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Christoblog

Articles avec #j'aime

Le jeune Ahmed

Drôle de film que le dernier Dardenne. 

Le jeune Ahmed commence comme un tableau plutôt gentillet et réaliste d'une radicalisation somme toute innocente, car concernant un enfant.

La façon dont le film bascule assez vite dans l'impensable constitue sa grande force. On est littéralement sonné par l'acte d'Ahmed, qu'on ne comprend pas et que notre esprit n'arrive pas à envisager, alors que finalement tout a été mis bien en évidence sous nos yeux.  Cette contradiction est poussée à son comble lors du deuxième épisode du même type, qui génère une tension psychologique hors du commun.

Suivant obstinément leur idée initiale, dans un style réaliste servi par une mise en scène déliée, les Dardenne arrive cependant dans un cul-de-sac narratif. Le jusqu'au-boutisme d'Ahmed est tellement brut et limpide qu'il envoie le scénario dans un mur, et amène le film à se terminer sur une pirouette guère satisfaisante, qui semble l'écourter artificiellement.

Le jeune Ahmed ne ressemble pas tellement aux autres films des Dardenne : son caractère d'épure un peu sèche n'a pas grand-chose à voir avec la densité et la complexité de leurs oeuvres les plus remarquables (Le gamin au vélo par exemple). La stimulation intellectuelle qu'il génère est toutefois agréable.

 

2e

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Les plus belles années d'une vie

Je n'attendais vraiment pas grand-chose du nouveau film de Claude Lelouch. Les risques étaient grands que ces retrouvailles entre Anne et Jean-Louis (plus de cinquante ans après leur rencontre !) sombrent dans la nostalgie rance ou le sentimentalisme mièvre.

Mais Lelouch, admirablement épaulé par ces comédien(e)s, nous offre à l'inverse un crépuscule doux et ensoleillé, qui n'esquive pas les ravages du temps sur les corps, mais sait aussi raviver en un clin d'oeil les souvenirs du passé.

L'idée de doter Jean-Louis d'une mémoire perforée et de nous montrer à l'écran ses rêves permet de multiples effets et allers-retours, qui sont tour à tour comiques, émouvants, et même parfois bouleversants.

Dans une distribution exceptionnelle (quelle bonne idée de faire jouer les personnages de Françoise et Antoine par les acteurs qui jouaient les bambins dans Un homme et une femme !), Jean-Louis Trintignant nous offre une prestation qui force l'admiration, parvenant à distiller en un seul mouvement de paupière, en un seul regard ou frémissement, toute une gamme de sentiments.

On est souvent frappé au coeur par ce qui se joue devant nous : il n'est évidemment pas question de rejouer l'amour défunt, mais la tendresse diffuse qui irradie du passé donne à l'ensemble du film la consistance du temps qui passe. C'est à la fois beau et doux.

 

3e

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Rocketman

Je connais très mal la musique d'Elton John, qui pour faire simple n'était pas assez "rock" pour intéresser mes oreilles de jeune vosgien dans les années 90 (plutôt attirées par AC/DC, U2, The Cure, The Clash, Queen, et Springsteen).

La vision de Rocketman m'a donc en premier lieu procuré un plaisir simple : découvrir de belles chansons (et comprendre leur propos grâce aux sous-titres) tout en faisant connaissance avec une personnalité attachante et exceptionnelle à bien des égards.

Le film rappelle bien sûr Bohemian Rhapsody : le réalisateur Dexter Fletcher a fini le film sur Queen commencé par Bryan Singer (viré en cours de tournage), le schéma du film (rise and fall) est exactement le même, et les destinées des deux personnages principaux sont similaires (ils sont gays, se font manipuler par leur entourage, sombrent dans les addictions, détruisent leur santé).

Rocketman est cependant pour moi bien plus réussi que son prédécesseur. Il semble d'abord prendre moins de libertés avec la réalité. Il choisit en plus dès le début un style, un angle, qui faisaient défaut à Bohemian Rhapsody.

Par exemple, le fait d'illustrer les chansons par des moments de comédies musicales (très réussies au demeurant) donne à toute la première partie du film une coloration vraiment fun. Ce parti-pris évolue progressivement vers des passages oniriques beaucoup plus sombres, mais toujours dans le même esprit d'illustrer la réalité (la piscine par exemple).

La prestation de l'acteur Taron Egerton est remarquable. Il porte son personnage à bout de bras, au moins autant que le fait Remi Malek dans Bohemian.

Une sucrerie à ne pas dédaigner.

 

3e

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Journal de Cannes 2019

 

Le Palmarès (et mon avis) :

Palme d'Or : Parasite de Bong Joon-Ho (c'était aussi ma Palme, et celle de la presse internationale)
Grand Prix : Atlantique de Mati Diop (un film sympathique et plein de promesses, mais que j'ai trouvé un peu fragile. On peut dire que c'est un signe d'encouragement, et de renouvellement. Discutable, mais pas idiot)
Prix du jury ex-aequo : Les Misérables de Ladj Ly et Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles (mérité pour les deux, surtout pour Ladj Ly)
Prix d'interprétation féminine : Emily Beecham dans Little Joe. (c'est le bug de ce Palmarès, même si l'actrice ne démérite pas dans le film. Il y avait tellement mieux ailleurs, Virginie Efira par exemple, ou Léa Seydoux, ou Noémie Merlant)
Prix d'interprétation masculine : Antonio Banderas dans Douleur et Gloire. (normal, il est magnifique)
Prix de la mise en scène : les Dardenne pour Le jeune Ahmed (étonnant à première vue vu la concurrence, ce choix n'est pas complètement aberrant car pendant le film, je me souviens m'être dit "c'est quand même hyper bien fait", indépendamment du scénario, qui ne vaut rien)
Prix du scénario : Portait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma (pourquoi pas, je n'ai pas trop aimé le film qui est besogneux, mais c'est un soulagement pour moi de ne pas le voir plus haut)
Mention spéciale : It must be heaven de Elia Suleiman (un film spécial auquel ce prix va très bien)
 
Au final, un des meilleurs Palmarès de ces dernières années.Très heureux de ne pas voir la bouillie mystique de Malick au Palmarès. Un peu déçu pour Bellochio, Loach, Diao et Desplechin qui ont signé de très beaux films, mais il semblerait que la prime ait été donné à la jeunesse.
 
