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Christoblog

A la folie

Personne (ou presque) ne connait les films de Wang Bing, et c'est bien dommage

Il faut dire que la plupart sont des documentaires aux durées dissuasives : on se souvient des 9 heures de A l'ouest des rails, narrant la fermeture d'un gigantesque complexe industriel dans le nord de la Chine.

Le nouvel opus de Wang Bing ne dure que 4 heures, et se déroule cette fois-ci au Yunnan, dans le sud de la Chine.

Dès les premières minutes du film, nous sommes immédiatement plongés dans la vie de l'hôpital psychiatrique. Comme à son habitude, Wang Bing se refuse à tout didactisme. Il place sa caméra au plus près des hommes, et laisse la situation se dérouler en la filmant. Au deuxième étage de l'immeuble-prison-hôpital, un couloir-balcon grillagé entoure la cour rectangulaire à ciel ouvert. Les pauvres chambres s'ouvrent sur le couloir, et la caméra ne quitte pratiquement jamais ce monde d'angles droits : couloir, chambre, neige, nuit, jour, couloir, cour, soleil, chambre, nuit, jour.

Le génie de Wang Bing est de parvenir à nous émouvoir aux larmes, malgré le dispositif austère de son film. Il parvient à ce miracle en nous faisant découvrir des personnages extraordinaires, placés dans des situtations extraordinaires : on se souviendra éternellement de ce jeune homme faisant son footing de nuit dans le couloir, de tel autre dont on suit les premières heures d'internement, du pauvre homme que la femme visite en lui expliquant qu'il ne peut pas revenir, de celui qui est puni par la pose de menottes. Chacun des destins montré est bouleversant, d'autant plus que la plupart des internés ne paraissent pas réellement malades.

Si les quatre heures de projection ne semblent pas si longues c'est aussi parce que Wang Bing possède un sens aigu du montage. On ne s'ennuie jamais parce que les scènes d'action succèdent à d'autres plus oniriques (plusieurs séquences montrant les activités nocturnes des plus malades semblent provenir d'un rêve). Le film comprend aussi de véritable petites histoires (une histoire d'amour), des échappées belles (on suit un homme qui est libéré), et des surprises.

On entre dans la salle en craignant d'avoir à supporter des visions insupportables et violentes de malades mentaux, on en ressort ému et bouleversé en ayant l'impression d'avoir assisté à une représentation de la comédie humaine en milieu clos, pleine de douceur.

Le film a été présenté au festival de Venise 2013 et j'ai eu la chance de le voir au Festival des 3 continents : Wang Bing est resté discuter avec nous près d'une heure après le film. Un grand monsieur, et sûrement un des dix plus grands réalisateurs en activité.

 

4e

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L'escale

http://fr.web.img5.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/205/21020542_20130717173436722.jpgLorsque le réalisateur Kaveh Bakhtiari, d'origine iranienne mais qui a grandit en Suisse, apprend que son cousin iranien est immigré clandestin bloqué à Athènes, il ne sait pas encore qu'il tient là un remarquable sujet de documentaire.

Il lui faudra d'abord retrouver son cousin, puis vivre dans l'appartement qui abrite les 6 ou 7 clandestins, pour commencer à construire un véritable film.

Comme souvent quand un documentaire est particulièrement réussi, L'escale parvient à être aussi captivant d'un point de vue dramaturgique qu'une oeuvre de fiction.

On s'attache progressivement à la personnalité de chacun des migrants, qui essayent tous de rejoindre des pays plus au nord, où se trouve généralement des membres de leur famille. On frémit des dangers qu'ils affrontent (la mort, la prison), même si ces risques ne sont jamais montrés frontalement à l'écran. On se réjouit, soulagés, lorsqu'on apprend qu'un de la bande a réussi à "passer".

La mise en scène de Bakhtiari, en collant au plus près des clandestins, en refusant de filmer autre chose que leur vie quotidienne, est remarquable d'efficacité. Elle peut-être extrêmement touchante, comme lorsque le groupe se risque à une sortie à la plage.

Une belle oeuvre, qui présente l'immense intérêt de montrer que l'immigration, au-delà des chiffres, est avant une affaire de visages et de destinées.

