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Christoblog

Articles avec #j'aime

Mon crime

Ce nouvel opus de François Ozon est une sucrerie acidulée et colorée.

Une pièce de théâtre oubliée et un peu ringarde des années 30 est ici le véhicule d'un propos délibérément dans l'air du temps, important sur le fond (les femmes actrices de leur accomplissement, contre les hommes en majorité malfaisants) et léger sur la forme (les personnages sont réduits à des silhouettes, les jeux de mots approximatifs pleuvent à volonté, le film est émaillé de citations cocasses).

Il ne faut donc chercher ici ni profondeur psychologique, ni mise en scène ébouriffante, ni écriture élaborée : nous sommes dans un monde de carton-pâte dans lequel chaque acteur/trice fait son petit numéro, par ailleurs convaincant dans l'ensemble, dans un registre qui relève plus du théâtre de boulevard que du film d'auteur. Les artifices de mise en scène (les inserts en noir et blanc, les coupures de journaux du générique de fin) relèvent clairement du burlesque.

L'ambiance est donc à l'amusement, et la dose de poison et de mauvais esprit qu'Ozon aime instiller habituellement dans ses films est ici très, très légère. J'avais pour ma part préféré Potiche, dans le genre "numéro d'acteur + guimauve + comédie noire".

Mon crime est un divertissement honorable devant lequel il est légitime de sourire, et qui a également le mérite de mettre sur le devant de la scène deux grandes actrices, Rebecca Marder et Nadia Tereszkiewicz (un couple à la Audrey Hepburn / Marylin Monroe), qu'on n'a pas fini de voir sur les écrans.

 

2e

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La romancière, le film et le heureux hasard

On peut classer les films de Hong Sang-Soo en 3 grandes catégories : les comédies grinçantes décortiquant les relations humaines et en particulier les relations hommes femmes (plutôt le début de sa carrière), les essais conceptuels souvent accompagnés d'une déstructuration du récit (plutôt son milieu de carrière) et enfin les récits dépouillés teintés de spleen, qui creusent une veine plus onirique ou plus sensible (plutôt ses derniers films).

La romancière, le film et le heureux hasard s'inscrit bien dans cette dernière catégorie. Le personnage principal est une romancière d'un certain âge qui ne parvient plus à écrire. Elle rencontre une jeune comédienne qui ne tourne plus. Leur rencontre, qui ne se produit que par la grâce d'un heureux hasard, conduira à la réalisation d'un film, sorte d'épiphanie inespérée pour l'une et l'autre, illustrant le titre du film, qui en est donc aussi le programme.

Le connaisseurs retrouveront ici les tics du réalisateurs (tablée s'abreuvant d'alcool, morceaux de dialogues voyageant de bouche en bouche, moment de gêne intense, zooms grossiers), mais le plus important se situe ici dans la grande délicatesse du projet, aboutissant finalement à un très beau "Je t'aime" lancé par l'actrice Kim Min-hee à son compagnon réalisateur.

Il y a dans cet opus de très bonnes choses (une photographie en noir et blanc très particulière, des scènes d'anthologie - comme celle dans laquelle le réalisateur se fait brutalement congédier), mais aussi de longs moments durant lesquels on a vaguement l'impression qu'il s'agit de meubler. Le tout est émaillé d'étrangetés propres au cinéaste (comme la dispute en voix off de la toute première scène) qui suscite ce frisson de stimulation intellectuelle propre au cinéma de Hong Sang-Soo.

Un film qui intéressera les fidèles, et qui ennuiera probablement les autres. Comme d'habitude !

 

2e

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La grande magie

Quel drôle de projet !

Noémie Lvovsky nous propose un film en costume, dans une ambiance bourgeoise et champêtre. Cela m'a inévitablement rappelé Ma loute, de Bruno Dumont, d'autant plus que dans les deux cas, les acteurs n'hésitent pas à surjouer.

On peut donc dire que La grande magie ne se situe pas dans les courants les plus contemporains du cinéma français, d'autant plus qu'il se permet d'être une comédie musicale, dont les morceaux sont écrits par Feu! Chatterton. Si à ce stade, vous n'avez pas encore fui, j'ajouterai que l'histoire qui nous est racontée est profondément triste, et que la fin du film est d'une noirceur extrême.

