4 choses que vous n'avez pas (ou peu) lues à propos de La vie d'Adèle
Adèle n'est pas lesbienne
Contrairement à ce que vous lisez partout, ou presque, le personnage d'Adèle n'est pas celui d'une lesbienne.
Dans le film, elle fait l'amour au début avec un garçon, puis trompe plusieurs fois Emma avec un autre. Dans la scène du café, elle avoue avoir eu quelques aventures, sans importance, sans que l'on sache le sexe des partenaires, mais on peut comprendre qu'il s'agit de garçons.
Donc, c'est clair, Adèle n'est pas lesbienne, elle est ... bisexuelle (sur l'échelle de Kinsey, elle se situerait à 4 ou 3).
Des scènes de sexe... sans sexe
A propos des fameuses scènes de sexe, peu de personnes font remarquer un élément essentiel qui différencie le film de Kechiche d'un porno : on ne voit à aucun moment lors des ébats... un sexe féminin !
La seule fois dans le film où on peut contempler l'Origine du monde, c'est justement quand Adèle fait le modèle pour Emma peintre. Ce qui n'empêche pas des journalistes peu scrupuleux (et même un peu ridicule), d'écrire des absurdités du genre : "Dans La Vie d'Adèle, on voit des sexes féminins en gros plan, rasés intégralement, ce qui implique que le clitoris des personnages surgisse à plusieurs reprises". Ouarf, ouarf.
Les scènes de sexe sont donc anti-réalistes au possible, d'ailleurs l'éclairage est complètement différent lors de ces scènes, qui sont éclairées de façon totalement artificielle. Les deux actrices miment la jouissance, dans une théâtralité qui peut déranger, mais qui est plus proche du théâtre japonais que du film porno. Pierre Olivier Persin, qui s'est occupé des effets spéciaux sur le film, explique dans plusieurs articles comment il a conçu des prothèses pour que les actrices se sentent le plus à l'aise possible (par exemple ici)
Une musique et des sons subtilement extra-diégétiques
Il n'y a pas de musique extra-diégétique (entendez : qui ne fasse pas partie de l'action montrée) dans La vie d'Adèle. Enfin, presque. Parce que, à y entendre de plus près, c'est moins évident que cela.
Prenons la fameuse scène d'anniversaire, et sa chanson désormais célèbre I follow rivers de la chanteuse suédoise Lykke Li. Au début, la chanson est effectivement écoutée par les personnages, mais progressivement les bruits de fond s'effacent et le volume de la chanson augmente, de telle façon que notre empathie avec l'état mental intérieur d'Adèle s'amplifie. La musique devient extra-diégétique.
Même procédé pour le joueur de hang que Adèle voit à Lille juste avant de croiser Emma pour la première fois. On entend le son de l'instrument, et celui-ci reste de plus en plus présent, défiant ainsi les lois de la nature et de la physique acoustique, jusqu'à ce que Adèle échange le fameux regard avec Emma : là encore, Kechiche transforme la musique incorporée à l'action en bande-son.
Dernier exemple : le son lors des scènes de sexe est hyper amplifié, on entend le bruit des caresses d'une façon totalement disproportionnée. C'est très net si on y prête attention (ce qui est difficile lors d'une première vision !)
Un second degré permament
Peu de critiques l'ont signalé, mais la dernière tirade du film, placée dans la bouche de Salim Kechiouche, qui joue un acteur recyclé dans l'immobilier est ahurissante de prescience : le personnage avoue (je cite de mémoire) qu'il vaut mieux être hypocrite dans le milieu de l'immobilier que dans celui du cinéma (coucou Léa), et qu'il en a marre d'être harcelé par les réalisateurs tyranniques (quel sens de l'auto-dérision !).
D'ailleurs, si on y fait bien attention, le film est constamment parcouru d'incises humoristiques (les grimaces des élèves pendant les cours, la sentence de la mère d'Adèle : "Les seuls peintres qui gagnent leur vie sont ceux qui sont morts") et surtout innervé par le second degré inhérent à la nature d'Adèle, qui en fait un personnage d'exception.
Quelle extraordinaire distance faut-il avoir pour proposer à Emma de la payer "en nature" lors de la scène du café, tout en corrigeant immédiatement la concupiscente proposition d'un "Je plaisante" qui laisse sur le visage de Léa Seydoux une ombre d'incrédulité stupéfaite ?!
Auparavant, Adèle aura bien pris soin de constamment désamorcer les situations triviales (les huitres et le sexe féminin, Bob Marley vs Sartre) d'une phrase signifiant qu'elle n'était pas dupe.
J'ai d'autres points de vue iconoclastes sur le film de Kechiche... que je garde pour commenter la parution du DVD !
A voir aussi : La vie d'Adèle / La BD à l'origine du film : Le bleu est une couleur chaude / L'avis des blogueurs sur La vie d'Adèle / Le jour où j'ai vu La vie d'Adèle pour la deuxième fois