Merci de m'avoir suivi, et à l'année prochaine !

 

25 mai

Je profite d'être encore à Cannes en ce dernier jour pour rattraper deux films de la compétition que j'avais raté (le dernier jour, tous les films sont re-projeté, mais une seule fois).

Le lac aux oies sauvages (5/5) du chinois Yinan Diao est une splendeur visuelle, probablement ce que j'ai vu de plus beau pendant mes dix jours cannois. La photographie est magnifique, chaque plan étant baigné d'une lumière quasi surnaturelle. Certaines scènes sont d'une beauté à couper le souffle, l'histoire est bouleversante et la vision de la Chine contemporaine très instructive.

Le film Les siffleurs (2/5) du roumain Corneliu Porumboiu est un objet étrange, sorte de polar vintage qui me rappelle de vieilles séries télé, dans lequel aucun personnage n'est vraiment intéressant, et dont on se fout de l'intrigue. Il reste quelques bouts de mise en scène à admirer, mais bon, c'est quand même très faible.

 

24 mai

La journée commence avec les 3h30 très contreversées de Mektoub my love : Intermezzo (3/5) de Kechiche. On est ici un petit peu au-delà de ce qu'est le cinéma, puisqu'on est plongé pendant tout le film (hormis les 15 premières minutes sur une plage) dans une boîte de nuit à regarder des jeunes twerker, discuter, boire, s'allumer et avoir des relations sexuelles (cunnilingus d'une quinzaine de minutes dans les toilettes, qu'on jurerait non simulé). Bref, c'est presque plus de l'art contemporain que du cinéma. Curieusement, comme l'on dit deux spectatrices à la fin du film à mes côtés, c'est étonnant qu'on ne se soit pas plus fait chier. Les débats sur les réseaux sociaux vont bon train, concernant le malegaze de Kechiche, l'absence d'Ophélie Bau à la conférence de presse et les accusations répétées d'abus sur les tournages de Kechiche. L'expérience mérite pour moi d'être vécue, même si les principales qualités de film précédent (Mektoub my love : Canto Uno) ne sont pas là.

A la suite, les 1h20 de Il était une fois dans l'est (3/5) de la russe Larisa Sadilova à Un certain regard passent en un clin d'oeil. Il s'agit de la chronique douce amère d'un double adultère dans un petit village de la Russie profonde et c'est apaisant.

Pour finir, suite (et fin) de la compétition : It must be heaven (2/5), du palestinien Elia Suleiman est une collection de vignettes absurdes et/ou burlesques. Le réalisateur silencieux promène sa silhouette et son chapeau de paille en Palestine, à Paris et à New-York, donnant à voir à travers de petits haïkus visuels les travers de notre civilisation. Un Tati contemporain, dont l'humour me laisse assez froid.

Pour finir, émouvant de voir Justine Triet (très) enceinte regarder son film Sibyl (3/5) pieds nus. Malgré quelques qualités (Virginie Efira impeccable, une histoire intéressante), le film ne m'a pas vraiment emporté comme je l'espérais. Critique à venir très vite sur Christoblog.

 

23 mai

Début de journée avec le film de clôture de la Quinzaine, Yves (2/5) de Benoit Forgeard. Sur le papier, le pitch était intéressant : un rappeur tombe sous l'emprise de son frigo connecté et intelligent. Malheureusement la farce est indigeste et le film tourne à la comédie sentimentale qui se voudrait déjantée, mais n'y arrive pas.

J'enchaîne ensuite trois films de la compétition. Roubaix, une lumière (4/5), d'Arnaud Desplechin, est très beau. Le film traite avec une douceur incroyable de faits divers sordide. Roschdy Zem est magnifique de calme et de sérénité. Léa Seydoux et Sara Forestier sont aussi formidables. Une franche réussite qui dans n'importe quel autre Festival paraîtrait un bijou, mais cette année à Cannes, il y a du lourd.

Le nouveau film de Dolan, Matthias et Maxime (2/5) est meilleur que ces deux derniers (pas difficile), mais est assez mineur. Cet amour de jeunesse qu'on devine autobiographique présente peu de relief et n'intéresserait probablement pas grand-monde si Xavier Dolan n'en était pas le réalisateur / acteur. Il faudra un jour que le jeune canadien parvienne à tuer sa mère, encore bien nocive dans ce dernier opus.

Enfin, les 2h20 de la fresque de Marco Bellochio, Le traître (4/5), passent très vite, preuve de la qualité du film qui raconte l'histoire du repenti de la mafia qui a permis au juge Falcone de faire condamner des centaines de mafiosi. C'est du beau cinéma classique et l'acteur Pierfrancesco Favino est exceptionnel (pris d'interprétation possible).

 

22 mai

Après une relative grasse matinée (le réveil a sonné à 8h au lieu de 6h30), et une vaine deuxième tentative d'accéder au Tarantino, je consacre ma journée aux sections parallèles avant de revenir à la compétition pour les deux derniers jours.

