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Christoblog

Articles avec #j'aime

Love life

Le dernier opus de Koji Fukada (Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis) nous avait laissé un peu sur notre faim. Le format série resserré pour le cinéma ne fonctionnait pas très bien.

Avec Love life, le réalisateur japonais revient à ce que l'on préfère chez lui : une mise en scène élégante, une écriture au scalpel et des événements qui bousculent simultanément les personnages et les spectateurs.

Le film commence ici comme le tableau en demi-teinte d'un couple presque normal : elle a un enfant d'une première union, il a des parents un peu envahissants qui habitent dans l'immeuble d'en face. On sent vaguement que quelque chose d'anormal plane au-dessus de la famille : une curieuse cérémonie d'anniversaire pour le beau-père, l'ex petite amie du mari qui réapparaît, des paroles acerbes qui s'échangent.

Le style Fukada est là : le regard d'un entomologiste qui observe des fourmis humaines se débattre dans le labyrinthe de la réalité, se heurtant à leurs sentiments, leurs désirs, et surtout ici, leur culpabilité.

Dans Love life, la communication semble impossible entre les principaux personnages. La mise en scène excelle à décrire leur isolement par de multiples et subtils procédés : plan lointain, jeu de transparence et de reflets, bande-son travaillée. A l'image du sublime dernier plan, le maximum de connivence qui semble accessible dans ce monde absurde, c'est de marcher un petit bout de chemin l'un à côté de l'autre.

Un beau film, ample et délié, riche en signes et en symboles.

Koji Fukada sur Christoblog : Au revoir l'été - 2014 (***) / Harmonium - 2017 (****) / L'infirmière - 2019 (***) / Suis-moi je te fuis, Fuis-moi je te suis - 2022 (**)

 

3e

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My love affair with marriage

Au festival d'animation d'Annecy 2022, j'avais été accueilli à l'entrée d'une des salles du Pathé par une grande femme rayonnante qui m'avait tendu une carte postale promotionnelle, et m'avait souhaité bon film. La Lettonne Signe Baumane accueillait ainsi en toute décontraction les quelques spectateurs de son film (nous n'étions pas très nombreux).

My love affair with marriage est à l'image de sa réalisatrice : vif, enjoué, direct. Il regorge aussi d'imagination : effets visuels variés et plaisants, utilisation de la musique pour quelques scènes de comédie musicale irrésistibles, personnages délicieusement croqués.

On suit avec délectation les tribulations de Zelma, dans un voyage à la fois physique (la Russie profonde, la Lettonie, le Danemark), biologique et d'émancipation. Ses différents mariages, en incluant tentatives avortées et remariage, sont très drôles à suivre, et on ne s'ennuie pas une seconde dans ce périple intérieur qui mène une petite fille de sept ans à se libérer progressivement pour devenir une jeune fille de vingt-neuf ans.

Un formidable film, accessoirement d'animation.

 

3e

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L'amour et les forêts

On ne retrouve rien du style déjanté des premiers films de Valérie Donzelli dans cet exercice très sage de mise en image du roman d'Eric Reinhardt.

On sait que l'auteur a eu maille à partir avec la lectrice qui lui a inspiré cette histoire (l'affaire s'est soldée par un accord à l'amiable) : il est d'autant plus surprenant de constater que le résultat à l'écran est d'une incroyable neutralité. On est loin de songer à une histoire vraie, mais on a plutôt l'impression d'être devant la description minutieuse d'un cas archétypal.

Dans le cadre un peu formaté du film, au style très froid, Virginie Efira fait merveille en femme à la fois soumise puis finalement résistante et Melvil Poupaud s'avère être un salaud d'envergure, peut-être un peu trop désagréable dès les premiers plans. Le film est très écrit et bien réalisé. Il ne parvient toutefois pas à générer une véritable émotion (peut-être du fait de l'effet de flash-back qui annonce finalement assez tôt comment l'histoire va évoluer).

On appréciera toutefois la façon dont le mécanisme implacable de l'emprise est disséqué, à travers toutes ses composantes, et dans la durée.

A voir, ne serait-ce que pour Virginie Efira (et pour sa jumelle !).

