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Gazette de cinélatino 2021

Cinélatino m'ayant gentiment accrédité pour sa version en ligne, voici mon journal du festival 2021.

23 mars 

Le premier film que je vois est le seul de la compétition d'un réalisateur que je connais déjà. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les autres films que j'ai vu de Michel Franco (Despues de Lucia, Chronic) m'avaient laissé perplexe. Nouvel ordre (3/5) me semble l'oeuvre la plus ambitieuse de son auteur : conte dystopique cruel, voire sadique, le film marque par son ampleur, son pouvoir d'évocation et la subtilité de sa première partie. Le Haneke mexicain signe ici une oeuvre qui ne laisse pas indifférent (Grand prix à Venise), même si son propos est comme d'habitude un peu difficile à saisir.

 

3 avril

Je vois aujourd'hui le grand gagnant de cette édition, La chica nueva (2/5) de la jeune réalisatrice argentine Micaela Gonzalo. Difficile de comprendre pourquoi le jury de cette année a récompensé ce film, certes sensible, mais dont le manque d'originalité est total. La chica nueva oscille entre chronique d'un paupérisme austral et glacial (il se déroule en Terre de feu), portait d'une jeune fille en construction et thriller social. On a l'impression d'avoir déjà vu cela mille fois, en particulier dans le cinéma d'Europe de l'Est, ici en mode bleuté et peu lumineux. Décevant.

 

4 avril

Cette année le jury a accordé une mention spéciale à l'immense acteur chilien Alfredo Castro (qu'on a l'habitude de voir chez Pablo Larrain) pour ses interprétations dans deux films en compétition.

Le premier d'entre eux, Tengo miedo torero (5/5), qui sortira peut-être en France sous le nom de My tender matador, est un véritable coup de coeur. J'ai adoré le scénario brillant, l'acuité et la simplicité de la mise en scène de Rodrigo Sepulveda, la beauté plastique du film, le jeu incroyable de Castro, la façon dont le contexte est parfaitement rendu, la photographie poétique et somptueuse. Le film est d'une facture très classique, mais il représente pour moi ce que le cinéma peut produire de meilleur : une histoire intéressante et émouvante, servie par des acteurs au top et une mise en scène intelligente.

Le second, Karnawal (3/5) de l'argentin Juan Pablo Felix, est une chronique sympathique autour du personnage de Cabra, jeune adolescent mutique qui pratique une danse traditionnelle à base de claquette, le malongo. Si le synopsis se perd un peu au fil du film, j'ai apprécié son aspect quasi documentaire qui permet de découvrir cette magnifique région du nord de l'Argentine, à la frontière bolivienne. Castro est très bon, dans un rôle viril à l'opposé du travesti de Tengo miedo torero.

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Eva en août

Voici un film espagnol très curieux dont on peut légitimement se demander à quel courant créatif on pourrait le rattacher.

Eva, jeune actrice trentenaire, sans logement, emprunte l'appartement d'une connaissance et sillonne un Madrid déserté du 1er au 15 août. 

Le film excelle à saisir la texture du temps qui s'écoule comme de la glu dans la chaleur estivale,  les ondoiements sensuels de la lumière et le léger spleen qui semble consubstantiel à tous les personnages de son âge qu'Eva rencontre.

La mise en scène de Jonas Trueba possède une touche légère et délicate. Elle sert admirablement le propos du film (co-écrit par l'actrice Itsaso Arana, dont on ne peut s'empêcher de penser qu'elle est le double de son personnage).

Les décors nocturne, l'ambiance de fête larvée, les vigoureuses ellipses, les fausses impasses du récit, la qualité éblouissante de la direction d'acteurs : beaucoup d'éléments dans ce film le rendent extrêmement attachant.

Une belle découverte.

 

3e

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Angel

Rarement le projet d'un réalisateur m'aura autant échappé. Je n'ai en effet rien compris à ce que voulait faire Ozon dans Angel.

Un mélodrame ? Le film ne passionne pas par son propos, tout à fait inintéressant : histoire pâlote, personnages inconsistants, rebondissements erratiques.

Une ode au kitsch ? Angel est certes une sucrerie dégoulinante de couleurs et de musiques à haute teneur en mauvais goût, mais l'accumulation provoque ici l'indigestion.

Un hommage aux standards d'Hollywood, et notamment à Gone with the wind ? Je l'ai lu dans la presse, mais comment comparer le puissant contexte historique des films de cette époque au portrait compassé d'une Barbara Cartland de pacotille ?

Bref, je me suis ennuyé ferme devant cet exercice de style désincarné, mal servi par un casting sans charisme.

 

1e

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Mon inconnue

Pas beaucoup d'esbroufe dans ce film modeste d'Hugo Gélin, mais de réelles qualités : un casting et une direction d'acteur parfaits, et une légèreté dynamique assez rare dans la comédie française.