A la Quinzaine, Les particules (3/5), premier film de Blaise Harrison est intéressant sans être génial. Tourné dans le pays de Gex, le film décrit de façon assez naturaliste le quotidien d'adolescents, tout en y mêlant des éléments oniriques liés au fait que la région est traversée par l'accélérateur de particules du CERN, le LHC (d'où le titre). Un petit peu décousu, mais le réalisateur est à suivre.

A Un Certain Regard, je vois un film chinois de facture assez traditionnelle (c'est à dire sans la lenteur / noirceur qu'on peut attribuer à la production chinoise visible en Festival) : Summer of Changsha (3/5) de Zu Feng. Cela commence comme une intrigue policière classique (un bras coupé est retrouvé dans une rivière) avant d'évoluer vers un drame sentimental.

Pas mal, mais le meilleur est à venir : La vie invisible d'Euridice Gusmao (5/5) est un film impressionnant à beaucoup d'égards. Le brésilien Karim Aïnouz dresse le portrait de deux soeurs que le patriarcat sépare sur plusieurs décennies, et il y a du mélodrame romanesque à la puissance 10 dans ce film fleuve (2h19) qui s'étire sur plusieurs décennies. Une vraie révélation, avec une mise en scène irréprochable et une interprétation top niveau de deux grandes actrices brésiliennes.

 

21 mai

Début de journée qui commence comme celle de hier s'est terminée : avec un film d'animation, une fois n'est pas coutume. La fameuse invasion des ours en Sicile (3/5) est une adaptation d'un conte de Buzatti, réalisé par le grand dessinateur de BD Lorenzo Mattotti. C'est beau et plaisant : le film sera à conseiller aux enfants comme une excellente alternative à l'imagerie Disney, apportant le même genre de renouvellement esthétique que le fit en son temps Michel Ocelot.

J'enchaîne avec un film hors compétition, le formidable La belle époque (4/5). Dans la catégorie film français grand public de qualité, le film de Nicolas Bedos remplit le même office que Le grand bain l'année dernière, en encore mieux. Fanny Ardant (dont habituellement je ne suis pas fan) est excellente, tout comme Daniel Auteuil. Je prédis quelques millions d'entrée.

Le petit détour en début d'après-midi à la Quinzaine s'avère catastrophique : Por el dinero (1/5) est un film argentin absolument nul. Une sorte de méta cinéma qui se moque de lui-même en pensant être drôle. Cela dure 1h20, mais après 20 minutes je pensais déjà qu'il s'était écoulé 2 heures.

A 17h, tout le monde sur la Croisette ne pensait qu'à une chose : voir le Tarantino. En 8 ans d'expériences cannoises, je crois que je n'ai jamais vu autant de personnes chercher une place. Du délire. 

Du coup, j'en ai profité pour faire un vrai repas, et j'ai réussi in extremis à me faufiler dans la salle pour la montée des marches de Parasite (5/5) de Bong Joon-Ho à 22h. Le film, dont il ne faut pas dire grand-chose pour ne pas déflorer le plaisir du spectateur, est formidable, admirablement maîtrisé de tous les points de vue. Une sorte de croisement de Kore-Eda et de Park Chan-Wook si vous pouvez imaginer. On devrait le retrouver au Palmarès.

 

20 mai

Démarrage en douceur ce matin à la Quinzaine avec Une fille facile (3/5) de Rebecca Zlotowski. Le pôle d'attraction principal du film est évidemment Zahia Dehar (l'affaire Ribéry, etc), qui joue très dénudée dans le film et dont je craignais qu'elle génère un effet "bête de foire" autour du film. Au final, ce que j'ai vu est la gentille chronique d'émancipation d'une autre jeune fille, jouée par Mina Farid, et le film trouve un ton juste et attachant. Benoit Magimel est très bon. 

Vient ensuite un des morceaux de résistance de la compétition, les trois heures de Une vie cachée (2/5) de Terrence Malick. Je trouve que les tics malickiens, dans lesquels j'inclus la bouillie poético-mystique en voix off, auraient dû être mis en sourdine au regard du sujet, l'objection de conscience d'un autrichien qui refusa de prêter serment à Hitler (et qui parle anglais dans le film, contrairement aux méchants nazis qui baragouinent l'allemand). Ce n'est pas le cas, on est dans la même emphase que dans The tree of life. Je n'ai pas aimé, même si on ne peut nier qu'il y a des plans superbes.

Le jeune Ahmed (3/5) des frères Dardenne est intéressant. Il s'empare d'un sujet difficile (la fanatisation des plus jeunes) mais ne développe pas complètement ses idées. On a un sentiment d'inachevé en regardant ce film court, qu'on dirait presque même écourté par une fin bizarre. Un petit Dardenne, mais stimulant par les réflexions qu'il génère. 

Enfin, la principale satisfaction de la journée viendra de ma première incursion à la Semaine de la Critique. J'ai perdu mon corps (4/5) est un premier film d'animation français, de Jérémy Clapin. Tout part d'une idée folle : une main coupée part à la recherche de son corps, ce qui va nous entraîner dans toutes une série de flashbacks et d'aventures émouvantes, amusantes et mélancoliques. Un très beau film, qui je l'espère aura une belle carrière en salle.

 

19 mai

Journée cinéma français aujourd'hui, qui commence à Un certain regard avec le dernier film de Christophe Honoré, Chambre 212 (5/5). Honoré s'y révèle un excellent scénariste (quelle inventivité !), un formidable metteur en scène et un directeur d'acteur époustouflant. Chiara Mastroianni y est impériale. Un de mes coups de coeur 2019, sans aucun doute.

