On ne peut pas enlever à Desplechin la fluidité de sa mise en scène, sa capacité à glisser sur les visages et les situations avec une grâce parfois surnaturelle.
Pour le reste, ce film est raté et c'est très curieux qu'il ait eu l'honneur de la compétition à Cannes 2022 alors que Trois histoires de ma jeunesse, bien meilleur, ne l'avait pas eu.
Le jeu de Marion Cotillard et de Melvil Poupaud ne permet à aucun moment ne donner corps à ce couple, et de comprendre la véritable consistance de leur relation. Finalement, la nature de leur haine mutuelle n'est jamais vraiment compréhensible, et leur rabibochage sur le sol d'un supermarché n'est guère crédible.
Il y a beaucoup de maladresses dans le film, assez peu habituelles chez Desplechin : la scène du vol au-dessus de Lille est par exemple d'un ridicule consommé. Les flashbacks en regardant les albums photos sont aussi d'une lourdeur inhabituelle chez le réalisateur nordiste. Et enfin le personnage de la jeune roumaine n'apporte à mon avis strictement rien au film.
Il règne aussi dans le film une ambiance bobo (drogue, alcool, cigarettes, état d'âme d'artistes) qui sent un peu l'entre soi.
A noter qu'un des rares points forts du film est la prestation réussie de Patrick Timsit dans le rôle du copain compréhensif, qui parvient à ménager la chèvre et le chou au milieu de cette famille compliquée.
Un échec, le deuxième consécutif après le faible Tromperie.
Cette année, la compétition était très homogène. Aucun film n'a entraîné l'adhésion de la Croisette comme cela avait été le cas en 2019 avec Parasite par exemple. Mais aucun film n'a déchaîné non plus une tempête de critiques, comme The last face en 2016 ou Les filles du soleil en 2018.
Plus curieux encore, et fait vraiment exceptionnel, presque tous les 21 films en compétition ont figuré dans les palmarès idéaux des uns et des autres. Par exemple le palmarès de Libération ne comprend qu'un seul film en commun avec le palmarès définitif et en cumulant les deux on a quasiment l'ensemble des films !
Pour ma part, je trouve très étonnant que ne figure pas dans les films récompensés le très beau Armageddon time de James Gray (cela devient une humiliation pour ce grand cinéaste qui n'a jamais rien gagné à Cannes, qu'il adore pourtant). Etonnant aussi qu'il manque à l'appel le magnifique Leila's brothers, film iranien qui est ma Palme d'or personnelle et celle de nombreux festivaliers, ainsi que Les amandiers, de Valeria Bruni Tedeschi. Mes trois films préférés de la compétition 🙄 !
Le jury a réagi à cette homogénéité de la sélection en voulant récompenser le plus de films possibles (1 prix supplémentaire et deux prix ex-aequo) : 10 films sur les 21 présentés ont ainsi obtenu une récompense.
Palme d'or : Sans filtre (Triangle of sadness) de Ruben Ostlund
De la part du jury, c'est sûrement le choix le plus consensuel. Cette farce parfois potache, par moment hilarante, est sûrement l'oeuvre qui peut prétendre ramener le public le plus large possible vers les salles, tout en véhiculant un message anti-capitaliste qui a du plaire au président. Je trouve pour ma part le film agréable, mais un peu superficiel. C'est du cinéma de petit malin.
Grand prix ex-aequo : Close de Lukas Dhont et Stars at noon de Claire Denis
Close était la Palme d'or du coeur de beaucoup de festivaliers, le film ayant généré la plus longue standing ovation de la compétition (12 minutes). C'est un très beau film et à 31 ans Lukas Dhont est promis à un grand avenir : une sorte de Xavier Dolan européen, l'égo en moins. Le Claire Denis est de bonne facture mais ne mérite pas cette place : peut-être une façon de récompenser la réalisatrice pour sa carrière (et de s'assurer une présence féminine dans le palmarès ?).
Prix de la mise en scène : Park Chan-wook pour Decision to leave
Rien à dire, le nouveau film du réalisateur d'Old boy est presque trop brillant en terme de réalisation, on est parfois au bord du trop-plein d'idées.
Prix du scénario : Tarik Saleh pour Boy from heaven
Si le sujet du film est intéressant (un jeune pêcheur au coeur pur se trouve mêlé à une guerre de succession à la tête de l'université El Azhar du Caire), j'ai justement trouvé que le scénario souffrait de quelques carences ! Probablement une façon de trouver une petite place au film dans le palmarès.
Prix du jury ex-aequo : EO de Jerzy Skolimovski et Les huit montagnes de Felix van Groningen et Charlotte Vandermeersh
EO aurait pu se trouver plus haut dans le palmarès, c'est un film formidable et inventif. Quant aux Huit montagnes, il a souffert d'une campagne de dénigrement dans la presse que je trouve injuste : c'est un film grand public qui s'intéresse à des sujets rarement montrés au cinéma (l'amour de la montagne, l'amitié masculine comme ciment d'une vie)
Prix du 75ème : Tori et Lokita, des frères Dardenne
C'est un des plus faibles Dardenne, qui sont ici en service minimum. Il semblerait qu'il y ait eu des débats animés au sein du jury à son sujet : Lindon le voulant peut-être plus haut dans le palmarès. Un exemple que les plaidoyers moraux, s'il ne font pas de bons films, permettent d'obtenir des récompenses.
