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Christoblog

Articles avec #j'aime

Il reste encore demain

Il y a un aspect magique dans le cinéma : celui qui permet à un improbable mélange (esthétique kitsch, trame à suspense, mise en scène à effets, mélange de styles musicaux) d'attirer plus de cinq millions de spectateurs en Italie, pour un film d'époque en noir et blanc, qui dure pratiquement deux heures.

Difficle de justifier d'un strict point de vue critique un tel engouement. Il reste encore demain n'est en effet pas un grand film d'un point de vue mise en scène. Paola Cortellesi y accumule en effet les choix à risque : esthétique d'Amélie Poulain au sortir de la guerre, travellings tape à l'oeil, choix osé de théatralisation pour certaines scènes (la violence du mari envers sa femme chorégraphiée comme une danse). 

La réalisatrice (qui est aussi l'actrice principale) flirte donc en permanence avec le mauvais goût, sans vraiment y tomber. Ce qui sauve sa narration tient à mon sens dans deux éléments. Le premier est l'intrication de thématiques diverses, toutes riches et qui entrent subtilement en résonance, donnant une véritable épaisseur au film (l'histoire italienne, les différences de classe, le féminisme, le machisme atavique, les conflits entres générations, les relations familiales, la politique, l'amour).

Le second élément qui emporte tout, c'est l'énergie communicative qui se dégage du film. Les premières scènes en sont un magnifique exemple : la première journée de Delia est haletante, menée tambour battant par un découpage survitaminé et une bande-son entraînante. Il y a dans ce film un plaisir de filmer et de jouer qui est communicatif et qui me semble être la caractéristique de ce qu'on peut trouver de meilleur dans l'art cinématographique : la volonté d'entraîner le spectateur dans une histoire, coûte que coûte.

A découvrir !

 

3e

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Civil war

Rien de véritablement nouveau dans le nouveau film à grand spectacle d'Alex Garland : on y voit des scènes de guerre très réalistes, une troupe de journalistes et photographes de guerre prenant des risques insensés pour obtenir LA bonne photo ou LA bonne interview, et on suit enfin l'apprentissage sur le terrain d'une apprentie photographe.

C'est le cadre dans lequel se déroule le film qui en fait son principal intérêt : les USA en proie à une guerre civile dont on ne comprend à aucun moment les enjeux, des groupes militaires indistincts, un président acculé et impuissant, une atmosphère de déréliction qui se superpose aux images que nous avons habituellement de l'Amérique. Une atmosphère assez proche de celle de The walking dead, dans laquelle l'homme serait un zombie pour l'homme.

Cette production assez originale (la plus grosse du petit studio US qui monte, A24) insinue en creux une question qui taraude le film du début à la fin de façon souterraine : mais qu'est ce donc vraiment qu'être Américain ?

Associé à une direction artistique impressionnante de réalisme et au sens de la mise en scène du réalisateur britannique, cette ligne directrice est finalement agréable et donne un grand spectacle pas très original mais élégant, qui se laisse regarder avec plaisir.

Accessoirement, le casting est très bien aussi : Kirsten Dunst comme d'habitude convaincante, la jeune Cailee Spaeny fraîche à souhait et Wagner Moura spectaculairement musculeux.

Rien n'est vraiment neuf dans Civil war, mais tout y est plaisant. 

 

2e

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Goutte d'or

Rattrapage 2023 sur Canal+

On retrouve dans Goutte d'or les qualités profondément originales qui faisaient toute la valeur de Ni le ciel ni la terre : une réalité prise sur le vif (comme rarement on la voit dans un film de fiction) associée à un sentiment presque évanescent de fantastique, comme si celui-ci existait larvé dans le moindre détail du quotidien. 

Karim Leklou excelle dans le rôle de ce voyant arnaqueur sévissant dans le quartier parisien de la Goutte d'or, qui se voit contre son gré embarqué dans un voyage nocturne à la fois onirique, dramatique et profondément ancré dans la réalité du nord-est parisien.

