Super 8
JJ Abrams flatte ce qu'il y a de plus tendrement enfantin en nous, et il le fait avec une délicatesse et une intelligence qui désarment le critique le plus cynique. C'est en ce sens, et seulement en celui-là, qu'on peut le qualifier de fils spirituel de Spielberg.
Super 8 n'est donc pas seulement un film de monstre se déroulant dans une petite ville américaine. Le prétexte de cette intrigue vue et revue ne paraît d'ailleurs pas passionner Abrams qui nous livre un monstre sans grand relief, comme si, finalement, ce dernier n'avait qu'une importance toute relative.
Le sujet du film est à rechercher (tout simplement) dans son titre. Il s'agit de l'histoire d'un groupe de 4 jeunes garçons et d'une jeune fille, qui grandissent ensemble le temps d'un tournage de film en Super 8, découvrant tout à la fois l'amour, le monde compliqué des adultes, les relations au père en l'absence de mère, et la profonde jouissance de la création artistique.
Nos cinéastes en herbe tournent en effet un film intitulé The case, une sombre et rudimentaire histoire de zombie. Il n'est pas interdit d'analyser tout le film (celui d'Abrams) sous l'angle de ce court métrage tourné dans le film. En dépit de la catastrophe qui les entoure, les enfants s'acharnent en effet à mettre en scène leur scénario, en situant les scènes dans les décors de leur propre réalité, créant ainsi un effet d'abyme délicieux qui révèle toute sa puissance dans le générique de fin (NE PARTEZ SURTOUT PAS AVANT), lors duquel est projeté "l'oeuvre" de la fine équipe dans son entier. De cette façon, c'est tout le film que l'on vient de voir, Super 8, qui devient le pré-générique de l'oeuvre principale, The case. Incroyable, magnifique et jubilatoire idée de confronter une grosse machine holywoodienne à la fraîcheur d'un film en Super 8 fait de bric et de broc. Une idée puissante, fortement évocatrice, comme seul JJ Abrams peut en avoir aujourd'hui.
A traver la réalisation de The case, les enfants évoquent par ailleurs toutes les difficultés de réalisation d'un film (rivalité amoureuse autour de l'actrice, problèmes techniques, effets spéciaux, financement, emprise du réalisateur sur l'équipe, répartition des rôles, panne d'inspiration, utilisation des impondérables, etc). Super 8 peut se lire à tellement de niveaux différents qu'il en devient une sorte de catalogue illustratif du cinéma populaire américain, en forme de poupée gigogne pop.
L'aspect "nostalgie des années 80" m'a beaucoup moins intéressé que la plupart des critiques, car il me semble que le film n'a absolument pas besoin de ça pour exister, même si elle est très présente. Par sa délicate exploration des émois de l'enfance, il se suffit tout à fait à lui-même.
Le film, que j'ai bien aimé, ne m'enthousiasme cependant pas complètement. L'imagination d'Abrams est très puissante, mais je trouve qu'il l'exprime surtout à travers l'univers foisonnant des séries qu'il crée (Alias, Lost, Fringe et bientôt Alcatraz). Ses thématiques sont vastes et nourries de toute la culture américaine, son sens du coup de théâtre est inné, sa sensiblité extrême n'est jamais niaise. Le jour où il canalisera vraiment toute ses qualités au service d'un projet de long-métrage plus recentré et maîtrisé, il sera probablement le meilleur entertainer de son époque.
JJ Abrams sur Christoblog : Star trek / Lost