Prix d'interprétation féminine : Zar Amir Ebrahimi dans Holy spider (Les nuits de Mashhad)
Mérité ! Le film de Ali Abbasi, qui suit la trajectoire d'un tueur en série de femmes, est d'une violence crue, mais c'est un beau film nécessaire et toute l'équipe du film est désormais interdite de retour en Iran, ce qui représente quand on y pense une incroyable preuve d'amour envers le cinéma. L'actrice, qui vit en France depuis plusieurs années, campe une journaliste opiniâtre, obsédée par cette affaire.
Prix d'interprétation masculine : Song Kang-ho pour Les bonnes étoiles
Curieux que le jury ait choisi de récompenser l'acteur coréen pour ce rôle qui est presque un second rôle. Sûrement une façon de récompenser sa carrière entière et/ou de donner quelque chose au très beau film de Kore-Eda. Beaucoup pensait à l'italien Pierfrancisco Favino, pour son rôle dans Nostalgia.
Ultimes séances de rattrapage. Le bleu du caftan (2/5), de Maryam Touzani, présente beaucoup de points communs avec son film précédent, Adam : huis clos, visages filmés en gros plans, sensualité dans la façon de filmer les peaux, étude de l'évolution des sentiments. Le film décrit un trio : Halim, qui fabrique des caftan et est homosexuel, sa femme en fin de vie, et un jeune apprenti beau comme un Dieu. Malgré beaucoup de qualités, je trouve que tout est trop appuyé dans le film, qui est trop long.
Et pour finir, 41 ème projection à Cannes qui me permet d'avoir vu l'intégralité des 21 films en compétition, Pacifiction (Tourment sur les îles) (1/5), dont Libération, entre autres, fait sa Palme d'or. Ce pensum dure 2H45 et regroupe la plupart des éléments que je déteste dans un certain cinéma d'auteur auto-centré : une façon de s'étaler sans sembler se soucier une seconde du spectateur, un refus de donner les clés de ce qui est montré, des éléments plaqués sur un récit de façon totalement artificielle (les scènes de boites de nuit). Une sorte d'onanisme cinématographique, qui ne possède même pas l'excuse de la beauté plastique que peuvent revendiquer Malick ou Wheerasethakul.
A l'année prochaine !
27 mai
Je rattrape ce matin un très beau film de la Semaine de la critique, Dalva (4/5) d'Emmanuelle Nicot. Le film suit l'itinéraire d'une jeune fille de douze ans qui a été séquestrée et abusée par son père de 5 à 12 ans, à partir du moment où elle est soustraite à l'influence de ce dernier. L'interprétation de la jeune Zelda Samson est incroyable de justesse. Un film sec, ramassé, brillant.
Je reprends ensuite le fil de la compétition avec le nouveau Kelly Reichardt, Showing up (1/5). Je ne comprends toujours pas ce que cette cinéaste minimaliste a à nous dire. Sur une échelle de l'ennui de 1 à 10, je mets 9,5 à cette chronique qui nous montre une artiste en chaussettes essayer de prendre une douche et de soigner un pigeon.
Un petit frère (4/5), de Léonor Serraille est au contraire une ample fresque très abordable, qui donne à voir l'itinéraire en France d'une femme et ses deux fils, arrivés de Côte-d'Ivoire en 1989. Beaucoup de justesse et une grande qualité d'écriture, parfait pour terminer en beauté une compétition. Le nouveau Hirokazu Kore-Eda, tourné en Corée avec des acteurs coréens, est une nouvelle variation sur la notion de famille. Les bonnes étoiles (5/5), connu à Cannes sous le nom de Broker, est un petit peu moins puissant qu'Un air de famille, mais il touche souvent au coeur, mêlant avec beaucoup de grâce ironie douce, émotion feutrée et rebondissements inattendus.
26 mai
Retour à la compétition avec Leila's brothers (5/5), de l'iranien Saeed Roustaee (La loi de Téhéran). Un film fleuve (2h45 quand même), mais qui passe plus vite que certains films d'1h30. Il faut imaginer l'ambiance de la série Succession dans une famille iranienne modeste, avec des intrigues dignes de Farhadi. Grand film intimiste et politique, cette fresque familiale devient ma Palme d'or à ce stade de la compétition.
Stars at noon (3/5) de Claire Denis, est plutôt une réussite. Margaret Qualley et Joe Alwyn forme un couple très convaincant, qui confrontent leurs deux opacités dans un Nicaragua moite et gangrené par toutes sortes d'intrigues politiques auxquelles on ne comprend pas grand-chose, mais ce n'est pas grave. Avec une BO merveilleuse de Tindersticks. Enfin Close (4/5), le deuxième film de Lukas Dhont, l'auteur du formidable premier film Girl. Dhont film merveilleusement bien l'amitié de deux jeunes garçons de 13 ans. Un cinéma d'une grande finesse, qui pourrait trouver sa place au Palmarès. On devrait retrouver ce réalisateur de très nombreuses fois à Cannes dans l'avenir, il n'a que 31 ans et produit déjà des films de toute beauté.