J'enchaîne à la Quinzaine avec Perdrix (4/5) de Erwan Le Duc. C'est "l'instant fraîcheur" de ce Festival, un peu comme le fut Les combattants il y a quelques années : une comédie burlesque parfois hilarante, parfois mélancolique, servie par un casting d'exception (Fanny Ardant, Swann Arlaud, Maud Wyler). Délectable. 

Je reviens ensuite à la compétition avec Portrait de la jeune fille en feu (2/5) de Céline Sciamma, qui me déçoit énormément. Le synopsis du film est simpliste (un huis clos entre deux femmes qui évolue de façon hyper-prévisible en histoire d'amour), les dialogues compassés, la mise en scène fadasse. Le film ne présente d'intérêt que si on est amoureux(se) d'Adèle Haenel, qui est le coeur vibrant du film, et son unique intérêt. Comme ce n'est pas mon cas, je me suis ennuyé à mourir. Petit complément non contradictoire avec ce que je viens d'écrire : Xavier Dolan a adoré.

 

18 mai

Journée consacrée aux sections parallèles. A la Quinzaine, le formidable film de l'américain d'origine russe Kirill Mikhanovsky, Give me liberty (4/5), très remarqué à Sundance où une version incomplète a été montrée, est une excellente surprise. A travers la journée mouvementée d'un jeune ambulancier, on va rire, pleurer, et pleurer de rire, en découvrant plusieurs communautés différentes, toutes très attachantes. A la suite, le nouveau film de Nicolas Pariser, Alice et le maire (3/5), avec Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier, est un film agréable sans être renversant, qui fait voir la politique sous un angle différent.

Pour finir la journée, projection bourrée d'émotion de Port authority (3/5) de Danielle Lessovitz. A travers une histoire d'amour, on découvre un New-York paupérisé et la fraternité de la communauté LGBT. A la fin de la projection un des acteurs se jette sur scène pour danser lors du générique. Un magnifique moment, doux et triste à la fois.

 

17 mai

Aujourd'hui, c'était pour moi journée Sélection officielle au Grand Théâtre Lumière.  A 8h30, réveil en fanfare avec le dernier Ken Loach, excellent : Sorry we missed you (5/5). Dans la lignée de Moi, Daniel Blake Loach dissèque avec son complice Laverty les dernières mutations de notre société, ici l'uberisation. Par tout autre que Loach, cela paraîtrait too much, mais l'attention portée aux personnages et la qualité du scénario sont tellement bons que le miracle se reproduit une fois de plus.

Rocketman (4/5) est un biopic d'Elton John super efficace et très bien filmé par Dexter Fletcher. Contrairement à Bohemian Rhapsody, le film a une véritable personnalité, et les scènes de comédies musicales sont formidables. Little Joe (1/5) de l'autrichienne Jessica Hausner est très décevant. Malgré une idée de base particulièrement originale et riche de développements narratifs (et métaphysiques) potentiels, le film est froid, voire glacial. Une erreur de casting : le film aurait par exemple pu être remplacé avantageusement en compétition par Une grande fille (cf ci-dessous).

Clou de la soirée, la montée des marches de Douleur et gloire (5/5) du grand Pedro Almodovar, avec un Antonio Banderas exceptionnel. Le film est riche, dense, profond, émouvant. Il constitue une mise en abyme maîtrisée et puissante de l'homme et du cinéaste. Ca sent la Palme d'Or, et vous pouvez le voir au cinéma dès maintenant.

 

16 mai

Première journée "complète", avec quatre films au compteur. On commence à Un certain regard avec Une grande fille (4/5) de Kantemir Balagov, qui avait été très remarqué il y a deux ans au même endroit avec Tesnota. Ce deuxième film est moins convaincant que le premier. Il multiplie les scènes dérangeantes en les étirant plus que nécessaire, mais formellement c'est une splendeur. Un "film de Festival" par excellence, comme ceux de Loznitsa. 

A la Quinzaine, On va tout péter (1/5), le documentaire de Lech Kowalski sur les GMS, représente pour moi le degré 0 du documentaire : pas de tranche de vie, pas de scénarisation, pas de contrechamps. Aucun intérêt hormis le sujet lui-même, mais cela ne suffit évidemment pas.  Je reviens à la compétition pour un des films les plus attendus  de cette année : Atlantique (2/5) de la réalisatrice Mati Diop (première réalisatrice noire en compétition en 72 éditions). Le film est plein de bonnes intentions, aussi bien dans son scénario que dans sa mise en scène, mais il semble lui manquer dans chaque domaine un petit plus pour franchir la marche de la compétition. On croirait par moment voir Claire Denis tourner au Sénégal.

Enfin, j'arrive de justesse (avant-dernier à entrer) à choper une séance de rattrapage du film d'ouverture de la Quinzaine, Le daim (4/5) de Quentin Dupieux avec Jean Dujardin. Beaucoup disent qu'il s'agit d'un film mineur et réussi de Dupieux : pour moi, c'est celui que ... je préfère. Les errements aléatoires des films précédents (Réalité, Wrong cops, Rubber) semblent ici de canaliser sur un sujet bien identifié, formidablement joué par Dujardin, qui acquière ici pour moi le statut de grand acteur. 1h17 de pur plaisir cinématographique.

 

15 mai

Premier choc du Festival cet après-midi pour moi avec la montée des marches du premier film Les misérables (5/5) de Ladj Ly. Issu du collectif Kourtrajmé venu collectivement le soutenir (Romain Goupil, Kim Shapiron, JR et Mathieu Kassovitz étaient entre autres présents), le jeune réalisateur propose une oeuvre très maîtrisée, à la fois puissante et subtile, en prise directe avec la réalité mais très travaillée. Ce serait fort étonnant que ce film tourné en et par la banlieue ne trouve pas son chemin jusqu'au Palmarès.