J'ai été pour ma part profondément séduit par la variété des rencontres proposées, et par la sourde poésie qui émane du regard halluciné de Karim Leklou, surpris par l'irruption dans sa vie d'un surnaturel qu'il singeait jusqu'alors avec brio.

Un beau voyage.

Clément Cogitore sur Christoblog : Ni le ciel ni  la terre - 2015 (****)

 

4e

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Le vieil homme et l'enfant

Rien de bien original dans ce film islandais, qui semble de prime abord brasser des éléments vus et revus dans de multiples films : la rencontre de deux solitudes, l'arrachement à la terre ancestrale et la confrontation entre la vie en pleine nature et la ville.

La réalisatrice Ninna Pálmadóttir filme sagement l'histoire écrite par son compatriote Runar Runarsson (Sparrows, Echo) de façon sensible, mais disons-le, assez plan-plan. L'évènement principal du film, qui survient dans sa seconde partie, est un peu téléphoné, mais ses conséquences donnent lieu à des scènes habilement écrites et joliment filmées.

Comme le film est très court (1h14, un plaisir !), on n'a pas le temps de s'ennuyer, et j'ai finalement apprécié ce conte moral à l'ambiance délicieusement islandaise (les paysages autour de la ferme sont formidables). Dernier point : le visage de l'acteur Thröstur Leó Gunnarsson est en soi un paysage, magnifique à explorer.

Un petit shoot de plaisir nordique pour ceux qui apprécient les ambiances septentrionales.

 

2e

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Le jeu de la reine

Etonnant film en costume, Le jeu de la reine parvient à donner à une trame historique (le portrait de la dernière femme de Henry VIII, Catherine Parr) une tonalité tout à fait contemporaine, thriller politico-féministe à haute tension, parfois sidérant de réalisme cru.

Nous sommes en effet ici spectateurs d'intrigues autour du pouvoir comparables à celles que l'on a pu voir récemment dans une série comme Succession, sauf qu'ici la moindre faute peut se payer par ... une décapitation. 

Alicia Vikander est parfaite en épouse résolue à être plus intelligente que ceux qui la menacent, et Jude Law nous tétanise par son mélange de cruauté désinhibée et de fausse douceur.

Karim Aïnouz confirme ici son nouveau statut de grand cinéaste : Le jeu de la reine parvient à être à la fois beau, intrigant et séduisant. J'ai particulièrement apprécié la direction artistique, la photographie précise et évocatrice d'Hélène Louvart et le découpage alerte du film, qui lui confère une surprenante aura de contemporanéité.

Karim Aïnouz sur Christoblog : La vie invisible d'Euridice Gusmao - 2019 (****)

 

3e

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Smoke sauna sisterhood

Ils sont rares les documentaires qui trouvent le chemin des écrans français !

Il est donc très agréable de voir ce très beau film de l'Estonienne Anna Hints sortir en salle, même si c'est dans une configuration de salles extrêmement réduite.

Dans les "saunas sacrés" d'Estonie (qui n'ont rien de religieux au sens classique du terme), les femmes de tous âges et de toutes conditions parlent de tous les sujets qui peuvent les concerner : amour, maladie, violences, viols, mariage, deuil, maternité, avortement.

La caméra de la réalisatrice s'attardent sur les corps des femmes, mais jamais sur leur visage : le film est d'une grande sensualité, jamais inquisitrice ou érotique, mais rendant une sorte d'hommage formel à une féminité éternelle.

De temps à autre les femmes sortent de la cabane/sauna pour se baigner dans l'eau glacée ou uriner, en pleine nature. Ces parenthèses apportent une respiration entre les séquences de conversations, parfois très intenses.

Le sentiment général que procure le film est donc double : d'un côté on vit une immersion dans une réalité estonienne très exotique, de l'autre on a l'impression d'entrer dans un temple dédié à la féminité éternelle.

