Le nouveau film de Costa Gavras raconte les difficiles négociations entre Yanis Varoufakis et la "troïka", suite à l'accession au pouvoir du parti Syriza.
Le sujet est sur le papier passionnant. Il s'avère plutôt décevant à l'écran, et ce, pour deux raisons principales.
Le film est d'abord bien mal écrit. Son scénario ne suit aucune ligne directrice, s'égare dans des méandres inutiles et répétitifs, est bien trop long, et enfin se cherche un style sans jamais parvenir à en trouver un (jusqu'à cette fin ridiculement onirique).
Le deuxième point est l'angle choisit par le réalisateur, celui d'un panégyrique sans nuance de Tsipras et Varoufakis : ils sont beaux, intelligents, pragmatiques, alors que leurs interlocuteurs sont moches, bêtes, doctrinaires. On se doute que bien des anecdotes figurant dans le film sont vraies, mais l'aspect inutilement caricatural des adversaires est trop fort pour qu'on s'attache réellement aux vicissitudes rencontrées par les preux chevaliers grecs.
Les bons sentiments conduisent ici à un pamphlet démonstratif, qui ne vaut que par son sujet : l'univers kafkaïen des instances européennes.
Parfois, la vision d'un "vieux" film cause une profonde désillusion : le chef d'oeuvre dont on se souvient a mal vieilli, son image est baveuse, son intrigue moins subtile que dans son souvenir, la mise en scène est un peu lâche.
Rien de tel en revoyant ce qui fut la dernière collaboration des deux géants de l'Ouest, John Ford et John Wayne. Le film surprend en effet par ses qualités intemporelles. D'abord la photographie de William H. Clothier est une merveille de précision et de beauté plastique, à mi-chemin entre naturalisme et expressionnisme.
Le sujet du film ensuite est d'une incroyable modernité. Ford y dessine les fondements de l'Amérique éternelle avec une précision d'horloger : le mal pragmatique (Lee Marvin, terrifiant de froide brutalité), la bonté violente et casanière (Wayne et son éternel sourire en coin), le politique malgré lui (James Stewart dans un de ses plus grand rôle) et la presse comme pivot de la démocratie.
L'ensemble est servi par une mise en scène d'un classicisme parfait, dans laquelle tout semble indispensable, et qui donnerait au film un aspect de tragédie grecque si la nostalgie solaire du début n'enveloppait l'ensemble dans une coque inimitable d'humanité triste et tendre.
Il y a dans les images tournées par la jeune journaliste syrienne Waad al-Kateab une injonction paradoxale : contempler la guerre dans ce qu'elle a de plus horrible, à travers les yeux les plus bienveillants et optimistes qui soient.
Le film manipule ces deux éléments alternativement pour mieux nous prendre en étau émotionnellement. Les blessés sont horribles à regarder, mais le dévouement des médecins est exemplaire. Le deuil des enfants est d'une tristesse infinie, mais les liens d'amitiés qu'on peut tisser dans ces moments sont les plus intenses. La mère accouche par césarienne dans des conditions effroyables, mais le bébé survit (une scène à proprement parler sidérante). La ville assiégée est réduite en ruine et constitue l'endroit le plus dangereux au monde, mais nos héros y retourne avec leur petite fille, en souriant.
A travers cette dialectique constante, servie par un montage exemplaire, le film fait passer son message avec force et efficacité : l'espoir peut soulever des montagnes. Si les images sont (forcément) de qualité très inégale, la construction dramatique du documentaire est véritablement exemplaire, et fait de Pour Sama un sommet de l'année cinéma 2019.
Les éblouis fait partie de ces films dont on aimerait dire du bien : un projet cher au coeur de la réalisatrice (car en grande partie autobiographique), une distribution sympathique (Camille Cottin, Jean Pierre Darroussin en chef de secte, l'excellent Eric Caravaca - le réalisateur du très bon Carré 35) et un angle intéressant (la dérive sectaire vue à travers les yeux d'une pré-ado).
Malheureusement, rien ne fonctionne dans le film. L'implication personnelle de la réalisatrice Sarah Succo dans l'écriture de l'histoire est sûrement contre-productive. Les émotions et les souvenirs liés à son histoire semblent l'avoir conduit à affadir l'histoire : le résultat est anecdotique et délayé.
Le film manque de rythme dans le montage, de précision dans la mise en scène et de détermination dans la direction d'acteur. On se désintéresse progressivement de la destinée de la petite Camille, dont les aventures flirtent parfois avec l'invraisemblance onirique (la robe de mariée) et finissent par nous tenir à distance, un comble pour une narration dont la progression dramatique devrait conduire à un climax.
