japon (avec l'abonnée Naomi Kawase) et enfin la Corée (avec l'explosif Bong Joon-Ho et l'alcoolisé Hong Sang-Soo).

Une petite place est faite à une femme écossaise (Lynne Ramsay), mais tout le monde pense déjà que la Palme d'Or ira pour la troisième fois au mauvais génie Haneke dont le film porte un titre qui sent l'antiphrase (Happy end).

Un certain regard

De ce côté, que Thierry Frémaux décrit souvent comme la contre-programmation du Festival par le Festival lui-même, on relève quand même une ancienne Palme d'Or (Laurent Cantet avec L'atelier), plusieurs grands noms (Mathieu Amalric, Sergio Castellitto, Michel Franco, Kiyoshi Kurosawa, Mohamad Rasoulof, Santiago Mitre) et une flopée de films russes, ce qui semble marquer un renouveau du cinéma dans cette partie du monde. Un film chinois d'un quasi inconnu aussi.

Bon nombre de connaisseurs avertis attendent impatiemment dans cette section le premier film de Karim Moussaoui, réalisateur algérien très remarqué pour ces courts et moyens-métrages.

Sélection officielle

Pour le reste de la sélection officielle (séances spéciales et autres évènements incasables), je note cette année une très fortes présences des documentaires, avec de grands noms (Agnès Varda, Claude Lanzman, Vanessa Redgrave, Raymond Depardon) et un sujet qui semble récurrent : les migrants et les réfugiés.

Le Festival s'encanaille côté Séries (ce qu'il ne faisait jamais jusqu'à présent) avec la saison 2 de Top of the lake (Jane Campion) et les premiers épisodes de Twin Peaks, saison 3.

Pour le reste, le programme ressemble à une brocante de rêve pour cinéphiles en manque : le dernier Téchiné au passage, un film en réalité virtuelle signé Inarritu, un court-métrage de Kristen Stewart, deux thrillers coréens en séances de minuit, une oeuvre posthume de Kiarostami et un divertissement de Hong Sang-Soo, tourné à Cannes pendant le Festival avec ... Isabelle Huppert bien sûr. Et aussi le dernier opus de John Cameron Mitchell (Shortbus) dont tout le monde parle : How to talk at girls at parties, avec Elle Fanning. 

Et un Desplechin en ouverture. Rien que ça.

 

 

Quinzaine des réalisateurs

L'année dernière avait été marquée par un débauchage avec fracas de plusieurs cadors de la sélection officielle par la Quinzaine (Desplechin, Gomes).

Rien de tel cette année, ou le travail de sélection a semblé mené plus calmement. 

Au final, on trouve dans la sélection des noms qui feraient baver tous les grands festivals du monde : Claire Denis (Un beau soleil intérieur, avec Juliette Binoche et Xavier Beauvois), Abel Ferrara, Philippe Garrel, Brunot Dumont (avec une comédie musicale sur l'enfance de Jeanne d'Arc), Sharuna Bartas (qui présentera un film avec Vanessa Paradis) et Amos Gitai.

La case du feel-good movie français, remplie ces dernières années par Les combattants, Les garçons et Guillaume à table et Divines, est cette fois-ci occupée par Carine Tardieu, avec Otez-moi d'un doute, qui impressionne déjà par son casting, François Damiens et Cécile de France en tête.

J'attendrai beaucoup du deuxième film de Chloé Zhao, The rider, dont j'avais adoré le premier : Les chansons que mes frères m'ont apprise. A noter en clôture le film dont le Festival de Sundance a été gaga : Patti Cake$, de Geremy Jasper, qui met en scène une jeune rapeuse.

Semaine de la critique

Puisque le principe de la Semaine est de ne présenter que des premiers et des deuxièmes films, on est toujours un peu démuni devant la sélection, forcément constituée de noms peu connus.

On peut guetter Ava, le premier film d'une jeune réalisatrice française, Léa Mysius, et qui pourrait être le pendant de Grave l'année dernière.

Il faut signaler aussi un film d'animation iranien, Tehran Taboo, et le second film d'Emmanuel Gras, Makala, qui avait été remarqué pour son premier, Bovines.