Une expérience à ne pas rater.

 

3e

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The sweet east

Sean Price Williams était jusqu'à présent connu comme directeur de la photographie, ayant travaillé notamment pour les frères Safdie.

Son premier film en tant que réalisateur est une comédie complètement barrée, qu'on appréciera différemment selon sa plus ou moins grande capacité à accepter l'improbable et à apprécier les coq-à-l'âne loufoques.

The sweet east commence par de grossières images de portables relatant un classique voyage scolaire. Il se poursuit par une fête de punks, un séjour chez un personnage inquiétant à tendance fascisante (le toujours parfait Simon Rex), un tournage de western qui finit en massacre, une immersion involontaire dans une communauté religieuse puis dans une organisation terroriste.

Le film ne cherche aucune vraisemblance mais trouve son équilibre dans la véracité psychologique de son héroïne, jouée par une excellente Talia Ryder (Never rarely sometimes always), véritable Candide ou Alice moderne traversant le miroir de l'Amérique contemporaine.

Un film frais, parfois jouissif, qui propose un voyage découverte plein d'inventions dans les marges US.

 

3e

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Inchallah un fils

Très belle découverte de la Semaine de la Critique 2024, ce premier film jordanien est absolument captivant.

Inchallah un fils est bâti sur le même modèle que le meilleur du cinéma iranien : un scénario aux petits oignons qui évite tous les pièges, une mise en scène à la fois élégante et discrète, et une interprétation excellente de tous les acteurs et actrices (y compris, et peut-être surtout les rôles secondaires). Ce formidable suspense psychologique respire l'intelligence à tous les niveaux.

Le magnifique personnage principal, joué par l'actrice palestinienne Mouna Hawa, nous captive du premier plan au tout dernier. Nawal devient le temps de deux petites heures notre amie, et même peut-être notre soeur (on a tellement envie de remplacer sa chiffe molle de frère !). On l'admire, on s'inquiète pour elle, elle nous énerve parfois, on a envie de la conseiller : c'est un vrai et beau personnage de femme, comme le cinéma en propose rarement.

Evidemment, le réalisateur Amjad Al Rasheed ne se contente pas de nous offrir un drame familial subtil et délicat, il dresse aussi un tableau tout en nuance de la société jordanienne contemporaine, dont on ne parle finalement jamais en Europe. C'est donc aussi un des mérites du film de nous faire découvrir cette société assez ouverte, dans laquelle la population pratique un islam tolérant qui n'a pas d'équivalent dans la région - même si la condition de la femme n'y est pas, comme le film le montre, satisfaisante.

C'est vraiment le film sympa et efficace à ne pas rater en ce début d'année, il n'y en aura plus beaucoup d'aussi bon avant Cannes.

 

4e

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Le ravissement

Pour son premier film, Iris Kaltenbäck frappe fort.

Dès les premières images, l'histoire de Lydia, entrevue depuis le bus conduit par Milos, nous happe.

A quoi peut tenir ce sentiment d'hyper réalité qui nous serre alors la gorge et ne nous quittera plus ? Peut-être à une mise en scène épurée, une photographie un peu grise, un montage au cordeau... mais surtout à l'interprétation magistrale d'Hafsia Herzi. C'est peu dire que cette dernière est de nouveau renversante : tour à tour sage-femme dévouée, jeune femme dépitée au visage marqué, amoureuse décidée, sombre amie soumise à la tentation.

Hafsia Herzi est ici comme un paysage mental qui semble creuser l'écran. Ses tourments affleurent au moindre tremblement, ses gestes sont lourds tant elle est semble lasse de vivre, ses regards obliques aux paupières lourdes nous transpercent. 

Autour d'elle, le reste du casting joue une partition parfaite : Alexis Manenti exprime dans son jeu une densité comparable à celle de  sa partenaire, alors que Nina Meurisse excelle dans un rôle difficile de copine en proie à une sévère dépression post-partum.

