Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Christoblog

Les ogres

Peu de films laissent une telle impression de trop-plein épanouissant.

A bien chercher dans ma mémoire, je ne vois guère, dans des genres très différents, que La vie d'Adèle et Les chansons que mes frères m'ont apprises pour rivaliser avec Les ogres en puissance émotionnelle, ET simultanément en maîtrise technique. Ou, si on remonte un peu plus loin dans le temps, le cinéma de Cassavetes.

Léa Fehner parvient en effet ici à concilier le brio d'une mise en scène à la fois réfléchie et possédée à l'intensité des sentiments. Qui pourrait rester insensible à cet incroyable personnage de M. Déloyal, joué par l'excellent Marc Barbé, à la fois troublant, séduisant et horripilant ? La scène d'explication de la sodomie aux enfants du centre aéré restera comme un des moments les plus zarbis qu'on ait pu voir au cinéma en 2016.

A côté de ce personnage hors norme, il faut voir l'incroyable habileté de la jeune réalisatrice à laisser une place à chacun des personnages. Adèle Haenel est exceptionnelle dans un rôle qui commence à lui coller (un peu trop) à la peau, celui de la fille cash qui ne s'embarrasse pas d'états d'âmes. Mais François Fehner campe un chef de troupe charismatique, Lola Dueñas une femme fatale irrésitiblement hispanique... etc. Un des inombrables mérites du film est de laisser chacun exprimer sa personnalité. Il n'est pas un membre de la troupe qui puisse s'estimer délaissé par la caméra virevoltante de Léa Fehner.

On est tour à tour bousculé, surpris, séduit par le capharnaüm poétique de cette troupe de comédiens itinérants dans laquelle on aimerait s'incruster, et qui fait peur à la fois. La vie, le sexe, l'amour, le théâtre, les stations balnéaires, la mort, la maladie, les vaches et Tchékhov : rien ne résiste à la furia pleine de sérénité de Léa Fehner.

Le meilleur moment de cinéma de 2016. Pour l'instant.

 

4e  

Voir les commentaires

Belgica

C'est avec une tendresse particulière que je suis la filmographie de Felix van Groeningen.

Il y a chez ce réalisateur flamand un goût du mélodrame de mauvais goût qui rappelle parfois celui de Jean Marc Vallée, et un penchant énergique pour les histoires tordues et les marginaux qui me fait penser fugitivement à Xavier Dolan.

Dans Belgica, les points forts du cinéma de van Groeningen apparaissent très nettement : un brio incomparable pour créer des ambiances, un don inné pour observer les visages en plans très rapprochés, une façon de filmer la musique qui génère une sorte d'euphorie immédiate.

Malheureusement, le film expose aussi les carences actuelles de son cinéma : des faiblesses criardes dans le scénario, une tendance à s'étaler un peu trop et une certaine miévrerie, qui peut flirter avec le mauvais goût.

Au final cette histoire de fratrie laisse tout de même une impression plutôt favorable, qui résulte surtout de l'incroyable intensité qui se dégage des deux acteurs principaux, dont on aimerait que l'énergie soit tout de même mieux canalisée.

Felix van Groeningen sur Christoblog : La merditude des choses (***) / Alabama Monroe (***)

 

2e

Voir les commentaires

Jeux concours Les ardennes (Terminé)

A l'occasion de la sortie le 13 avril du film belge Les Ardennes, je vous propose de gagner 5 x 2 invitations valables partout en France.

Pour ce faire :

- répondez à la question suivante : "Qui a écrit la pièce dont est tiré le film ?"

- joignez votre adresse postale

- envoyez moi le tout par ici

avant le 12 avril  20 h.

Un tirage au sort départagera les gagnants.

Vous recevrez ensuite les invitations, envoyées directement par le distributeur.

 

Voir les commentaires

Chala, une enfance cubaine

Il est des films qui ne l'emportent sur les autres que par la force de leur élan vital. 

Ils ne sont ni spécialement novateurs dans leur forme, ni essentiels dans leur contenu, mais ils possèdent quelque chose devenu très rare dans le cinéma d'aujourd'hui : une force brute qui balaye toutes les réticences.

Dans ce film cubain, cette force découle principalement de la qualité du scénario, du jeu puissant des acteurs et de leur sincérité.

