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Christoblog

Articles avec #mathieu amalric

Mars express

Le principal intérêt du film d'animation de Jérémie Périn est le monde du futur qu'il décrit : on a envie de se promener à l'infini dans ce décor dans lequel chaque détail mérite l'attention.

Il y a bien sûr les paysages superbes de cette ville construite sous cloche sur Mars, tantôt dépouillés, tantôt très urbains, mais aussi mille merveilles technologiques qui donnent lieu à de belles idées de mise en scène ou de scénario (répliques d'êtres humains, créatures à moitié robotiques, fantômes d'humains décédés revivant dans des machines, reconstitutions vidéos en 3D, chat qui peut changer de peau...).

Cet environnement est particulièrement réussi, tant du point de vue de sa cohérence que de son aspect esthétique, vraiment de toute beauté. L'animation est très réussie. 

Pour le reste, Mars express ne présente quasiment pas d'intérêt. Il propose une histoire qui reprend l'ambiance des grands romans noirs américains (j'ai pensé très fort à Dashiell Hammet), appliquée à des thématiques inspirées d'Asimov et de Philip K. Dick. Quelques jours après avoir vu le film, j'ai quasiment tout oublié de ses péripéties.

Difficile de le conseiller, même si je ne regrette pas de l'avoir vu : à vous de voir, en fonction de votre appétence pour la SF d'une part, et pour les films d'animation pour adulte d'autre part.

 

2e

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Une année difficile

Avec ce nouveau film, Eric Toledano et Olivier Nakache confirment qu'il sont bien le mètre étalon de la comédie sociétale française, bien troussée et pas vulgaire.

Certes, on n'explose pas de rire à la vision d'Une année difficile, mais on sourit pratiquement tout du long, tellement l'attention portée aux détails et aux personnages est grande.

Comme souvent, le duo parvient à explorer avec beaucoup d'acuité et de tendresse deux thématiques actuelles intéressantes (le surendettement et l'éco-anxiété), tout en décrivant le parcours de personnages auxquels on s'attache instantanément. 

Au crédit du film il faut porter l'alchimie du duo Pio Marmaï / Jonathan Cohen, incroyablement efficace, rehaussée par la présence magnétique de Noémie Merland. L'écriture est quant à elle toujours aussi millimétrique.

Un très bon moment sans prétention, dont on sort ragaillardi et de bonne humeur (les séances du générique de fin sont de petites merveilles d'écriture optimiste).

Eric Tolédano et Olivier Nakache sur Christoblog : Intouchables - 2011 (***) / Samba - 2015 (**) / Le sens de la fête - 2018 (**) / Hors norme - 2019 (***)

 

2e

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Vers un avenir radieux

En 2021, Nanni Moretti s'était révélé sacrément mauvais perdant, en déclarant à propos de la Palme d'or, Titane : "Vieillir soudainement. Ca arrive. Surtout quand un de vos films participe à un festival. Et qu’il ne gagne pas. Et au lieu de ça, c’est un autre film qui gagne dont le premier rôle tombe enceinte d’une Cadillac. Tu vieillis d’un coup. Bien sûr."

Impossible pour moi de ne pas repenser à cette déclaration lors des scènes de Vers un avenir radieux dans lesquelles Moretti s'énerve contre un réalisateur tournant ce qu'il juge être des scènes de violences gratuites. 

A ce moment-là, le réalisateur italien semble effectivement tout à coup pencher du côté de la ringardise : sa charge grossière contre un cinéma spectaculaire et violent (qui est celui de Ducourneau, Bong Joon-Ho ou même Tarantino) tombe à plat, révélant probablement ce qu'il pense vraiment sous couvert d'un second degré bien commode.

Tout le dernier film de Moretti m'a paru triste, expression désabusée d'une longue boursouflure d'ego, ressassant des obsessions qui étaient charmantes à l'époque de Journal intime (les balades en deux roues dans le quartier, le communisme), mais sont devenues désormais plutôt énervantes. Comme un vieil oncle dont les plaisanteries entendues mille fois ne font plus rire. Avec le temps, le caractère acariâtre de Moretti, qui charmait à ses débuts par son caractère asocial et original, est devenu une rengaine sans grâce de vieil homme, ne proposant plus grand-chose de neuf.