Les derniers films de Clint Eastwood n'étaient pas très bons, et même, pour certains d'entre eux, franchement mauvais.
Cet opus constitue donc une bonne surprise : un scénario modeste mais efficace, des personnages attachants et bien joués (très bon Sam Rockwell) et une histoire édifiante. Des qualités qu'on retrouvaient d'ailleurs point par point dans le meilleur des dix derniers Eastwood, Sully.
Les points faibles du film sont malheureusement ceux qui rendent la production récente de l'américain indigeste : dans sa volonté de sonner la charge contre les pouvoirs malfaisants qui oppressent le pauvre individu (les médias, le FBI), le vieux réalisateur conservateur oublie au passage la subtilité et la nuance. Les personnages joués par Jon Hamm et Olivia Wilde sont ainsi trop caricaturaux pour être intéressants.
Si la première partie du film est vraiment bien rythmée, la seconde, très démonstrative, patine un peu. L'ensemble est toutefois acceptable.
En provenance de Colombie, ce deuxième film d'Alejandro Landes est une pépite à découvrir.
Le pitch est simple : huit enfants soldats, faisant partie d'un groupe révolutionnaire obscur, gardent une otage américaine sur les hauteurs andines du pays, puis dans la forêt vierge.
Le film est un trip sensoriel qui vaut surtout par la manière dont il montre la rudesse de la vie de ces jeunes paumés qui se droguent, tuent, cherchent l'amour et trouvent le désespoir. Comme si Larry Clark tournait en Amazonie. Le voyage n'est jamais vraiment éprouvant (même s'il est dur), tant les images sont belles, les personnages bien dessinés et le rythme haletant.
Il y a chez Landes un talent incontestable, que ce soit pour filmer de façon originale les scènes oniriques ou pour être froidement efficace quand l'action le commande. La sensation de réalité immersive qu'il parvient à nous communiquer (la pluie, la boue, les explosions, les baisers) est assez exceptionnelle.
Une vraie et belle découverte, présentée en 2019 dans la section Panorama de la Berlinale, servie par de jeunes colombiens non professionnels particulièrement convaincants et une Julianne Nicholson étonnante.
A l'occasion de la sortie en salle de Filles de joie le 18 mars, je vous propose de gagner 5 x 2 invitations valables partout en France.
Pour ce faire :
- répondez à la question suivante : dans quels pays se déroule l'action du film ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le toutpar iciavant le 16 mars 20 h.
Un tirage au sort départagera les gagnants.
NB : un des cinq lots sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB oumon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien)
A l'occasion de la sortie en salle deUn fils de Mehdi M.Barsaoui le 11 mars, je vous propose de gagner 3 x 2 invitations valables partout en France. Ce très beau film a été présenté à Venise où Sami Bouajila a remporté le prix du meilleur acteur dans la section Orizzonti. Voir la bande annonce.
Pour ce faire :
- répondez à la question suivante : de quelle nationalité est le réalisateur du film, Mehdi M.Barsaoui ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le toutpar iciavant le 14 mars 20 h.
Un tirage au sort départagera les gagnants. Pour plus d'infos suivez la page deJour2fête.
NB : un des trois lots sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB oumon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien)
Habitué de Cannes depuis 8 ans, j'avais très envie de découvrir la Berlinale, ce que j'ai enfin pu faire cette année. Le grand festival allemand n'a pas grand-chose à voir avec son homologue français : tout y est plus décontracté, l'accès aux (immenses) salles y est beaucoup plus facile, à condition de payer sa place de 13 à 16 €. Je décrirai son fonctionnement détaillé dans un article à venir : Aller à la Berlinale pour les nuls.
20 février
Le film d'ouverture, My Salinger year (3/5), du québécois Philippe Fallardeau, est un film léger, parfait pour débuter un marathon de 10 jours. L'actrice principale, Margaret Qualley, qu'on a vu dans Once upon a time in Hollywood, crève l'écran, à la fois ingénue et sensuelle. C'est bien écrit et bien réalisé, sur un double sujet plutôt original (la difficulté de devenir écrivain et l'ombre chinoise de Salinger).
21 février
Je découvre à midi le film d'Oleg Sentsov, Numbers (4/5). Ce film est tiré d'une pièce de théâtre écrite par Sentsov et vaut principalement par son texte, très astucieux. Il s'agit de théâtre filmé, mais le spectacle est amusant, stimulant intellectuellement. Cette dystopie cruelle et fantaisiste est très attachante.