J'enchaîne ensuite avec Bacurau (3/5) des brésiliens Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles. Après les oeuvres précédentes de KMF (Les bruits de Recife et Aquarius), le film était très attendu, mais il m'a un peu déçu. Pas facile de rentrer dans ce western dystopique, mais une fois qu'on y est on peut apprécier. Etonnant de constater que le film partage beaucoup de points communs avec le Jarmusch (en mieux quand même) : hommage au film de genre, problème de scénario et de rythme, qualité de l'interprétation, scènes gore, éléments fantastiques, message politique peu subtil.  

 

14 mai

Le Festival commence pour moi au Majestic de Lille, qui s'embrouille un peu dans la retransmission de la cérémonie d'ouverture : on en rate je pense une bonne moitié le temps que le projectionniste trouve le bon canal. 

Le film de Jarmusch qui fait l'ouverture, The dead don't die (2/5) ne me convainc pas du tout. Je le trouve lent, paresseux, sans imagination, poussif. Il ne vaut pour moi que par quelques éclairs plaisants (la trombine de Bill Murray en particulier, toujours parfait) et une atmosphère d'Amérique profonde bien composée. Le mélange d'horreur, de comédie décalée et de film à message politique est assez indigeste à mon goût.

 

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Douleur et gloire

Ce soir vendredi 17 mai 2019, j'ai eu la chance d'assister à la projection de Douleur et gloire dans le Grand Théâtre Lumière de Cannes, en présence de l'équipe du film.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'étreinte qu'échangèrent il y a quelques minutes Antonio Banderas et Pedro Almodovar avait une intensité incroyable. 

Le film est en effet une mise en abyme à plusieurs niveaux concernant l'homme et le cinéaste, interprété magistralement par l'acteur espagnol. 

Après un départ plutôt sage, baignant dans la lumière dorée des souvenirs d'enfance, Douleur et gloire empreinte brutalement des chemins plus escapés : il va être question d'héroïne, d'écriture, de problèmes de santé et de souvenirs plus ou moins agréables. 

Le film décolle à partir du moment où la mise en abyme se résout dans la rencontre de Federico / Marcello avec Salvador / Pedro. Ce moment de cinéma, un des plus beaux en matière de sentiments amoureux que j'ai pu voir ces dix dernières années, fait décoller le film vers des hauteurs qui semblent compatibles avec l'idée d'une Palme d'or.

Justesse des sentiments, perfection de la mise en scène, intelligence du montage, performance exceptionnelles de tous les acteurs : dans sa deuxième partie, le film-somme d'Almodovar semble capable de cumuler tous les superlatifs dans tous les domaines.

C'est simple et beau.

 

4e 

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Petra

Il faut sans nul doute avoir l'esprit un peu tordu pour imaginer un tel film (et pour l'aimer aussi, je suppose).

Cela commence comme une chronique bourgeoise sous prozac : une jeune femme très avenante arrive comme stagiaire chez un célèbre artiste pervers narcissique.

On se doute assez vite que quelque chose d'anormal sous-tend leur relation, mais on est bien en mal d'imaginer les rebondissements retords et spectaculaire que le réalisateur va nous infliger pendant 1h47, à travers un montage compliqué qui alterne sept périodes dans un beau désordre chronologigue.

Petra est un film glacial et intellectuel, dans lequel la jouissance réside dans l'assemblage minutieux d'un puzzle diabolique, servi par une mise en scène fluide qui aime à filmer les espaces vides, semblant surprendre presque par hasard les interactions entre personnages. 

J'ai aimé la construction et le brio glacé du film. Le fait qu'il soit dénué d'émotions ne m'a pas dérangé. J'ai pourtant quelques scrupules à le conseiller : il y a chez Jaime Rosales l'aspect glacial d'Haneke allié à la stimulation intellectuelle de Farhadi, le tout sous influence de la tragédie grecque. Pas évident que le croisement plaise au grand nombre.

 

3e

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Duelles

Excellente surprise que ce film belge délicieusement rétro. Tout est parfait dans ce revival de film noir des années 50 : le scénario machiavélique, les couleurs pétantes, la reconstitution d'époque, le jeu des deux actrices principales, la mise en scène inventive toute en symétrie.

Le réalisateur Olivier Masset-Depasse dépasse (!) ce qui aurait pu être un exercice de style brillant pour nous entraîner beaucoup plus loin, quelque part entre le Hitchcock de Vertigo et le Clouzot des Diaboliques. En voyant ce type de films, je me prends à mesurer à quel point les scénarios des films d'aujourd'hui sont timorés en matière d'imagination et de noirceur, à part bien entendu dans le cinéma asiatique. 

Si le film est une pleine réussite, c'est en grande partie grâce à ces deux actrices : la brune Veerle Baetens (qu'on a vu dans Alabama Monroe et Les Ardennes) répond parfaitement à la blonde Anne Coesens, par ailleurs épouse dans la vie du réalisateur.

Duelles impressionne par sa compacité et la cohérence de son projet artistique. Je le conseille vivement.

 

3e

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L'adieu à la nuit

Le cinéma d'André Téchiné semble au fil du temps tendre vers un certain classicisme : personnages bien dessinés, intrigue qui se nourrit de l'interaction entre les protagonistes, montage classique, décors naturels magnifiés. 