Hors compétition, j'essaierai de voir Une vie violente, de Thierry de Peretti, film de gangster et de mafia corse, par le réalisateur d'un film dont le cadre était déjà la Corse et qui avait été remarqué à la Quinzaine en 2013 (Les Apaches).

ACID

Concernant la plus jeune, la plus décalée et la plus politique des sections cannoise, 2017 sera à l'évidence engagée et française. Au programme cinq documentaires sur neuf films présenté, dont celui de Mariane Otero sur le mouvement Nuit debout (L'assemblée).

En séance spéciale, le premier film de Vincent Macaigne en tant que réalisateur : Pour le réconfort.

 

A bientôt en direct de la Croisette !

 

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Cannes 2016 : bilan de la compétition

 

 

Palmarès

Cette année, le jury présidé par Georges Miller a semblé dénué de tout sens de l'humour, écartant les films ayant enthousiasmé la critique sur la Croisette par leur originalité et leur ton subversif. Aucun prix donc pour l'excellent Toni Erdmann de Maren Ade, le furieux Elle de Paul Verhoeven et l'excentrique Ma Loute de Bruno Dumont.

Ce n'est pas que les choix effectués soient complètement aberrants. La Palme à Moi, Daniel Blake, de Ken Loach n'est pas complètement illégitime : le film est bouleversant.

Mais récompenser Mungiu et Assayas pour la mise en scène, Farhadi pour le scénario et l'interprétation masculine, c'est finalement proposer une vision étriquée du cinéma, dans laquelle les films ne sont certes pas mauvais, mais "sérieux" et construits sur un même modèle. Quant au Grand prix octroyé à Juste la fin du monde, plutôt une médiocre réalisation du jeune québécois, c'est aussi une sorte de néo-conservatisme : Dolan fait désormais partie des meubles (et il ne lâchera rien tant qu'il n'aura pas eu la Palme !).

Vous noterez par ailleurs que tous les réalisateurs récompensés ont déjà reçu un prix à Cannes : le renouvellement que représentaient cette année Maren Ade ou Kleber Mendonça Filho (Aquarius) n'est pas du tout encouragé. 

La seule lueur d'originalité dans le Palmarès est le prix du jury donné à Andrea Arnold pour American Honey, c'est bien peu. 

Un jury qui, cette année, n'était pas au niveau de la sélection.

 

Des femmes de caractère

Peut-on trouver une ligne directrice dans les 21 films en compétition ? Il me semble que oui : les femmes étaient sacrément présentes cette année, et avec de drôles de caractères. 

Prenez Michèle (Isabelle Huppert) dans Elle : dévoreuse d'hommes et de femmes, victime puis bourreau, rien ne semble résister à sa force et à ses pulsions, y compris sexuelles. On peut dire la même chose des deux héroïnes de Mademoiselle, du coréen Park Chan-wook, qui finissent par venir à bout des hommes qui les maltraitent, et nous offrent... le seul 69 de cette 69ème édition.  

Continuons notre examen. Dans Aquarius, Sonia Braga joue une femme libre qui résiste aux forces masculines qui tentent de la déloger de son appartement - et qui ne cède là encore rien à sa libido. Les femmes cannibales de Winding Refn (The neon demon) se mangent entre elles, alors que dans American Honey, la chef de gang est une fille. Dans le film d'Andrea Arnold, c'est la formidable Star, jouée par Sasha Lane, qui capte toute la lumière et s'oppose frontalement à la façon de faire de Jake, prototype du mec baratineur. Chez Guiraudie, Rester vertical, la femme abandonne carrément son bébé, l'instinct maternel n'est même plus sacré ! Chez Maren Ade (Toni Erdmann), la jeune cadre dynamique jouée par Sandra Hüller est certes malheureuse, mais elle n'hésite pas à asservir son copain dans le cadre d'un jeu érotique vraiment bizarre.

Même dans les drames psychologiques un peu corseté, les personnages féminins sont plus intelligents. Dans Le client d'Asghar Farhadi, c'est la femme agressée qui veut pardonner à son agresseur, contre l'avis de son mari, alors que dans Bacalaureat, de Cristian Mungiu, la fille ne suit pas le conseil de son père et fait preuve d'une belle indépendance d'esprit, alors que la mère dépressive s'avère fort pertinente dans ses avis.