25 mai
Pas de compétition pour aujourd'hui, mais un petit tour dans les sélections parallèles. A la Quinzaine, le nouveau film de Thomas Salvador, La montagne (1/5) m'a beaucoup déçu. L'idée d'un homme qui va dans la montagne et ne veut / peut plus en descendre était sympa, mais l'aspect surnaturel ajouté n'apporte rien au final, au contraire. Je passe à la clôture de la Semaine pour Next Sohee (3/5), de July Jung, dont j'avais beaucoup aimé A girl at my door. Ce deuxième film est une charge violente contre la façon dont la société coréenne traite ses jeunes sur le marché du travail. Bien qu'un peu long, la projection est agréable, notamment grâce aux actrices, parmi lesquelles la formidable Doona Bae.
A Un certain regard, Mediterranean fever (3/5) de la palestinienne Maha Haj est un joli film sur une amitié entre un malfrat et un écrivain dépressif. Bien écrit (un peu long, mais c'est une maladie générique à Cannes cette année) et bien joué, le film est étonnant, jusqu'au retournement final. Elia Suleiman et les frères Nasser sont dans la salle, solidarité palestinienne oblige.
Enfin je rattrape Godland (2/5) de l'islandais Hlynur Palmason (Un jour si blanc). Certains s'extasient sur cet exercice de style hyper stylisé qui décrit le périple d'un prêtre danois en Islande au XIXème siècle : format carré, absence presque totale de dialogue pendant la première partie du film, paysages grandioses, action réduite à sa plus simple expression, longueur excessive (2h23). Je n'ai pas été sensible du tout à la démarche du réalisateur, même si la qualité de la photographie est en effet incroyable. Pour ceux qui ont aimé des films comme La dernière piste ou Jauja.
24 mai
Début de journée à Un certain regard. Retour à Séoul (4/5), de Davy Chou, est un très beau film sur la recherche de ses origines par une Française adoptée en Corée. Le film est à la fois ample, précis et émouvant. L'actrice est formidable.
Les frères Dardenne, dans Tori et Lokita (2/5) appliquent une recette éprouvée : accumuler un maximum d'humiliations sur les deux personnages de migrants jusqu'au drame, et sans possibilité de s'échapper. C'est peut-être efficace pour dénoncer la façon dont les migrants sont traités en Europe, mais cela ne fait pas un bon film, tout juste un manifeste pour une ONG. Heureusement que les deux interprètes principaux sont très bons.
La suite est plus réjouissante. Je parviens à entrer dans le GTL pour la cérémonie du 75ème anniversaire. Une centaine de sommités du cinéma mondial sont là, je ne peux pas tous les citer. C'est devant ce parterre de réalisateurs incroyables (14 palmes d'or pour les présents) que Louis Garrel à la lourde tâche de présenter son film, L'innocent (4/5). Heureusement pour lui le film est très bon, c'est la comédie dramatique dont le festivalier épuisé à besoin à l'approche du sprint final. La salle a éclaté de rire à de nombreuses reprises - et moi aussi.
Fin de soirée avec Nostalgia (4/5) de l'italien Mario Martone, avec l'excellent acteur Pierfrancesco Favino (Le traître), qui pourrait bien ici espérer un prix d'interprétation. On suit un italien qui revient à Naples quarante ans après en être parti, et qui se frotte à son ancien meilleur ami, devenu boss du quartier pour la Camorra. C'est efficace, et surtout c'est un magnifique portrait de la cité napolitaine.
23 mai
Enorme journée aujourd'hui avec 5 films, 2 montées des marches en soirée et beaucoup d'émotions. Cela commence à la Quinzaine avec le nouveau film de Léa Mysius, Les cinq diables (3/5), un drama familial teinté de surnaturel. Cela commence très bien avant de s'affadir un peu. Le film paraît trop écrit. Adèle Exarchopoulos est là avec toute l'équipe du film.
On continue à Un certain regard avec un film turc, Burning days (2/5), de Emin Alper. Cela se situe quelque part entre Zvyaguintsev et Nuri Bilge Celan, avec beaucoup moins de finesse et de talent. Cette critique de la société turque est pleine de bonnes intentions, mais un peu naïve.
J'arrive ensuite au GTL pour un trois à la suite. Je ne me serais jamais attendu à adorer le film de Valéria Bruni-Tedeschi, Les amandiers (5/5) ! Ce portrait de groupe est magnifique. Il saisit les spécificités du métier d'acteur, il dresse un portrait sans concession mais passionnant de Patrice Chéreau, et il restitue à merveille l'ambiance des années 80. Le casting est au top. Les amandiers, c'est tout ce que le cinéma peut apporter : des infos, des émotions, des sensations. J'attendais beaucoup (sûrement trop) du nouveau film de Park Chan-Wook, Decision to leave (3/5). La mise en scène est comme d'habitude souveraine, et le scénario excelle à rendre compréhensible une histoire très complexe, mais le film est un peu long et moins spectaculaire que Mademoiselle, par exemple. Eventuellement un prix du scénario ou de la mise en scène.