 

3e

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The immigrant

Le dernier film de James Gray est jaune. Il est aussi mauvais.

Je ne sais pas quelle mouche a piqué l'expérimenté directeur de la photo Darius Khondji pour appliquer de façon continue, ou presque, un filtre de tonalité jaune dans ce film, mais l'effet obtenu est particulièrement immonde.

Vous allez me dire que je pinaille sur une question de forme, mais le film n'est pas simplement sépia par son image, il l'est aussi par ses personnages et son scénario. Tout y est en effet pitoyablement vieux, artificiellement suranné.

Détaillons un peu : Marion Cotillard parle polonais comme moi l'araméen ancien, le scénario a été vu mille fois, il a la délicatesse d'un coït d'éléphant sur un lit de porcelaine. On se demande où est passée l'art délicat et feutré que montre habituellement James Gray pour filmer les sentiments.

Ici, tout n'est que trivialité classique, la mise en scène sans aspérité comme le jeu des acteurs. Le film sent la naphtaline, à l'image de ses décors qui ressemblent beaucoup trop à ... des décors.

Je crains fort que la médiocrité de Guillaume Canet n'ait contaminé le génie naturel de James Gray, lors de leur collaboration sur le calamiteux Blood ties.

 

1e

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Borgman

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/059/21005967_2013051511472182.jpgLe nouveau film de l'iconoclaste néerlandais Alex Van Warmerdam commence superbement bien.

Le début du film est en effet diablement intrigant avec ces scènes étranges dans la forêt, dans lesquelles des hommes (et plus particulièrement un prêtre) en pourchassent d'autres, qui semblent revenus à l'état naturel.

Lorsqu'on revoit un de ces hommes sauvages s'intéresser à une famile bourgeoise (lui imbuvable, elle frustrée), on se dit qu'on va assister à une sorte de Théorème diabolique, impression renforcée par une mise en scène fluide, des décors admirables et des visions oniriques glaçantes (les chiens, la croix, le spectacle).

On est durant toute la première partie du film assez estomaqué par l'irruption de tout le groupe d'envahisseurs dans la maison, qui ne peut finalement se faire que parce que la raison et le bon sens manquent à cette famille lambda. Le film est intéressant - et cruel - parce qu'il montre les ressorts psychologiques humains dans ce qu'ils ont de plus bas : la femme et la nounou semblent frustrées sexuellement, le mari est violent et raciste, la petite fille cruelle.

Dans sa deuxième partie, le film perd de son intensité dramatique en évoluant vers un scénario à la fois plus convenu, plus violent, et moins cohérent. On ne saura jamais si les envahisseurs étaient de simples malfrats azimutés ou s'ils annonçaient l'Apocalypse.

Un OVNI plaisant, mais pas inoubliable.

 

3e

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Gazette du Festival des 3 continents 2013

http://fr.web.img5.acsta.net/r_160_240/b_1_d6d6d6/pictures/210/544/21054428_20131031170113166.jpg19 novembre

Excellente ouverture, hier soir au Grand T. Après les discours des officiels toujours un peu compassés (les communicants qui les écrivent ont vraiment du mal à éviter d'y placer une citation de Godard, piquée au hasard sur Google), on a pu apprécier la grande culture cinématographique du boss, Jérôme Baron, ainsi que son sens de l'humour.

Alors que la concurrence du foot était dure, la salle était bourrée à craquer pour assister à la projection du délicieux The lunchbox (4/5), de Ritesh Batra. Le film, qui avait séduit à Cannes, où il était présenté à la Semaine de la Critique, est assez exceptionnel de maîtrise. Tour à tour amusant et touchant, servi par d'excellents acteurs, c'est une franche réussite sur laquelle je reviendrai lors de sa sortie en décembre.

 

http://fr.web.img1.acsta.net/r_160_240/b_1_d6d6d6/pictures/210/387/21038748_2013091111493073.jpg20 novembre

Deuxième soirée au Festival avec Leçons d'harmonie (4/5), film kazakh de Emir Baigazin, présenté en compétition à Berlin cette année.