La réalisatrice fait preuve d'une grande maestria quand il s'agit de filmer les émotions (superbe scène finale à l'hôtel) ou les scènes de groupe (la famille de Milos) : il y a du Cassavetes et du Kechiche dans sa façon de filmer frontalement l'expression des sentiments les plus intenses, dans un style qui rappelle certains documentaires.  

Une cinéaste dont on entendra à nouveau parler, c'est certain.

 

4e

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Le cercle des neiges

Pas grand-chose à dire de positif ou de négatif à propos de ce film de Juan Antonio Bayona, qui met ici en oeuvre le même savoir-faire pour filmer les catastrophes que dans The impossible.

Le film est une reconstitution assez efficace de la fameuse histoire bien connue de l'équipe de rugby uruguayenne échouée dans la cordillère des Andes en 1972. On attend pendant une bonne partie du film les premières scènes de cannibalisme, qui sont traitées avec pudeur et intelligence.

Quelques séquences parviennent à être réellement spectaculaires (celle de l'avalanche par exemple) et globalement le film vaut surtout pour ses extraordinaires décors naturels. Pour le reste, c'est du très classique et les destins individuels des différents passagers ne nous émeuvent pas beaucoup.

Juan Antonio Bayona sur Christoblog : The impossible - 2012 (**)

 

2e

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Bye Bye Tibériade

Bye bye Tibériade commence timidement. On ne sait pas trop vers où veut aller le film, et on se dit qu'il y va bien lentement.

Mais petit à petit, les éléments se mettent en place. On décode petit à petit les images qui relèvent d'archives historiques, celles qui sont issues de films familiaux, et on s'intéresse enfin à cette étrange relation entre quatre générations de femmes palestiniennes : la réalisatrice Lina Soualem, sa mère l'actrice Hiam Abbas, sa grand-mère et son arrière grand-mère.

Un des intérêts du film est d'entremêler subtilement les thématiques : l'exil palestinien (la naqba), l'attachement aux lieux, le poids des traditions, le désir d'émancipation par le théâtre, la sororité, le souvenir et la nostalgie. Tous ces éléments se marient à travers une grande variété de séquences, dont celles se déroulant en Cisjordanie sont les plus fortes.

Hiam Abbas dégage un charisme puissant. Ses propos sont principalement consacrés à son enfance, laissant dans l'ombre à peu près toute sa vie post-Palestine : elle apparait ainsi nimbée d'une sorte de mélancolie décidée qui dégage un puissant charme.

Une réussite délicate qui donne envie de suivre le travail futur de la réalisatrice.  

 

2e

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Dune : deuxième partie

La première partie de Dune m'avait laissé un sentiment mitigé : certains parti-pris esthétiques de Denis Villeneuve ne m'avaient pas convaincus, et je trouvais Thimothée Chalamet un peu tendre pour le rôle de Paul Atreides.

La deuxième partie lève une grande partie de ces doutes.  

La mise en scène est cette fois-ci tout à fait convaincante. Villeneuve parvient d'abord à donner à voir toutes les dimensions de l'histoire racontée (sensorielle, mystique, philosophique, morale) en multipliant les changements d'échelle (du très gros plan sur un objet ou un détail jusqu'au plan hyper large) et changeant constamment de rythme (effréné pour certaines scènes d'action, ralenti pour générer du suspense ou de la réflexion).

La direction artistique est aussi particulièrement réussie, avec une mention spéciale pour les décors brutaliste de Giedi Prime et l'utilisation astucieuse du noir et blanc. Le sietch Tabr est aussi très beau.  

Thimothée Chalamet donne de l'épaisseur à son rôle et parvient même à être crédible lors des scènes de combat, qui sont à la fois courte et joliment chorégraphiées. Le reste du casting est lui aussi parfait, d'un Javier Bardem excellent en disciple énamouré à la composition saisissante d'un Austin Butler qui fait ici oublier qu'il a été récemment un très bon Elvis.