L'autodérision n'est pas charmante quand elle n'est plus légère. 

Je ne mets pas la note la plus basse parce que je remémore les attachements passés, et que le ton Moretti fait encore ponctuellement mouche (comme lors de la scène chez l'ambassadeur), mais j'ai été déçu. 

Nanni Moretti sur Christoblog : Habemus papam - 2011 (*) / Mia madre - 2015 (****) / Tre piani - 2021 (**)

 

2e

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The French Dispatch

A force de faire des films avec un rapporteur et un compas, Wes Anderson finit par oublier  que le cinéma est avant tout histoire de sensations.

Dans ce film manifeste qui se veut d'une certaine façon le couronnement d'une "méthode", le cinéaste américain multiplie les vignettes, d'une qualité inégale.

La première des trois histoires est assez plaisante, grâce à Léa Seydoux, Del Toro et Brody. La seconde est faible : je n'y ai vraiment rien trouvé d'intéressant et Lyna Khoudri n'est malheureusement pas à sa place, au milieu du casting le plus prestigieux qu'on ait peut-être jamais vu. Quant au troisième récit, il concentre le pire de ce qu'on peut reprocher au film : les procédés de Wes Anderson y deviennent des recettes éculées, servies par un style compassé, qui peut encore toutefois faire mouche. 

Trop d'idées, trop de plans, trop d'infos dans chaque plan, trop de détails, trop de langues, trop d'intentions, trop de caricatures. Et pas assez d'émotions. Le contraste avec le film précédent d'Anderson, L'île aux chiens, exigeant, simple et sombre, est frappant.

Wes Anderson sur Christoblog : La vie aquatique - 2003 (*) / A bord du Darjeeling Limited - 2007 (***) / Fantastic Mr. Fox - 2009 (****) / Moonrise kingdom - 2012 (****) / The grand Budapest hotel - 2013 (**)  / L'île aux chiens - 2018 (****)

 

2e

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Tralala

A l'évidence, il faut être sensible au cinéma à la fois transgressif et amical des Larrieu et/ou aimer les oeuvres barrées pour apprécier Tralala.

En ce qui me concerne je coche les deux cases. Pas d'hésitation, vous êtes bien dans le même univers que 21 nuits avec Pattie : des situations improbables, de la cocasserie, un petit air champêtre, le plaisir sexuel féminin mis à l'honneur. La patte de la fratrie est bien là, dans sa veine comédie, exaltant le plaisir de vivre et l'amitié, et ne reculant pas devant une mise en avant benoîte du mauvais goût (ici, le décor incroyable de Lourdes, par ailleurs ville natale des cinéastes).

Au-delà du script barré (un clochard se fait passé pour un fils disparu, façon Martin Guerre), le traitement vaut aussi le détour. Le film est en effet une comédie musicale écrite par, excusez du peu, Dominique A, Philippe Katerine, Etienne Daho, Jeanne Cherhal, Bertrand Belin ! Ce dernier impose d'ailleurs en tant qu'acteur sa présence magnétique. Quelques passages sont délicieux, dont celui chanté par Mélanie Thierry (cf ci-dessus), véritablement explosive.

Bref, j'ai pris mon pied en étant tour à tour ému, surpris et séduit, mais je ne vous garantis pas que ce sera la même chose pour vous.

 

3e

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Serre-moi fort

Comme souvent chez Amalric, on ne comprend d'abord rien à ce qu'on voit.

Si on ne connait pas le synopsis du film, ce qui était mon cas, il faut attendre une petite heure pour commencer à saisir de quoi il est question. Amalric malaxe dans son creuset poétique sons, images, temporalités, vivants et morts, souvenirs et rêves. C'est le plus souvent exaspérant, et parfois beau.

De cette sophistication inutile, on ne retient au final pas grand-chose, si ce n'est quelques éclairs lancés à travers le jeu de Vicky Krieps, malheureusement un peu bridée dans un rôle dans lequel elle ne peut pas faire grand-chose d'autre que la "veuve éplorée qui rêvasse en triant les photos". Quand les acteurs peuvent se lâcher un peu (la scène de la boîte de nuit et quelques autres), Serre-moi fort prend une toute autre dimension, moins doloriste et plus sensible. Ces moments sont malheureusement trop rares.