Plus discrète, l'héroïne de Loving, Mildred, jouée par la formidable Ruth Negga, prend en main les rênes de la contestation et est la véritable héroïne de l'histoire. Dans Juste la fin du monde, c'est le personnage de la mère (Nathalie Baye), certes un peu fofolle, qui prodigue les conseils de communication les plus avisés, que s'empresse de suivre Louis. 

Chez les Dardenne (La fille inconnue), Adèle Haenel se montre obstinée et parvient seule à élucider une sombre affaire. C'est ce que tente aussi Kristen Stewart dans un genre très différent chez Assayas (Personal shopper), alors que l'héroïne de Mal de pierres tient toute la structure du film sur ses épaules de fille un peu fêlée.

Même la Palme d'or, Moi, Daniel Blake impose à côté du beau personnage joué par Dave Johns un personnage féminin très puissant joué par l'excellente Hayley Squires. Chez Almodovar (Julieta), les hommes semblent réduits à de frêles accessoires, comme chez Mendoza (Ma'Rosa), dans lequel on voit l'actrice Jaclyn Jose (prix d'interprétation féminine) tenir sur ses solides épaules les destinées de toute sa famille.

2016, c'était l'année des fortes femmes.

 

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Journal de Cannes 2016

 

21 mai

Pour le dernier jour, la compétition hausse son niveau. Elle (5/5) est une claque magistrale envoyée par Paul Verhoeven. Son film, adapté d'un roman de Djian (Oh...) est subservif, amusant, captivant de bout en bout. Isabelle Huppert y est parfaitement utilisée dans un rôle de femme à poigne qui lui va comme un gant. Le reste du casting est parfait et Verhoeven semble distiller l'efficacité holywoodienne dans un cinéma français un peu pantouflard.

Le dernier film en compétition, Le client (4/5) d'Asghar Farhadi, est un bon film lui aussi. Très proche dans sa construction de Une séparation, il peut légitimement concourir pour une récompense. Il est une fois de plus question de culpabilité, thématique récurrente cette année.

Les séances se faisant rares le dernier jour, je vais voir ce que je peux ... c'est à dire un film finlandais d'Un certain regard : The happiest day in the life of Olli Maki (2/5), de Juho Kuosmamen. Le pitch ne fait pas rêver : le film, en noir et blanc, raconte la préparation d'un boxeur finlandais pour les championnats du monde en 1962, match qu'il perdra en seulement deux rounds. Le film est bien fait, et rappelle un peu l'approche de Jean Echenoz dans son livre Courir à propos d'Emile Zatopek. C'est poétique et un peu distant. J'apprends en sortant de la salle que le jury Un certain regard vient de décerner à ce film son Grand Prix, ce qui me parait un peu exagéré.

Pour finir, j'atteins de justesse mon objectif (40 films, dont les 21 en compétition) en accrochant une séance de rattrapage de The neon demon (2/5). Au début, le film m'a paru moins mauvais que ce qu'en dit la Presse, mais malheureusement, après une demi-heure, Nicolas Winding Refn verse dans une esthétique porno chic du plus mauvais effet. Où il est question de tops modèles lesbiennes nécrophiles et cannibales, filmées dans des décors de pub pour Chanel. 

Merci à ceux qui m'ont suivi pendant ces 10 jours, et à l'année prochaine.

 

20 mai

Aujourd'hui, énorme avant-dernière journée avec cinq films, dans des styles et des niveaux de qualité très différents. Projection à 8h30 du nullissime The last face (0/5), de Sean Penn, à laquelle j'attribue une note de 0, ce que je ne fais en principe jamais. Une phrase en introduction du film fait d'abord rigoler les spectateurs : elle dit en gros que pour un occidental le mieux pour imaginer la guerre en Afrique c'est de la comparer à un amour impossible... Ridicule ! L'histoire d'amour sur fond d'humanitaire est affreusement décrite et la complaisance avec laquelle Penn filme les souffrances rend le film indécent. L'accueil de la critique internationale est d'une violence hallucinante : une moyenne de 0,2 sur 4, la plus faible depuis que ce système existe (13 ans).

Je passe ensuite à la Semaine de la critique pour des séances de rattrapage. J'ai adoré Diamond island (5/5) de Davy Chou. On suit des jeunes qui travaillent sur une sorte de ville nouvelle à Phnom Penh. L'histoire n'a rien de spécial, mais la photographie et la mise en scène sont d'une beauté iréelle. L'image transcende le quotidien et instille une poésie colorée qui m'a beaucoup touché. J'imagine que c'est ce type d'effet que fait Weerasethakul sur certains.