Pour finir, j'obtiens miraculeusement un billet pour Les crimes du futur (1/5), de David Cronenberg. Je n'aime pas du tout le film que je trouve compassé, artificiel et finalement pauvre en cinéma. Les concepts qu'évoquent les personnages (par ailleurs tous assez mal joués) sont finalement plus intéressants que le film lui-même. Mais le spectacle autour de moi, dans un carré de 20x20 sièges est d'anthologie : outre Léa Seydoux et Kristen Stewart, je vois Guillermo del Toro se lever pour applaudir Cronenberg, Claude Lelouch de lever pour laisser passer Sharon Stone rejoindre sa place, Nuri Bilge Ceylan arriver avec son fils, Chiara Mastroianni saluer Rebecca Zlotowski, Félix Moati se pointer sans costard et s'assoir non loin d'Agnès Jaoui, Vincent Cassel présenter son billet à l'ouvreuse juste avant moi, etc. J'ai rarement vu un parterre de cette qualité.
22 mai
Trois films en compétition à la suite aujourd'hui. Dans Triangle of sadness (3/5), Ruben Ostlund poursuit dans la veine qui lui a déjà donné une palme d'or (The square) : se moquer avec causticité des petits travers de notre société, et des grands aussi. C'est souvent très bien vu, et parfois hilarant, mais comme ses personnages sont réduits à des caricatures sans épaisseur, l'impression finale est celle d'une superficialité un peu creuse, d'une farce potache.
Autre palmé, Cristian Mungiu ne pourra lui sûrement jamais être accusé d'être superficiel. RMN (3/5) est magnifiquement réalisé, mais un peu moins bien écrit que ses oeuvres précédentes. Le film aborde beaucoup de thèmes qu'il ne traite pas complètement, avant de se concentrer sur un tableau de la xénophobie ordinaire dans un petit village roumain. Une scène de 15 minutes, en plan-séquence fixe et avec une petite centaine de figurants, est magistrale. Holy spider (5/5), qui sortira en France sous le nom de Les nuits de Mashhad, est une oeuvre coup de poing d'Ali Abbasi, cinéaste iranien vivant en Suède, dont j'avais adoré le film précédent, Border. On suit un tueur en série fou d'Allah, qui s'en prend aux prostituées. C'est rugueux, très rythmé et frontal. On devrait le retrouver au palmarès, si les scènes de violence n'effraient pas le jury.
Pour finir en douceur, Don Juan (3/5) de Serge Bozon démontre surtout le talent immense de Virginie Efira, et celui de Tahar Rahim chanteur. L'univers décalé et très formel de Bozon trouve dans cette histoire mélancolique et triste un parfait terrain, je trouve, bien plus que dans le registre de la comédie grinçante. Le film est descendu par tout le monde ou presque.
21 mai
La journée commence avec Frère et soeur (2/5), qui m'a déçu. Je reviendrai très bientôt sur ce film, qui est une parodie de Desplechin par Desplechin. Étonnant de voir le contraste entre les critiques "parisiennes", dithyrambiques si on en croit Allociné (4,3 de moyenne !), et l'accueil glacial de la Croisette (il y aurait eu des ricanements pendant la projection presse).
Pamfir (5/5) est un coup de coeur. Le film est ukrainien mais n'a rien de politique. Il s'agit d'une sorte de tragédie grecque en forme de western slave, servi par une mise en scène d'une élégance rare. Un film que j'aurais volontiers vu en compétition dans l'officielle. Le nom du réalisateur est à retenir, et pas seulement si on joue au scrabble : Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk. Je continue à la Quinzaine avec Sous les figues (2/5) de la tunisienne Erige Sehiri, rayonnante dans la salle avec son casting non professionnel. Le film est un portrait de la jeunesse tunisienne, solaire, énergique et anecdotique, le temps d'une journée de cueillette de figues.
Pour finir, dans une salle archi-comble du Cineum, un des évènements de cette édition, le nouveau film de George Miller, Trois mille ans à t'attendre (3/5). C'est du divertissement de très bonne tenue, servi par un duo admirable (Tilda Swinton et Idriss Elba), qui loue les pouvoirs de l'imagination. Ca fait plaisir de voir du cinéma grand public qui quitte le sillon Marvel pour retrouver le plaisir des Mille et une nuits.
20 mai
Retour à la compétition aujourd'hui avec pour commencer le superbe Armageddon time (5/5) de James Gray. Très bien accueilli par la Croisette, c'est ma première Palme d'or potentielle. Le James Gray des débuts (jusqu'à Two lovers) revient dans ce film délicat, fluide et très bien réalisé, qui mélange la chronique intime et l'exploration du racisme chronique américain. Magnifique.
EO (4/5) (on peut traduire par Hi-Han) du polonais Jerzy Skolimovski est quant à lui le premier film complètement barré de l'édition 2022. iL s'agit de suivre la trajectoire d'un âne de son point de vue, en explorant la grandeur de la nature et la bêtise cruelle des hommes. Il y a une idée de cinéma toutes les 2 minutes, et c'est comme si Lynch croisait Kaurismaki. Troisième film à la suite au GTL, Boy from heaven (2/5) du réalisateur suédois d'origine égyptienne Tarik Saleh (Le Caire confidentiel) m'a déçu. Si l'histoire est intéressante (un jeune étudiant est entraîné dans une guerre de succession à la tête de la prestigieuse université coranique Al Azhar du Caire), le traitement est trop plat, et le scénario m'a semblé bâclé. Un produit trop formaté "compétition cannoise" à mon goût.