Beau, mais froid.

 

2e

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J'accuse

Le principal intérêt du film de Polanski est de raconter froidement le déroulement de l'affaire Dreyfus, vu du côté de l'enquêteur Picquart. 

L'aspect didactique du film, qui m'a fait enfin comprendre de quoi il retournait de façon parfaitement limpide, est donc sa qualité principale. La réalisation, sage et efficace, parfois un peu maladroite, n'est pas spécialement à remarquer.

C'est plutôt du côté de l'interprétation qu'il faut chercher les points forts de J'accuse. Si Emmanuelle Seigner est toujours aussi nulle (si elle n'était pas la femme de Polanski, elle ne serait évidemment pas là), le reste du casting est assez impressionnant, avec une pléiade d'acteurs de la Comédie Française, et un Jean Dujardin absolument parfait, sec comme un coup de trique. Sous son influence, le film semble filer vers son dénouement comme une flèche, tendu et ramassé, parfaitement servi par la musique obsédante d'Alexandre Desplat.

Le film donne aussi - et surtout - à penser : la rectitude morale et la volonté de justice sont des sentiments assez forts pour qu'un homme borné et raciste adopte une attitude de Juste. C'est vertigineux.

 

3e

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Le bureau des légendes

Je me demande comment j'ai pu passé aussi longtemps à côté du Bureau des légendes, incontestablement la meilleure série française que j'ai vue jusqu'à présent. 

Après avoir avalé à la suite les cinquante épisodes des quatre saisons, ce qui m'impressionne le plus, c'est la constance dans la qualité. Pas beaucoup de baisses de régime en effet, sauf peut-être dans la deuxième partie de la quatrième saison, qui semble un peu expédiée. 

A part ce petit coup de mou, d'ailleurs tout relatif, la série brille par ses qualités, dont la plus impressionnante à mes yeux est sa qualité d'écriture. Les trajectoires des personnages sont en effet complexes, les évènements difficilement prévisibles, l'intrication des arcs narratifs subtile et addictive. 

La mise en scène d'Eric Rochant est à la hauteur de ce qu'on voit de mieux au cinéma. Les décors sont superbes, les scènes d'action prenantes. Il se dégage des mondes que l'on croise dans la série, et qui sont très divers (la violence des tortures, l'univers feutré de la DGSE, la vie quotidienne des banlieues), un sentiment de réalité. Que l'on parcourt les rue de Raqqa ou qu'on folâtre au bord de la piscine d'un riche iranien, on éprouve une impression d'immersion extraordinaire.

Je n'ai pas été par contre convaincu par les deux derniers épisodes de la saison 5, confiés à Jacques Audiard : j'ai trouvé que la finesse de Rochant s'effaçait trop devant l'efficacité pachydermique d'Audiard (à l'image de ce gros plan sur le feu rouge qui indique clairement la façon dont se terminera cette saison).

Si Le bureau des légendes mérite tous les louanges qui lui sont adressés, c'est aussi grâce à son casting impressionnant, digne là encore d'un très bon film de cinéma : outre un Mathieu Kassovitz réellement magnétique, on se régale à retrouver Florence Loiret-Caille (si bonne chez Solveig Anspach), Léa Drucker (récemment césarisée à juste titre), Sara Giraudeau, Mathieu Amalric, et Jean-Pierre Darroussin, absolument formidable. Même Louis Garrel et Mathieu Amalric, qui peuvent souvent m'énerver dans leur composition, trouvent ici un ton absolument juste. Le moindre second - ou troisième - rôle semble toujours judicieusement choisi.

Une autre grande qualité de la série est de coller parfaitement à l'actualité. Chaque saison aborde avec justesse et précision un aspect spécifique : découverte du monde de l'espionnage, Français s'enrôlant chez Daesh, développement des techniques de cyber-espionnage (même si on n'y comprend pas grand-chose), relations entre les services secrets des différents pays.

En ne sacrifiant jamais au pittoresque, tout en ménageant les effets qu'on attend d'une bonne série (destin tragique de certains personnages, cliffhangers), la série phare de Canal+ réalise le programme d'une excellente série : divertir, intriguer, enrichir. 