A l'heure de la visite d'Obama à Cuba (quel timing extraordinaire !?), nul doute que vous serez nombreux, amis lecteurs, à suivre ma recommandation pour passer un moment merveilleux à La Havane.

Il est rare que les bons sentiments fassent les bons films, et c'est pourtant le cas ici. Peut-être parce que le tableau de la société cubaine actuelle y est à la fois percutant et cruellement réaliste. Son immense succès local intrigue, et en même temps séduit : le film est clairement critique envers le régime, qui pourtant ne l'a pas censuré.

Mais l'intérêt de Chala n'est pas principalement politique. J'ai adoré l'incroyable galerie de personnages : les deux jeunes enfants sont EXTRAORDINAIRES, les parents de Chala, l'institutrice, le patron du foyer... tout ce beau monde est littéralement habité par le film. Les acteurs sont déliceux à regarder.

On pleure et on rigole pendant Chala, avec une puissance qui rappelle le cinéma italien de la grande époque, sa faconde, sa rapidité, son énergie.

Si le début du film peut laisser croire à un penchant un peu trop démonstratif, on est vite rassuré : la réalité s'impose dans un maelstrom séduisant, dans lequel les sentiments s'entrechoquent. L'Europe paraît atrocement vieille, comparée à l'explosion d'énergie euphorisante que propose Ernesto Daranas.

A voir absolument.

 

4e  

Voir les commentaires

A perfect day

Il y a quelque chose de vraiment étonnant dans le fait que les espagnols savent parfaitement faire des films qui semblent américains.

L'efficacité de la mise en scène, le réalisme impressionnant des décors, le rythme bien balancé du montage, les prestations des acteurs juste en deça du cabotinage : tout concourt à faire de A perfect day un film aux allures US.

Certains ont parlé d'une sorte de MASH de l'humanitaire, mais le film d'Altman était grinçant, alors que Benicio del Toro et Tim Robbins donnent plutôt ici une tonalité désabusée aux (més)aventures des personnages. On n'est pas dans la dénonciation ou la parodie, mais plutôt dans le constat absurde et résigné.

Le côté picaresque de la recherche de la corde est parfaitement exploité par un scénario très malin, dont la chute finale constitue le point d'orgue ironique.

Roublard, distrayant et instructif.

Leon de Aranoa sur Christoblog, c'est aussi le beau et très différent Amador (****)

 

3e  

Voir les commentaires

Midnight special

On aura rarement vu un film aussi raté que Midnight special.

Tout y est risible : les clichés innombrables, les carences scénaristiques abyssales, les répliques cul-cul, le jeu affligeant des acteurs.

Le jeune Jaeden Liebherer joue comme une enclume sous Xanax. Michael Shannon fait penser à une marmotte au sortir de son dernier rendez-vous avec le taxidermiste. Joel Edgerton affiche une palette d'expression aussi large que ses cheveux (en brosse) sont longs. Kirsten Dunst offre ici, dans un rôle de potiche à natte, la pire prestation de sa carrière. Le moindre second rôle du film semble fermement décidé à jouer le moins possible : cela en devient presque drôle (voir la direction d'acteur catastrophique du groupe qui observe le jeune Alton derrière la vitre).

On pourrait se moquer à l'infini de la façon dont Jeff Nichols raconte son histoire. Pensons par exemple à cette scène atterrante ou le jeune génie de la NSA éructe des phrases sans queue ni tête devant des coordonnées géographiques, puis finit par entourer deux chiffres au hasard en feignant le Euréka libérateur. 

Le pire du pire est probablement atteint dans les dernières images du film qui nous montre cette affreuse cité idéale toute de béton, qu'on dirait issue d'une série Z imitant Disney dans les années 80.

Jeff Nichols révèle progressivement au fil de ses films son caractère de réalisateur médiocre et prétentieux.

Jeff Nichols sur Christoblog : Take shelter (**) / Mud (**)

 

1e

Voir les commentaires

Room

Le sujet de Room est le sujet casse-gueule par excellence.

Pour résumer, et en spoilant le moins possible, le film raconte l'histoire de Joy, une jeune fille enlevée et séquestrée par un malade dans sa cabane de jardin. Après deux ans de captivité, Joy a un enfant, Jack, qui est donc élevé jusqu'à ces cinq ans dans une seule pièce, d'où le titre du film.