Si le film n'évite pas totalement les défauts du film d'auteur d'Asie Centrale (une certaine complaisance pour le jeu d'acteur hiératique, une obsession pour le plan fixe qui traine en longueur), il faut lui reconnaître une belle densité et une faculté à nous surprendre par ses développements.

La photographie est somptueuse, et l'immersion dans un collège kazakh lambda tout à fait dépaysante. Le film n'a pas encore de date de sortie.

 

21 novembre

Ce soir, excursion improbable dans le cinéma chinois des années 30, comme seul le F3C peut le permettre. L'arrivée du printemps parmi les hommes (1/5) (1937) est un mélo joyeux, si on peut dire, et un peu simpliste. Il montre comment la joie et le rire, incarnés dans un jeune homme insouciant, peut dérider une jeune fille battue, avant que la guerre n'emporte cette joie de vivre. Le film vaut pour la modernité de certains mouvements de caméra, par l'originalité du jeu des acteurs et par son étonnante proximité avec le cinéma occidental (Griffith, le néo-réalisme). Malheureusement, le déplorable état de la copie (bande-son inaudible, rayures et griffures, variation brusque de la luminosité) empêche de goûter pleinement cette plongée de 80 ans dans le passé chinois.

Je suis tout de même impressionné (comme toujours en pareil cas) par l'étendue des continents cinématographiques qui restent à découvrir dans l'espace-temps de l'histoire du cinéma mondial.

 

http://fr.web.img2.acsta.net/r_160_240/b_1_d6d6d6/pictures/210/068/21006802_20131028172153901.jpg22 novembre

Présentation en avant-première d'un documentaire très intéressant qui sort mercredi prochain, L'escale (3/5). Le réalisateur, Kaveh Bakhtiari, est suisse d'origine iranienne. Lorsqu'il apprend que son cousin iranien est en prison en Grèce, il le rejoint et partage le quotidien de sept iraniens sans papier en transit à Athènes, tentant de rejoindre l'Europe occidentale. Je reviendrai dans les jours qui viennent sur ce beau film, qui était présenté à la Quinzaine cette année.

Dans la foulée, j'assiste à la projection en compétition de El mudo (2/5),des frères Daniel et Diego Vega, dont j'avais apprécié le premier film Octubre. Ce deuxième film dessine le portrait d'un juge très raide qui devient muet suite à un coup de feu. Le mutisme du héros et la nonchalance du synopsis rendent le film un peu ennuyeux, bien que la mise en scène soit remarquable, et le ton original. El mudo était en compétition à Locarno cet été.

 

23 novembre

Salle comble au Katorza pour A la folie (5/5), documentaire fleuve de 3 heures et 48 minutes, tourné quasi intégralement à l'intérieur d'un hôpital psychiatrique du Yunan. Une fois de plus Wang Bing revient à Nantes, qui l'a découvert il y a bien longtemps avec A l'ouest des rails. Le film est une nouvelle fois absolument magnifique. 

Un chef d'oeuvre, qui semble littéralement dresser une cartographie intime de l'âme humaine. Après un tel film, impossible d'aller voir autre chose, ce sera donc un samedi soir à la maison.

 

24 novembre

Pour mon dernier jour au Festival, le très prolifique (et alcoolisé ?) Hong Sang-Soo nous invite à goûter sa petite musique dans son dernier opus Sunhi (4/5). Le film peut être qualifié d'"essence de Hong Sang-Soo" tellement il concentre de traits caractéristiques de son oeuvre dans un film qui semble vraiment être une épure. C'est délicieux, et plus le film avance, plus sa complexité délicate et recherchée se révèle. Du HSS minimaliste et essentiel.

 

25 novembre

Le Palmarès est tombé hier soir :
Montgolfière d'or pour Au revoir l'été de Koji Fukada
Montgolfière d'argent pour 'Til madness do us part de Wang Bing
Prix du public pour Bending the rules de Behnam Behzadi

A l'année prochaine !

 

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Festivals des 3 continents 2013

Pour la quatrième année consécutive je serai présent et accrédité au Festival des 3 continents, dont je vous conseille le site officiel.

Programme encore plus alléchant que les autres années, je trouve.