Malgré tous ces éléments disparates et pas forcément attractifs, le film possède un charme propre qui m'a tout de même séduit. Cela est peut-être dû à l'envie de cinéma que dégage la mise en scène de Noémie Lvovsky, au charme irrésistible qui émane de la jeune Rebecca Marder, à la délicate fragilité de l'excellente Judith Chemla, à l'abattage comique de l'ogre Sergi Lopez, ou à mon état d'âme conciliant le soir de la projection.

En résumé, je serais bien en peine de vraiment le conseiller (trop risqué !), mais pour ma part j'ai passé un très bon moment, me régalant de tant d'originalité sombre, réjouissante et décalée. 

Noémie Lvovsky sur Christoblog : Camille redouble - 2012 (****) / Demain et tous les autres jours - 2017 (***)

 

2e

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Le retour des hirondelles

Le retour des hirondelles réussit ce que peu de films parviennent à faire : filmer avec grâce le dénuement.

Pendant 2h13, la caméra suit au plus près les corps et les visages des deux acteurs principaux : lui est un pauvre hère taciturne et timide, elle est une femme méprisée, battue et incontinente.

Nos deux héros modestes et honnêtes ne fréquentent personne. Il ne sont victimes d'aucun méchant maléfique : ils ne doivent finalement que survivre, c'est à dire construire une maison, cultiver du blé et du maïs, honorer les ancêtres en brûlant du papier monnaie, apprendre à se connaître, et ce faisant, à s'aimer. 

Le propos est ténu, et il faut beaucoup de talent pour faire de cette histoire d'amour en creux une oeuvre intéressante. Le jeune réalisateur chinois Li Ruijun réussit ici un coup de maître. Sens du rythme imparable, adaptation continuelle aux conditions (le temps qu'il fait est un personnage du film), photographie splendide, sens du cadrage : tout indique qu'on tient ici un futur grand nom du cinéma asiatique.

Emotions et beauté, un premier film très prometteur.

 

3e

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Falcon lake

Ce premier film de Charlotte LeBon est formidable par sa forme.

Sa photographie crépusculaire, ses cadres de Polaroïd et son atmosphère moite, ses acteurs sensibles : tout cela contribue à donner à Falcon lake la patine d'un souvenir humide et cotonneux.  

La mise en scène aérienne de Charlotte LeBon fait merveille dans ce registre sensible.

L'intrigue n'est malheureusement pas totalement à la hauteur des autres qualités du film, et Falcon Lake n'avait notamment pas besoin de cette fin bancale, qui se veut ouverte et mystérieuse, mais qui ne fait qu'embrouiller un propos jusqu'alors limpide.  

Charlotte LeBon prend ici rendez-vous, et on a hâte de voir comment elle va négocier le délicat tournant du deuxième film.

 

2e

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Black book

Parfait.

Voilà le mot qui me vient à l'esprit pour résumer ce que je pense de ce film de Paul Verhoeven, vraiment à la hauteur de l'excellente réputation dont il bénéficie (4,1 presse et 4,0 spectateurs sur Allociné).

L'écriture de Black book est remarquable. Chaque scène suit la précédente avec une précision chirurgicale, donnant à la narration un rythme époustouflant. Le script ne fait pourtant aucune concession à la facilité : l'intrigue est complexe, constituée de nombreux chausse-trappes, mais paradoxalement limpide à suivre.

La mise en scène de Verhoeven fait merveille. Les Pays-Bas sous domination nazie sont reconstitués avec un brio bluffant : la caméra du néerlandais virevolte, survole et se faufile dans des décors de toute beauté.

L'interprétation est enfin parfaite. L'actrice Carice van Houten crève l'écran, radieuse et combattante, séduisante et déterminée. Elle campe une héroïne comme on en a rarement vu au cinéma. On a aussi beaucoup de plaisir à retrouver Sebastian Koch (La vie des autres, L'oeuvre sans auteur), impeccable. Tous les personnages secondaires, et il y en a beaucoup, sont très convaincants.

Il y enfin la patte provocatrice de Verhoeven, ici atténuée et mise au service de l'histoire, mais qui donne au film une tonalité de réalisme absolu et adulte, puisque sexe, violence, humiliation et mort cruelle sont montrés frontalement.