La liste est longue des façons dont le film aurait pu être raté. Il aurait d'abord pu être glauque et malsain, installant le spectateur dans la peau d'un voyeur honteux. Il aurait pu être insupportable en installant des processus de terreur pure. Il aurait enfin pu être inutilement larmoyant.

Au final Room n'est rien de cela : c'est un film délicat, sensible, intelligent, dont on sort le moral regonflé à bloc. C'est tout à fait étonnant qu'un film bâti sur un sujet aussi terrible puisse faire un tel effet sur le spectateur.

Le réalisateur irlandais de 49 ans, Lenny Abrahamson, complètement absent de mes radars jusqu'à aujourd'hui, fait preuve d'une maestria incroyable. Il utilise à la perfection tout l'arsenal de la mise en scène et du montage au service de son histoire, sans fanfaronner, et avec une modestie géniale.

Brie Larson, déjà remarquée pour son incroyable prestation dans States of grace, fait ici un sans faute de bout en bout. Le jeune acteur, Jacob Tremblay, est tout simplement exceptionnel. Souvent filmé en très gros plan, il parvient à exprimer une immense palette d'émotions. Lenny Abrahamson s'avère être un remarquable directeur d'acteur.

Room est un film dont on peut parier sans crainte qu'il laissera un impérissable souvenir dans la tête de tous ceux qui l'auront vu.

 

4e  

Voir les commentaires

Faire l'amour

On aura rarement, dans le monde du cinéma, vécu pire ratage que Faire l'amour.

Résumons-nous : le premier film de Djinn Carrénard, Donoma, promis à ne pas exister, trouve finalement le chemin du (relatif) succès, via un marketing zarbi et le coup de foudre d'un certain nombre de spectateurs, dont votre serviteur énamouré, voir ma critique.

Le deuxième film du jeune prodige black d'origine haïtienne (on pensait tenir le Spike Lee francophone) est attendu avec la dernière impatience. Les Cahiers du Cinéma l'annonce en tournage parmi les grands noms du cinéma mondial, etc.

Projeté en ouverture de la Semaine de la Critique à Cannes en 2014, le film s'avère être une catastrophe. Il se trouve que j'étais dans la salle ce funeste jour (le 12 mai).

La critique est donc assassine, et comme à chaque fois qu'un film est mal accueilli à Cannes, il se passe deux choses : on annonce un nouveau montage, et la sortie est sans cesse retardée, ce qu'on comprend, puisque tout le monde sait que le film va se faire descendre. 

Deux ans après sa projection sur la Croisette, Faire L'Amour sort en salle et le résultat est sans appel : cinq critiques presse seulement et 2,2 de moyenne, une catastrophe sans précédent.

Alors si vous voulez vraiment mon avis, le voici. Le début du film est génial, et puis tout à coup, on déteste les deux personnages principaux, et ça, c'est un gros, gros problème. Le film semble devenir un vaudeville bancal et peu original. Les disputes sont horripilantes. Malgré quelques fulgurances, ce qu'on retient c'est que les personnages sont antipathiques et que le film est agressif par ses répétitions incessantes et ses approximations coupables. 

La mise en scène, qui paraissait inspirée dans Donoma semble ici maniérée. Le film tente de convaincre avec un souffle épique mais retombe comme un soufflé incroyablement raté. C'est triste à mourrir, en espérant que le cinéaste puisse se relever d'un pareil échec.

Djinn Carrénard sur Christoblog : Donoma (****)

 

1e

Voir les commentaires

The assassin

Evidemment, aller voir un film de Hou Hsiao-Hsien un vendredi soir à 21 heures, après une semaine crevante, ce n'était pas une très bonne idée.

Donc j'ai dormi. Mais pas tout le temps. 

Au début, j'ai essayé de comprendre ce que je voyais, mais mon pauvre cerveau épuisé a vite abandonné. Pas facile d'établir des relations narratives logiques entre ces différents princes, gouverneurs, chevaliers, et autres dignitaires, dont les émotions et les volontés m'ont semblé indéchiffrables.

En réalité, le fait de comprendre quelque chose importe probablement peu, les adeptes du maître de la lenteur taïwanais diront peut-être qu'il s'agit de se laisser porter par l'atmosphère envoûtante des tableaux proposés.

Pour ma part, j'ai été peu sensible aux qualités esthétiques du film, pourtant louées unanimement comme exceptionnelles. Certes, certains plans sont plutôt réussis et poétiques, mais pas plus que dans beaucoup de films.