Dune : deuxième partie est un excellent divertissement, auquel je reprocherais juste quelques raccourcis inappropriés dans la narration et une représentation des prémonitions de Paul toujours un peu niaise. C'est peu de choses au regard des nombreuses qualités du film.

Denis Villeneuve sur Christoblog : Incendies - 2010 (***) / Prisoners - 2013 (**) / Sicario - 2015 (***) / Premier contact - 2016 (****) / Blade runner 2049 - 2017 (*) / Dune - 2021 (**)

 

3e

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La ferme des Bertrand

Ce film remarquable peut être vu sous de multiples angles, c'est d'ailleurs ce qui le rend si intéressant.

Au premier degré, l'écoulement du temps qui passe, la façon dont les trois frères ont vécu, et pour certains sont morts, depuis les films précédents (72,97) est un levier formidable pour générer de l'empathie. On voit les enfants devenir adultes,  les adultes vieillir et les personnes âgées disparaître.

Le film est aussi, bien sûr, un tableau de la vie paysanne de hier et d'aujourd'hui : l'investissement maximal que ce travail implique, l'évolution technologique, et en même temps, le caractère immuable de certains gestes (planter les pommes de terre avec la même machine, nettoyer le tour des arbres, etc). Les Bertrand ont bien réussi, ils ne sont pas pauvres, loin de là : leur vie n'entre donc pas directement en résonance avec le mouvement actuel des agriculteurs.

La ferme des Bertrand est enfin un film de "tronches" : les frères sont de sacrés numéros, chacun avec une personnalité bien marquée, et celui qui est encore vivant pourrait sans problème avoir été casté dans un film des années 50, des dialogues écrit par Jacques Prévert plein la bouche (ce moment où il parle des loisirs, en disant qu'il n'aimerait pas "faire semblant de s'amuser").

Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore (la beauté des paysages, les apports en terme de connaissance) le dernier film de Gilles Perret est vraiment à voir : leçon de vie et leçon de choses à la fois.

 

3e

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Daaaaaali !

Avec ce nouveau film, Quentin Dupieux nous emmène en terre très connue. En effet, rien ne surprend vraiment dans ce nouvel opus, qui ressasse bien des tics du réalisateur : dilatation temporelle, répétition absurde, coq à l'âne, objets bizarres, etc.

D'une façon presque ironique, Daaaaaali ! est beaucoup moins surréaliste que d'autres films de Dupieux (je pense à l'homme broyé dans le seau de Fumer fait tousser par exemple, ou à la veste dans Le daim).

J'ai donc suivi sans déplaisir ces classiques variations inégalement servies par une brochette d'acteurs semblant beaucoup s'amuser. Anaïs Demoustier est comme d'habitude rayonnante et Jonathan Cohen campe le Dali le plus convaincant, alors que les autres acteurs sont tous un peu en retrait : Edouard Baer fait un peu trop son Edouard Baer, Pio Marmaï semble complètement à côté de son film, et Gilles Lelouche est transparent.

Plusieurs jours après avoir vu le film, je me demande ce qu'il m'en reste vraiment : peut-être le premier plan, qui est aussi le dernier. C'est assez peu.

 Quentin Dupieux sur Christoblog : Rubber - 2009 (*) / Wrong cops - 2013 (*) / Réalité - 2014 (**) / Au poste ! - 2018 (***) / Le daim - 2019 (***) / Mandibules - 2020 (**) / Incroyable mais vrai - 2022 (*) / Fumer fait tousser - 2022 (**) / Yannick - 2023 (**)

 

2e

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La grâce

Ce film russe, très mal distribué en France, a été pour moi une véritable découverte au dernier festival de Cannes.