Enfin, direction Debussy pour le nouveau film d'un réalisateur que j'aime beaucoup, Dominik Moll. La nuit du 12 (4/5) est une sorte de Zodiac franchouillard, sur une affaire d'homicide non résolue à Saint-Jean de Maurienne. C'est captivant et excellemment joué par Bastien Bouillon et Bouli Lanners. La projection est marquée par un évènement rarissime : devant le manque de sous-titres anglais une partie du public fait interrompre la séance, qui repartira quelques minutes plus tard !
19 mai
Rodeo (4/5), premier film de la Française Lola Quivoron, était très attendu. Le film nous fait pénétrer dans le monde méconnu des adeptes de cross-bitume. L'héroïne principale (qui m'a beaucoup fait penser à celle du film American Honey) suit un parcours initiatique entre délinquance et quête de soi-même. C'est très bien fait, même si la fin m'a laissé perplexe.
Harka (3/5) m'a ensuite emmené en Tunisie. Le réalisateur qui vit aux USA, Lotfy Nathan, imprime une efficacité toute américaine à ce tableau d'un jeune tunisien qui va finir par s'immoler par le feu. Le tableau de la société tunisienne est glaçant. A la Quinzaine, Philippe Faucon propose Les harkis (2/5), qui décrit de façon un peu académique et sans grand enjeu dramatique les dilemmes des supplétifs algériens qui aidèrent l'armée française. Intsructif et très bien photographié, sans être génial. Après Tirailleurs, on dirait que le cinéma français a envie de se frotter à son passé colonial...
Le film du couple belge Félix Van Groningen et Charlotte Vandermeersch, Les huit montagnes (4/5) est plus sage que les films précédents de Van Groningen (La merditude des choses, Alabama Monroe). Format carré, écoulement lent du temps, paysages alpestres magnifiquement filmés, un sujet finalement peu montré au cinéma (l'amitié masculine comme sens à sa vie). Le film est un poil trop long (2h27) et pas toujours de très bon goût, mais il est beau et je me suis laissé emporté par l'évolution des personnages. La presse n'a pas aimé du tout.
18 mai
A peine arrivé, je trouve par miracle en quatre minutes chrono une place pour le premier film en compétition, La femme de Tchaïkovski (2/5), de Kiril Serebrennikov. Si la caméra est nettement moins agitée que dans La fièvre de Petrov (ce n'est pas difficile), la mise en scène reste virtuose. C'est intéressant, mais assez froid et surtout très long (2h30). Il faut dire que le sujet est un peu austère : l'amour obsessionnel et aveuglé d'une jeune femme pour un homme qui n'en voulait pas (le musicien était homosexuel, et pas vraiment sympa avec son épouse).
Je glisse ensuite dans la salle Debussy pour l'ouverture d'Un certain regard. Tirailleurs (3/5) est présenté par l'équipe du film au complet, dont un Omar Sy rayonnant et très ému. Le film raconte la première guerre mondiale du point de vue des tirailleurs sénégalais. C'est bien fait sans être génial, et le scénario aborde beaucoup de sujets intéressants. Dans la lignée d'Indigènes, qui avait été aussi présenté à Cannes.
Pour finir, direction le théâtre Croisette pour l'ouverture de la Quinzaine. Je n'avais pas aimé son film précédent (Martin Eden), mais Pietro Marcello réussit ici à me convaincre avec pourtant des ingrédients similaires : un jeu constant et déstabilisant sur les différentes textures d'image, une sorte de romantisme rude et mal dégrossi, un vérisme parfois très cru. La réussite de L'envol (4/5) tient dans son très beau portrait de jeune fille, associé à une poésie diffuse. Un film étonnant et profond.
17 mai
Comme j'en ai pris l'habitude depuis plusieurs années, le Festival commence pour moi à distance, je ne rejoindrai la Croisette que demain. Après le feu d'artifice que constituait Annette en ouverture l'année dernière, cette édition s'ouvre sur un mode plus mineur, mais qui célèbre à sa façon, modeste et réjouissante, la magie du cinéma.
Coupez ! (4/5) de Michel Hazanavicius, est un kick off parfait, habilement construit, remake du film récent Ne coupez pas !, du japonais Ueda. On découvre tout d'abord une série Z japonisante d'une demi-heure, avant d'assister intrigué à des flashbacks qui nous font voir l'envers du décors. C'est simple, très bien écrit, et servi par des acteurs qui ont l'air de bien s'amuser. Les seconds rôles sont parfaits, Jean Pascal Zadi en tête. Une ouverture pétillante en forme de déclaration d'amour à l'amateurisme et au septième art.
Coupez ! commence par une série Z de 30 minutes filmée en plan séquence. On se demande vraiment ce qu'on est en train de regarder. Plusieurs scènes sont complètement ratées, les dialogues sont nuls et les acteurs semblent souvent improviser maladroitement. Parfois un effet de style fait cinéma d'auteur (la caméra est fixe alors que les personnages sortent longuement du champ, ou reste par terre après être tombée, façon found footage).
Mais curieusement, l'action se poursuit cahin-caha, et le réalisateur (un Romain Duris survolté) parvient à toujours retomber toujours sur ses pieds en parvenant même parfois à nous emporter.
Après cette introduction, le film raconte la genèse de ce qu'on vient de voir : comment cette série Z a été préparée, puis tournée. Hazanavicius parvient alors à nous surprendre et à nous émouvoir. Beaucoup d'éléments inexplicables du film initial trouve alors une explication rationnelle, parfois hilarante.
