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Christoblog

Aquarius

Cette année à Cannes, plusieurs actrices ont livré des performances extraordinaires. 

Sonia Braga fut peut-être la plus belle d'entre elles. 

Férocement libre, elle cannibalise un film dont on se demande parfois ce qu'il cherche à nous dire : que vieillir c'est pas bien, et qu'il faut résister ? Sous cet angle, Kleber Mendonça Fliho atteint parfaitement son but. La sexagénaire Clara est le prototype même de la force de vivre, qui lutte par tous les moyens, libido comprise.

Aquarius est donc un splendide portrait de femme, mais c'est aussi un bel instantané de Recife, la ville du réalisateur, décrite avec tendresse et douceur. On découvre ses plages et ses subtiles hiérarchies sociales (on y est visiblement plus ou moins noir). 

Le film peut paraître ne pas être grand-chose, surtout rapporté à sa durée (2h25), mais il a l'immense mérite de proposer des sujets originaux et délicats : portrait d'un immeuble, lutte de la modernité et du temps passé à travers de nombreux angles (Vinyl vs MP3 par exemple), normalité et réalisation de soi.

Servi par une mise en scène d'une parfaite élégance et par une bande-son absolument délicieuse, Aquarius est un doux plaisir à partager entre connaisseurs. 

Kleber Mendonça Filho sur Christoblog : Les bruits de Recife - 2012 (**)

 

3e

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La danseuse

Les bons sujets ne font pas les bons films, et La danseuse en est la preuve éclatante.

Le personnage réel de Loïe Fuller est en effet sur le papier captivant : enfant du grand Ouest américain, gloire des cabarets parisiens du début du XXe siècle, danseuse masochiste torturant son propre corps, fondatrice de la danse moderne sous bien des aspects.

De ce beau matériau de départ, Stéphanie Di Giusto fait un pensum malheureusement glacé, desservi par une direction artistique beaucoup trop léchée. Les décors de western, les intérieurs bien éclairés - et très jolis, les costumes tout droit sortis de l'atelier, le château vide extraordinairement photogénique : le film paraît à la fois très ambitieux d'un point de vue formel, et un peu cheap (à l'image du bateau qui traverse l'Atlantique et qu'on ne voit pas). Chaque scène en elle-même est visuellement travaillée, sans qu'on sente un regard de créateur pour donner une unité à l'ensemble.

C'est une esthétique de lumière morte et trop rasante que propose La danseuse, qui m'a finalement empêché d'entrer dans le film. Emportée dans son élan David Hamiltonien, la réalisatrice arrive à faire apparaître belles les pires conditions de vie (celles de la remise aux Folies Bergères par exemple). C'est gênant.

Le deuxième gros défaut du film, c'est son scénario.

Certains reprochent à Stéphanie Di Giusto d'avoir minoré l'homosexualité de Loïe Fuller. C'est un procès à mon avis un peu vain, dans le sens qu'un créateur fait bien ce qu'il veut de son sujet de départ, que ce dernier soit une oeuvre ou un personnage réel. Un film de fiction n'est pas un documentaire, et ne doit aucun respect à ses sources.

On peut toutefois se demander si les artifices qu'emploie le scénario pour pallier ce hiatus n'affaiblissent pas globalement le film : le personnage que joue Gaspard Ulliel, totalement inventé, est d'une faiblesse criarde et le chaste béguin du personnage jouée par Mélanie Thierry semble absolument superficiel.

Reste au crédit du film l'interprétation habitée de Soko (qui en fait peut-être un chouïa trop), et le beau passage de sa rencontre avec Isadora Duncan. 

Le film, qui m'a rappelé à certains moments le Marguerite de Xavier Giannoli en moins bien, cumule au final trop de maladresses et de clichés stylistiques pour être vraiment recommandable.

 

2e

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Soy nero

Dans Soy Nero, le réalisateur iranien Rafi Pitts raconte l'histoire des "green card soldiers", immigrés illégaux qui s'engagent dans l'armée américaine pour obtenir la nationalité américaine après deux ans de service.