Le soir, premier tapis rouge et premier film en compétition avec El profugo (The intruder) (2/5), premier film de l'argentine Natalia Meta. Ce thriller fantastico-psychanalytique est plein d'intentions, regarde vers Hitchcock et peut-être aussi De Palma, mais s'égare en chemin par la faute d'une écriture trop confuse et alambiquée.
22 février
De tôt matin, on poursuit la compétition avec Volevo nascondermi (4/5), de l'italien Giogio Diritti. De facture très classique le film raconte la vie du peintre Antonio Ligabue, figure majeure de l'art brut (il souffrait de graves troubles psychologiques). Le film n'est pas un grand morceau de cinéma, loin de là, mais son propos est passionnant et la composition extraordinaire de l'acteur Elio Germano lui a permis de décrocher l'Ours d'argent de meilleur acteur.
A 19h, tapis rouge pour la présentation du nouveau Kelly Reichardt, First cow (3/5). Suivant son humeur, on pourra dire que c'est toujours aussi soporifique, ou toujours aussi génialement modeste. En tout cas, le spleen grisâtre habituel se teinte ici d'humour, expose des embryons de sentiments et bénéficie d'une narration un peu plus tenue que dans les autres films de Reichardt.
23 février
Je continue avec la compétition et le nouveau film de Philippe Garrel, Le sel des larmes (4/5). C'est pour moi un bon cru, si on apprécie le style du réalisateur, qui semble figé dans un espace-temps indéterminé, mais très français. Il y a dans le film une cruauté distanciée que j'ai trouvée réjouissante.
Minyan (2/5) de l'américain Eric Steel était présenté dans la section parallèle Panorama. Le film ne démérite pas vraiment, mais son propos pourtant intéressant sur le papier (un jeune juif découvre son homosexualité dans le New-York des années 80) ne parvient jamais à captiver, probablement par la faute d'une écriture bâclée qui ne fait que juxtaposer différentes thématiques. Un film probablement trop autobiographique pour être pleinement réussi.
24 février
Pour ce dernier jour, je me régale avec Mignonnes (4/5), de Maïmounia Dourouré. Le film est bien plus qu'un énième film de banlieue. C'est surtout le portrait enlevé et fidèle d'une petite fille qui devient une pré-adolescente. On rit, on s'inquiète, on frémit, on détourne parfois les yeux. Le succès devrait être au rendez-vous pour cette oeuvre qui avait longtemps annoncé à Cannes 2019 et qui a remporté le prix de la meilleure réalisation à Sundance.
Pour terminer Kød § Blod (Wildland) (3/5) de la danoise Jeanette Nordahl décrit l'arrivée d'une jeune orpheline dans la famille de sa tante, famille qui s'avère être criminelle. Il y a beaucoup de finesse dans ce joli film qui prend le parti de la litote et se place à hauteur de la jeune fille, avec un petit côté Animal kingdom à la sauce nordique (en moins violent).
Voilà, c'est terminé, mais on se reverra sûrement un jour, Berlinale !
A l'occasion de sa sortie, je vous propose en partenariat avec Epicentre de gagner 2 exemplaires du DVD du film Nous, le peuple.
Pour ce faire :
- répondez à la question suivante : combien de film ont réalisé ensemble Claudines Bories et Patrice Chagnard ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le tout par iciavant le 16 mars 20 h.
Un tirage au sort départagera les gagnants. Vous recevrez ensuite le coffret DVD envoyé par le distributeur. NB : un des deux DVD sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB oumon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien)
Après La dernière vie de Simon, voici de nouveau un très bon film français sur les écrans, avec les mêmes qualités : subtil, équilibré, inventif.
La fille au bracelet est un film de procès. Dans ce genre qu'on voit régulièrement sur nos écrans (L'hermine, Une intime conviction) il se distingue par sa ligne claire qui sert une ambiguïté profonde. Il ne s'agit pas ici de mettre en scène des coups de théâtre (même si la progression dramatique est très bien dosée), mais plutôt de montrer comment la longue durée de l'instruction influe sur le comportement des uns et des autres.
Indirectement le réalisateur Stéphane Demoustier parvient à aborder de nombreux thèmes, tous passionnants : le rapport entre générations, les raisons qui nous amènent à croire quelqu'un coupable ou non, la manière dont les jeunes gèrent leur sexualité, la manière différente qu'ont les parents de réagir à un tel drame.
L'interprétation est très haut de gamme avec les tout juste césarisés Roschdy Zem et Anaïs Demoustier, mais aussi une Chiara Mastroianni méconnaissable, la jeune actrice Melissa Guers qui parvient parfaitement à nous troubler par son comportement, et Pascal-Pierre Gasbarini, qui joue à la perfection un juge précis et attentionné.