Ses qualités plastiques ne suffisent en tout cas pas à compenser l'ennui profond que génère la vision de The assassin : dialogues clairsemés, longues plages de silence et d'immobilité (certainement signifiant à un degré qui m'est inconnu), mouvements  des personnages au ralenti, etc.

Le début du film fut pour moi un calvaire : impatiences dans les jambes, envie d'assassiner mon voisin de devant et d'énucléer à la petite cuillère celui de derrière qui mangeait des bonbons, tentation d'hurler et de vociférer en me tapant la tête contre les murs.

La seconde partie fut plus supportable : je n'ai plus vu du film que des tranches de trente secondes toutes les trois minutes.

 

1e

Voir les commentaires

False Flag

Si vous êtes nostalgique du rythme haletant et des rebondissements à tiroir de 24 h chrono, cette nouvelle série israélienne est pour vous.

Le pitch de départ est captivant : cinq citoyens israéliens (a priori innocents et ne se connaissant pas entre eux) sont accusés d'avoir enlevé un dignitaire iranien à Moscou.

A partir de cette idée improbable les showrunners Amit Cohen et Maria Feldman déroulent un thriller impeccable et tendu comme un arc, chaque épisode débutant exactement au moment où le précédent se terminait : l'adrénaline générée par cet écoulement du temps en accéléré est excatement de la même nature que celle que proposait la saga de Jack Bauer (24h).

L'addiction est forte, les éléments apparaissant au fil de l'histoire nous aspirant vers la suite. Les acteurs sont convaincants et la mise en scène très solide. Il y a un savoir-faire israélien dans la confection de thriller politique ambigu qui est maintenant une évidence : rappelons que Homeland est un remake de la série israélienne Hatufim.

Seuls petits bémols à mon enthousiasme : certains personnages sont esquissés de façon vraiment grossière (celui d'Eytan Kopel par exemple), certains dialogues sont un peu simplistes et la résolution de l'intrigue n'est que très partiellement satisfaisante, ce qui est un peu embêtant pour une série "à pitch". Autrement dit, on ne comprend pas vraiment tout de ce qu'on vient de voir.

La dernière image du dernier épisode laisse présager une suite : on peut donc espérer que la saison 2 apporte des éclaircissements sur les évènements de la saison 1.

En attendant, le doute profite à False Flag, dont la première partie de la saison 1 est réellement captivante.

 

3e  

Voir les commentaires

Avé César

Je n'aime pas trop les films des frères Coen. Dans le monde de la cinéphilie, c'est un aveu qu'il vaut mieux faire discrètement, tant le prestige des frérots est grand. 

Lorsque mon avis, souvent tiède, est à l'unisson de la vox populi, comme cette fois-ci, je suis donc un tout petit peu plus à l'aise.

Avé César n'est pas seulement un film mineur des Coen, c'est tout simplement un mauvais film, qui ne parvient jamais à capter notre attention totale.

A la fois parodie excessive sans point de vue et hommage compassé au cinéma, Avé César rassemble tout ce qu'il y a de plus mauvais chez les Coen : un formalisme outrancier (comme la scène du sous-marin, d'un ridicule consommé), une culture élitiste de la private joke et un manque de souffle sur la durée.

Dans le marasme généralisé du film ne surnagent que quelques scènes. Suivant votre sensibilité, vous aimerez soit le passage avec les quatre religieux, soit le moment de comédie musicale, soit l'influence des communistes sur le personnage surjoué de façon pitoyable par Georges Clooney.

Le tout est sans rythme et sans inspiration.

Les frères Coen sur Christoblog : Inside Llewyn Davies (**) /  True grit (*) / No country for old men (**) / Burn after reading (**) / A serious man (*)

 

1e

Voir les commentaires

Tempête

Le cinéma de Samuel Collardey, toujours à la limite du documentaire et de la fiction, est fortement tributaire de la qualité de ses acteurs. 

Dans son avant-dernier film, Comme un lion, je trouvais que tout sonnait faux. Dans Tempête, c'est exactement le contraire qui se produit : l'acteur Dominique Leborne est exceptionnel et son prix d'interprétation à Venise est amplement mérité.