Un film admirable, un des plus forts réalisés sur la seconde guerre mondiale et peut-être le meilleur de son auteur.

Paul Verhoeven sur Christoblog : Total recall - 1990 (**) / Elle - 2016 (****) / Benedetta - 2021 (***)

 

4e

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The Fabelmans

Certaines des dernières productions de Steven Spielberg (Le bon gros géant, West side story, Cheval de guerre) me donnaient l’impression que sa carrière amorçait une pente descendante, de celles qui mènent progressivement à l’académisme formaté, aux bons sentiments naphtalisés.

Je n’attendais donc pas grand-chose de The Fabelmans, dont le sujet ouvertement autobiographique laissait plutôt augurer d’un regain de sentimentalisme engoncé à haut potentiel lacrymal.

Je me trompais.

Ce nouvel opus est un bijou qui déjoue tous mes pronostics. Si la forme a bien cette patine un peu proprette et légèrement artificielle qui prévaut chez Spielberg depuis une dizaine d'année, le fond explore des domaines d’une grande complexité.

The Fabelmans est avant tout pour moi un magnifique portrait de femme. Michelle Williams trouve probablement ici son meilleur rôle : drôle, séduisante, fragile, forte. Elle campe à merveille cette femme qui se souhaiterait libre, mais est née à la mauvaise époque. Tour à tout explosive et dépressive, elle introduit dans le film une part d’instabilité chronique qui en fait une grande œuvre et lui donne ce rythme un peu lâche, peu habituel chez Spielberg.

Le second grand sujet du film est évidemment la réflexion sur le pouvoir du cinéma, génialement traité à travers de multiples étapes tirés de la vie du cinéaste. Deux sont particulièrement émouvants : les plans accidentels qui révèle l’infidélité de la mère (on pense évidemment à Blow up) et surtout la leçon de cinéma que constitue le reportage effectué à la plage. Durant cette dernière séquence, j’ai été littéralement bluffé par la démonstration que fait Spielberg de l’art du réalisateur : on aura rarement aussi bien montré comment le cadrage, le choix de ce qu’on filme, l’emplacement de la caméra et le montage donnent du sens à l’œuvre finale. Du très grand art.

Je pourrais encore évoquer mille aspects du film, de la direction artistique irréprochable à l’apparition extraordinaire de David Lynch dans un rôle improbable, mais cela m’obligerait probablement à trop dévoiler du film.

The Fabelmans se pose d’ors et déjà comme un des meilleurs films de l’année et je vous conseille, une fois n’est pas coutume, de consulter les 25 pages que lui consacrent les Cahiers du Cinéma ce mois-ci. A découvrir absolument.

Steven Spielberg sur Christoblog : Cheval de guerre - 2011 (*) / Lincoln - 2012 (**) / Le pont des espions - 2015 (***) / Pentagon papers - 2017 (***) / West side story - 2021 (**)

 

4e

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Bullet train

A force d'être noyé de Marvel et autres franchises, on oublie le plaisir simple de se plonger dans un film d'action qui ne prend pas son spectateur pour un idiot, et qui lui propose humour, action et surprises.

Au rayon de l'humour, Brad Pitt s'avère une fois de plus un acteur comique de premier plan. Tueur revenu de tout, fan de zen et citant régulièrement son psychothérapeute, il campe l'anti-héros blasé avec une bonhomie délicieuse. Il est parfaitement secondé par un casting haut de gamme, duquel émerge Brian Tyrel Henry, qu'on adore dans la série Atlanta, ici teint en blond, et qui livre une prestation irrésistible.

L'action se déroule entièrement dans un train et donne lieu à des scènes spectaculaires, tournées très efficacement dans un mode presque burlesque, plus proche de la BD ou de l'anime. Le final, complètement déjanté, constitue à lui seul un morceau de bravoure en matière d'effets spéciaux.

Le script quant à lui est profondément réjouissant, ménageant de nombreuses surprises et retournements de situation, et permettant à plusieurs personnages clés d'apparaître en milieu de film.

Bullet train est tiré d'un roman japonais, et le vernis japonisant de sa direction artistique (incrustations, décors, accessoires, choix des couleurs flashy) est très agréable.

Du divertissement pur, de très bonne qualité.    