Alors, autant le dire tout de suite, La grâce est sûrement l'une des oeuvres les plus lugubres qu'on pourra voir cette année.

Une fille adolescente et son père parcourent les paysages désolés des confins russes du sud au nord du pays, au volant d'un van délabré, projetant difficilement quelques films sur un écran de fortune, dans des localités qui suintent l'ennui et la violence.

Le propos est donc désespérant au possible, la lumière est grise et blafarde, les dialogues épars. Les péripéties (celles d'un coming of age assez classique) flottent vaguement à la surface d'une sorte d'océan de dépression. Un des intérêts de ce voyage est sans conteste la Russie, dont on mesure ici l'immensité, et l'état de délabrement généralisé : tout semble y tomber en ruine.

Il y a dans le film d'Ilya Povolotsky quelque chose de magique : une sorte d'étincelle toujours présente dans les yeux de l'actrice Maria Lukyanova, une beauté de fin du monde dans les paysages de la mer arctique, une mélancolie diffuse qui semble sortir de l'écran pour imprégner directement notre coeur. Probablement ce qu'on peut appeler la grâce.   

 

2e

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Dernière nuit à Milan

C'est un petit plaisir coupable de retrouver l'excellent acteur italien Pierfrancisco Favino dans ce polar plutôt bien foutu, construit assez subtilement autour d'une intrigue retorse et d'un effet de scénario malin.

Le plus intéressant dans ce film de Andrea di Stefano est l'ambiance poisseuse qui imprègne ses images, et en particulier un passage nocturne hallucinant dans un tunnel, lors duquel les enjeux des différents protagonistes se télescopent dans une sarabande oppressante.

Favino campe un flic à la fois taciturne, naïf et charismatique, dans un rôle qui marquera sans doute sa carrière déjà bien remplie. Milan est très bien filmée et le film est haletant jusqu'à une fin plutôt inattendue, que je ne révèlerai évidemment pas.

Une bonne soirée, à l'ancienne.

 

2e

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Pauvres créatures

Je suis entré dans la salle pour voir Pauvres créatures avec quelques inquiétudes : on ne sait jamais trop ce que Yorgos Lanthimos nous réserve.

Ces inquiétudes se sont trouvées renforcées par de premières images marquées par un formalisme extrême : esthétique rétro-futuriste, utilisation de moyens techniques d'un kitsch abouti (fish-eye, zooms et dezooms, cadrages improbables), jeu outré de la plupart des acteurs, trouvailles visuelles au quatre coins du cadre. 

Visuellement le film se situe quelque part entre Anette de Carax (en plus barré) et l'univers de Tim Burton (en plus pastel). La première réaction de surprise passée, j'ai pris un grand plaisir à savourer les multiples variations de cette esthétique étrange : Londres, Lisbonne, Alexandrie, Paris sont successivement revisités avec une grande réussite.

Mais le point fort du film, c'est sans conteste l'évolution du personnage jouée par l'incroyable Emma Stone, d'une créature enfantine dans un corps d'adulte à celui d'une femme accomplie qui aura conquis son indépendance par la seule force de sa volonté. Pauvres créatures possède une véritable souffle qui séduit par sa puissance et sa capacité à durer tout au long de ses 2h21.  

J'ai donc été progressivement conquis par les aventures de Bella, la liberté de ton de la narration (le sexe est omniprésent), les rebondissements de la dernière partie, l'alternance de noirceur morbide et de gaieté rayonnante et finalement la cohérence du projet artistique.

Il faut une sacrée confiance en la puissance de l'imagination pour oser une pareille production.

Yorgos Lanthimos sur Christoblog : Canine - 2009 (**) /  The lobster - 2015 (****) / Mise à mort du cerf sacré - 2017 (***) / La favorite - 2018 (***) 

 

4e

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A man

Les films en provenance du Japon se suivent et d'une certaine façon se ressemblent.