J'espère de tout coeur que l'aventure va se poursuivre, et j'envie ceux qui n'ont pas encore eu le plaisir de se plonger dans le monde impitoyable du Bureau des légendes.

 

4e 

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Le grand bain

Il y a une chance pour que Le grand bain devienne la comédie référence de son temps, comme le furent La grande vadrouille, Le dîner de cons ou Intouchables.

Le film de Gilles Lellouche partage en effet avec ses illustres prédécesseurs quelques points communs : un casting haut de gamme, des interprétations magistrales, une rigueur d'écriture jamais prise en défaut et surtout cet incroyable mélange de rire et de tendresse pour les cabossés de la vie, qui semble faire le sel de la comédie à la française.

Peu auraient pourtant parié sur la réussite de ce film, en avril 2018, juste avant qu'il soit sélectionné par Thierry Frémaux pour le Festival de Cannes. En traînant depuis le début de sa carrière d'acteur l'image du copain viril dans la bande de Guillaume Canet, Gilles Lellouche avait fini par se confondre avec ses personnages. On en avait oublié qu'il avait été réalisateur et scénariste avant d'être acteur. L'excellent accueil de la critique et des festivaliers cannois a donc surpris tout le monde, et peut-être même Lellouche lui-même.

Dans le genre feel-good buddy movie, Le grand bain est quasiment parfait. Si chaque acteur est globalement employé dans le registre qui lui convient habituellement, la tonalité générale du film est elle plutôt originale : il n'est pas si évident de prétendre narrer la reconstruction d'égos masculins malmenés à travers une activité particulièrement féminine (rappelons que la natation synchronisée est avec la GRS la seule discipline olympique exclusivement féminine). Il y a donc chez Lellouche une démarche plutôt gonflée, qui séduit par l'équilibre général du projet. Les acteurs, s'ils appuient sur le champignon, ne semblent jamais cabotiner, à l'image d'un Philippe Katerine excellentissime.

Le film prend bien le temps d'installer ses personnages, ce qui met encore plus en valeur le décollage jouissif de la seconde partie, durant laquelle Le grand bain devient irrésistiblement entraînant, Full Monty aquatique pour cinquantenaires. 

Un spectacle de très haut niveau (servi par des moyens très conséquents), à haut potentiel comique et lacrymal.

 

3e

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Demain et tous les autres jours

Comme souvent chez Noémie Lvovsky, le charme de Demain et tous les autres jours repose sur des éléments assez peu spectaculaires, mais très efficaces en terme de plaisir cinématographique : une interprétation émouvante, un scénario solide, une mise en scène robuste, un montage alerte.

Le parti-pris du film (raconter les rapports mère / fille entre une petite fille et sa mère dérangée, à travers les yeux de l'enfant) est a priori casse-gueule. On imagine le pathos rôdant, prêt à s'emparer de l'intrigue. Il est remarquable de constater que Noémie Lvovsky évite toutes les embûches pour au final fournir une copie bien équilibrée.

La grande qualité du film repose sur la prestation ébouriffante de la jeune actrice Luce Rodriguez, dont l'énergie et la rectitude forcent l'admiration. 

Le film évolue sur un fil tendu entre deux précipices (celui du ridicule - faire parler une chouette apprivoisée - et celui de la sensiblerie) : en évitant de tomber dans l'un ou l'autre, Noémie Lvovsky confirme ses talents de réalisatrice sensible.

Il serait dommage de le rater, d'autant plus que Mathieu Amalric ne cabotine dans ce film. Pour une fois.

Noémie Lvovsky sur Christoblog : Camille redouble - 2012 (****)

 

3e

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Le secret de la chambre noire

C'est toujours difficile de voir un auteur qu'on respecte se planter. Je suis donc triste de dire que le dernier opus de Kiyoshi Kurosawa est vraiment très mauvais. 

Le réalisateur japonais rejoint la longue liste des réalisateurs étrangers dont le talent semble s'affadir irrésistiblement quand ils viennent tourner dans des productions françaises, avec des acteurs français (Kieslowski, Kiarostami, Hou Hsiao Hsien, Farhadi, etc).