Cette deuxième partie est une déclaration d'amour au cinéma et plus spécifiquement à la volonté de tourner coûte que coûte, même avec peu de moyens et en dépit des difficultés rencontrées. C'est souvent drôle, très bien rythmé et tous les seconds rôles sont formidables.
Ce remake d'un film japonais est une ouverture parfaite, pétillante et réjouissante, pour le Festival de Cannes 2022.
Il y a quelque chose d'étonnant à voir les cinéastes anglais réussir ce qu'en France on a beaucoup de mal à faire : des films réglés comme du papier à musique, amusants, bien joués, rythmés et agréables.
Nous voici dans les années 60, à suivre un Robin des Bois en imperméable, prêt à faire bien des folies pour que la redevance télé soit gratuite pour les aînés.
Jim Broadbent est très bon dans ce rôle de gentil débonnaire alors que Helen Mirren casse la baraque, comme à l'habitude. La mise en scène de Roger Michell (Coup de foudre à Notting Hill, c'est lui) est d'une sobre efficacité, ne négligeant jamais d'entretenir le rythme et de peaufiner les seconds rôles.
Un divertissement agréable, sans beaucoup de prétention.
Tout dans Marina est estampillé "film d'auteur" destiné à être remarqué : une unité de lieu remarquable, une réalisatrice déjà récompensée pour un court-métrage sur le même sujet, une jeune actrice charismatique, des thèmes à fort potentiel dramatique.
Mais d'une certaine façon, cette qualité programmatique joue contre le film, qui ne ménage pas beaucoup de surprises : le père possessif et violent n'est pas très sympa, l'ami visiteur et riche va séduire la jeune Julija dont les désirs d'émancipation vont se heurter à la dure réalité.
Se succèdent donc différentes scènes très signifiantes et filmées de façon conventionnelle (et parfois un peu maladroite), sans que l'intérêt pour ce que raconte Murina ne grandisse beaucoup : une petite déception, pour cette Caméra d'Or du festival de Cannes 2021.
Ce joli film argentin présente un premier intérêt, c'est la découverte de la deuxième danse importante d'Argentine avec le tango, le malambo.
Les scènes de danse sont très impressionnantes, le malambo étant intrinsèquement spectaculaire, avec son jeu de claquette et une grande expressivité dans les torsions de cheville.
Pour le reste, ce premier film est assez classique, mêlant assez habilement différents genres (thriller, drame familial, road movie) autour de l'histoire d'un jeune homme préparant un concours de malambo, alors que son père sortant de prison rentre à la maison. L'intrigue n'est pas réellement captivante mais ce n'est pas vraiment important.
Autres intérêts de ce film très dépaysant : la prestation de l'immense acteur chilien Alfredo Castro, et les paysages magnifiques d'une région méconnue d'Argentine, la quemanda de Humahuaca, à la frontière bolivienne.
Ce qui est remarquable dans Hit the road, c'est l'équilibre délicat que le film parvient à maintenir tout au long ce ces 93 minutes, entre circonstances dramatiques et distance humoristique.
Le père est taciturne et déverse son acidité placide sur tous et toutes. La mère est magnifique, pleine de force et de beauté intérieure. Le petit garçon, insupportable pipelette, est drolatique. L'autre fils, jeune adulte, ne dit rien, et on comprend rapidement que le sujet du film, c'est son avenir.
Tout cela est déjà vu, mais sublimé ici par une légèreté presque poétique, agrémentée d'un grain de folie et d'une bonne dose d'auto-dérision. C'est léger, filmé avec une grâce toute iranienne (les cinéastes iraniens n'ont pas d'équivalent quand il s'agit de développer toute une dramaturgie à l'intérieur d'une voiture). Ce beau road movie se déroule dans des paysages magnifiques, qui donnent au film une tonalité profonde et vitale.
Il existe des films puissants, pesants, désagréables et au final impressionnants : Nitram fait partie de ceux-ci.
L'idéal est de voir le film de Kurzel sans en connaître la teneur, mais je suppose qu'il sera bien difficile d'y parvenir ici tant la presse présente le film comme le portrait du jeune homme qui a commis l'irréparable.
Si on supporte donc la pesanteur inhérente au film, on ne peut qu'être bluffé par le jeu exceptionnellement sensible de l'acteur Caleb Landry Jones (justement récompensé par le prix d'interprétation à Cannes), la maîtrise de la mise en scène et l'habileté de l'écriture.
On sort rincé du film, perplexe sur la nature des sentiments éprouvés, entre admiration pour la construction du film, respect pour les performances et la pudeur de la caméra (les scènes de fin) et dégoûté par l'impression de gâchis et d'impuissance qui suinte de cette histoire montrée dans toute sa sèche vérité.
Du cinéma à l'os.
Justin Kurzel sur Christoblog : Macbeth - 2015 (**)
Du 17 au 28 mai 2022, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette, à suivre en lisant Mon journal de Cannes.
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Vincent Lindon est cette année le Président du jury. Il sera entouré, entre autres, par Noomi Rapace, Asghar Farhadi, Lady Ly, Jeff Nichols, Rebecca Hall, Joachim Trier et Jasmine Trinca. Valeria Golino dirigera le jury d'Un certain regard.
