Mad men (Saison 2)
Ouh là là, j'entends déjà ceux qui vont dire qu'ils ont déjà vu la Saison 4 de Mad men, et que je suis bien lent, et ta ta ti et ta ta ta.
A ceux là, je répondrai que cette série mérite qu'on prenne son temps, justement. Dans ma chronique de la saison 1, je soulignais combien la série était atypique, proposant plus une ambiance qu'une intrigue.
Ceci reste vrai dans la Saison 2. Pas de cliffhanger dans Mad men, mais plutôt une sensation que le temps s'écoule avec un coefficient de viscosité important. Si l'intrigue reste minimaliste (les contrats des publicitaires s'égrènent d'une façon mécanique, mais intéressante, reflétant les mouvements de fond d'une époque), ce sont les caractères des personnages qui parviennent ici à acquérir une épaisseur psychologique de plus en plus convaincante.
Prenons le cas de Peggy Olson, par exemple, particulièrement représentative de la modernité introduisant le paradoxe chez la femme (ou l'inverse). Ou celui de Salvatore, qui découvre une homosexualité refoulée - alors qu'un petit jeunot sans complexe professionnel affiche la sienne ouvertement. Tous les personnages dans cette saison s'épanouissent comme des fleurs carnivores, capiteuses, ridicules, touchantes, humaines.
Don Draper, au milieu de cette humanité balzacienne en marche apparaît comme un trou noir. Qui est-il : on ne le sait pas vraiment, et cette saison n'apporte que des embryons de résolution à cette énigme. Que veut-il ? Que ressent-il ? On ne le sait pas non plus, tant sa conduite parait être celui d'un sex addict égaré dans une époque qui ne le comprend pas, et qu'il ne comprend pas.
Si dans cette saison les personnages prennent chacun (enfin) toute leur épaisseur, que dire de la fabuleuse qualité de la reconstitution, et de l'extraordinaire travail sur les couleurs, les textures, les musiques, les chatoiement du temps. C'est à un régal proustien que nous convie Mad men : émerveillement de voir une époque entière surgissant sous nos yeux, zébrée d'apperçus de modernité (la mort de Marilyn, la Baie des cochons, les premiers concert de Dylan), qui pour nous étaient jusqu'alors moins que des souvenirs : de simples traces.
Mad men réussit un tour de force : nous faire tellement sentir présent le passé, que l'avenir d'alors semble irréel.
Cette saison atteint des sommets de bizarrerie élégante et éthérée dans son escapade californienne, absolument géniale et filmée d'une façon magistrale, cinématographique et acidulée. Du grand art.
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