 

2e

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La famille Asada

Etrange film que celui-ci, découpé en deux parties très distinctes.

La première raconte comment un jeune homme construit un projet photographique ambitieux sur le long terme en poursuivant une idée originale : photographier sa famille en train de jouer des scènes improbables (pompiers, élections, yakuza, stand de formule 1....) puis photographier d'autres familles dans des mises en scènes signifiantes pour elles.

Outre un rythme enlevé et un sens de l'humour efficace bien qu'assez lourd, cette première partie présente la qualité de nous amener à réfléchir sur le pouvoir de la photographie et sur ce qui fonde une famille.

Dans un deuxième temps, Masashi le photographe se rend dans la région dévastée par le tsunami de 2011 pour y nettoyer des photographies retrouvées dans les décombres et les restituer à leur propriétaires. Cette partie est bien plus dramatique que la première, à laquelle elle n'est reliée que par le potentiel dramatique de l'intrication des sujets photographie et famille.

Le tout forme un ensemble attachant et efficace, auquel je reprocherais sa sensiblerie exacerbée trop ostensiblement tire-larmes. C'est la première fois que je vois autant de scènes dans lesquelles le personnage principal pleure lui-même et parvient simultanément à nous tirer une larme (je défie quiconque de voir ce film sans que ses yeux s'humidifient au moins une fois).

La famille Asada est un film original, qui donne du cinéma japonais une vision plus cool et grand public que ce qu'en laisse percevoir les cinéastes japonais dont les films parviennent jusqu'à nous habituellement (Kore-Eda, Fukada, Hamaguchi, Kurosawa, Kawase).

 

2e

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Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis

Ces deux films, sortis en mai 2022 dans une grande indifférence, constituent en réalité une seule oeuvre (un condensé de près de quatre heures de la série en dix épisodes qu'a réalisé Fukada pour la chaîne Nagoya TV).

De cette étrange genèse découle probablement la sensation de ne pas voir un film vraiment finalisé, ce qui génère chez le spectateur une légère déception, surtout s'il apprécie l'oeuvre de Fukada.

En effet, outre un rythme très irrégulier, le réalisateur japonais semble ici atténuer tous les éléments qui font la singularité de son cinéma. La cruauté abrupte d'Harmonium n'est  qu'affleurante, la nostalgie nauséeuse du formidable Au revoir l'été diffuse très légèrement ses effluves.

C'est l'évolution des sentiments sur le temps long (un des points fort de L'infirmière) qui est ici le marqueur de plus reconnaissable de l'art de Fukada.

Certains pourront être énervés par le personnage au départ toujours larmoyant de Ukyio : il leur faut persister jusqu'au deuxième film pour mieux comprendre ses réactions, qui trouveront une pleine et entière résolution dans les vingt dernières minutes de Fuis-moi je te suis.

Est également bien présente ici la capacité du réalisateur à nous mettre légèrement mal à l'aise (le bruit de l'aquarium dans le minuscule appartement, la permissivité sexuelle un peu froide du couple principal dans la première partie, les comportements presque toujours imprévisibles des personnages), au sein d'une narration linéaire qui parfois peut donner l'impression de réduire les femmes au rang d'objet, mais qui en réalité met en valeur leur libre arbitre, comme on s'en rendra finalement compte.

Indispensable pour les amateurs de cinéma japonais.

NB : Il faut voir Suis-moi je te fuis en premier, puis Fuis-moi je te suis

 

2e

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Interdit aux chiens et aux Italiens

Plébiscité en festival, chaleureusement accueilli par la critique et le public, ce court (1h10) et beau film d'animation vaut le détour.

Le réalisateur Alain Ughetto y raconte la vie de ses grands-parents, originaires du Piémont et ayant émigré en France, du début au milieu du XXème siècle.

Réalisé en stop motion, à partir de figurines en pâte à modeler, Interdit aux chiens et aux Italiens présente deux grandes qualités : il donne à voir des aspects de l'histoire rarement abordés (par exemple la zone d'occupation italienne en France pendant la seconde guerre mondiale, ou l'importance de la main d'oeuvre italienne dans la construction des ouvrages d'art alpins) et il fait preuve d'une ingéniosité attendrissante dans les idées d'animation (des broccolis font de superbes arbres, les mains d'Ughetto interviennent directement dans le cadre comme des personnages à part entière...).