Du point de vue casting, François Civil est vraiment très bon, parvenant à la fois à nous faire croire à la situation absurde qui fonde le film, et à réagir avec un certain pragmatisme aux évènements. Joséphine Japy est formidable de délicatesse et de charme. Benjamin Lavernhe enfin crève l'écran en copain complice.

L'autre grande qualité du film est une façon de marier comédie, fantastique et romance comme peu ont réussi à la faire. Mon inconnue a ainsi des petits airs de comédie classique américaine à la Capra : il déroule son synopsis avec légèreté, souplesse et élégance. Il parvient à nous faire considérer le prétexte abracadabrant du film (des mondes parallèles pour faire simple) comme un cadre au final crédible, dans lequel le trio d'acteurs déploie leur talent avec agilité et conviction.

La réalisation et la direction artistique (un Paris de carte postale) contribuent également au plaisir simple ressenti à la vision du film.

Un divertissement de très bonne tenue.

 

2e

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Changement d'adresse

Changement d'adresse marque dans l'oeuvre d'Emmanuel Mouret de nombreux changements : pour la première fois, il quitte la région marseillaise pour tourner à Paris, et il fait tourner des acteurs assez connus (Ariane Ascaride, Dany Brillant, Frédérique Bel).

Le résultat est en nette progression par rapport aux premiers long-métrages de Mouret. La composition du film se simplifie. Si la personnalité naïve et franche du "personnage" Mouret est toujours présente, les deux actrices qui lui donnent la répartie apportent un supplément d'âme au film, débarrassé des scories narratives qui encombraient parfois ses premiers films "marseillais".

Changement d'adresse prend ainsi des allures de comédie romantique à la française, et le personnage que campe à la perfection Frédérique Bel apporte dans la filmographie de Mouret une véritable part d'émotion, comparable à l'impact de la composition d'Emilie Dequenne dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait

A partir de ce film, il devient évident que Mouret dépasse les références auxquelles son cinéma pouvait faire penser (Rohmer, Allen) pour trouver une voie plus profonde et plus personnelle.

 

3e

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Mon nom est clitoris

Sortie DVD

Rien de bien original dans ce premier film des jeunes cinéastes Daphné Leblond et Lisa Billuart Monet : une dizaine de jeunes filles, filmées dans l'intimité de leur chambre, parlent de leur sexualité. On se dit que l'idée est à ce point simple qu'il n'est pas possible que quelqu'un ne l'ait pas déjà eue. 

Si le procédé est pour le moins basique, le résultat est frappant. Les témoignages face caméra sont à la fois légers, profonds et émouvants. Bien qu'il n'y soit révélé aucun élément vraiment renversant, la fraîcheur et la spontanéité de chacun des entretiens rendent le film très attachant : on y mesure instantanément l'étendue des progrès qu'il reste à faire sur la connaissance qu'ont les filles de leur sexe, sur le consentement ou sur le rôle de l'école.

L'intérêt de Mon nom est clitoris ne résulte donc pas des quelques séquences qui ponctuent les séquences de témoignages, assez convenues même si certaines sont utilement pédagogiques, mais bien dans le discours sans fard et la personnalité des jeunes interviewées. Certaines sont incroyables de perspicacité et de maturité.

Une des forces du film est aussi de mettre en évidence les points communs entre les différentes expériences, au-delà des spécificités de parcours. Le montage, qui montre les différentes réponses à la même question, est de ce point de vue très habile.

Un travail indispensable qui gagnerait à être largement montré dans les écoles. A noter dans les bonus du DVD une belle séquence sur les retrouvailles de six des interprètes, quatre ans après le tournage.

 

3e

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Laissons Lucie faire !

Au-delà de son titre gag (qui bizarrement n'a pas grand-chose à voir avec son contenu) ce premier long-métrage d'Emmanuel Mouret est plutôt une réflexion sur le couple qui penche vers le burlesque qu'une franche comédie.

Les péripéties que vit son héros sont plus extravagantes que celles qu'ont voit habituellement chez Mouret. Emprunter un costume de gendarme, devenir agent secret, vendre des sous-vêtements sur la plage, embaucher une femme de ménage sexy, passer pour un dilettante complet, initier aux plaisirs sensuels une jeune femme inexpérimentée : le programme que propose Laissons Lucie faire est à la fois plus variés et psychologiquement moins intenses que les meilleurs films de Mouret.

A conseiller aux inconditionnels du Marseillais qui met ici en place le petit théâtre qui fera son succès ultérieur : musique aigrelette, dialogues à la fois simples et décalés, réflexions sur les relations sentimentales et la vérité.

Marie Gillain éclabousse le film de son naturel, et constitue finalement le principal intérêt du film.

 

2e

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