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Cette année, la compétition comprend 21 films, ce qui représente un nombre raisonnable après l'orgie de l'année dernière (24 films). On peut distinguer dans la sélection ceux qui ont déjà eu une Palme d'Or (les Dardenne, Kore-Eda, Mungiu, Ostlund), ceux qui auraient pu en avoir une (Cronenberg, Desplechin, Park Chan-Wook), ceux qui n'en auront peut-être jamais (Claire Denis, James Gray, Kelly Reichardt, Albert Serra, Jerzy Skolimowski, Valeria Bruni Tedeschi), les jeunes pousses qui en auront probablement une un jour (Dhont, Serebrennikov). J'attends pour ma part impatiemment les films d'Ali Abbasi (dont j'ai adoré Border), Léonor Serraille (je suis fan de son premier film Jeune femme), Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen (La merditude des choses, Alabama Monroe), Saeed Roustaee (auteur de l'excellent La loi de Téhéran) et Tarik Saleh (Le Caire confidentiel). Le cinéaste que je connais pas du tout cette année est l'italien Mario Martone, le seul dont je n'ai vu aucun film.
Cannes Premières
Avant 2020, les "refoulés" de la compétition se retrouvaient à Un certain regard, ou à la Quinzaine. En 2021, Thierry Frémaux leur a offert une nouvelle section qui est reconduite cette année, dans la salle Debussy, habituellement réservée à Un certain regard. On retrouvera ici un casting dont Venise ou Berlin se délecteraient : Marco Bellochio, Olivier Assayas, Serge Bozon, Emmanuel Mouret, Rodrigo Sorogoyen, Panos Koutras, Rachid Bouchareb et Dominik Moll.
Un certain regard
Cette sélection se recentre sur son objectif initial, comme en 2021 : faire découvrir des oeuvres originales et exigeantes. Peu de noms connus par conséquent. Le film d'ouverture, Tirailleurs, de Mathieu Vadepied, avec Omar Sy, est cependant très attendu. On croisera tout de même dans cette section Davy Chou, dont j'ai adoré un des films précédents, Diamond island. Un islandais sera là, comme c'est de tradition, et il s'agira de Hlynur Palmason, remarqué à Cannes pour un film précédent de bonne facture, Un jour si blanc. L'actrice Riley KEOUGH (petite-fille d'Elvis Presley) y présentera son premier film. La sélection nous fera voyager à travers le monde entier : Japon, Allemagne, Costa-Rica, Norvège, Palestine, Turquie, Australie, Pakistan, Pologne, USA, France et ... Ukraine.
Autres sélections
Dans le cadre des séances spéciales et autres projections inclassables, on trouve cette année du très lourd, que ce soit en matière de cinéma d'auteur (Losnitza, Louis Garrel, Jasmine Trinca, Etan Coen, Patricio Guzman), de fun (Top Gun Maverick et un hommage à Tom Cruise, Elvis de Baz Luhrman, les nouveaux films de Cédric Jimenez, Nicolas Bedos et surtout George Miller). Quentin Dupieux présentera son nouveau projet dans une séance de minuit qui s'annonce délirante. Dans la section Cannes classics, on verra un film sur les jeux olympiques de Tokyo, tourné par l'habituée cannoise Naomi Kawase. Enfin, deux curiosités : l'acteur principal de Squid game, Lee Jung-Rae, présentera son premier film en séance de minuit et la chanteuse Diam's un documentaire autobiographique.
La Quinzaine des réalisateurs
Paolo Moretti renouvelle comme l'année dernière le casting de la Quinzaine (pour sa dernière année à ce poste), habituée auparavant à ronronner sur des noms récurrents et/ou sur les recalés de l'officielle. Cap sur l'aventure, donc. Pas beaucoup de grands noms, mais des inconnus, des réalisateurs à (re)découvrir (Rodrigues, Alex Garland, Charlotte Le Bon), et une très forte présence française (Léa Mysius, Philippe Faucon, Thomas Salvador, Alice Winocour, Mia Hansen-Love, Nicolas Pariser), ce qui est une caractéristique de cette année, toutes sections confondues. Annie Ernaux y présentera un film. L'envol, film de l'italien Pietro Marcello, avec Louis Garrel et Noémie Lvosky, une des grosses attente de cette édition, sera présenté en ouverture.
Semaine de la critique
Cette année, je ne connais vraiment personne dans la compétition qui nous fera voyager en France, en Finlande, en Iran, en Colombie, au Portugal et aux USA. Dans les séances spéciales, on retrouvera l'acteur Jesse Eissenberg qui viendra présenter ici son premier film et la nouvelle proposition du cinéaste / artiste Clément Cogitore. C'est un film coréen de Jung July qui fera la clôture (son premier film, A girl at my door, est très bon).
ACID
Dans la petite dernière des sélections cannoises, peu de noms connus, mais comme dans les autres sélections une forte présence française. Polaris, d'Ainara Vera, aiguise ma curiosité : il promet de nous emmener naviguer au Groenland.
Le cinéma de Mikhaël Hers est d'une délicatesse tellement grande qu'elle flirte souvent avec l'insipidité.