Certes, la mise  en scène de Kurosawa reste d'une fluidité et d'une élégance souveraine. On le constate dès les premiers plans, d'une grande beauté. Mais malheureusement, le film se gâte progressivement, par l'effet conjugué de ses deux défauts principaux : des erreurs de casting majeures et un scénario approximatif.

En terme de casting, je vais être clair. Tahar Rahim est nul, confiné une fois de plus dans ce rôle de petite frappe limitée et un peu sotte, dont il ne sait (peut ?) pas sortir. Olivier Gourmet est moins bon que d'habitude. Il semble très mal dirigé, à l'image de cette scène où il joue un état d'ivresse avec beaucoup d'approximations. Constance Rousseau est transparente à force d'être diaphane.

Le scénario, quant à lui, semble écrit à la truelle. Rien ne tient, tout est critiquable. L'évolution psychologique des personnages est hautement improbable et les histoires de fantômes ne répondent à aucune logique (vu la fin du film, il faudra qu'on m'explique la scène du début durant laquelle Marie rencontre un recruteur au Jardin Botanique).

Ajoutez à tout cela des effets indignes de Kurosawa (portes qui grincent, parquets qui craquent, chuchotement des morts qui flottent dans l'espace) et vous aurez bel et bien le pire opus du maître japonais.

Kiyoshi Kurosawa sur Christoblog : Kairo - 2001 (**) / Shokuzai - 2012 (****) / Real - 2012 (**) / Vers l'autre rive - 2015 (**)

 

1e

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La loi de la jungle

Il y a une sorte de coolitude à être fan de La loi de jungle, si l'on en juge par les critiques hype, tendance Inrocks + Cahiers.

Curieusement, ce que les partisans du film aiment, ce sont ses défauts : un aspect bricolage de gags avec les moyens du bord, un burlesque qui s'assume dans l'approximation, un mélange des genres complètement foutraque et des références régressives qui échapperont à la plupart des spectateurs (la musique de Goldorak par exemple).

Pour ma part, je n'ai jamais vraiment accroché avec les très grosses blagues du film. Macaigne fait du Macaigne et Vimala Pons de l'Audrey Tautou sous acide. Ils sont assez convaincants tous les deux, contrairement aux seconds rôles qui semblent égarés dans la jungle de ce film : un Mathieu Amalric très mauvais, un Pascal Legitimus en perdition. 

L'aspect lunaire et poétique du précédent film d'Antonin Peretjatko est ici sacrifié au profit d'une tonalité plus fantasque et plus basiquement politique. Le nombre d'idées par plan est tellement énorme que certaines finissent tout de même par faire sourire (la scène d'aphrodisiaque, quelques gags purement visuels, les animaux), même si la majorité tombent à plat.

La loi de jungle manque de rythme, et souffre de trop d'imperfections pour être aussi drôle qu'il prétend l'être. Peretjatko semble plus doué pour avoir des idées que pour les concrétiser.

Antonin Peretjatko sur Christoblog : La fille du 14 juillet (**)

 

2e

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La vie très privée de Monsieur Sim

Michel Leclerc était pour moi jusqu'à présent un excellent auteur de comédie, peut-être le meilleur en activité en France aujourd'hui.

Avec ce dernier film, il change un peu de registre.

La vie très privée de Monsieur Sim commence comme une ode enjouée à la médiocrité, particulièrement réussie grâce à l'interprétation exceptionnelle de Jean Pierre Bacri. Idiot, attachant, crédule, et accessoirement très vieilli, Bacri joue une partition qui est assez originale pour lui, plus habitué qu'il est à jouer un autre type de solitaires : le bougon aigri.

Si le début du film est simplement plaisant à regarder, la deuxième partie devient captivante. Le road movie tragico-comique se transforme en quête des origines particulièrement déstabilisante. C'est la beauté d'un scénario élaboré (et tiré d'un roman du grand Johnatan Coe) que de nous entraîner vers l'obscurité, la tristesse et le sentiment de ne pas devoir être au monde.

La farce qu'aurait pu être le film se transmute en rêverie presque lynchienne : c'est l'incroyable réussite du film. 

Michel Leclerc sur Christoblog : Le nom des autres (**) / Télé Gaucho (***)

 

3e

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Belles familles

Le nouveau film de Jean Paul Rappeneau (83 ans, une fois de plus, la preuve que le cinéma conserve) vaut surtout pour son rythme.