Valérie Donzelli sur Christoblog : La reine des pommes - 2009 (**) / La guerre est déclarée - 2010 (****) / Main dans la main - 2011 (**) / Marguerite et Julien - 2015 (*)

 

2e

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Sur l'Adamant

Ours d'or au dernier festival de Berlin, le dernier film de Nicolas Philibert est un documentaire comme on les aime.

Nous suivons pour quelques jours des malades souffrant de problèmes mentaux se regrouper dans un centre de jour étonnant : l'Adamant, structure flottante amarré sur la Seine.

La caméra, comme toujours chez Philibert et la plupart des grands documentaristes, est discrète. Le réalisateur de "contente" souvent de la poser, et d'attendre que les personnages s'expriment, en gardant lui-même le silence. Il faut bien sûr une patience hors du commun et un grand talent pour l'écoute pour arriver finalement à capter ces moments précieux qui font la richesse du film.

L'intérêt que le spectateur éprouve en regardant ces témoignages tient bien sûr à la pertinence du montage et de la mise en scène, mais aussi à l'incroyable intensité avec laquelle les patients s'expriment devant la caméra : difficile de ne pas être ému et intrigué devant l'incroyable diversité des situations (et des pathologies) qui nous sont présentées. On se souvient très longtemps de tous les personnages du film, qui deviennent d'une certaine façon des parangons de l'espèce humaine.

On a hâte de retrouver une partie de ce petit monde dans deux autres films, puisque Philibert a annoncé que Sur l'Adamant était le premier d'une trilogie qui continuera d'explorer le milieu de la psychiatrie.

Une tranche d'humanité comme on en voit peu.

 

3e

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Charade

Pas facile d'évaluer ces films américains des années 60 qui n'ont finalement pas très bien vieillis formellement : décors surannés, photographie saturée, gimmicks datés, personnages stéréotypés.

Heureusement, Charade est sublimé par plusieurs éléments : le charme fou d'Audrey Hepburn (adorable quand elle drague lourdement Cary Grant), le scénario complètement loufoque de Peter Stone (Cary Grant change cinq fois d'identité) et une sorte de légèreté éthérée, complètement artificielle, mais qui parvient à séduire à force de rebondissements invraisemblables, menés tambour battant dans un Paris de carte postale. 

On regarde le film en étant complice de son parti-pris initial : je ne vous demande pas de croire en ce que je vous raconte, mais je vous prie de ne pas résister au plaisir qui viendra du seul jeu des acteurs. Le talent d'amuseur de Stanley Donen, qui fonctionne parfaitement dans le monde iréel de la comédie musicale (Chantons sous la pluie), trouve ici un terrain de jeu aussi fantaisiste, dans lequel il peut s'épanouir avec délice, tel un Hitchcock sous ecstasy.

Une comédie de masques, de dissimulations et de tromperies en tous genres.

Stanley Donen sur Christoblog : Voyage à deux - 1966 (**)

 

2e

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Suzume

Quelle autre cinématographie que le monde des anime japonais possède aujourd'hui ce mélange d'imagination infinie et de maîtrise technique exceptionnelle ? Aucune. 

On retrouve en effet dans Suzume toutes les qualités qu'on aime chez les cinéastes d'animation de ce pays, de Miyazaki à Hosoda : un sens inné de la poésie, une capacité à ne pas se brider dans la recherche de l'émotion pure et une faculté incroyable à aborder les thématiques lourdes (le deuil, la mort) avec légèreté. Lorsqu'on y songe, ce sont ces qualités qui ont permis, il y a bien longtemps, à Disney de conquérir le monde (je pense à Bambi ou Dumbo par exemple).

Bien loin des marvelleries franchisées et insipides, Makoto Shinkai réussit ici à produire une oeuvre d'imagination pure, qui suscite une sorte d'émerveillement perpétuel par la conjonction d'une technique irréprochable (les paysages sont d'une beauté à couper le souffle) et d'une rigueur d'écriture qui atteint ici des sommets.