Lors que cette délicatesse rencontre une solide architecture narrative, cela donne un excellent résultat (Amanda), lorsqu'elle illustre une absence de propos, elle emplit l'écran de cinéma d'un vide cotonneux (Memory lane).
On est ici un peu entre les deux. L'écoulement du temps, le jeu convainquant de Charlotte Gainsbourg (qui semble s'améliorer de film en film), la finesse avec laquelle les émotions et états d'âme sont captés rendent le film très appréciable et attachant.
Mais ce qui est raconté n'est en réalité pas très intéressant. Une femme au foyer qui doit se réinventer après n'avoir connu qu'un seul homme, les émois adolescents, la collision de milieux sociaux très différents : autant de sujets déjà vus mille fois et qui n'ont d'intérêt ici que parce que la patine de la mise en scène les irise d'une tonalité douce-amère, mettant en valeur les sentiments d'empathie et de partage.
Un film touchant, dans lequel l'émotion effleure parfois, et qui se regarde comme on feuilleterait un vieil album de famille. C'est à la fois beau, sensible, et un peu vain.
Michaël Hers sur Christoblog : Mikhaël Hers sur Christoblog :Memory Lane- 2010 (*) / Amanda - 2018 (***)
Il en va de Klapisch comme il en a été de Lelouch : on est surpris et bouleversé quand la recette utilisée (bons sentiments et confiance absolue en la puissance narrative du cinéma) fonctionne aussi bien !
En corps commence de façon très efficace : de superbes scènes de danse, un personnage qui impose immédiatement sa présence (formidable Marion Barbeau, une révélation), et une grande densité dramatique en une seule séquence.
Lancé sur ces très bons rails, le film enchaîne ensuite une alternance de morceaux de bravoure et de temps calmes consacrés au tableau d'une lente reconstruction faisant suite à un double deuil. Sans verser dans le sentimentalisme niais, Klapisch brasse de belles et profondes émotions qui font mouche. Une des forces du film est de situer une bonne partie de son action dans un environnement dopé par la fougue des danseurs, et dans lequel trône une Muriel Robin impériale. Pio Marmaï est renversant en cuisinier possédé, et le couple qu'il forme avec Souheila Yacoub est très drôle.
La troupe du chorégraphe Hofesh Schechter insuffle dans En corps un souffle puissant et bienfaisant, qui célèbre l'exultation des corps, et des âmes. C'est vraiment très beau.
Apples est le premier film de Christos Nikou, qui fut assistant de Yorghos Lanthimos pour le film Canine. On retrouve dans le film des idées que ne renierait certainement pas l'auteur de The lobster : une partie de la population d'Athènes est atteinte d'une amnésie soudaine, le "programme" de soin consiste a effectuer des tâches élémentaires, dans la thérapie figure le fait de prendre des photos de ses activités avec un polaroid.
Mais autant les films de Lanthimos sont vifs, décapants et souvent intrigants, Apples est lui tristounet, presque métaphysique et minimaliste. Le format carré, la photographie éteinte, la morne mise en scène et le jeu neurasthénique des acteurs n'aide pas à ce qu'on entre vraiment dans le film, même si le mystère planant sur le film (qui était le personnage principal avant l'épidémie?) maintient un intérêt minimal.
J'ai regardé ce film comme on lit un pensum appliqué et très cohérent stylistiquement, attendant à être surpris, et ne l'étant jamais vraiment, malgré un ultime twist peu frappant. Il a bénéficié d'une sortie en salle très limitée, on comprend pourquoi.
Le deuxième film de Diane Kurys, qui suit l'incroyable succès du premier, Diabolo menthe, est très intéressant.
Il commence comme une ode à la jeunesse libertaire en rupture vis à vis de la famille. Cette première partie est rafraîchissante et rappelle les plus belles réussites en matière de portrait de la jeunesse (Doillon, Kechiche).
Lorsque notre trio part à Venise, puis en revient, le road trip se transforme petit à petit en récit à la fois triste et distancié, par la grâce de quelques scènes de toute beauté (le témoignage du gendarme par exemple).
Si Cocktail molotov a si bien vieilli, c'est surtout grâce à la performance des acteurs. Elise Caron rayonne littéralement en archétype précoce de femme libérée. Mais c'est la toute première apparition de François Cluzet qui emporte le morceau : sa gouaille un peu distante (on pense à Vincent Lacoste, le cynisme en moins), la beauté de sa voix et son aplomb imperturbable forcent l'admiration.
The king's man : première mission présente l'équilibre parfait qu'on attend d'un film d'action, entre scénario surprenant et fouillé, et scènes spectaculaires.
En ce qui concerne la narration, le troisième volet de la trilogie parvient à insérer dans son intrigue de nombreux personnages réels qui vivent leur vie "normale" : l'archiduc Ferdinand, lord Kitchener, Raspoutine, Lénine, Mata Hari. Cela donne au film une patine réaliste dans sa première partie que ne possède aucun film équivalent.
Dans la seconde partie, Matthew Vaughn parvient à se hisser en terme d'action à ce qui se fait de mieux dans le genre. Les scènes finales qui montrent les héros s'attaquer à la citadelle minérale du méchant boss sont impressionnantes.
Le film est une gourmandise sans prétention, qui souffre parfois de quelques baisses de rythme sans gravité, un peu moins drôle que les épisodes précédents, mais qui se regarde avec plaisir.