Je fais une parenthèse à Un certain regard pour La tortue rouge (2/5), de Michael Dudok de Wit, présenté comme un film d'animation Ghibli et globalement encensé sur la Croisette. Il s'agit d'une histoire à la Robinson Crusoé, assez simpliste, et je n'ai pas trouvé beaucoup d'originalité dans l'animation. On est bien loin du Voyage de Chihiro par exemple.

Retour à la Semaine pour un film que je vais tenter de vite oublier. Mimosas (1/5) a pourtant reçu le prix principal de cette section. Le réalisateur espagnol Oliver Laxe propose un voyage initiatique et en partie religieux dans l'Atlas marocain. Il rejoint la liste des réalisateurs que je déteste, ceux qui se fichent complètement qu'on comprenne quelque chose à ce qu'ils racontent (Albert Serra, Bela Tarr, Lisandro Alonso). 

Heureusement que la journée se termine sur une bonne note en provenance d'Israel. One week and a day (4/5) raconte la journée d'un couple, première journée qui suit la semaine de deuil religieux suivant les obsèques de leur fils unique de 25 ans. Comme l'a dit Charles Tesson, le boss de la Semaine, en présentant le film, il s'agit d'un "feel-good sad movie". Une sorte de Chambre du fils où on sourit tout le temps - et où à la fin, on pleure. C'est très réussi, sur un sujet difficile, et le réalisateur israélien Asaph Polonski doit être suivi de près.

 

19 mai

De tôt matin, Cristian Mungiu confirme son incroyable talent de disséqueur d'âme. Bacalauréat (4/5) est une psychanalyse de la Roumanie et un suspense psychologique sur le thème de ce qui est juste de faire, ou non. C'est précis, subtil, dynamique, même si l'intensité de 4 mois, 3 semaines, 2 jours reste ici inégalée.

C'est peu de dire que Juste la fin du monde (1/5), de Xavier Dolan, me déçoit beaucoup. C'est bien simple : au moment le film se termine, j'ai l'impression qu'il n'a pas encore commencé. Les personnages sont prisonniers de leur caricatures, à un point où cela en devient très gênant. Vincent Cassel surjoue de façon abonimable, il faudrait pouvoir l'empêcher de sévir sur les plateaux. 

A Un certain regard je tente Pericle il nero (2/5), de Stefano Mordini. Film de mafia dont l'originalité est de se passer en Belgique (les Dardenne coproduisent). Rien de bien neuf sous le manque de soleil liégeois. A éviter.

La bonne surprise du jour, c'est le décoiffant Divines (5/5) de Houda Benyamina, ou comment une jeune fille de banlieue se rêve en Scarface. C'est drôle, plein d'une énergie folle, et décapant. Je prédis un grand succès public à ce film, porté par des actrices charismatiques.

 

18 mai

Au final, la compétition me parait plus faible cette année que l'année dernière, malgré ses promesses sur le papier. Je n'attendais pas grand-chose de La fille inconnue (2/5) des frères Dardenne. Je n'ai donc pas été déçu de ne pas aimer. Le film ressemble un peu au précédent, Deux jours, une nuit, en en reprenant des motifs : le parcours linéaire d'un fort personnage féminin, qui progresse en faisant du porte à porte. C'est insipide.

La vraie claque de la journée vient du brûlot Goksung (The strangers) (4/5), en sélection mais hors compétition (on se demande bien pourquoi). Na Hong-Jin (The chaser, Murderer) propose une vaste fresque sur la façon dont l'empire du mal se propage dans un petit village de Corée. Cela commence par une chronique provinciale pour finir en film d'épouvante très réussi. Une mise en scène virtuose. Seul petit bémol, la fin du film est pour le moins confuse.

Ma'Rosa (3/5) de Brillante Mendoza, m'a déçu. Le film est une plongée en apnée dans une Manille corrompue, moite, grouillante. Le film vaut surtout pour son aspect documentaire. Le style Mendoza (période Kinatay), pourra en déranger certains : caméra à l'épaule, image sombre, musique stridente. Peu de renouvellement chez ce réalisateur.