Pour ma part, j'essaierai de voir a minima les films suivants :

- The Lunchbox, film indien, qui fera l'ouverture et a reçu un bon écho à la Semaine de la Critique 2013
- Leçons d'harmonie, Ours d'argent de la meilleure contribution artistique au dernier festival de Berlin
- Les chiens errants de Tsai Ming-Lian, Grand Prix à Venise 2013
- Rêves d'or (La jaula de oro) de Diego Quemada-Diez qui à reçu un prix à Un certain regard cette année et dont la Croisette disait beaucoup de bien
- Our sunhi, le nouveau film du très très prolifique Hong Sang Soo (encore ?!?)
- 'Til madness do us part de Wang Bing, nouveau documentaire fleuve de 4 heures tourné dans un asile psychiatrique chinois par mon réalisateur fétiche, très bien accueilli au dernier festival de Venise

... et bien sûr tout cela sans compter les surprises, découvertes et friandises comme les films qui constituent la rétrospective du cinéma de Shanghai dans les années 1920/1950 (voir l'article des Cahiers du cinéma de novembre - page 82/89), ou ceux du panomara du cinéma brésilien contemporain.

Du très haut niveau cette année, à suivre sur Christoblog dans la Gazette du festival.

 

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Il était temps

http://fr.web.img3.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/280/21028014_20130813152745148.jpgRichard Curtis est surtout connu pour son travail de scénariste : Quatre mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill, Love actually, Good morning England, c'est lui.

Passant ici pour la troisième fois derrière la caméra, il nous livre une nouvelle version de la comédie romantique anglaise dont il semble avoir inventé la recette.

Cette fois, le principe est le suivant : de père en fils, les hommes d'une famille possèdent le don de voyager dans le passé, et d'y modifer le cours des évènements.

Pas de réflexions métaphysiques alambiquées ici, d'ailleurs l'"effet papillon" qui fournit souvent le ressort narratif des voyages temporels est évacué d'une phrase en début de film. Curtis s'intéresse plutôt ici à l'utilisation du voyage dans le temps au service de l'amour et des sentiments.

Sans être révolutionnaire, le film explore ainsi plusieurs situations dont certaines sont cocasses, et d'autres touchantes. Si on ne rit jamais franchement (sauf pendant la scène du mariage pluvieux, particulièrement efficace) on suit les aventures du couple Tim / Mary avec plaisir. Ce n'est jamais très loin d'être franchement gnangnan, mais le film tient la route entre autre grâce à ses acteurs tous excellents avec une mention particulière au père, joué subtilement par Bill Nighy, et à Rachel McAdams, très séduisante.

Un divertissement honorable.

 

2e

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Heimat I et II

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/402/21040233_20130913160308548.jpg

Edgar Reitz est l'auteur d'une série de 51 heures, retraçant sur trois saisons et un siècle (de 1919 à 2000) les destinées de plus de 200 personnages, à travers l'histoire d'un petit village allemand.

Je fais le malin, mais je dois avouer que je n'avais jamais entendu parler de ce monstre, comparable par son ampleur à La Comédie Humaine, avant que le "prequel" dont je vais parler aujourd'hui ne soit présenté au dernier Festival de Venise.

Edgar Reitz nous propose dans ces deux opus de deux heures chacun (Chronique d'un rêve, puis L'Exode) de se téléporter au milieu du XIXème siècle dans le même petit village de Schabbach, pour observer les ancêtres de la famille Simon dont les descendants fourniront le coeur palpitant de la série Heimat.

Les deux films sont - indépendamment de la série que je n'ai pas vu - incroyablement marquants. La photographie en noir et blanc est somptueuse. Le directeur de la photo Gernot Roll donne une densité incroyable à l'image, tout juste parsemée de minuscules touches de couleur, toujours signifiantes : fleurs de lin, cerises, pièces d'or, pierre précieuse, robe verte, drapeau allemand... L'éclairage est parfois à la limite de l'expressionnisme.