Les précédents films de Shinkai étaient déjà brillants, mais certains pouvaient leur reprocher leur caractère touffu, leur BO envahissantes et leur boursouflures narratives. Dans Suzume, le réalisateur à mis en oeuvre ses qualités habituelles, et a gommé les petits défauts : la narration, bien que complexe, est parfaitement lisible, le rythme est parfait et la BO est un mix réjouissant de plusieurs genres (du jazz à la pop japonaise en passant par la musique symphonique hollywoodienne).

Ajoutez à tout cela des personnages (en majorité féminins) admirablement dessinés, des idées de génie (à l'image de cette chaise à trois pieds devenant personnage principal) et vous obtenez ce que l'animation peut proposer de mieux aujourd'hui en salle. 

Un bain continu d'émotions fortes, à découvrir absolument.    

Makoto Shinkai sur Christoblog : Your name - 2016 (***)

 

4e

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Conversation secrète

Palme d'or à Cannes en 1974, ce film du tout jeune Francis Ford Coppola est une leçon de cinéma sur le thème de la paranoïa.

Conversation secrète débute comme un film d'espionnage : le détective Harry Caul, joué par Gene Hackman, spécialisé dans les écoutes téléphoniques, nous est tout d'abord montré en pleine action, en train d'épier la conversation d'un couple.

Il acquiert rapidement le sentiment qu'un danger de mort menace ces deux-là, et renonce à livrer la teneur de leur conversation (on découvre qu'il a été responsable dans le passé de l'assassinat de toute une famille).

Mais le danger existe-t-il vraiment ? Les inquiétudes de Harry ne sont-elles pas le fruit de son imagination ?

Coppola nous égare avec brio dans un dédale de plans d'une virtuosité sans égale. Le personnage d'Harry, seul et mutique, semble se mouvoir dans un monde à double fond, à l'image de la multitude d'écrans et de surfaces transparentes qui l'environnent. Le film est oppressant, et génère une claustrophobie mentale, dont seule la musique jazz semble pouvoir permettre au héros de s'échapper.

Un grand moment de cinéma. Si certaines parties sont un peu longues, l'impression de spleen diffus que dégage Conversation secrète mérite de revoir cette oeuvre cinquantenaire, dont la maîtrise fascine encore aujourd'hui.

 

3e

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Searching

Fut un temps où de nombreux films se fixaient un principe limitant drastiquement le cadre dans lequel ils se déroulaient : un cercueil (Buried), un petit bateau (All is Lost), une cabine téléphonique (Phone game), un centre d'appel duquel on suit l'intrigue entièrement par le biais d'appels téléphoniques (The guilty).

Searching se situe dans cette lignée, puisqu'il nous fait suivre l'enquête d'un père dont la fille a disparue, exclusivement par le biais de divers écrans (ordinateur, caméra de surveillance, smartphone). Aucun plan ne représente donc "la réalité".

Comme il est de rigueur dans ce type d'exercice, on s'étonne d'abord que le parti-pris fonctionne relativement bien, guettant une erreur où une baisse de rythme liée à un subit manque d'imagination. Il y a toujours une sorte de jeu entre le réalisateur et le spectateur dans ce type d'exercice : ce dernier ne peut s'empêcher de se demander à plusieurs moments "bon, et maintenant tu vas t'en sortir comment ?".

Malheureusement, le caractère astucieux et séduisant du dispositif se dégrade nettement dans la dernière partie du film, qui sacrifie à un dénouement totalement irréaliste qui gâche un peu le plaisir.

Une curiosité divertissante.

 

2e

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Toute la beauté et le sang versé

Il y a beaucoup de films différents dans ce documentaire de Laura Poitras.

Le premier est le récit de la lutte qu'a menée la photographe Nan Goldin contre la famille Sackler, en grande partie responsable du drame de la dépendance aux opiacées aux USA. Cette partie éveille notre curiosité, mais j'aurais personnellement préféré qu'elle soit plus développée.

Le second est constitué de la projection à l'écran d'extraits d'œuvres de Nan Goldin, en particulier de sa cultissime The ballad of sexual dependency : sûrement instructif pour ceux qui ne connaissent pas du tout le travail de la photographe, frustrant pour les autres.