Mais avant d'aller plus loin, il faut décrire le dispositif du film : Dominique Leborne joue son propre rôle, ainsi que ses deux enfants. Tous les trois rejouent leur vie, en quelque sorte scénarisée. Et pour tout dire, il y a du lourd : conditions de vie précaire, divorce qui se passe mal, grossesse non voulue et interrompue pour raison thérapeutique, difficultés de communication en tout genre. On pourrait facilement verser soit dans une thérapie collective sans grand intérêt pour le spectateur, soit dans un auto-apitoiement exhibitioniste qui serait gênant à regarder, soit dans les deux. 

Par miracle, le film évite ces deux écueils : il est parfaitement "regardable" si on ne connaît pas son principe. Sa réussite doit bien sûr au charisme exceptionnel du personnage principal, mais aussi à la mise en scène limpide et assurée de Collardey, et peut-être plus encore à son montage rigoureux, proche de la perfection. Il se dégage de certaines scènes une émotion intense (je pense au dialogue entre le père et la fille vers la fin par exemple) qui m'a rappellé la puissance émotionnelle brute de ... Cassavetes. 

Au-delà de toutes ses qualités, Tempête est également intéressant par ce qu'il montre de la dure condition de pêcheur : peut-être le plus dur des métiers qu'on puisse aujourd'hui exercer.

Une franche réussite.

Samuel Collardey sur Christoblog : Comme un lion (*)

 

3e 

Voir les commentaires

Concours Chala une enfance cubaine (Terminé)

A l'occasion de la sortie le 23 mars de l'excellent Chala, une enfance cubaine, je vous propose de gagner 5 x 2 invitations valables partout en France.

Pour ce faire :

- répondez à la question suivante : "Dans quelle ville se déroule l'action du film ?"

- joignez votre adresse postale

- envoyez moi le tout par ici

avant le 21 mars  20 h.

Un tirage au sort départagera les gagnants.

Vous recevrez ensuite les invitations, envoyées directement par le distributeur.

Voir les commentaires

Aller au festival de Cannes (pour les nuls) N°2

Après l'introduction (Aller au festival de Cannes pour les nuls N°1), je vais aujourd'hui traiter du sujet qui préoccupe tout néophyte cannois : vais-je pouvoir entrer dans la salle où sont projetés les films en compétition ?

La réponse est oui. Et curieusement, voir un film en compétition s'avère ne pas être si difficile que ça, à condition d'y mettre du sien. Voici comment faire.

 

Le Grand Théâtre Lumière

D'abord présentons les lieux. Les films en compétition sont présentés au Grand Théâtre Lumière, une immense salle de 2309 places, composée d'un orchestre et d'un ensemble corbeille / balcon, vertical comme une falaise. Les fauteuils sont très confortables, avec accoudoirs, et les conditions de projection, même en étant situé sur les côtés ou tout en haut, sont optimales tant pour l'image que pour le son. L'écran mesure 19 mètres de large sur 8 mètres de haut.

Le GTL est situé au sommet des fameuses marches, à gauche quand on regarde le Palais depuis la ville. Il y a d'autres marches rouges, plus modestes, à droite, qui mènent à la salle Debussy pour la sélection Un Certain Regard. Entre ces deux volées de marches, c'est l'entrée du Palais proprement dit, que vous ne pourrez pas franchir sans badge.

Chaque film est projeté lors d'une seule journée. Une fois, ou plus souvent deux ou trois fois dans la journée. 

Le GTL accueille aussi d'autres films de la sélection officielle (hors compétition) qui ne sont généralement projeté qu'une seule fois au GTL.

 

Ouais OK, alors comment on entre ?

Peuvent entrer au GTL les détenteurs d'une place obtenue sur l'appli de billetterie, ou qui possède une invitation bleue (cf photo ci-dessous). 

Comme je l'ai dit dans l'article précédent, l'obtention d'une place par le biais de l'appli billetterie est faible pour un Cannes Cinéphiles. Une solution consiste à vous rendre devant le Palais est à mendier une place qu'un Festivalier aurait obtenu par le biais de la billetterie. 

Pourquoi, allez vous me demander, un festivalier me donnerait-il sa place ? Et bien pour la raison suivante : s'il en obtenu une et ne l'utilise pas, il va être sérieusement pénalisé lors de ces demandes suivantes (il faut savoir que vous devez annuler une place obtenue plus d'une heure avant la séance). Au bout de deux "no show", l'accréditation peut même être suspendue.