Il suit donc les traces de Nero, jeune mexicain ayant grandi à Los Angeles avant d'être expulsé, qui tente de rentrer à nouveau aux USA pour s'engager.

L'odyssée de Nero est filmée en plusieurs actes, durant lesquels il traverse la frontière, puis une partie des Etats-Unis, avant de se retrouver quelque part au Moyen-Orient. Nero fait d'étranges rencontres, dont un vieli américain qui semble avoir enlevé sa petite fille, qui s'avèrent toutes un peu bizarres, ou malsaines.

Sorte de Candide moderne qui observe avec étonnement le comportement de ses semblables, il progresse dans des plans magnifiquement mis en scène, tendu placidement vers son but : devenir américain.

Rafi Pitts est ici épaulé par le grand scénariste roumain Razvan Radulescu (qui travaille habituellement avec Muntean et Mungiu), et le film gagne dans cette collaboration une coloration étrange et souvent séduisante, à l'image de cette scène curieuse dans le champ d'éoliennes.

Sans être renversant, Soy Nero est très intéressant, d'une beauté parfois frappante. Il peine toutefois à générer de l'émotion, préférant s'adresser au cerveau qu'au coeur. On pourra regretter certains de ses choix conceptuel, à l'image de ce dernier plan, dont l'interprétation est inutilement laissée à la libre interprétation du spectateur.    

Rafi Pitts sur Christoblog : The hunter - 2010 (**) 

 

2e

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Brooklyn village

Le nouveau film d'Ira Sachs, éternel porte-drapeau du cinéma indépendant new-yorkais, présente une grande qualité et un petit défaut : il est gentil.

Commençons par la qualité : il est rare de voir un cinéaste filmer ses comédiens avec autant de douceur et d'empathie.

Chez Sachs, personne n'est vraiment méchant, mais tout le monde peut l'être à certains moments. Le beau personnage de Leonor, a priori le personnage pour lequel on doit avoir de la sympathie dans le film, se montre finalement le plus odieux, utilisant des mots très durs et inutilement blessants envers Brian. Ce dernier, dans le rôle du méchant qui doit expulser Leonor, est à l'inverse doux et compatissant.

Le regard bienveillant du réalisateur est particulièrement convaincant quand il s'attache à décrire les rêveries du jeune Jake, un peu moins en ce qui concerne le deuxième ado, l'hyperactif Tony. L'amitié des deux garçons est joliment décrite, avec une sérénité et une maturité qui évitent tout sentimentalisme inutile. Elle contraste avec l'effet de pesanteur que l'état d'adulte semble imposer aux parents. 

Tout cela est magnifié par une façon de filmer New-York admirable.

Hélas, le film ne convainc pas entièrement par la faute de ses qualités même : un peu trop gentil, légèrement mou et manquant de tranchant. Si les observations psychologiques ténues et délicates sont la force du film, on comprendra qu'elles puissent un peu ennuyer.

A conseiller aux amateurs de presque rien bien observé, et agréable à regarder.

 

3e

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Juste la fin du monde

C'est raté.

A vrai dire, on pouvait s'en douter un peu, tellement le casting sentait la fausse bonne idée et la succession de numéros d'acteur.

Après un prégénérique plutôt réussi et typiquement dolanien (moult ralentis et une bande-son poussée à fond), le film s'écroule selon nos pires craintes dès la première scène.

On sait alors en une minute que l'on va devoir assister à une succession de stéréotypes outrés.

Ainsi, Vincent Cassel fait du Vincent Cassel : il ne semble ouvrir la bouche que pour humilier et être agressif. Léa Seydoux lui répond sur un mode ado-rebelle (elle n'est pas un peu âgée pour ce type de rôle ?) qui se drogue et crie tout le temps. Car Juste la fin du monde ne ménage pas de répit : c'est ce type de film où on hurle des répliques comme "ARRETE DE CRIER".