Le scénario s'agite, le montage pétille, la caméra virevolte.

Difficile de ne pas voir cependant ce que le film a d'artificiel et d'engoncé : les dialogues sont souvent ridicules, les seconds rôles absurdement caricaturaux, les situations fort peu originales.

Le prestigieux casting fournit une prestation inégale. Détaillons un petit peu. 

Mathieu Amalric : 2/5, pour peu qu'on accepte son style habituel "ébahi à qui on ne la fait pas, regard en coin de séducteur", il est correct. Gilles Lellouch : 4/5, idéal dans son rôle (mais en est-ce un ?) de beauf lourdingue. Marine Vacth : 0/5, à son avantage dans les scènes où elle ne parle pas, ne bouge pas, et où on la voit de dos. Nicole Garcia : 2/5, insupportable au début, acceptable à la fin. André Dussollier : 5/5, parfait. Karine Viard : 4/5, comme d'habitude convaincante, même si elle n'utilise qu'une expression. Guillaume de Tonquédec : 1/5, force son jeu.

Si on lui enlève ses bulles, Belles familles s'avère n'être qu'une piquette sans beaucoup d'attraits. La fin est particulièrement pénible, la musique semble émerger d'un siècle passé, et l'incurie de certaines péripéties gâche l'émotion qui pourrait surgir de cette recherche de la figure paternelle. 

Un beau gâchis.

 

1e

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Trois souvenirs de ma jeunesse

Il y a de plus en plus un air de Truffaut dans le cinéma de Desplechin. 

Je ne parle pas seulement de ce qui a été si souvent signalé : l'identification entre Desplechin / son personnage récurrent Paul Dedalus / son alter ego Mathieu Amalric, qui ressemble par bien des aspects au trio Truffaut / Antoine Doinel / Jean Pierre Léaud.

Je veux plutôt évoquer cette façon de faire du cinéma qui m'apparaissait souvent chez Truffaut comme anti-moderne. Alors que bien des cinéastes expérimentaient des formes plastiques radicalement modernes, Truffaut filmait tranquillement des histoires à l'ancienne, alternant simplement les sujets et les styles. 

Desplechin fait la même chose : après un épisode américain sur un sujet très spécifique (Jimmy P.), le voici de retour dans un genre qui lui colle à la peau, le drame romantique au long cours. Il y a dans Trois souvenirs de la jeunesse des afféteries passéistes qui se moquent de la modernité en souhaitant probablement nous replonger dans l'époque (ce split screen 70's, ces fermetures et ouvertures à l'iris entre les plans).

Et puis, Desplechin comme Truffaut, s'avèrent être avant tout des cinéastes de l'Amour. Si le premier et le deuxième souvenirs de ce film sont agréables à regarder (mais somme toute anecdotiques), c'est bien dans le troisième et long volet que Desplechin trouve à exprimer son souffle dramatique et romantique. 

Il faut le dire : le personnage joué par Lou Roy Lecollinet est un magnifique personnage de cinéma. D'abord sirène hyper sexuée dominant une tribu de petits cons qui paraissent avoir 10 ans de moins qu'elle, elle devient progressiment une amoureuse transie, puis une provinciale délaissée par un jeune homme qui fait son chemin intellectuellement. Ce n'est d'ailleurs pas le moindre mérite du film de donner à voir le temps qui passe, les trahisons, déceptions et tromperies qui y sont associées.

Le film de Desplechin est comme une sorte de point médian dans le cinéma français actuel : l'égocentrisme d'Assayas, un substrat générationnel qui rappelle Klapisch, et l'ombre tutélaire de Truffaut qui plane.

C'est très réussi, à défaut d'être absolument génial.

Arnaud Desplechin sur Christoblog :  Un conte de Noël (****) / Jimmy P. (**) 

 

3e

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La chambre bleue

Il y a plusieurs films dans La chambre bleue.

Le premier pourrait être le polar, dans lequel on se demande qui a tué qui, avec la complicité de qui. Ce film là n'est pas très passionnant : Amalric ne cherche d'ailleurs pas à maintenir un incroyable suspense sur ce plan.