Pour finir la journée en douceur, découverte à la Quinzaine d'un premier film fort sympathique : Mercenaire (3/5) de Sacha Wolff. Une histoire originale qui montre comment les joueurs de Polynésie sont recrutés comme du bétail pour les clubs de rugby français. Le film est sans concession et sait rendre ses acteur aimables. Une réussite.

 

17 mai

Aujourd'hui, et je crois que c'est la première fois depuis que je viens à Cannes, trois films sont présentés en compétition dans la même journée. J'attaque donc avec Julieta (5/5) de Pedro Almodovar. Ce qu'il y a de bien avec le maître espagnol, c'est qu'on vieillit ensemble... Le film est hitchcockien en diable et magnifique visuellement. Pedro filme comme à l'habitude avec beaucoup d'habileté ses superbes actrices. Un bon moment. Le film manque toutefois un peu de densité pour faire une Palme.

J'enchaîne avec le nouveau film de Olivier Assayas, dont j'avais adoré Sils MariaPersonal shopper (2/5) est construit autour de, à cause de, et pour Kristen Stewart. C'est sa valeur (la jeune actrice révèle l'étendue de son talent) et sa limite (le scénario semble non fini). Assayas n'est pas très à l'aise pour filmer les fantômes, il donne beaucoup dans les clichés. Décevant. 

Troisième et dernier film en compétition, Aquarius (4/5) de Kleber Mendonça Filho. Il s'agit du beau portrait d'une femme de caractère, qui résiste aux forces qui veulent l'obliger à quitter son appartement. Une mise en scène de haute volée et une interprète hors norme (la somptueuse Sonia Braga) font de ce film brésilien un prétendant à une récompense. Il manque toutefois l'étincelle pour enflammer le public.

Soirée émotion à la Quinzaine pour finir la journée, avec la projection en présence de l'équipe du dernier film de la regrettée Solveig Anspach, décédée récemment. L'effet aquatique (4/5) est un peu une déclinaison islandaise du film Queen of Montreuil.  J'ai une tendresse particulière pour le grutier lunaire jouée par Samir Guesmi et pour la survoltée Agathe, jouée par Florence Loiret-Caille. Ce n'est pas très rationnel, car je suis conscient des limites du film, mais j'ai passé un bon moment et c'est comme ça. On ne va pas non plus être objectif tout le temps.

 

16 mai

La journée commence avec Loving (3/5) de Jeff Nichols, en compétition. Le film me réconcilie avec le réalisateur, qui m'avait beaucoup déçu avec Midnight special. L'histoire est celle d'un couple, illustrant le combat mené pour abolir les lois interdisant les mariages inter-raciaux dans certains états des USA, dans les années 50. Le film est doux, intime, convaincant, modeste.

Devant la salle Debussy, l'attachée de presse du film Apprentice (3/5) me tend une invitation en Rangs Réservés. Je la prends pour deux raisons : la perspective de pouvoir étendre mes jambes, et le film. Ce dernier est assez frappant : c'est un thriller psychologique sur fond de peine de mort à Singapour. Ou la pendaison vu du côté bourreau. Comme souvent dans le cinéma asiatique, c'est carré, efficace et superbement réalisé. Seul bémol, le scénario est un peu court.

Deuxième film de la compétition aujourd'hui, Paterson (1/5) de Jim Jarmusch, me déçoit beaucoup. La montée des marches est triste à mourir : le réalisateur et ses deux acteurs/trices (Adam Driver et Golshifteh Farahani) semblent faire la gueule et éviter de se toucher. Le film est ennuyeux. Il montre un chauffeur de bus écrire de la (mauvaise) poésie, et répète sept fois de suite le même rituel journalier, avec des variantes. L'accueil du GTL est glacial, les applaudissements épars. La critique internationale, curieusement, semble adorer.

Pour finir la journée j'embraye à la Quinzaine avec un film d'Anurag Kashyap, Raman Raghav 2.0 (2/5), qui ne me convainc pas. Le réalisateur, qui est en train de devenir un chouchou de la Quinzaine, répète en moins bien les recettes de ses précédents films, Gangs of Wasseypour ou Ugly. C'est du film noir à la sauce Bollywood. Seul intérêt notable du film, la vision qu'il donne des bidonvilles de Bombay, saisissante.