Marion Cotillard joue la cruche. Evidemment. Pour bien nous faire comprendre à quel point elle est bête, elle bégaye sans cesse et ne finit une phrase qu'au bout de 1h10 de film. Nathalie Baye, peinturlurée et méconnaissable, est certainement le personnage le plus intéressant du film, alors que Gaspard Ulliel joue le silencieux taciturne avec une monotonie rebutante (mais comment peut-il ne rien dire à ce point !).

Le film n'est malheureusement qu'une juxtaposition de monologues. Chaque personnage joue sa partition indépendamment des autres et jamais l'intrigue ne progresse du fait de l'intéraction entre les différents membres de la famille, chacun étant réduit à incarner sa propre caricature.

Le cinéma de Dolan, pour fonctionner, nécessite d'emporter le spectateur dans un tourbillon irrésistible, comme c'était notamment le cas dans Laurence anyways et Mommy, qui sont des films épiques, au sens dolanien.

Le huis clos ne sied pas au jeune canadien : son cinéma paraît tout à coup factice et désincarné. A ce titre, il est étonnant de constater à quel point la géographie de la maison de famille n'imprime pas le film. Alors que le Festival de Cannes était cette année plein de maisons incarnées et superbement filmées (dans Aquarius, Sieranevada ou L'économie du couple par exemple), celle de Juste la fin du monde est transparente, et peu habitée, à l'image de tout le film. 

Xavier Dolan sur Christoblog : J'ai tué ma mère 2009 (**) / Les amours imaginaires - 2010 (**) / Tom à la ferme - 2012 (**) / Laurence anyways - 2012 (***) /  Mommy - 2014 (****)

 

1e

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Comancheria

Thriller lo-fi des grands espaces, slow western, Comancheria est un produit étonnant, qui sort de l'épure.

Filmé avec des moyens de blockbuster, il étale langoureusement des attributs de films d'auteur : un titre US impossible (Hell or high water), un rythme neurasthénique, une intrigue qui s'effiloche au fil des minutes.

Le film bénéficie à plein des qualités de ses auteurs : la mise en scène éthérée du britannique David Mackenzie, la pertinence des choix de Nick Cave à la bande-son, la perfection d'un excellent casting.

Si tout semble flotter dans le film, c'est pour le plus grand plaisir du spectateur attentif, qui se régale de la photo somptueuse et de l'avancée lymphatique de l'histoire, moralement discutable, cahotant jusqu'à une ultime scène d'une sympathique ambiguïté.

Comancheria est un joli film de genre, typé et bien réalisé. 

 

2e

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Clash

Autant le signaler tout de suite, nous ne sommes pas bien nombreux à défendre ce film.

A lire l'ensemble de la critique (à part l'Obs), le film serait simpliste d'un point de vue politique, ne rendrait pas correctement compte des rapports entre les différentes composantes de la société égyptienne. C'est tout à fait possible, mais cela me laisse totalement indifférent.

Pour d'autres, Clash s'enfermerait dans son postulat de départ (la caméra ne quitte jamais l'inétrieur d'un fourgon de police), ce qui l'enfermerait dans une posture de "tour de force" un peu vain. A cet argument, je répondrais que Diab dépasse par de nombreux moyens la contrainte initiale : la caméra filme beaucoup l'extérieur, le fourgon bouge lui-même, et de multiples façons, le monde extérieur entre et sort du véhicule de façon continue. On ne ressent donc jamais le huis clos comme une contrainte qui nuit au développement du récit.

Pour apprécier pleinement Clash, peut-être faut-il l'accueillir comme je l'ai fait en mai dernier dans la salle d'Un certain regard, dont il faisait l'ouverture : candidement, en se laissant prendre par les péripéties, les jeux d'acteurs un peu excessifs, le tableau de comédie humaine que peint le réalisateur.

Le film est d'une efficacité redoutable dans son suspense et son exposition des scènes d'action. Il est en ce sens comparable à un thriller américain, les bons sentiments et le happy end en moins.