Donc, si vous avez bien suivi, vous avez compris qu'un festivalier qui aurait une invitation dans son portable, et qui ne pourrait pas assister à la séance, se trouve presque dans l'obligation de trouver quelqu'un à qui la donner. C'est à ce moment précis qu'il faut être là, pour obtenir le précieux sésame, sous forme numérique (le donateur vous transférera un mail avec la place en pièce jointe, ou vous permettra de prendre la place en photo, ou vous la transmettra par tout autre moyen - airdrop entre iPhones, WhatsApp).

Une précision : il faut en théorie être badgé pour entrer avec une invitation, mais une information nichée au fond du site internet du Festival mentionnait en 2023 que si deux personnes présentaient une invitation, il était acceptable qu'une seule présente un badge. Ce point permet donc à un non badgé d'entrer en salle s'il est "accompagné" d'un badge. Certains contrôleurs semblaient en 2023 ne pas connaître cette règle, ce qui a pu causer quelques discussions houleuses dans les files d'attente.

Can3.jpgSachez qu'il existe aussi des invitations bleues, très rares. Celles-ci représentent le Graal puisqu'elles vous permettent d'entrer, même sans badge. Le rêve ! Il est rare d'en voir, mais parfois elles surgissent par paquet  de 5 ou 10 dans les mains de leur détenteur, puisqu'elle sont émises à l'intention de partenaires, d'institutionnels, qui peuvent être soumis à des désistements importants. Lorsqu'on trouve des invitations de ce genre on peut même se retrouver en Orchestre, juste à côté de l'équipe du film et de la box du jury.

 

Mais comment on se les procure exactement, ces billets ?

En les demandant.

Hé oui. L'exercice préféré du cinéphile égaré dans la jungle cannoise est la mendicité. Il faut donc ravaler temporairement tout orgueil mal placé et faire de jolis sourires. Plusieurs techniques existent : vous croiserez des personnes plutôt directes qui errent aux alentours de l'entrée en susurrant "Cherche invitation", "Une invitation siouplait", ou "Tickets please". Je n'aime pas cette méthode, un peu vulgaire, et qui m'a semblé peu efficace. La plupart des chercheurs utilise plutôt une pancarte, un carton, un cahier, ou une ardoise magique sur lequel ils inscrivent simplement le nom du film qu'ils veulent voir. Cela peut paraître incroyable, mais cela marche quasiment toujours.

Quelques conseils : ne cherchez pas de façon générique ("Invitation pour aujourd'hui"), cela ne fonctionne pas. Commencez à chercher 1 heure environ avant l'heure de la séance (les personnes qui ont des billets ne viennent pas plus d'une heure avant devant le Palais). Cherchez un endroit qui vous convienne, ou vous serez le premier que les nouveaux arrivants croiseront, souriez, ne vous découragez pas, et surveillez bien tout le monde (parfois quelqu'un hésite et un regard engageant peut faire la différence).

 

Je veux faire une montée des marches : c'est possible ?

Can4-copie-2.jpgLes "gros films" sont projetés plusieurs fois dans leur journée. Par exemple pour Cosmopolis le 25 mai 2012 : 8:30, 13:00 et 19:30. Si vous en avez le courage, la séance de 8:30 est assez peu fréquentée et il m'a semblé un peu plus facile d'obtenir des invitations. A partir de 18:00, les séances ne sont plus ouvertes qu'aux personnes en tenue de soirée, ce qui signifie robe de soirée pour ces dames et costume noir ou bleu nuit, chemise (de préférence blanche, une autre couleur très claire peut éventuellement passer mais vous vous ferez remarquer et prendrez des risques) et noeud papillon obligatoire (aucune exception n'est autorisée) pour les messieurs. La tenue étant strictement définie, la population des quémandeurs d'invitation change donc de profil sociologique le soir, mais il ne m'a jamais paru beaucoup plus difficile d'entrer, sauf pour les très, très gros films (pour le Tarantino Once upon a time..., par exemple, je n'y suis pas parvenu)

Si c'est la séance en présence de l'équipe du film, généralement 19h ou 19h30, et 22h vous vivrez un moment très spécial. Vous serez au coeur du mythe. Tout le monde s'arrête, se prend en photo, les yeux brillent, les sourires fusent sous les projecteurs, il règne une atmosphère d'excitation joyeuse. Si vous voulez une montée des marches sans costume, tentez celles de 15h réservées aux films en compétition peu glamour (Ceylan, Mungiu, Wang Bing...), il y a beaucoup moins de journalistes et de stars, mais c'est sympa quand même.