Si la forme est sublime, le jeu des acteurs est lui aussi quasiment parfait. Chacun(e) joue avec une justesse de ton sidérante la rude vie des paysans, et on peut dire que grâce à eux jamais la vie rurale au XIXème siècle n'aura été aussi bien contée. On suit les aventures de cette famille avec un intérêt croissant, et si la première partie peut comporter quelques longueurs, la seconde nous emporte résolument dans une histoire extrêmement romanesque qui marie délicieusement la chronique familiale (amour, deuil, espoir, maladie) à la Grande Histoire (pauvreté absolue, exode au Brésil, irruption de la modernité, révolte sociale).

Heimat I et II  laisse une empreinte profonde dans l'esprit du spectateur, qui cumule la satisfaction esthétique (la campagne rhénane y est magnifiée) à l'exultation intellectuelle.

Un sommet.

 

4e

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Les rencontres d'après-minuit

http://fr.web.img5.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/014/21001475_20130425104314435.jpgDifficile de parler de ce film dont les différents pitchs possibles ne rendront dans tous les cas que très partiellement compte de son contenu.

Par exemple :

- Au cœur de la nuit, un jeune couple et leur gouvernante travestie préparent une orgie. Sont attendus La Chienne, La Star, L’Etalon et L’Adolescent (Allociné)

- Béatrice Dalle sadise un Eric Cantona au sexe surdimensionné dans une cage irréelle 

- Un film que la fierté de son verbe comme de sa mise en scène propulse comme en véritable manifeste d'"expressionisme pop" (Cahiers du cinéma)

- Un mélange formel d'Art Déco, d'années 80 et de design rétro-futuriste dans lequel de nouvelles Shéhérazades racontent l'histoire de leurs traumas

- Yann Gonzalez impose une voie singulière, celle d'une artificialité assumée d'où nait une émotion terrassante (Le Monde)

- Imaginez Eric Rohmer qui aurait écrit " La Partouze à sept n'aura pas lieu"

Certains seront forcément déboussolés par cet objet sorti de nulle part et y retournant, comme si Le Manuscrit trouvé à Saragosse avait croisé par hasard le marquis de Sade, d'autres (c'est mon cas) se laisseront charmer, emportés (en tout cas par moment) par l'inventivité forcenée de la démarche : on n'a réellement JAMAIS rien vu de pareil, et cela devient de plus en plus rare.

Il n'y a pas tant de films que ça pour lesquels la meilleure critique paraisse être au final : allez-y voir par vous-même.

 

3e

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La Vénus à la fourrure

http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/442/21044235_20130926103625588.jpgLors du dernier festival de Cannes, la dernière journée était consacrée à la projection de deux films agréables, dernières productions de réalisateurs confirmés : La Vénus à la fourrure de Polanski et le très beau Only lovers left alive de Jim Jarmush. Alors que beaucoup de festivaliers étaient déjà partis, c'était amusant - et touchant - de voir que les grands réalisateurs restent capables de grandes choses.

La Vénus à la fourrure se situe exactement dans la suite de Carnage. Il s'agit toujours peu ou prou de théâtre filmé, ici dans une version encore plus minimaliste que dans le film précédent : deux acteurs seulement, Emmanuelle Seigner, compagne du cinéaste - qui trouve ici son meilleur rôle, et l'inénarrable Mathieu Amalric.

Ce dernier joue un metteur en scène un peu imbu de lui-même, qui reçoit une dernière candidate un jour d'audition. Vanda, qui arrive en retard, s'évère être d'une vulgarité (et d'une bêtise ?) extrême ... jusqu'à ce qu'elle joue sur scène.

S'en suit un jeu de chat et de souris dans lequel on peut suivant les goûts discerner une image des conflits féminin/masculin, acteur/metteur en scène, homme/dieux, etc... Une multiplicité d'interprétation possible donc, servie par une interprétation hors norme d'un acteur et d'une actrice au sommet de leur forme.

Le film se croque comme une friandise admirablement dialoguée, dont on ne sait jamais exactement vers quoi elle va nous entraîner, ce qui en constitue le sel, évidemment.

A voir, ne serait-ce que pour la métamorphose progressive et époustouflante d'Emmanuelle Seigner.

Polanski sur Christoblog : Carnage / The ghost writer

 

3e

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Salvo

http://fr.web.img4.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/014/21001460_20130425103648833.jpgSalué par le Grand Prix de la Semaine de la Critique à Cannes 2013, Salvo s'avère être le parfait film d'auteur qui se la pète.