L'histoire est intéressante et émouvante à la fois, et le succès de ce très joli film paraît amplement mérité.

 

2e

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Les poings desserrés

Voici un premier film russe âpre, peu aimable et globalement oppressant.

On suit une jeune adolescente (formidable Milana Azugarova) qui se débat contre toutes les formes de masculinité toxique possible : un père intransigeant et silencieux, un frère simple d'esprit qui l'aime probablement un peu trop, un corps marqué par les dures conséquences d'un attentat terroriste, un copain trop collant. 

L'action se déroule dans une ville minière qui pourrait concourir pour le prix de la ville la plus déprimante vue en 2022 au cinéma, et les décors (appartements, magasin, extérieurs) donne une bonne idée de ce que la Russie peut avoir de plus sinistre.

Malgré ce contexte peu avenant, le film laisse une trace durable dans l'esprit du spectateur, par la grâce d'une mise en scène charnelle et engagée, qu'on doit à la réalisatrice Kira Kovalenko. Cette dernière parvient à saisir avec brio les frémissement qui agitent l'âme de son héroïne, les ambiances (le repas devant la caravane, les bains publics) et l'incroyable mélange d'amour et de haine qui soude les membres de cette famille.

Il rappelle en cela un autre remarquable premier film russe, découvert comme celui-ci dans la section Un certain regard du festival de Cannes : Tesnota, de Kantemir Balagov. Les deux films ont d'ailleurs le même type de personnage principal, une jeune fille en quête d'émancipation.

A découvrir absolument si vous aimez le cinéma russe.

 

3e

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Babylon

Babylon est comme un frigo rempli à ras bord.

Il ne faut donc pas chercher un repas équilibré ou délicat quand on va voir le dernier film de Damien Chazelle, mais plutôt un déversoir non maîtrisé de plats succulents, d'ingrédients plus ou moins frais, et enfin d'expérimentations culinaires osées.

Parmi ce que le film propose de meilleur, on peut citer sa première heure (un tournage apocalyptique, suivi d'une orgie chez un mogul du cinéma muet) qui est à la fois folle par son ampleur délirante et son rythme échevelé, mais aussi utile à l'intrigue en nous présentant in situ les six personnages principaux.

Parmi les ingrédients tirés du bac à légumes, il y a de tout : une excursion - un peu gratuite car peu reliée au reste du film - dans un souterrain lynchien qui sent un peu le fruit blet, des tics avariés que Chazelle devrait mettre à la poubelle (les gros plans sur les pavillons de trompette), des épices éparpillées au petit bonheur la chance (et hop un peu de cannelle façon Chantons sous la pluie, et zou du vomi pimenté façon Ruben Östlund). 

Au rayon des expérimentations ratées, je mettrais en avant le catastrophique dernier quart d'heure du film, mash-up horriblement prétentieux (mais naïvement attendrissant) mélangeant images de chefs-d'oeuvre du septième art (Godard, sors de ce corps) et immonde image WTF d'encres colorées se délayant dans un grand vide conceptuel.

Dans ce gloubi-boulga on peine à trouver du sens : s'il est indubitable qu'on parle ici du passage du muet au parlant, on cherchera en vain une profondeur psychologique dans l'évolution des personnages, une émotion dans les relations les liant les uns aux autres,  ou un approfondissement de thématiques qui l'auraient pourtant mérité (le temps qui passe, la place des Noirs dans les débuts du cinéma, les évolutions technologiques et économiques de ce Hollywood des origines, l'amour contrarié, l'instabilité psychologique).

Le miracle de Babylon est qu'on ne s'y ennuie pas vraiment : la boulimie de cinéma et de musique qu'il représente séduit autant qu'elle horripile, voire un peu plus en ce qui me concerne.

Damien Chazelle sur Christoblog : Whiplash - 2013 (****) / La la land - 2016 (****) / First man - 2018 (**) / The Eddy - 2020 (**)

 

2e

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Love & mercy

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le réalisateur de ce film, Bill Polhad, sort de nulle part : pas de bio dans Allociné, quelques lignes sur Wikipedia en anglais, et pas d'autres films au compteur.

La qualité de Love & mercy en est d'autant plus remarquable. Ce biopic subjectif de Brian Wilson, chanteur et âme des Beach boys, est en effet formidable.