J'ai trouvé que la spirale infernale que propose le film est, au-delà du contexte égyptien du film, un admirable et puissant tableau des rapports humains, parfois empathiques et le plus souvent violents. Ce n'est pas reluisant, c'est parfois un peu lourd, mais malheureusement très réaliste.

La mise en scène est magistrale, et cloue le spectateur à son siège pendant 1h37, jusqu'au plan final, formidablement glaçant. 

Mohamed Diab sur Christoblog : Les femmes du bus 678 - 2006 (***)

 

4e 

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Victoria

On aura rarement vu accroche plus mensongère que celle qui orne l'affiche de Victoria : "Super héroïne des temps moderne, une comédie hilarante".

Tout d'abord parce que Victoria n'a rien d'une super-héroïne : dépassée par les évènements, dépressive, dotée d'une sexualité plutôt défaillante, aveugle à l'amour... on a vu plus performant.

D'autre part, le film n'est pas du tout une comédie hilarante. Si on sourit un peu, surtout dans la première partie, la plus réussie, on est à mille lieues de se fendre la poire à chaque réplique.

Victoria, à l'instar du premier film de Justine Triet, La bataille de Solférino, est un objet difficile à qualifier et à apprécier. Trop drôle pour être pris au sérieux, pas assez rythmé pour être une vraie comédie, pas assez romantique pour toucher les coeurs de midinettes, trop bargeot pour plaire au grand public, trop gentil pour séduire les cinéphiles.

Le film est assez inégal, présentant de vraies bonnes idées (la scène du mariage, le témoignage du chien) et des aspects beaucoup plus faibles (des plans de coupe sur TGV qui font vraiment remplissage, un rythme inégal). Le résultat, bien que foutraque, est globalement sympathique sans être génial. 

Le film ne serait pas grand-chose sans l'abattage exceptionnel de Virgine Efira, qui irradie le film de sa présence, alors que Vincent Lacoste, que je n'aime toujours pas, trouve ici son moins mauvais rôle (ce n'est pas difficile).

Un film notoirement surestimé par la critique, qui a toutefois le mérite d'inventer un nouveau genre : la comédie romantique d'auteur.

Justine Triet sur Christoblog : La bataille de Solfrino - 2013 (***)

 

2e

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Voir du pays

La principale qualité du cinéma des soeurs Coulin, c'est avant tout leur formidable mise en scène, à la fois originale et fluide. 

Voir du pays nous fait découvrir le quotidien de soldat(e)s en sas de décompression chypriote, entre Afghanistan et France. On suit d'abord leur arrivée irréelle dans un palace, on se délecte du contraste très cinégénique entre la rudesse militaire et l'exhibition indécente des touristes, puis on entre dans le coeur palpitant du film : il s'agit de se remémorer les coups durs vécus là-bas, pour les exorciser.

A partir de ce moment, les évènements vont s'enchaîner pour le pire, et d'exorcisme, il n'y aura pas. L'égalité homme/femme dans l'armée prendra d'ailleurs au passage un sale coup dans la tronche.

Le film a obtenu le prix du scénario dans la section Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes, mais c'est pour ma part la façon de filmer des réalisatrices qui m'a impressionné : alternance de très gros plans sur les visages et de plans d'ensemble superbement cadrés, légères digressions signifiantes dans la lumière ou le grain, rythme du montage, jeux de reflets et de transparence. C'est très beau.

Voir du pays vaut aussi pour son interprétation. Ariane Labed est parfaite, et Soko joue à merveille ce qu'on pense désormais être son propre rôle, regard ombrageux et sourcil brousailleux. 

Un sujet original, joliment traité.

Delphine et Muriel Coulin sur Christoblog : 17 filles - 2011 (***)

 

3e

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L'économie du couple

Joachim Lafosse aime s'emparer de sujets dérangeants, et au premier abord peu engageants : une mère qui tue ses quatre enfants dans A perdre la raison, l'affaire de l'Arche de Zoé dans Les chevaliers blancs.