On a en effet droit à tous les tics qu'on peut reprocher à un certain cinéma qui se regarde le nombril, l'anus, filmer : fausse bonne idée de départ (un tueur de la mafia doit accomplir un meurtre en présence d'une aveugle), refus obstiné de donner le moindre rythme au film, absence quasi total de dialogue, composition savante et picturale de la plupart des plans.

Tout cela forme plus une installation qu'un film, et c'est un doux pléonasme de dire qu'on s'y ennuie fermement, jusqu'à un final attendu et alambiqué, comme si Sergio Leone avait croisé Godard.

La lenteur des scènes est exaspérante, le mutisme du personnage principal horripilant, la bande-son semble avoir été conçue pour une séance de torture à Guantanamo.

 

1e

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Les garçons et Guillaume, à table !

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/538/21053877_20131030102746615.jpgJe parierais volontiers, au vu de l'hilarité générale qui saisit la salle lors de mon séjour cannois, que le film de Guillaume Gallienne obtienne un score au box office qui le situe entre Camille redouble (838 000 entrées) et Intouchables (19 214 100 entrées).

La salle de la Licorne, à Cannes La Bocca, pleine à craquer, se bidonnait à s'en faire péter la panse, à un point qui dépassait ce que j'ai jamais connu dans une salle de cinéma : parfois, je n'arrivais plus à entendre les dialogues tellement mes voisins de siège rigolaient.

C'est peu de dire que cette comédie qu'on a du mal à qualifier (classico border-line, comédie de moeurs futuro trans-genre) parvient à soulever les publics : il n'y a qu'à voir le triomphe que le film emporta à Angoulême après la transe cannoise, Valois d'or et Valois du public, allez zou !

Il n'est guère possible de résister à l'ouragan comique que Guillaume Gallienne déclenche, tellement celui-ci est précis dans sa mécanique (on pense à la méticulosité d'un Jerry Lewis) et pertinent dans son propos, pour peu qu'on considère que le film est un film sur les idées reçues et non un catalogue d'idées reçues. Erreur que certains critiques imperméables au troisième degré commettrons, je le suppute.

Outre le rythme affolant du film, on notera la performance inoubliable de Gallienne qui joue, en plus de son propre personnage, sa mère.

Un coming out inattendu et émouvant, un moment de rire absolu.

 

4e

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Haewon et les hommes

La petite musique de Hong Sang-Soo fonctionne plus ou moins bien, suivant le substrat sur lequel le prolifique cinaste coréen la déploie.

Ici, rien ne permet au sujet de pleinement se développer, ni la perfection cotonneuse de l'image comme dans The day he arrives, ni le brio scénaristique comme dans Another country ou HA HA HA.

Hong Sang-Soo récite donc ici son cinéma, toujours sur les mêmes bases, à savoir des dialogues rohmérien, des hommes assez faibles et des femmes plutôt fortes, des gimmicks bien connus (un réalisateur comme personnage, beaucoup d'alcool et de scènes de café, des personnages ou des objets récurrents).

Apparaissent toutefois ça et là quelques séquences pépites lors desquelles le génie badin et profond du cinéaste affleure : la rencontre de l'héroïne et de Jane Birkin, l'appel du taxi par simple effort de la pensée, les promenades hivernales au fort. Une oeuvre mineure de Hong Sang-Soo, portrait rêveur (rêvé ?) et amoureux d'une jeune femme ne sachant pas aimer.

 

2e

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La vie d'Adèle : l'avis des blogueurs

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L'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/171/21017103_20130702155509888.jpgC'est plutôt à reculons que j'emmenai hier ma fille et deux de ses copines pour voir la dernière production du créateur de Delicatessen et d'Amélie Poulain. Ses derniers errements (Micmacs à tire-larigot) semblaient en effet indiquer que ce dernier était sur une mauvaise pente : celle d'un formalisme outrancier, faisant fi des enjeux narratifs.

Eh bien, on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise ! TS Spivet s'avère être un divertissement de haut niveau, émouvant et très réussi dans sa forme.