 

15 mai 

Le premier film de la journée, Mal de pierres (1/5) de Nicole Garcia, est la première véritable erreur de casting de la compétition. Le film est d'une platitude totale, à l'image du jeu de Marion Cotillard. Aucun intérêt.

Le film d'animation que nous voyons ensuite à la Quinzaine, Ma vie de courgette (5/5), est à l'inverse remarquable. Le scénario de Céline Sciamma est très fin, et la réalisation de Claude Barras dégage à la fois une profonde poésie et un grand réalisme. C'est beau, et extrêmement émouvant, sans être du tout tire-larme. J'espère que cette histoire de bande de copains qui se forme à l'orphelinat va connaître l'immense succès qu'il mérite.

Les 2h40 du film d'Andrea Arnold, American Honey (4/5) passent relativement vite, au regard de l'aspect intransigeant et un peu rébarbatif du film (cadre carré, image un peu sale, impression d'improvisation constante, scénario très approximatif). C'est un film qui se mérite, mais qui possède une belle longueur en bouche. Shia LaBeouf et l'inconnue Sasha Lane tous deux impeccables.

Soirée à la Quinzaine pour le deuxième film de Rachid Djaïdani, Tour de France (2/5) avec Depardieu. Ce dernier fait le show sur la scène, demande une chaise car "il ne peut plus supporter le poids de son corps" et déclare être "fatigué par la vie et effrayé par la mort". La salle s'insurge ! Le film est très léger et sympathique, avec trop d'approximation côté scénario et mise en scène pour être recommandé. Depardieu est en roue libre.

 

14 mai

Début de journée à fond avec Folles de joie (4/5) à la Quinzaine, en présence du réalisateur Paolo Virzi (La prima cosa bella, Les opportunistes) et de Valéria Bruni Tedeschi. Le film raconte la fugue de deux femmes internées dans un établissement psychiatrique. C'est vif, énergique, parfois drôle et gorgé d'un sentimentalisme que certains pourront trouver exacerbé. 

Le long film de l'après-midi marque le retour de l'Allemagne en compétition. Toni Erdmann (5/5), de la jeune Maria Ande, est un film admirable sur les rapport père / fille, d'une originalité et d'une subtilité remarquable. Il y a plusieurs climax dans la deuxième partie du film qui entraînent une hilarité et un enthousiasme irrésistible : c'est la première fois depuis longtemps que j'entends une salle applaudir à tout rompre pendant une scène. 

Par la profondeur de son propos et le jeu subtil de ses acteurs, le film marque durablement. Impossible de ne pas le retrouver au Palmarès.

A 22h, montée des marches en noeud pap pour le Park Chan-Wook. Un hasard incroyable nous propulse dans une place numérotée à trois rangs devant toute l'équipe du film. Très impressionnant. Mademoiselle (5/5) est un thriller particulièrement retors, bâti sur l'effet Rashomon : on voit la même histoire plusieurs fois, en découvrant à chaque fois une nouvelle version. Mise en scène nerveuse, direction artistique impeccable et scénario à la fois complexe et limpide : il manque juste un peu d'émotion pour que ce film féministe soit parfait.

 

13 mai

Aujourd'hui, matinée consacrée aux films en compétition. Je commence par Ma loute (5/5) de Bruno Dumont, qui m'a enthousiasmé. Ce ne sera pas le cas de tout le monde j'imagine, car le film est un mélange de genre tout à fait étrange : à la fois comédie burlesque, film d'initiation amoureuse et critique sociale au vitriol. La photographie est exceptionnelle.

Moi, Daniel Blake (4/5) est semble-t-il le dernier Ken Loach (avant le prochain ?). Ca se pourrait, tellement le film ressemble à un testament. On a l'impression d'avoir vu cent fois ces films sociaux anglais qui semblent tous découler d'un remake à la sauce UK du Voleur de bicyclette, mais ici le chant d'amour de Ken Loach pour ses acteurs est particulièrement réussi. Et aussi très émouvant : j'ai maladroitement étouffé quelques sanglots, et j'atteste qu'il en a été de même pour mes voisins de gauche et de droite. Forte production lacrymale dans la salle.