Le deuxième film dans le film pourrait être la chronique de la vie provinciale (ici les Pays de Loire) . Cet aspect est assez bien traité, dans une optique finalement assez fidèle à l'esprit de Simenon : le coin de rue de la pharmacie, la plage des Sables d'Olonnes, les machines agricoles, le tribunal d'une petite ville de province, tous ces éléments dessinent le décor d'une tragédie ordinaire d'une façon convaincante.

Le troisième film est peut-être le moins convaincant à mon goût : c'est l'histoire d'amour, censément être puissamment érotique. Je n'y ai pas vraiment cru, je n'ai jamais senti l'attirance réciproque des deux corps.

Au final, l'assemblage de tous ces aspects sur une durée très courte (le film dure 1h15) pourrait être intéressant, s'il n'était gâché par des afféteries que j'ai jugé assez insupportables : une musique beaucoup trop envahissante, des dialogues qui sonnent faux, des voix qui semblent volontairement mal synchronisées (lors de la première rencontre entre les deux amants par exemple, au bord de la route), un découpage alambiqué, des inserts sans rapport avec la trame principale.

Un film ambitieux, dont les ingrédients ne s'assemblent pas vraiment pour former une oeuvre parfaitement cohérente. 

 

2e 

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The grand Budapest hotel

J'aime autant le dire en introduction : je suis très partagé quant aux films de Wes Anderson. J'ai adoré Mr. Fox, mais détesté La vie aquatique. J'ai été profondément ému par le début de Moonrise Kingdom, mais une partie d'A bord du Darjeeling limited m'a vraiment énervé. Etc. 

Mon ressenti après la projection de The grand Budapest hotel est une fois de plus très contrasté. L'univers imaginaire d'Europe Centrale (façon Syldavie, on pense souvent à Tintin) est d'abord très impressionnant : parfaitement kitsch, trop sucré et en même temps suprêmement décati. Du grand art en matière de décors, costumes, éclairages. Puis il devient de plus en plus lourd, (presque) jusqu'à conduire à l'indigestion.

Certaines scènes sont délicieusement menées (l'évasion de prison, dans le genre "une idée par plan"), et d'autres accusent de sérieuses baisses de régime. Certains acteurs sont magnifiques (Ralph Fiennes, Edward Norton), et d'autres sont transparents (Mathieu Amalric, Adrien Brody).

J'ai été souvent estomaqué par la maestria et l'invention de Wes Anderson réalisateur et dialoguiste (les détails innombrables, les cadrages au millimètre, des enchaînements magnifiques, les réparties parfois cinglantes, les noms délicieusement inventifs) et catastrophé par l'anémie de Wes Anderson scénariste (le film tourne un peu à vide de ce côté-là).

Mon avis est tout de même positif, car le film fait passer un bon moment, et il faut bien reconnaître que le foisonnement d'idées qu'il propose est souvent jouissif.

Wes Anderson sur Christoblog : Moonrise kingdomLa vie aquatique / A bord du Darjeeling limited / Fantastic Mr. Fox

 

2e 

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L'amour est un crime parfait

L'intérêt N°1 du dernier film des frères Larrieu, ce sont les décors.

Les architectures sont non seulement magnifiques, mais de plus admirablement filmées. L'occasion est donc idéale de découvrir le fameux Rolex Learning Center, conçu par le cabinet d'architecte SANAA, qui est d'une beauté stupéfiante. Le chalet des deux personnages principaux est également sublime, dans un style plus traditionnel. Dans le genre moderne, la villa où se passe le barbecue nordique (un grand moment du film) est somptueuse également. L'appartement du père d'Annie et sa déco hyper-moderne, l'hôtel/bungalow dépouillé/chic au bord du lac, sont encore des endroits exceptionnels.

Au-delà des bâtiments, le décor naturel du film, les Alpes Suisses, est incroyablement photogénique, qu'il s'agisse de la forêt, des plus hauts sommets, ou de la ville de Lausanne. Les frères Larrieu s'en donnent d'ailleurs à coeur joie en multipliant les plans en extérieur et les trajets en voiture, qui constituent d'ailleurs un élément dramaturgique du film.