L'ingéniosité de Jeunet, sa capacité a bricoler des effets spéciaux de tout type, s'accordent ici parfaitement à l'esprit de l'histoire, et à l'aspect Geo Trouvetout de son jeune personnage.

D'un point de vue visuel, le film est une splendeur : les grands espaces américains sont superbement filmés, la mise en scène est élégante et précise. On se laisse littéralement charmer par chaque membre de cette famille atypique, avec une mention spéciale à Helena Bonham Carter, absolument craquante en maman obsédée par sa collection d'insecte.

La mort accidentelle du frère est traitée avec beaucoup de tact et donne lieu à des scènes assez simples, mais très touchantes.

Il se dégage du film une magie légère et très légèrement excentrique, comme un parfum de jeunesse envolée. Une franche réussite.

 

3e

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Snowpiercer, le transperceneige

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/360/21036090_20130904151243628.jpgAutant le dire tout de suite, j'ai été très déçu par le passage à la production internationale de mon réalisateur coréen fétiche, Bong Joon Ho.

Même si fugitivement affleurent dans le film ses anciennes qualités (second degré, attention aux visages, sens inné de la mise en scène), la vérité est que ce sont surtout les défauts du film dont on se souvient. A savoir : un casting fadasse et hétéroclite, des clichés vus et revus mille fois (pauvres/gentils contre riches/méchants), des rebondissements invraisemblables, des décors moches et terriblement factices, des combats filmés caméra à l'épaule dans la plus grande confusion.

Si le film commence honorablement, il devient de plus en plus artificiel, pour finir en queue de poisson désastreuse. Attention, spoiler à suivre. Rien à sauver dans les dix dernières minutes : la machine en tête de train ne ressemble à rien, l'enfant qui entre dedans ne correspond à aucun enchaînement narratif, le dernier plan sur l'ours polaire est d'une naïveté confondante (et en plus n'a rien à voir avec l'histoire).

A aucun moment Bong Jooh Ho ne parvient à créer une atmosphère réaliste au sein de son film, comme il l'avait superbement réussi dans The host. On ne rentre jamais dans cette histoire, en particulier parce que les acteurs ont le charisme d'une huitre (le taiseux Chris Evans), ou en fond au contraire des tonnes (Tilda Swinton et son dentier).

Après cet agglomérat kitsch de clichés SF, j'espère que Bong Joon Ho retrouvera son talent.

 

1e

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Un château en Italie

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/060/21006045_2013051513001218.jpgQuel intérêt à aller voir Un château en Italie si on n'est pas de la famille Bruni-Tedeschi ?

A priori, peu. Et a posteriori, pareil.

Organisé autour d'un découpage en saison (c'était la mode à Cannes cette année, cf le Ozon), Un château en Italie est le prototype du film bobo qui se regarde le nombril. Pas désagréable par ailleurs, mais dont la part autobiographique ne doit intéresser que la réalisatrice et ses proches.

Il est d'ailleurs curieux de constater que le personnage du frère, qui devrait être très émouvant, ne parvient jamais à l'être vraiment.

Garrel est insupportable, on a réellement envie de lui coller deux baffes (encore plus que d'habitude, je veux dire) et l'amour avec Louise sonne résolument faux. Beaucoup de scènes paraissent bancales, et beaucoup d'autres font franchement cul-cul : ces arbres qu'on abat, par exemple !

Bref, le film est faiblard et c'est peut-être Xavier Beauvois qui le sauve du naufrage. Il est un peu mystérieux que le film ait pu être en sélection officielle à Cannes.

 

2e

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Inside Llewyn Davis

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/028/21002833_20130806152535108.jpgAvec son titre un peu imprononçable et légèrement abscons (en quoi est-on à l'intérieur de Llewyn Davis ?), le dernier film des Coen partait avec un léger handicap dans mon esprit.

Si vous êtes des lecteurs assidus de mon blog, vous savez que je ne suis pas spécialement fan du cinéma des brothers, que je juge souvent un peu compassé, et même parfois pontifant.

C'est finalement lorsqu'ils parviennent à être légers que je les trouve meilleurs, et c'est le cas ici, puisque leur dernière production est un film tourné résolument en mode mineur.