Il propose ici de décrire dans le détail le quotidien d'un couple qui se défait, et de montrer comment les conditions matérielles de la séparation influe sur la vie quotidienne. Le sujet semble plus anodin que celui de ses films précédents, mais il n'est pas moins ardu.

De fait, L'économie du couple remplit parfaitement son programme : on voit bien comment les problèmes d'argent peuvent devenir les vecteurs (et les agents) de la discorde. On parle gros sous, on estime le prix du travail et on le compare à celui du capital hérité, on chipote sur l'utilisation des différents étages du réfrigérateur. 

Tout cela est à la fois édifiant et malheureusement un peu sclérosant. On n'apprend pas grand-chose qu'on ne sait déjà sur la nature humaine : oui, la mauvaise foi n'est jamais loin lors des séparations, et oui, aucune des deux parties n'est innocente.

Les limites de la démarche d'entomologiste de Lafosse sont parfois dépassées par le brio de sa mise en scène, parfois exceptionnellement fluide dans un espace qui n'est pas si grand. 

Si Bérénice Béjo est parfaite, on a un peu de mal à voir en Cédric Kahn un travailleur manuel, malgré tous les efforts qu'il déploie. Le pauvre est également desservi par une scène particulirement ratée, qu'il doit assumer en grande partie (la douloureuse scène de repas avec les amis).

Malgré d'évidentes qualités, une petite déception de la part d'un cinéaste dont j'attends beaucoup.

Joachim Lafosse sur Christoblog : A perdre la raison - 2012 (***) / Les chevaliers blancs - 2015 (**) 

 

2e

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Frantz

Il faut reconnaître à François Ozon une capacité unique à changer totalement d'univers d'un film à l'autre, tout en restant fidèle à ses problématiques préférées.

C'est plus ou moins réussi suivant les films, mais on a toujours le plaisir de la découverte et de la surprise. 

Avec Frantz, Ozon tente un pari risqué : faire un remake d'un film oublié de Lubitsch (et son plus gros échec commercial), en noir et blanc, et en allemand. On imagine la moue dubitative des producteurs...

Le résultat est très réussi. Je me suis laissé emporté par cette intrigue étonnante, qui semble au départ limpide et tendue comme un arc, avant de bifurquer vers des directions tout à fait improbables. Durant toute la première partie, Ozon joue habilement avec ce qu'on croit savoir de lui et de son cinéma (j'essaye de ne pas trop spoiler), et c'est très bien fait.

Le film présente de nombreuses qualités au rang desquelles on peut citer une interprétation parfaite (quelle découverte que l'actrice Paula Beer !), une grande finesse dans les approches psychologiques, un suspense teinté de nostalgie qui m'a rappellé les récents films d'Almodovar, une science aigüe des décors (intérieurs et extérieurs), une résonance politique avec l'actualité (Brexit, réconciliation), etc.

Un bon moment de cinéma, étonnamment chaste et retenu pour un Ozon !

 

3e

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Nocturama

Nocturama nous montre des jeunes qui font des trucs dans le métro : ils utilisent leur pass navigo, prennent leur montre en photo et regardent les autres voyageurs d'un air coupable. 

Ils font tous salement la gueule : on sent bien que ça ne va pas rigoler, et qu'un truc horrible les attend, du genre passer le bac, ou aller chez le dentiste.  

D'où viennent-ils, comment se sont-ils connus : on ne le saura pas. Ils sont pourtant visiblement d'origine, de milieu et d'âge très différents, et leur rencontre est bien curieuse. Bonello n'a pas l'intention de nous fournir d'explication, et il les filme comme il filmerait des employés de bureaux en train de classer des archives. 

Au bout d'un moment infiniment long, une bombe explose au Ministère de l'Intérieur, et là, il faut bien le dire, le responsable des effets spéciaux de Nocturama mérite instantanément d'être rayé des répertoires professionnels, tellement l'image semble photoshoppée par un stagiaire de niveau BTS.