Pour le reste L'amour est un crime parfait ne m'a pas réellement convaincu. On lit beaucoup qu'il est vénéneux et malsain, je l'ai trouvé plutôt artificiel et compassé. Mathieu Amalric joue d'une façon trop uniforme pour être réellement ambigu. Maïwenn joue un personnage que le twist final rend peu crédible. Sara Forestier surjoue la jeune nymphomane hystérique. Seule Karin Viard distille un semblant de sentiment inquiétant.

Les dialogues sont très écrits, comme si Djian avait rencontré Rohmer, donnant au film un vernis de suréalisme un peu froid. Mais c'est le scénario, plein de blancs, de trous et d'imprécisions, qui me laisse le plus dubitatif. Bien sûr, on pourra arguer que ces éléments de flous font partie du mystère : je répondrai que de grands maîtres (Polanski, Hitchckock) savaient distiller des ambiances mystérieuses avec plus de précision.

Les frères Larrieu me semblaient beaucoup plus à l'aise avec un sujet qui se prêtait mieux à leur cinéma subtilement décalé dans Les derniers jours du monde.

 

2e

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La Vénus à la fourrure

http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/442/21044235_20130926103625588.jpgLors du dernier festival de Cannes, la dernière journée était consacrée à la projection de deux films agréables, dernières productions de réalisateurs confirmés : La Vénus à la fourrure de Polanski et le très beau Only lovers left alive de Jim Jarmush. Alors que beaucoup de festivaliers étaient déjà partis, c'était amusant - et touchant - de voir que les grands réalisateurs restent capables de grandes choses.

La Vénus à la fourrure se situe exactement dans la suite de Carnage. Il s'agit toujours peu ou prou de théâtre filmé, ici dans une version encore plus minimaliste que dans le film précédent : deux acteurs seulement, Emmanuelle Seigner, compagne du cinéaste - qui trouve ici son meilleur rôle, et l'inénarrable Mathieu Amalric.

Ce dernier joue un metteur en scène un peu imbu de lui-même, qui reçoit une dernière candidate un jour d'audition. Vanda, qui arrive en retard, s'évère être d'une vulgarité (et d'une bêtise ?) extrême ... jusqu'à ce qu'elle joue sur scène.

S'en suit un jeu de chat et de souris dans lequel on peut suivant les goûts discerner une image des conflits féminin/masculin, acteur/metteur en scène, homme/dieux, etc... Une multiplicité d'interprétation possible donc, servie par une interprétation hors norme d'un acteur et d'une actrice au sommet de leur forme.

Le film se croque comme une friandise admirablement dialoguée, dont on ne sait jamais exactement vers quoi elle va nous entraîner, ce qui en constitue le sel, évidemment.

A voir, ne serait-ce que pour la métamorphose progressive et époustouflante d'Emmanuelle Seigner.

Polanski sur Christoblog : Carnage / The ghost writer

 

3e

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Jimmy P. (Psychothérapie d'un indien des plaines)

http://fr.web.img3.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/005/21000521_20130422172935134.jpgIl a fallu un certain culot à Arnaud Desplechin pour choisir cette trame de scénario, somme toute squelettique, puis pour aller la tourner aux USA. La faiblesse du film tient en effet avant tout dans son synopsis plutôt terne : une longue séance de psychanalyse filmée.

Si l'exercice n'est au final pas déplaisant, c'est par la grâce du jeu des acteurs. Benicio del Toro est excellent, colosse rempli de douleur et de douceur. Après un début inquiétant dans lequel il surjoue (yeux exorbités, sourire de fou furieux), Amalric se calme et devient progressivement touchant.

Le film est très bien réalisé, on est parfois touché par une scène de rêve, mais Jimmy P manque un peu de nerf, d'exaltation, d'âme.

Le fait que le patient soit indien n'est au final qu'anecdotique, même si la culture indienne nimbe certains dialogues d'une aura mystérieuse.

Cela fait lontemps que je n'ai pas vu un film qui me procure cet effet là : à quelqu'un qui le critiquerait trop fort je saurais répondre en soulignant ses belles qualités (le dévoilement progressif des éléments biographiques, la jolie photographie), et à celui qui l'encenserait je rétorquerais en pointant de réels défauts (le film est beaucoup trop long, des péripéties annexes - comme Madeleine - sont inutiles).

Pour une fois, je ne sais donc pas trop quoi vous conseiller. A vous de voir.

 

2e

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