Llewyn Davis est un loser. On suit donc avec une sorte de détachement amusé ses vaines pérégrinations (de toute façon, il n'y arrivera pas). L'intérêt du film vient de ses réparties douces-amères, d'un comique de situtation très efficace (le chat : un running gag qui tombe presque dans la facilité), et de seconds rôles parfaits (une Carey Mulligan irrésistiblement grise).

La mise en scène est classique (académique ?), les décors impressionnants (trop composés ?). Tout cela se suit du coin de l'oeil avec un certain plaisir, si on aime le folk. Le film ne sert pas à grand-chose, on ne sait pas trop si on en s'en souviendra dans deux ans.

La question est : peut-on faire un film sur un raté avec un style qui l'est aussi peu (raté) ?

Les frères Coen sur Christoblog : True grit / No country for old men / Burn after reading / A serious man

 

2e

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Blood ties

On va me dire que je tire sur une ambulance, au vu des critiques désastreuses qui saluent le dernier poncif filmé de l'inénarrable Guillaume Canet, mais quand une ambulance a coûté aussi cher, c'est un plaisir de sortir le super bazooka M20, qui tire des obus de 4 kg.

Canet utilise les talents de James Gray (comme scénariste), de Matthias Schoenaerts, Mila Kunis, Clive Owen et James Caan (comme acteurs), de Marion Cotillard (comme femme et potiche), pour tourner le remake d'un film de Jacques Maillot dont tout le monde se fout (sauf sa seigneurie Canet lui-même, car il y a fait l'acteur) : Les liens du sang.

L'envie de hurler "Arrêtez le massacre" ne m'a pas quitté une seule minute tant tout est récité, balourd, factice et pauvre en imagination comme en réalisation. Je repense par exemple à ces gunfights qui semblent tournés avec des pistolets à eau, ou à ce montage à l'emporte-pièce. Le film n'est qu'une longue accumulation de clichés : par exemple, quand un personnage va faire quelque chose de difficile, il allume une cigarette.

C'est comme ça que Canet envisage le cinéma des années 70 et veut lui rendre hommage : à grand coup de nostalgie amidonnée et de grues planant au-dessus de voitures vintage.

Tout est mauvais dans Blood ties, rien n'accroche, on ne croit à rien, les méchants ne le sont pas assez et les gentils le sont trop : c'est de la guimauve à 25 millions de dollars qui ne sert qu'à combler les penchants onanistes de Canet.

A fuir, et vite.

 

1e

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Prince of Texas

http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/96/26/64/20456547.jpg Ours d'argent du meilleur réalisateur au dernier festival de Berlin, Prince of Texas est la dernière production du réalisateur US David Gordon Green, qu'on associe souvent à une école de comédie américaine déjantée dont le barycentre serait Judd Apatow. Autant le dire d'entrée, je suis resté totalement imperméable au sujet : deux paumés qui tracent des lignes et plantent des poteaux le long d'une route paumée au fin fond du Texas. Le décor est celui d'une forêt calcinée, conséquence des incendies gigantesques qui touchèrent cette partie des USA.

Le film oscille entre plusieurs genres sans parvenir à en choisir un seul : c'est d'ailleurs peut-être là que certains y trouveront un charme. On y parle de sexe très crument, les femmes étant souvent réduites à une fonctionnalité d'orifice à combler, on y pète et on s'y branle : de ce côté, le cinéma d'Apatow n'est pas loin, avec sa finesse inégalée.

On croise des personnages complètement barrés au milieu de ce middle of nowhere, comme un chauffeur de camion passablement madré et alcoolisé, ou une vieille femme mutique dont la maison a brûlé, on pense alors à des collages suréalistes ou au cinéma de Gondry.

Cette impression est renforcée par les dialogues parfois complètement loufoques. Dans un de ces moments les moins réussis, on se croit dans un teenage movie recyclé, les deux loosers se prenant une biture carabinée et traçant des sinsoïdes sur la route au lieu de la belle ligne centrale. C'est donc pour résumer assez bavard, guère palpitant bien que correctement réalisé, et franchement évitable. Le type de film dont le pitch intiguant est finalement le point le plus réussi.

 

1e

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