Nos apprentis terroristes, pour qui poser des bombes semble un agréable passe-temps, se réfugient dans un grand magasin, ce qui à l'évidence est une idée géniale pour se dissimuler. Ils prennent des bains, essayent des fringues, boivent de l'alcool et écoutent de la musique placidement, en attendant qu'arrivent des gendarmes dans un fourgon réformé, qui les tirent comme des lapins.

L'ensemble du film semble durant toute sa durée essayer de combler le vide qu'il creuse : sa bêtise insigne l'en empêche peu à peu. Il sombre progressivement dans des abîmes de nullité indigente, à l'image des apparitions de Luis Rego et Adèle Haenel, prodigieusement ratées. Tout devient artificiel et de mauvais goût, de la bande-son à la dernière image.

Nocturama, malgré son sujet explosif, ne parvient pas à être polémique tellement il insulte l'intelligence des spectateurs. C'est triste, pitoyable, et même pas beau, ce qui est un comble pour un film de l'esthète Bonello.

Très décevant.

Bertrand Bonello sur Christoblog : L'Apollonide, souvenirs de la maison close - 2011 (****) / Saint-Laurent - 2014 (**)

 

1e

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Bloodline (Saison 1)

Depuis son arrivée dans le petit monde des séries, Netflix essaye de rafler la mise en créant des oeuvres qui semblent confectionnées pour ratisser large, en suivant des méthodes éprouvées.

Cette approche génère des produits formatés qui brillent et semblent attractifs, mais s'avèrent au final sur-écrits et peu originaux.

Si House of cards représentait parfaitement les défauts Netflix, Bloodline confirme à un degré moindre mon opinion. Le principal défaut de la série est son caractère exagérément manipulateur. L'écriture détaillée des épisodes et la mise en scène utilisent de très grosses ficelles qui sont franchement gênantes : un montage alterné bien lourd pour nous inciter à penser quelque chose, la caméra qui ne montre que les pieds d'un personnage pour ménager un demi-suspense, des péripéties inutiles, des personnages qui en rajoutent. Je pourrais écrire plusieurs pages sur tous les menus défauts qui émaillent la série.

Le second problème est le délire accumulatif qui semble s'être emparé des showrunners. On dirait que tous les tics et tous les thèmes d'une série à succès ont été rassemblés dans Bloodline : flashforward à l'échelle d'une saison ou d'un épisode, flashbacks bien lourdingues avec filtre jaune, enquête policière, sexe, histoires parallèles, secrets de famille... On a parfois l'impression en regardant un épisode de Bloodline de regarder plusieurs séries en même temps.

Ses remarques qui empêchent de considérer Bloodline comme une excellent série ne m'empêche pas d'avoir tenu jusqu'au dernier épisode. La structure globale de l'histoire est assez bien vue, et le personnage du bad boy joué excellement par Ben Mendelsohn est tellement détestable qu'on a du mal à ne pas être intéressé par son sort. Les décors naturels de la Floride sont d'autre part parfaitement utilisés.

Pour résumer, une série écrite avec les pieds par des scénaristes qui voudraient à la fois faire Breaking Bad et Six feet under, mais qu'on ne lâche pas avant le dernier épisode quand même. 

 

2e

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Mimosas, la voie de l'atlas

Certains films me donnent l'impression qu'ils se foutent de moi. Ce fut le cas dans le passé de l'inénarrable Chant des oiseaux d'Albert Serra, une référence absolue en matière d'hermétisme abscons. 

Aujourd'hui, le jeune réalisateur espagnol Oliver Laxe peut donc prendre sa place dans cette confrérie de cinéastes prestigieux qui se moquent bien qu'on s'ennuie durant leur film, et qui font même de l'assemblage inintelligible une technique de mise en scène : Carlos Reygadas, Alexander Sokurov, Bela Tarr, Lisandro Alonso.