Le film propose enfin une biographie de l'artiste, constituée d'images d'archives et d'interviews. On apprend beaucoup de choses, et on est souvent ému (la tragique histoire de la soeur) et impressionné (l'hécatombe des années SIDA, la folle liberté de Nan Goldin et sa chance d'avoir survécu à cette période). Ce sujet passionnant aurait pu constituer l'unique sujet d'un long-métrage.

Au final, Toute la beauté et le sang versé ne choisit pas vraiment sa voie, et c'est probablement sa limite. Reste pour ceux que cela intéresse le beau portrait d'une artiste majeure de notre temps.

 

2e

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About Kim Sohee

Ce deuxième film de la très prometteuse July Jung dénonce l'exploitation des stagiaires scolaires par les entreprises coréennes.

Il met en avant l'absurdité de la compétition étendue à toutes les sphères de la société : compétition entre les employés d'un même centre d'appel, entre centres d'appels, entre écoles de formation, entre académies, etc.

Une pression sociale généralisée susceptible de broyer les plus faibles, mais aussi certains des plus solides. Un des points forts du film est d'ailleurs de s'attacher au sort d'une vraie combattante, qu'on ne s'imagine pas craquer facilement.

Le mécanisme d'humiliations successives (on pense aux Dardenne) de la première partie du film est assez éprouvant, mais son effet est contrebalancé par la deuxième partie du film, que la présence de la toujours rayonnante Doona Bae illumine.

Cette deuxième partie fait toute la qualité d'About Kim Sohee, en variant et en approfondissant les points de vue. La façon dont la policière s'approprie le destin de la jeune fille devient le coeur vibrant du film.

July Jung sur Christoblog : A girl at my door - 2014 (***)

 

2e

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Les trois mousquetaires : D'Artagnan

Les trois mousquetaires réussit tout ce qu'Astérix vient de rater.

Le casting par exemple est ici aussi équilibré et convaincant que celui du film de Canet était hétérogène et peu inspiré. Chacun semble en effet utilisé dans un registre qui lui va à merveille : Cassel en vieux mâle blessé, Civil en jeune chien fou naïf, Marmaï en jouisseur plantureux, Duris en aristocrate du geste, Garrel en roi malgré lui, Eva Green en diable en jupon, Lyna Khoudri en parangon d'innocence mutine, Vicky Krieps en préciosité de porcelaine, etc.

Les partis-pris esthétiques de Martin Bourboulon sont radicaux et assumés, là où ceux de Canet étaient timides et incohérents. Il y a dans Les trois mousquetaires une envie évidente de naturalisme poussé à l'extrême : les nuits noires sont noires, l'eau mouille, la boue salit, les épées tranchent et les coups de poings semblent vraiment faire mal. Les scènes d'action sont filmées avec un style que je n'ai pratiquement jamais vu dans un film français : caméra virevoltante, plan-séquence, caméra à l'épaule.

Comme la mise en scène est efficace et le montage vif, on ne s'ennuie pas une seconde à suivre cette version du roman de Dumas que certains esprits chagrins trouveront trop modernisée, au prétexte que Porthos se réveillent entre un homme et une femme après une nuit d'amour - alors que cette péripétie, qui est bien dans le style de ce fieffé jouisseur de Porthos, aurait pu à mon sens être écrite par Dumas (s'il vivait aujourd'hui).

Astérix a coûté 65 millions d'euros et Les trois mousquetaires 74. Alors que je disais qu'on ne voyait pas l'argent sur l'écran pour le film de Canet, c'est ici tout l'inverse : le moindre costume semble avoir plusieurs siècles, les décors sont somptueux et les grandes scènes (le mariage, le bal costumé) sont filmées avec virtuosité et humilité.

On n'a qu'une hâte à la fin du film : découvrir la suite, approfondir la complicité séduisante de nos quatre héros, et explorer la face sombre de Milady, qui s'annonce passionnante. Les trois mousquetaires : D'Artagnan est ce que le cinéma français a proposé de mieux en matière de divertissement sophistiqué depuis longtemps.

 

3e

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Saules aveugles, femme endormie

Drôle de projet que d'adapter plusieurs nouvelles de Murakami sous forme d'un film d'animation.