Le découpage du film est d'abord très original : il alterne du début à la fin deux périodes temporelles, dans lesquelles Brian Wilson est joué par deux acteurs différents, tous deux excellents, Paul Dano (pour Wilson jeune) et John Cusack (pour Wilson plus âgé).

D'abord troublant, ce procédé, que je ne me souviens pas avoir vu dans un autre film, se révèle être captivant. Dano incarne un génie en pleine action, en partie incompris, dont la puissance créatrice semble sans limite. Cusak, dans un registre très différent, joue à la perfection la dépendance aux médicaments et donne à voir un phénomène d'emprise glaçant. Les deux parties, pourtant dissemblables, semblent entretenir un dialogue durant tout le film. 

Les personnages secondaires sont eux aussi formidables : Elizabeth Banks rayonne en femme solide et pugnace, Paul Giamatti fascine en psychologue malfaisant. La direction artistique est brillante et la mise en scène très solide.

Un biopic haut de gamme, passionnant et émouvant.

 

3e

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Retour à Séoul

Davy Chou confirme avec ce très beau film son incroyable talent.

L'histoire qu'il nous raconte ici est captivante : Freddie, une jeune Française d'origine coréenne, se retrouve presque par hasard en Corée du Sud pour la première fois de sa vie. Son voyage va se transformer, à l'insu de son plein gré, en une odyssée qui va transformer sa vie. 

Retour à Séoul est découpé en plusieurs parties, toutes assez différentes et qui donne à sentir, de façon captivante et puissante, l'écoulement du temps. L'autre grand atout du film, c'est l'actrice Park Ji-Min : coupante comme un diamant et émotionnellement déficiente, elle irradie le film de son charme douloureux, semblant chercher tout au long du film quelque chose d'insaisissable, à grand renfort d'alcool, de sexe et de danse.

L'émotion n'est jamais loin (le retour de mail sans destinataire par exemple) et la mise en scène est très agréable : un des tout meilleur film de ce début d'année.

Davy Chou sur Christoblog : Diamond Island - 2016 (****)

 

3e

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A couteaux tirés

Les nombreuses critiques positives à propos de ce film parlent souvent de formidable Cluedo géant.

Cette approche est très réductrice car A couteaux tirés est bien plus qu'un whodunit efficace : on identifie d'ailleurs assez rapidement les raisons de la mort de la victime. 

Ce qui fait le sel du film est à mon avis ailleurs. Rian Johnson propose d'abord un formidable jeu de massacre, dans lequel toute une famille richissime et cynique se fait dézinguer méthodiquement au profit d'une jeune fille dont la mère est sans-papier. Le sous-texte politique n'est pas d'une finesse extrême, mais il est réjouissant. 

Dans cet exercice d'horlogerie redoutablement rythmé (un rebondissement survient en gros toutes les 15 minutes), il faut également distinguer la prestation incroyable de Daniel Craig, qui campe un personnage dont on ne sait pas s'il est terriblement bête ou diablement perspicace (ou les deux). Son accent, ses mimiques, ses variations de ton sont superbes. Ana de Armas confirme son potentiel, et le reste du casting est brillant.

Un divertissement de très haute qualité.

Rian Johnson sur Christoblog : Looper - 2012 (**) / Star wars - Les derniers Jedis - 2017 (**)

 

3e

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Le journal de Bridget Jones

Ce n'est certainement pas son intrigue éculée, basée sur les pires poncifs de la comédie romantique, qui fait l'intérêt du Journal de Bridget Jones, mais  plutôt le personnage de Bridget lui-même, jouée par l'incroyable Renée Zellweger.

Bridget ne répond en effet pas vraiment aux canons de beauté hollywoodien : légèrement enveloppée, pataude, et pas aussi directement aguichante qu'une Scarlett Johansson. Bridget a quelques kilos en trop, mais aussi une inaptitude à se comporter normalement en société, ce qui génère plusieurs scènes désopilantes.

Le film a ceci de sympathique qu'il n'offre pas la possibilité à Bridget de s'améliorer, contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer : elle restera aussi gaffeuse et maladroite du début jusqu'à la fin.