L'adieu à la nuit est de ce point de vue une vraie réussite. Catherine Deneuve excelle dans ce rôle de grand-mère terrienne, et pour son huitième film avec son complice André Téchiné, elle fait la preuve qu'elle est vraiment une actrice monstrueuse. Kacey Mottet Klein et Oulaya Hamamra (si vous pensez l'avoir déjà vu crever l'écran, ne cherchez  pas, c'est dans Divines) fournissent à la grande Catherine une opposition de haut niveau.

Sur le sujet casse-gueule de la radicalisation, Téchiné réalise un quasi sans-faute. On perçoit que le film se base sur une soigneuse documentation, et la façon dont les modalités d'un exil en Syrie sont décrites est glaçante de précision (les coûts à engager, le rôle des intermédiaires...).

Les raisons de la radicalisation d'Alex ne sont qu'esquissées, mais le peu qu'on en comprend (une raison de vivre, une quête de pureté, un rejet du mode de vie occidental, l'absence de la mère) suffit à donner une vraie épaisseur à sa démarche.

La mise en scène est remarquablement vive et enlevée pour un monsieur de 76 ans. 

En résumé, un bon moment, peut-être (et c'est le reproche principal qu'on peut faire au film) un peu trop long.

André Téchiné sur Christoblog : L'homme qu'on aimait trop - 2014 (**) / Quand on a 17 ans - 2016 (**) / Nos années folles - 2017 (***)

 

2e

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90's

Difficile de ne pas penser au travail de Gus Van Sant et de Larry Clark en abordant ce premier film de l'acteur Jonah Hill. Le milieu du skate qu'il décrit rappelle en effet celui de Paranoïd park ou de Wassup rockers.

90's est pourtant assez différent des films précités : on est ici plutôt dans une sorte d'attentive introspection nostalgique, servie par une mise en scène plutôt classique et un montage au cordeau.

En suivant le parcours initiatique du très jeune Stevie, interprété magistralement par le très bon Sunny Suljic, on devine qu'on revisite une partie de la jeunesse de Jonah Hill à Los Angeles.

Le film est doté d'une grande sensibilité psychologique. Chaque personnage est croqué avec précision et délicatesse, au fil d'une narration habile qui sait créer à la fois l'émerveillement (ces longues descentes en skate filmées au milieu de la rue), l'amusement et la surprise, à l'image de la dernière partie du film, très réussie dans sa concision brutale et elliptique.

Un très bon moment, empli d'une tendresse solaire.

 

3e

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El reino

Ayant très moyennement apprécié l'esbroufe désordonnée du film précédent de Roberto Sorogoyen (Que dios nos perdone), je suis allé un peu à reculons voir El reino.

Si le style de réalisateur est toujours le même (tour de force permanent dans la mise en scène et narration saccadée), j'ai trouvé que la conduite du film était cette fois-ci menée avec beaucoup plus de maîtrise.

Ce qui paraissait outré et invraisemblable dans le film précédent du réalisateur espagnol semble ici mieux coller au scénario. On est donc progressivement happé par le toboggan sensoriel que constitue El reino : tour à tour fasciné et dégoûté par ce monde de collusions politiques à la petite semaine, puis associé presque contre notre gré à la cavalcade sauvage de son héros, avant de finir hébété devant le plan final, qui nous laisse comme deux ronds de flan.

Alors, oui, c'est du cinéma décomplexé du travelling et qui ne rechigne pas aux effets les plus faciles (du fish eye bien angoissant au gros plan bien resserré), bref du cinéma à la Sorrentino (le génie baroque en moins), mais cette fois-ci je suis plutôt tombé avec plaisir dans les pièges qui m'étaient grossièrement tendus. L'interprétation époustouflante - et épuisante - d'Antonio de la Torre n'y est pas pour rien.

Roberto Sorogoyen sur Christoblog : Que Dios no perdone - 2017 (*)

 

3e

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Les oiseaux de passage

Incroyable film que ce nouvel opus du duo colombien composé de Ciro Guerra (qui vient d'être désigné président du jury de la Semaine de la critique 2019) et Cristina Gallego : on pense d'abord qu'il s'agit d'un documentaire National Geographic, avant de constater qu'on regarde un Scarface chez les indiens de Colombie.

Le film ménage toutes les péripéties classiques des films "qui racontent l'ascension d'un petit gars dans le milieu de la pègre", avec cette particularité que la pègre ici n'est pas pré-existante, mais se construit sous nos yeux avec la bénédiction des américains.

Les étapes traditionnelles (l'idée géniale, la tension entre les clans, la question d'honneur, les remords, la chute, l'escalade de violence) sont ici compliquées, ou sublimées, par un élément supplémentaire : les règles coutumières du peuple Wayuu qu'il s'agit de respecter.

Les paysages sont magnifiques, les acteurs formidables, la mise en scène sublime : c'est LA sortie de la semaine à ne pas rater.

Ciro Guerra sur Christoblog : L'étreinte du serpent -  2015 (**)

 

3e

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La lutte des classes

Je vais voir aujourd'hui le dernier Michel Leclerc comme j'allais voir autrefois le dernier Woody Allen : avec la quasi certitude de passer un bon moment, sans grande prétention.

La lutte des classes est donc comme la plupart de ses prédécesseurs un tableau pittoresque qui brocarde avec tendresse le peuple de gauche. Ce qu'il y a de remarquable avec Michel Leclerc, c'est sa faculté à éviter les plus gros des pièges qui le guettent, en empilant les clichés en tout genre (même - et surtout - contradictoires) de telle façon qu'à la fin le propos paraisse presque équilibré.