Dans Mimosas, disons-le tout net, on ne comprend rien. D'ailleurs, les difficultés qu'on peut éprouver à résumer le film l'exprime bien. Par exemple : dans une époque indéterminée, un cheikh veut rejoindre ses proches pour mourir, alors que dans un monde parallèle, un homme est envoyé en taxi pour aider les caravaniers de fortune.

Les actes des uns et des autres sont inexpliqués et incompréhensibles. On parle de rempart, de citadelle. Il y a une pendaison laborieuse. On se prend rapidement à douter de sa propre santé mentale, avant de mettre en cause celle du réalisateur. Et puis, en lisant le catalogue de la Semaine de la Critique, je lis que pour Oliver Laxe, le film est un prétexte à parcourir l'Atlas... OK, il s'agit donc de tourisme ésotérique.

Entendons-nous bien. Un film peut être poétique, lacunaire ou allusif, mais il doit être porté par un souffle, une vision, un élan. Je n'ai vu ici que prétention pédante et irrespect pour le spectateur, qui ressent à la fin de la projection ce que le personnage semble ressentir sur la photo ci-dessus.

 

1e

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Rester vertical

Alain Guiraudie aura donc connu les honneurs de la compétition à Cannes avec un de ses films les moins convaincants, alors qu'il aurait à l'évidence plus mérité cette sélection en 2015 avec L'inconnu du lac.

Autant ce dernier possédait une structure resserrée très prenante, autant Rester vertical part lui dans toutes les directions, sans entraîner l'adhésion.

Le début du film est très réussi. Son étrangeté naïve surprend et inquiète à la fois. Une menace plane, la nature est belle et indifférente. Le personnage principal semble le seul à adopter un comportement normal dans un ballet d'attitudes bizarres.

Hélàs, ce beau début lozérien se gâte quand les allers-retours avec les autres endroits commencent à se mettre en place (la guérisseuse, la maison du vieux, la ville). Le film devient alors un peu mécanique, enchaînant les moments creux et les morceaux de bravoure pseudo-provocante (l'euthanasie sodomite et l'accouchement), dans une ambiance grand-guignolesque qui n'autorise pas l'empathie.

Rester vertical finit par reposer sur les épaules de son acteur principal, Damien Bonnard, qui interprète avec une certaine maladresse la candeur inefficace. J'ai regretté pendant le film que Guiraudie ne fasse pas une place un peu plus grande au personnage de Marie, campée avec une assurance terrienne par la prometteuse India Hair.

La scène finale est au diapason du reste du film : elle en fait trop.

Alain Guiraudie sur Christoblog : L'inconnu du lac - 2012 (***)

 

2e

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Le fils de Jean

Difficile d'avoir une opinion vraiment tranchée sur Le fils de Jean

D'un côté, je ne peux pas vraiment dire que je me suis ennuyé. 

La réalisation soignée et sensible de Philippe Lioret rend la séance assez plaisante et rarement ennuyeuse.

Je suppose qu'il faut être complètement ignorant de l'intrigue, ce qui était mon cas, pour profiter pleinement du film, parfaitement servi par ailleurs par un casting impeccable, de Pierre Deladonchamp au dernier petit rôle. 

La "traversée de l'Atlantique" donne au film un petit air décalé et nostalgique (Truman contient le même motif, avec un effet similaire), et la façon qu'a Lioret de filmer le Québec évite tout exotisme de pacotille. Si les sentiments sont bien là, ils sont montrés avec une certaine pudeur et une délicatesse de bon aloi, comme d'habitude chez ce réalisateur.

En bref Le fils de Jean est plutôt agréable, même si on pourra juger que son encéphalogramme est un peu plat, et peut-être que les coutures de son scénario sont un peu trop visibles. Les qualités de Philippe Lioret sont là, mais sans atteindre le niveau de certains de ses films précédents (Welcome).

Philippe Lioret sur Christoblog : Je vais bien, ne t'en fais pas - 2006 (**) /  Welcome - 2009 (****)

 

2e

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