Une fois assis dans le GTL, vous verrez sur l'écran de la salle la montée des marches de l'équipe du film, l'accueil par Thierry Frémaux, les séances photo, puis, au moment où les stars disparaissent de l'écran pour franchir une porte, vous réalisez qu'elle le font pour pénétrer dans la salle où vous vous trouvez vous-même. Les 2300 spectateurs endimanchés se lèvent comme une armée de pingouins pour applaudir à tout rompre.

A ce moment là, vous avez oublié l'humiliation de la séance de mendicité forcée de 17h, je vous assure.

Voir aussi : 

Aller au Festival de Cannes pour les nuls #1

Aller au Festival de Cannes pour les nuls #3

Pour les 18/28 ans, un zoom sur le Pass 3 jours à Cannes : Aller au Festival de Cannes pour les nuls #4

 

Voir les commentaires

L'histoire du géant timide

Il arrive qu'on fasse parfois en Festival une découverte bouleversante. Ce fut le cas pour moi au Festival d'Arras 2015, avec Virgin Mountain. Apprendre quelques semaines plus tard que ce film islandais au sujet un peu aride allait être diffusé en France m'a procuré une joie sans mélange : nous sommes bel et bien le pays de la cinéphilie.

Fusi est obèse, et sa libido est faiblarde, pour ne pas dire inexistante. Et le manque de libido, dans notre société, est mal considéré. Donc Fusi a des problèmes : quand il refuse une pute gentiment offerte par ses collègues de boulot, ou quand il sympathise avec une petite fille et qu'on le soupçonne immédiatement de pédophilie.

Fusi n'est pas stupide. Fusi n'est même pas gentil. Fusi regarde les autres êtres humains avec bienveillance. Il n'aime pas aller vite, il prend son temps. C'est un taiseux, un contemplatif, un manuel, un patient. Il a l'intelligence pratique. Il est un personnage magnifique, un des plus beaux que le cinéma nous ait donné récemment.

Le réalisateur islandais du film, Dagur Kari, possède un talent solide, et il dirige très bien ses acteurs. L'immersion dans la réalité islandaise est très efficace (c'est gris !).

L'histoire du géant timide est un film qu'il faut absolument découvrir, sorte de leçon de choses sur la nature humaine, et formidable introduction à l'état d'esprit islandais, dont le parler-vrai flirte toujours avec la brutalité : "Merci de ne m'avoir pas tuée", dit la jeune femme à Fusi qui l'a ramenée chez elle !

Une pépite.

L'islande sur Christoblog : Béliers (****)

 

3e 

Voir les commentaires

Aller au festival de Cannes (pour les nuls) N°3

Pour ce dernier épisode nous allons nous intéresser aux sections parallèles, après un bref retour sur le Grand Théâtre Lumière.

 

Ultimes recommandations pour entrer en sélection officielle au GTL

Dans le N° précédent je vous indiquais comment entrer dans le GTL. 

Une fois à l'intérieur ne tardez pas trop à entrer dans la salle proprement dite, il m'est arrivé que les portes se ferment devant moi parce que le GTL était plein. Dans ce cas on peut vous emmener dans une salle annexe (Bazin par exemple) où le film sera projeté également, mais l'ambiance n'est pas la même, évidemment. Ce cas est rarissime.

Dernier conseil : vous pouvez entrer avec un petit sac à dos, mais sans eau dedans, ni appareil photo. Sinon on vous demandera de laisser votre sac au vestiaire. J'ai déjà vu des contrôleur un peu pointilleux refuser l'accès pour un sac à dos un peu trop gros, pour la montée de 19h. Il y a une fouille des sacs et des détecteurs de métaux à l'entrée. Pas de parapluies volumineux autorisés non plus. Evitez de laisser des choses à la consigne, vous risquez de perdre du temps à la sortie, et le temps est parfois précieux pour ne pas rater une séance.