Je parviens ensuite à me glisser dans une séance d'Un certain regard très demandée : La danseuse (2/5) de Stéphanie di Giusto. Le casting du film est impressionant : la chanteuse Soko (qui s'est faite larguée ces derniers jours par Kristen Stewart, mais ça n'a rien à voir avec le film), François Damiens, Mélanie Thierry, Lili-Rose Depp (la fille de Vanessa Paradis, apologie vivante de l'anorexie mais ça n'a rien à voir avec le film), Gaspard Ulliel. Il s'agit d'un biopic d'une danseuse oubliée, qui veut se donner les moyens de la reconstitution historique, mais que j'ai trouvé très peu incarné. Problème de direction d'acteur ou de casting. Une direction artistique un peu empesée aussi (décors, costumes).

Pour finir, et après une heure de queue inutile à la Quinzaine (ce sont des choses qui arrivent), je me rabats sur une séance de rattrapage dans une salle annexe de Fais de beaux rêves (4/5) de Marco Bellochio, film d'ouverture de la Quinzaine. C'est un beau mélo ample et profond, qui montre les conséquences de perdre sa mère jeune tout au long de sa vie. Formidables acteurs et scénario de très haute volée.

 

12 mai

La journée commence en salle Debussy (une nouveauté de cette année) pour le premier film en compétition, Rester vertical (2/5). Le format n'étant pas le bon (?!), les spectateurs ont du siffler au bout de cinq minutes pour que les personnages n'aient pas la tête coupée.

En bref, disons que le film est complètement barré, à l'image de son réalisateur aveyronnais, Alain Guiraudie. On est dans un truc bizarre qui est à la fois très naïf (et même caricatural) et ancré socialement. Le film possède ce lot de scènes chocs propres à lancer un Festival sur de bonnes bases, comme une sodomie doublée d'une euthanasie, qui donne un délicieux titre en une du Midi LIbre de Séverac-le-Château. C'est L'inconnu du lac en moins bien.

Dans la foulée, j'enchaîne à Debussy grâce à une place gentiment donnée par l'équipe du film, avec le film égyptien Eshtebak (Clash) (5/5) de Mohamed Diab, le réalisateur des Femmes du bus 678. Le film est entièrement tourné depuis l'intérieur d'un fourgon de police pendant les évènements de 2013 entre Frères Musulmans et partisans de l'armée. C'est génial, oppressant, magnifiquement scénarisé et réalisé. Un vrai thriller qui mélange politique, action, suspense et drame. Un film qui aurait mérité d'être en compétition, même si l'ouverture de Un certain regard, c'est bien aussi !

Deuxième film de la compétition aujourd'hui, Sieranevada (3/5) du roumain Cristi Puiu, m'a un peu déçu. Je m'attendais à quelque chose de renversant, mais le film n'est finalement que le "filmage" d'un très long et pénible repas de famille. C'est génial fugitivement, comme un croisement de Festen et de Mungiu, c'est brillamment réalisé, mais beaucoup de personnes dans la salle ont fait des micro-siestes. Il faut quand même tenir près de trois heures...

Après avoir échoué à entrer dans la salle pour l'ouverture de la Semaine de la critique, j'aterris dans la salle du Soixantième pour la projection d'un documentaire signé par deux auteurs (un italien et un grec) : L'ultima Spiaggia (1/5). C'est filmé à la manière d'un Wiseman, c'est-à-dire que la caméra est posée là et enregistre tout ce qui se passe, mais ce n'est pas du tout à la hauteur du maître : manque de talent ou choix d'un sujet trop léger (une plage à Trieste) ? 

 

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En route pour le Festival de Cannes 2016

Du 11 au 22 mai 2016, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette.

Pour mes avis immédiats à la sortie de chaque projection, vous pouvez me suivre sur Facebook ou Twitter, comme plus de 400 fidèles. 

Et maintenant, voici mes commentaires sur la sélection officielle, qui compte 49 films parmi ... 1869 visionnés.

Un certain regard

Par rapport à d'autres années, pas beaucoup de grands noms à Un certain regard. 

A noter tout de même le nouveau film des soeurs Coulin (Voir du pays), dont j'avais beaucoup aimé 17 fillesComme Weerasethakul l'année dernière, Hirokazu Kore-Eda, habitué de la compétition, présentera son nouveau film (After the storm) dans cette section un peu moins prestigieuse.