Dans ce film du réalisateur Kei Ishikawa, on retrouve un peu de la perversité glaciale de Fukada et beaucoup de la complexité distante d'Hamaguchi. Le résultat est intéressant, à défaut d'être réellement captivant.

A man commence par un mystère somme toute classique : un homme meurt et sa femme se rend compte que son mari n'était pas du tout l'homme qu'elle croyait connaître. Multipliant les fausses pistes, le film s'avère être un thriller psychologique particulièrement complexe et sophistiqué, dans lequel les personnages ne s'avèrent jamais être ceux qu'ils paraissent.

Au-delà du sujet de l'usurpation d'identité, A man aborde bien d'autres sujets (les différences de classes sociales, la culpabilité) à travers le portrait tout en nuance du policier, joué par l'excellent Satoshi Tsumabuki.

C'est parfois un peu long et un peu froid, mais si vous aimez les atmosphères hitchcokiennes et les retournements de situation improbables, le tout dans une ambiance feutrée, nippone en diable, A man est pour vous. 

 

2e

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Making of

Le dernier film de Cédric Kahn commence tout doucettement comme une énième variante du "film sur le tournage d'un film", ici dans une version amusante dans laquelle le réalisateur est un peu dépressif, le premier rôle insupportable (Jonathan Cohen, parfait) et le producteur malhonnête (Xavier Beauvois, formidable).

On rigole un peu et on suit sans déplaisir cette chronique, qui peu à peu évolue vers un autre film, plus en demi-teinte, dans lequel un jeune apprenti cinéaste (Stefan Crépon, qu'on a découvert et aimé dans Le bureau des légendes) se brûle au contact de cette première expérience, et qui montre également une situation sociale en miroir entre le contenu du film et sa confection.

Making of est réjouissant et parfois émouvant : il prouve la capacité de renouvellement de Cédric Kahn, dont la carrière, avec ce film et Le procès Goldman, semble bien relancée.

Cédric Kahn sur Christoblog : Cédric Kahn sur Christoblog : La prière - 2018 (**) / Fête de famille - 2019 (**) / Le procès Goldman - 2023 (***)

 

2e

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May december

Au milieu du concert de louanges qui entourent la sortie de ce film, mon avis plus mesuré va probablement détonner, comme souvent quand il s'agit pour moi d'apprécier le travail de Todd Haynes.

Je trouve en effet que le cinéma du réalisateur américain peut être parfois froid et didactique, au point de paraître compassé (Carol, Loin du paradis). 

May december commence de manière très intéressante. Le rythme est alerte, le décor de la maison familiale parfait, et j'ai été diablement intrigué par ce que le film ne dévoile que très progressivement : une histoire à tiroir qui prend au début plaisir à nous égarer, dans un subtil jeu de miroir. Le jeu "neutre" de Julianne Moore contribue assurément à l'atmosphère de malaise latent que distille le film : mais que s'est il passé dans cette famille modèle ?

Lorsque l'on comprend de quoi il retourne et ce qui reproché à Gracie, l'intérêt tombe d'un coup. Peut-être parce que l'aspect scandaleux des évènements ne nous frappe pas autant que les Américains. Le milieu du film est un ventre mou dans lequel il ne se passe plus grand-chose, jusqu'à ce que le scénario essaye de le relancer dans un registre proche du grotesque, Natalie Portman rejouant (assez mal, il faut le dire) ses allures machiavéliques de Black Swan, entamant une danse de mort aussi artificielle que creuse.

La scène de sexe dans la réserve de l'animalerie tombe totalement à plat (quelle idée saugrenue), et May december, qui jusque là captivait ou a minima intriguait, sombre alors petit à petit dans l'inconfort du ridicule.

Todd Haynes sur Christoblog : Loin du paradis - 2002 (*) / Carol - 2015 (**) / Le musée des merveilles - 2017 (****) / Dark waters - 2019 (****)

 

2e

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