 

La Quinzaine des Réalisateurs

Can7.jpgLa Quinzaine sera probablement votre deuxième cible privilégiée. D'abord parce qu'il existe un coupe-file particulièrement efficace : l'achat de billet ! C'est la seule billeterie que vous verrez à Cannes. Vous pouvez pour 7€ (ou un peu moins si vous en achetez 5 ou 10) prendre la file d'attente qui vous permet de rentrer après les badges prioritaires, mais en même temps que les badges Festival, si vous n'avez pas obtenu de place par l'application billetterie. Le site de la Quinzaine annonce que l'achat peu se faire par l'appli de la billeterie "Grand public" mais je ne suis jamais parvenu à le faire. Rendez vous plutôt au théâtre Croisette. 

L'ambiance est particulièrement sympathique à la Quinzaine. L'équipe du film est souvent présente et la salle du Théâtre Croisette est très confortable. Enfin, si vous ratez une séance, possibilité de rattrapage au cinéma Les Arcades, au Studio 13, à la Licorne ou au Raimu. Consultez le programme spécifique de la Quinzaine pour avoir le programme dans ces salles annexes (ou la billeterie informatique)

 

La Semaine de la Critique

can6.jpgA l'inverse de la Quinzaine, la Semaine ne possède pas de billetterie grand public. Il y a aussi moins de séances et des rediffusions moins importantes que la Quinzaine. 

Si vous vous y prenez à l'avance, quelques places sont données gratuitement pour les séances des jours à venir dans le petit kiosque en face de l'entrée, mais vous passez aussi après les Festivaliers dans ce cas là.

Un bon plan pour la Semaine est d'aller voir les films primés le jeudi après-midi de la deuxième semaine. L'accès est facile par l'application de billetterie ce jour-là, car la plupart des Festivaliers sont partis.

 

Les autres sélections du festival de Cannes proprement dit

Can8Il est assez facile de se procurer des billets pour les films en sélection hors compétition (sauf les têtes d'affiche évidemment), ainsi que pour les séances de minuit. La deuxième sélection du Festival, Un certain Regard, est aussi possible.

Des places pour Cannes Classic sont distribuées le matin à l'Espace Cinéphiles, et l'accès au cinéma de la Plage est ouvert à tous.

Les Séances du lendemain qui reprennent les films en compétition et parfois d'Un certain regard sont désormais accessibles au badge Cannes Cinéphiles. Elles se déroulent dans des salles à l'intérieur du Palais (Varda principalement).

 

Conseils génériques...

Vous avez compris qu'il vous faudra, pour réussir votre Festival de Cannes, beaucoup de patience, notamment pour l'utilisation de la billetterie et la recherche de place. Faire la queue est une des occupations principales. Il est plaisant d'arriver 30 minutes avant le début de la séance pour choisir sa place (car très peu de places sont numérotées). Les queues sont des endroits où l'on discute volontiers avec son voisin. Tous les spectateurs présents à Cannes sont, soit des professionnels (dont beaucoup d'anglophones), soit des mordus. On est donc entre connaisseurs, et comme chacun voit beaucoup de films, les discussions peuvent être très longues. Prévoyez ce qu'il faut : lecture, smartphones bien chargés (avec batterie portable éventuellement), parapluie et/ou couvre-chef, nourriture et eau. 

Il vous faut préparer votre voyage très à l'avance : les logements (hôtel, apparts, meublés) et les billets d'avions doivent être réservés dès janvier pour obtenir des prix abordables. Eviter de loger trop loin du centre car une fois parti vous verrez qu'il est difficile de repasser à son logement : les séances s'enchaînent beaucoup trop vite.  On est vite tenter de sauter des repas, ce qui n'est pas bon du tout pour tenir la distance. Si on prévoit de tenter la montée des marches, il faut prévoir la tenue dès le matin si on ne peut rentrer se changer.

Avant votre départ, vous pouvez imprimer à partir d'Internet tous les programmes de toutes les manifestations mentionnées ci-dessus et commencer à vous fixer des objectifs. Pour ma part j'utilise la grille Wask, mise à disposition quelques jours avant le début du Festival par @snooptom sur Twitter.

Merci à ceux qui m'auront lu jusqu'au bout.

 

Voir aussi :

Aller au Festival de Cannes pour les nuls #1

Aller au Festival de Cannes pour les nuls #2

Pour les 18/28 ans, un zoom sur le Pass 3 jours à Cannes : Aller au Festival de Cannes pour les nuls #4

 

Voir les commentaires