Une autre des qualités du film est de ménager des instants poétiquement loufoques, parfois dissimulés dans un coin de l'écran (comme ses deux employés de voirie qui se braquent avec des souffleurs à feuilles mortes dans un des premiers plans), et à d'autres moments s'étirant en longueur (les vieux parents morts sur le banc).

Comme le film est aussi émaillé de saillies rigolotes, de scènes frappantes bien interprétées par Edouard Baer et Leïla Bekhti, on finit par lui pardonner son final lourdingue et ses quelques facilités.

Michel Leclerc sur Christoblog : Le nom des gens - 2010 (**) / Télé gaucho - 2011 (***) / La vie très privée de Monsieur Sim - 2015 (***) 

 

2e

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Tel Aviv on fire

Excellente surprise que cette comédie du réalisateur palestinien Sameh Zoabi. Le synopsis du film est très malin. Salam, palestinien de 30 ans un peu molasson, travaille pour son oncle sur le tournage d'un soap palestinien qui est regardé des deux côtés de la frontière. Suite à un imbroglio dû au passage du checkpoint, Salam se voit dans l'obligation d'influer sur l'écriture du scénario, qui met en scène une jolie espionne palestienne et un général israélien.

Tel Aviv on fire est une merveille d'écriture : le scénario est percutant, et le rythme ne faiblit jamais. Le propos du film ménage plusieurs niveaux de lecture, et parle du conflit isarélo-palestinien avec une tranquille placidité, sans jamais verser dans la moquerie facile ou la causticité revancharde.

Comme les acteurs sont absolument parfaits et que la mise en scène est au diapason du scénario (efficace et plaisante), on passe un excellent moment, un sourire perpétuellement au coin des lèvres.

Je recommande chaudement.

 

3e

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Comme si de rien n'était

Le propos de ce film allemand est simple : peut-on réellement faire "comme si de rien n'était" après une agression, par la seule force de sa volonté ?

Sur ce sujet minimaliste, la jeune réalisatrice Eva Trobisch construit une oeuvre sensible, tour à tour brillante dans la subtilité avec laquelle certaines situations sont filmées, et fastidieuse par l'attention qui est donnée au moindre détail susceptible d'expliquer l'évolution psychologique du personnage principal.

C'est peu dire que l'actrice Aenne Schwarz porte le film sur ses épaules : elle en est le coeur vibrant. La caméra se délecte de détecter sur son visage une palette infinie d'émotions : incrédulité, joie, désir, résignation, tristesse, engagement, empathie. C'est à la fois la qualité de Comme si de rien n'était et sa limite : un magnifique portrait de femme qui sacrifie les seconds rôles, et en particulier celui de l'agresseur.

L'intrigue secondaire (Robert et Sissi) se raccorde imparfaitement avec le parcours de Janne, et constitue une autre petite faiblesse de ce film par ailleurs fort estimable. On suivra la carrière d'Eva Trobisch avec attention.

 

2e

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Dumbo

Le dernier film de Tim Burton (Miss Peregrine) m'avait un peu réconcilié avec lui, après une brouille de plus de dix ans.  

Dumbo confirme plutôt le retour en grâce à mes yeux du réalisateur américain, même s'il ne s'agit somme toute que d'un produit très formaté, très éloigné des chefs-d'oeuvre grinçants des débuts.

Les freaks magnifiques du jeune Burton sont devenus au fil du temps de gentils monstres mignons. Nous restons donc ici dans un registre très Disney, sans grande aspérité, et dans lequel la seule (petite) effronterie est de confier le rôle du méchant à un gérant de parc d'attraction type Disneyland.

Ceci étant dit, il faut reconnaître que le vivacité de la mise en scène de Burton fait mouche dès les premières séquences, que le film est très bien écrit, et que les acteurs fétiches de Burton (les anciens Michael Keaton et Dany DeVito et la plus récente Eva Green) se régalent avec une grande classe. 

On est forcément émus à certains moments, intimidés à d'autres, et pris par le suspense lors de certaines scènes d'action. C'est du grand spectacle de qualité à visée familiale, sans grande ambition mais évitant certaines facilités. 

Tim burton sur Christoblog : Charlie et la chocolaterie - 2005 (****) / Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street - 2007 (**) / Alice au pays des merveilles - 2010 (*) / Dark shadows - 2012 (*) / Miss Peregrine et les enfants étrangers - 2016 (**)

 

2e

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Roma

Alfonso Cuaron, habitué aux superproductions américaines, s'est lancé un véritable défi en voulant tourner un récit intimiste de 2h15, en noir et blanc, avec des acteurs inconnus. C'est d'ailleurs ce qui l'aurait conduit, selon lui, dans les bras de Netflix.

Alors que vaut finalement Roma, qui a raté Cannes pour cause de bannissement de la plateforme de streaming américaine, mais qui a remporté le Lion d'or à Venise, et qu'on ne verra pas dans les salles françaises ? 

Eh bien, difficile à dire. D'un côté j'ai été littéralement ébloui par le piqué de l'image, l'incroyable beauté du noir et blanc (qui est d'ailleurs plutôt une symphonie de gris), la perfection quasi-mathématique des cadres.

Le sentiment de réalité que dégage la direction artistique du film, l'attention portée au moindre détail, contribuent à produire chez le spectateur un sentiment de sidération qui fait apparaître le film un peu moins long que ce qu'il est.