On ne voit pas trop quel peut-être le public visé. Les fans de l'écrivain n'iront probablement pas vers un film d'animation et préféreraient peut-être l'adaptation plus consistante d'un roman. Les cinéphiles fréquentent Murakami à travers des films qui sont souvent des chefs-d'oeuvres (Drive my car, Burning). Les fans d'animation peuvent être rebutés par l'austérité du projet. Les passionnés du Japon s'étonneront du fait que ce film se déroulant à Tokyo et mettant en scène des Japonais soit réalisé par un Européen.

Le résultat est pourtant intéressant. Comme souvent quand il s'agit d'assembler plusieurs histoires dans un film, les différentes parties du film de Pierre Foldes sont inégales. Celle qui met en scène la grenouille géante est délicieusement déstabilisante, d'autres sont poétiques ou amusantes sans être renversantes.

Saules aveugles, femme endormie est à l'image de son titre : doux, étrange, poétique, et peut-être inutilement complexe. Il n'enthousiasme pas vraiment, mais intrigue, déconcerte et séduit parfois par son ambiance onirique et mélancolique, et sa ligne claire.

 

2e

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Le capitaine Volkonogov s'est échappé

Ce nouveau film du duo Natalya Merkulova / Alexey Chupov est formidable à plus d'un titre, pourvu qu'on ait le coeur bien accroché.

Le sujet est passionnant : on est plongé dans les purges staliniennes de l'année 1938. Le caractère impitoyable, aléatoire et procédurier de ces terribles assassinats est ici parfaitement montré. Lorsque le capitaine Volkonogov décide d'aller demander pardon aux proches des victimes qu'il a exécuté, on se doute que les choses ne vont pas se passer facilement... 

Cette trame originale donne lieu à une course poursuite dans un Léningrad fantasmé, superbement photographié, dont chaque décor est une oeuvre d'art en soi. Les scènes de rencontre avec les familles des victimes sont parfois très dures à regarder, d'autant plus qu'elles donnent souvent lieu à un flashback renvoyant à la scène de torture dont il est question.

Le capitaine Volkonogov s'est échappé est un mélange osé de thriller moral, de méditation élégiaque et de suspense psychologique. Il est émaillé de scènes souvent proche de l'onirisme (l'enterrement des cadavres, le dirigeable, les rêves, les silhouettes fantomatiques des habitants), qui confèrent à l'ensemble un charme vénéneux.

On pourra aussi mettre en parallèle ce qu'on voit à l'écran et la situation actuelle de la Russie, et on comprendra que le film soit interdit là-bas et que les réalisateur/trices aient du quitter le territoire russe. L'acteur principal Yuriy Borisof, remarqué dans le très beau Compartiment N°6, est encore ici formidable.

Un coup de poing au plexus, d'une folle maîtrise formelle.

 

4e

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Au poste !

Au poste ! est probablement mon film de Quentin Dupieux préféré à ce jour.

Alors que je reproche souvent au prolifique réalisateur de ne pas maîtriser ses idées sur la longueur, je dois reconnaître que ce n'est pas du tout le cas ici.

Au regard de la filmographie complètement déjantée de Dupieux, Au poste ! fait presque figure d'oeuvre conventionnelle. Le film commence en effet dans une ambiance de polar assez classique : un homme est injustement accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis.

Grégoire Ludig est excellent dans le costume du personnage (relativement) rationnel, confronté à une situation qui le devient de moins en moins : le commissaire (Poelvoorde en majesté) a de la fumée qui sort de l'abdomen quand il fume, un policier à un oeil "flou", la femme de ce dernier intervient a posteriori dans les souvenirs de la nuit du crime pour mener son enquête, etc.

Dans ce labyrinthe temporel et surréaliste, on se marre franchement, grâce à plusieurs trouvailles, comme par exemple l'usage immodéré de l'expression "C'est pour ça" par Anais Demoustier, très convaincante en rousse frisée.

La fin n'échappe pas tout à fait à la tentation de "grand n'importe quoi" dont est coutumier Quentin Dupieux, mais cela ne gâche l'ensemble du film, qui constitue un très bon divertissement.