Beaucoup de commentateurs sont impatients de découvrir Apprentice, le film du singapourien Boo Junfeng, produit par Eric Khoo. A noter aussi la présence du japonais Koji Fukada (Harmonium), qui a été récompensé à Nantes pour son film précédent, Au revoir l'été, dont je ferai bientôt la chronique. Comme souvent, Cannes fera un clin d'oeil à Sundance, en montrant The transfiguration, de Michael O'Shea, qui fut très bien reçu dans le festival américain.

On verra aussi le nouveau film de l'égyptien Mohamed Diab (Clash), dont j'avais beaucoup aimé Les femmes du bus 678. A noter pour terminer un film d'animation, fait rarissime à Un certain regard, avec La tortue rouge, du néerlandais Mickael Dudok de Wit.

Il y aura aussi des films roumain, israélien, iranien, finlandais, russe et argentin.

Hors compétition / Séances Spéciales / Séances de minuit

On savait déjà que Woody Allen faisait l'ouverture avec Café Society. Les USA seront très présents avec Steven Spielberg qui présentera son film familial, Le bon gros géant, Judi Foster (Money Monster) et Shane Black (The nice guys).

Dans un genre radicalement différent, on verra aussi le dernier film d'Albert Serra, avec Jean Pierre Léaud en Louis XIV vieillissant (La mort de Louis XIV). Pas sûr que je cherche à le voir, Serra m'ayant offert une de mes pires séances de cinéma avec Le chant des oiseaux.

Jim Jarmusch présentera un documentaire sur Iggy Pop (Gimme danger) et le grand Mahamat-Saleh Haroun un autre sur Hissein Habré

Je suis très impatient de voir le nouveau film du coréen Na Hong-Jin (le réalisateur de The Chaser et The Murderer)  : Goksung.

En compétition

C'est probablement, sur le papier, la plus intéressante sélection vue depuis des lustres. Tous les films font envie, quasiment sans exception. La liste équilibre grands noms, jeunes pousses et des cinéastes pas forcément habitués à être en compétition.

D'abord, les réalisateurs les plus connus sont là : Almodovar (Julieta), les frères Dardenne (La belle inconnue, avec Adèle Haenel), Olivier Assayas (Personal shopper, avec Kristen Stewart), Xavier Dolan (Juste la fin du monde, avec un casting incroyable, Léa Seydoux, Gaspard Ulliel, Marion Cotillard ), Bruno Dumont (Ma loute) dont j'attends énormément, Jim Jarmusch (Paterson), Nicole Garcia (Mal de pierre), Ken Loach pour son dernier dernier film (I, Daniel Blake), Cristian Mungiu, qui cherchera une deuxième Palme d'Or (Baccalauréat), Jeff Nichols, dont Midnight special est encore sur les écrans, qui présentera Loving, Park Chan-Wook, le réalisateur culte de Old boy (The handmaiden), Sean Penn (The last face), Paul Verhoeven avec Isabelle Huppert d'après Philippe Djian (Elle), Nicolas Winding Refn (The neon demon) et Asghar Farhadi qui a tourné The salesman en Iran avec les acteurs qui jouaient dans Une séparation.

A cette liste déjà époustouflante s'ajoutent les cinq noms suivants, qui me font saliver d'avance. Andrea Arnold (Fish tank, Red road), que j'adore, montrera son premier film américain, American HoneyAlain Guiraudie, l'excellent réalisateur de L'inconnu du lac, franchit pour la première fois la barrière de la compétition avec Rester verticalKleber Filho Mendonça, que le monde entier a découvert avec Les bruits de Récife, représentera le Brésil (Aquarius). Brillante Mendoza, le philippin, et Cristi Puiu, le roumain, deux de mes réalisateurs chouchous, complète la liste merveilleusement avec Ma'Rosa et Sieranevada.

Il faut toujours un inconnu total dans une sélection (en tout cas de moi, et de Allociné) : ce sera l'allemande Maren Ade (Toni Erdmann).

A noter l'absence de films italiens cette année, alors que l'Allemagne fait son retour en compétition pour la première fois depuis bien longtemps.

Un programme gargantuesque... en attendant le programme de la Semaine de la critique et de la Quinzaine des réalisateurs. 

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