D'un autre côté, ce que raconte Roma n'est en réalité pas très intéressant : les sentiers qu'il emprunte ont été parcourus mille fois dans l'histoire du cinéma (les domestiques sont intégrés dans la famille, mais en réalité pas vraiment dès que ça se gâte, et c'est bien triste ma brave dame). L'actrice principale est un peu trop figée dans ses attitudes pour qu'on s'intéresse à son histoire avec une réelle empathie. Le sous-texte politique n'est que grossièrement esquissé. Et si la réalisation est sous certains aspects exceptionnelle, elle verse parfois dans un maniérisme grossier (ces travellings qui, à force d'être beaux, en deviennent pénibles) qui ne sert pas l'incarnation de personnages par ailleurs assez plats.

Une demi-réussite, donc.

Alfonso Cuaron sur Christoblog : Les fils de l'homme - 2006 (**) / Gravity - 2013 (**)


2e

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Convoi exceptionnel

Le dernier film de Bertrand Blier que j'ai vu, Le bruit des glaçons, m'avait agréablement surpris.

Celui-ci est moins bon, plus foutraque et moins corrosif. Le principal intérêt de Convoi exceptionnel réside dans le face à face Depardieu / Clavier : les deux acteurs sont parfaitement dirigés. Les dialogues ciselés et les situations décalées leur permettent d'exploiter toute la palette de leur talent. Je crois que je n'avais vraiment réalisé avant ce film combien Clavier peut être un excellent acteur.

La loufoquerie totale des situations et le lâcher-prise sensible dans le scénario donne un Blier à la fois classique (on y parle cul et mort à la bonne franquette) et un peu différent des autres (la poésie y pointe plusieurs fois son nez).

Les monologues de certains personnages sont de vrais beaux moments de cinéma, celui de Farida Rahouadj est par exemple bouleversant, alors que certaines scènes sont franchement ratées ou insipides. Le film fait ainsi constamment le grand écart entre facilité coupable et paillettes de brio.

La fantaisie d'un jeune homme de 80 ans.

Bertrand Blier sur Christoblog : Le bruit des glaçons - 2010 (***)

 

2e

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McQueen

Les bons documentaires, quand ils sont inspirés et objectifs comme celui-ci, ont le pouvoir de générer une qualité d'émotion qui est différente de celle que l'on éprouve en regardant une fiction. 

Si vous ne connaissez rien à Alexander McQueen (ou plus généralement à la mode, comme moi), alors ce film est fait pour vous. 

D'une façon très pédagogique, les réalisateurs Ian Bonhôte et Peter Ettedgui nous font découvrir la carrière, la vie et la mort d'Alexander McQueen, en illustrant chacun des six chapitres du film par une collection spécifique. Cette progression chronologique a un double mérite : elle permet de suivre l'évolution de l'adolescent maladroit au créateur reconnu tout en expliquant l'évolution de sa personnalité jusqu'au drame final, et d'autre part il fait toucher du doigt le génie créateur de McQueen à travers ses défilés. 

J'ai été absolument bluffé par l'ampleur et la profondeur du talent développé par le jeune anglais : les présentations de ses collections étaient conçus comme des spectacles totaux au service d'un thème, et les images de défilés comme Voss ou Plato's Atlantis hanteront probablement longtemps la mémoire des spectateurs.

On est émus aux larmes à de nombreuses reprises dans le film, que ce soit par la beauté irréelle des créations ou par les évènements tragiques qui relèvent de la vie privée de McQueen. Nombre de témoignages sont absolument bouleversant.

Un film passionnant.

 

3e

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Les étendues imaginaires

Objet étrange que ce film singapourien, Léopard d'Or du dernier festival de Locarno.

Les étendues imaginaires oscille sans cesse entre un drame social explorant les conditions de travail dans l'île-état (le développement incontrôlé, la main d'oeuvre surexploitée des immigrés bangladais) et la balade onirique et éthérée.

En cela il ressemble beaucoup au très beau film de Davy Chou, Diamond island, en un peu moins convaincant.

On suit d'abord l'enquête d'un flic vaguement dépressif, puis on bascule sur l'histoire de celui qu'il recherche, un jeune travailleur qui se blesse à un bras. Les deux lignes narratives ont un point commun, qui est un salon de jeux vidéo géré par un personnage féminin et mystérieux, jouée par la magnifique Yue Guo, déjà repérée dans Kaïli blues

Tout cela est très bien photographié et vaporeux à souhait. Il ne faut pas y chercher la résolution d'enjeux dramatiques, mais plutôt les plaisirs générés par une rêverie poétique solidement ancrée dans le réel.

Je le conseille aux aventuriers aux goût orientaux. 

 

2e

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Funan

En s'attaquant au terrible sujet de la dictature des Khmers Rouges, ce film d'animation de Denis Do ne fait pas dans la facilité : pas évident en effet d'évoquer l'horreur avec les lignes claires d'une sage animation.

Le début de Funan est d'ailleurs un peu trompeur. Le spectateur est invité à partager une gentille chronique de la vie quotidienne d'une famille cambodgienne. Les couleurs sont plutôt pastel, le trait des dessins presque évanescent. 

Puis, petit à petit, le film devient un road trip un peu plus tendu, avant de descendre progressivement dans les différents cercles de l'horreur : camps, traitements inhumains à grande échelle, rapports complexes entre bourreaux et victimes, scènes de terreur pure. 

Quand la lumière se rallume, on a du mal à croire que la quiétude des premiers plans du film ont pu nous mener à la catastrophe finale (entre 1 et 2 millions de cambodgiens sont morts entre 1975 et 1979), exactement comme si un film commençait sous les pommiers en fleurs d'un tranquille shetl de la campagne polonaise pour se finir à Auschwitz. 

Denis Do dit s'être inspiré des récits de sa grand-mère pour réaliser son film. C'est peut-être ce qui donne à Funan ce beau mélange de force et d'extrême sensibilité.

 

3e

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