 

3e

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Je verrai toujours vos visages

J'ai beau chercher, je ne vois pas ce que je pourrais reprocher au nouveau film de Jeanne Herry.

Je verrai toujours vos visages est d'abord magnifiquement écrit. Les dialogues sont ciselés, jamais triviaux. Les destins s'entrecroisent avec brio, avec un sens du rythme et de l'ellipse confondant. L'idée de ne jamais voir le personnage du frère jusqu'à la fin est par exemple extrêmement forte.

Le casting est exceptionnel. Si Adèle Exarchopoulos domine le film et trouve ici son meilleur rôle depuis La vie d'Adèle, il faut signaler l'homogénéité du niveau de jeu de tous les autres protagonistes.

Il peut arriver qu'un bon scénario et un excellent casting soient illustrés par une mise en scène insipide. Ce n'est pas le cas ici. Jeanne Herry utilise avec brio toutes les possibilités qu'offre le cinéma pour ne pas ennuyer le spectateur (variétés des plans, plongées, variation de rythme et de lieu).

Le film parvient enfin, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, à éviter le chantage lacrymal et l'effet facile. S'il arrache aux spectateurs de nombreuses larmes, il ne le fait que par la qualité de l'écriture et la puissance de jeu des acteurs, indépendamment de tout effet de manche. Le symbole de cette sécheresse narrative est la magnifique séance finale de rencontre, et sa chute ultime, bouleversante.

Une réussite qui concrétise toutes les promesses de Pupille.  

Jeanne Herry sur Christoblog : Pupille - 2018 (**)

 

4e

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Dalva

Sur un sujet extrêmement casse-gueule, Emmanuelle Nicot réussit un premier film puissant et lumineux.

Dalva, jouée par l'incroyable Zelda Samson, est une jeune fille de 12 ans qui vit complètement isolée, et que son père grime en femme pour abuser d'elle. Lorsqu'elle est arrachée à son géniteur, Dalva est dans le déni : elle ne voit pas où est le problème (elle déclare "aimer" son père incestueux), et surtout, elle est complètement déphasée par rapport aux autre jeunes filles du centre d'accueil où elle est placée.

Filmer une telle histoire nécessite un parti-pris radical et une sensibilité exacerbée : la réalisatrice met les deux en oeuvre en filmant toute l'histoire du point de vue de Dalva. La caméra, mobile, souvent portée à l'épaule, suit Dalva dans les méandres de son émancipation, respectueuse et discrète.

Dalva est court (1h30), précis et redoutable. Il explore la monstruosité de cette relation perverse avec lucidité et une grande empathie. Le travail de la justice et des éducateurs est très bien montré.

Un formidable premier film, que je vous recommande chaudement.  

 

3e

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The whale

Darren Aronofsky est le seul cinéaste capable de produire des films qui tantôt m'enthousiasment au plus haut point (The wrestler) et tantôt m'exaspèrent comme aucun autre (Mother !).

Il y a donc toujours pour moi une curiosité inquiète au moment de découvrir un nouvel opus de ce réalisateur.

Malgré les réticences de nombreux critiques, je dois dire que j'ai cette fois-ci beaucoup aimé The whale. J'ai apprécié l'incroyable composition de Brendan Fraser, et je trouve que le personnage de Charlie (230 kilos) est filmé avec une grande tendresse, et non, comme le certains le disent, avec complaisance. Comme souvent, je pense que les accusations de complaisance reflètent au moins autant l'état d'esprit de celui qui regarde (le spectateur est gêné de voir les choses en face pour des raisons qui lui sont propres) que celui du réalisateur, qui ne fait que montrer une réalité pas toujours amusante.

J'ai aimé beaucoup d'éléments dans le film : la mécanique rigoureuse de la pièce de théâtre, la fluidité extraordinaire de la mise en scène (le film est une leçon de technique en milieu confiné), la subtilité des sentiments que le film expose et procure, la puissance de jeu de l'actrice Hong Chau.

Le seul point qui m'empêche de mettre la note maximale tient à quelques facilités un soupçon trop mélodramatiques (les flashbacks de plage par exemple). Pour le reste, The whale est décemment émouvant, et le portrait qu'il dessine d'un homme à la fois égaré et résolu est passionnant.