Ajoutons à cela que la réalisatrice Sharon Maguire, qui reviendra aux manettes 15 ans plus tard pour Bridget Jones baby, parvient à insuffler un dynamisme et une vivacité qui ne faiblit pas tout au long du film : on prend donc un réel plaisir à regarder ce qui constitue un joli portrait de jeune femme et un réjouissant divertissement, typiquement british.  

 

2e

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Nostalgia

Un homme revient à Naples, 40 ans après son départ, pour accompagner sa mère dans ses derniers jours. Un de ses amis d'enfance, avec qui il partage de douloureux souvenirs, est devenu parrain de la mafia.

Ce sujet, développé par le réalisateur Mario Martone, peu connu hors d'Italie, est l'occasion pour l'immense acteur Pierfrancesco Favino (Le traître) de nous donner à voir une prestation magistrale. Il porte le film sur ses épaules, déambulant le regard vague dans une Naples magnifiquement filmée, familière et exotique.

L'intrigue se résume à peu de choses (les deux amis d'enfance se reverront-ils ?) et les péripéties sont proches du néant. On prend pourtant beaucoup de plaisir à découvrir la vie de quartier, les efforts d'un prêtre valeureux pour combattre l'influence la pieuvre et une galerie de personnage assez pittoresque.

Le film porte bien son nom : il ne vaut finalement que pour ce sentiment dont il parvient à imprégner le cerveau du spectateur, pour peu que ce dernier soit dans de bonnes dispositions, ce qui a été mon cas.

 

3e

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L'envol

Tout est étrange dans ce curieux mélange des genres qu'est le nouveau film de Pietro Marcello. 

L'envol commence avec des images d'archives au très gros grain (vraies ou fausses ?), avant de devenir une chronique rurale naturaliste dans un paysage magnifique.

J'ai alors pensé que la trogne incroyable de l'acteur Raphaël Thierry allait être l'enjeu principal de l'histoire, quand tout à coup le film fait s'écouler le temps à toute vitesse et devient une sorte de fantaisie poétique qui ne ressemble à rien de connu.

Dans ce deuxième ou troisième film dans le film, la jeune actrice Juliette Jouan crève l'écran. L'envol s'envole vraiment, mêlant film d'animation et chansons à la Demy, figure légère d'aventurier (Louis Garrel, parfait en pilote d'aéronef) et voiles rouges battant au vent.

Le film est un bric-à-brac assez passionnant, polymorphe par son esthétique (tantôt l'image est très soignée, tantôt elle a l'apparence d'un Polaroïd) et insaisissable sur le fond.

Une belle découverte, qui me réconcilie avec le réalisateur italien, dont je n'avais pas aimé du tout Martin Eden.

Pietro Marcello sur Christoblog : Martin Eden - 2019 (*)

 

3e

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Les Cyclades

Je n'attendais pas grand-chose de cette comédie, qui semblait gentillette sur le papier.

J'ai donc été agréablement surpris par la qualité globale du nouveau film de Marc Fitoussi, qui allie un script malin à une interprétation tout en finesse de ses trois actrices principales, toutes parfaites.

Les Cyclades est un bon exemple de comédie de caractères, qui n'est plus un genre très en vogue dans le cinéma français : les effets comiques résultent plus de l'opposition totale des personnalités de Magalie et Blandine que de l'intrigue, anecdotique. C'est donc une sorte de résurrection au féminin des films de Francis Veber (La chèvre, Les compères, Les fugitifs, L'emmerdeur) que propose Les Cyclades.

Si on rit de bon coeur aux frasques de notre duo si mal assorti, on est aussi curieusement ému par la rencontre de ces deux femmes, finalement en détresse l'une comme l'autre. Le temps qui passe, qui use les corps et ferment progressivement les possibilités, est un véritable personnage dans le film : il donne lieu à de très jolies scènes, comme celle par exemple dans laquelle les deux femmes sont remplacées par leur version adolescente.

La dernière qualité du film est la façon dont le décor naturel des Cyclades est filmé. Les paysages ne sont pas simplement beaux, ils sont signifiants : austères quand l'action le nécessite, séduisants quand l'atmosphère est à la fête, favorisant la méditation dans la partie finale.

Un excellent spectacle de divertissement, tout à fait estimable.

Marc Fitoussi sur Christoblog : Maman a tort - 2016 (***)

 

2e

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