Darren Aronofsky sur Christoblog : The wrestler - 2008 (****) / Black swan - 2010 (****) / Mother ! - 2017 (*)

 

3e

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Petites

J'ai l'impression d'avoir vu ces dernières années beaucoup d'histoires autour de jeunes en difficulté vivant dans des centres d'accueil, accompagnés par des éducateurs "très impliqués mais néanmoins humains". Dans des genres très différents, me reviennent en mémoire : Benni, La prière, La tête haute, La Mif, Hors norme...

C'est donc avec une sorte de lassitude que je me suis rendu, avec quelques semaines de retard, à une séance de rattrapage du film de Julie Lerat-Gersant.

Bien m'en a pris : Petites est un très joli film, qui s'intéresse à une problématique peu traitée au cinéma, celle des ados dont la grossesse est trop avancée pour un avortement, et qui envisagent donc de faire naître leur enfant sous X - ou pas. 

Le sujet est ici traité avec à la fois beaucoup de délicatesse et une grande profondeur. Le script explore toutes les facettes du problème : relation avec la mère et ses amants, interaction institutions / famille, présence fantomatique du père de l'enfant. Il évite tous les pièges possibles, de la rudesse inutile à l'angélisme militant, pour faire vivre un vrai suspense psychologique et donner à voir de très beaux portraits de femme.

Une réussite à tout point de vue, servie par un casting parfait. Romane Borhinger et la jeune Pili Groyne sont impeccables.

 

3e

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Raining in the mountain

Je pensais progresser en wu xia pan (film de sabre chinois) en regardant un des films les plus connus du maître du genre, King Hu.  

Mais je n'ai pas choisi le bon film : Raining in the Mountain est plus une comédie burlesque qui évoque Molière (j'ai pensé à Scapin notamment), mâtiné de réflexion philosophique sur le sens de la vie. Les premiers vrais combat n'arrivent dans le film que vers la fin, et ils ne m'ont pas vraiment plu. S'ils sont extraordinaires (les combattants volent réellement, et ce n'est pas une métaphore), la réalisation de 1973 est un peu datée (Tigres et dragons, et tous les autres, sont depuis passés par là).

L'intérêt de Raining in the mountain réside donc plutôt pour moi dans son aspect de comédie morale : il y a dans le film des méchants très politiques, des sages rudement malins, de courageux gentils qui ont bien du mal à parvenir à leurs fins, des voleurs qui s'amendent et une foule de rebondissements autour d'un mystérieux parchemin. 

Ce Nom de la rose chinois se déroule dans un écrin formidable, un monastère immense et qui semble souvent déserté, dans lequel les personnages s'agitent inutilement, un peu comme si leurs préoccupations, pour la plupart mesquines, s'égaraient dans le grand vide de la méditation bouddhique.

Une découverte profondément originale : je n'avais jamais rien vu de tel.

 

2e

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Glass onion

On retrouve dans cette deuxième histoire "A couteaux tirés" la plupart des éléments qui faisaient le sel du premier opus : un Daniel Craig à la fois perspicace et délicieusement lunaire (ces vêtements !), des personnages typés, une intrigue à tiroir, un décor très bien exploité.

Le film se regarde donc avec un plaisir distrait. J'ai apprécié la composition d'Edward Norton en méchant manipulateur, la magnificence des décors futuristes, la complexité de l'histoire. Contrairement au film précédent, qui déroulait une intrigue linéaire dans laquelle le coupable potentiel changeait régulièrement, Glass Onion s'appuie sur un effet Rashomon géant : on revoit dans la deuxième partie tous les évènements de la première partie sous un angle différent. C'est très plaisant.

Ceci étant dit, j'ai légèrement préféré A couteaux tirés, pour lequel l'effet de surprise était complet, et qui me semblait un peu plus dense et maîtrisé.

La précision de l'écriture et les performances d'acteur méritent tout de même que vous regardiez ce joli divertissement.

 Rian Johnson sur Christoblog : Looper - 2012 (**) / Star wars - Les derniers Jedis - 2017 (**) / A couteaux tirés - 2019 (***)

 

2e

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