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Christoblog

Articles avec #j'aime

Une affaire de famille

Je suis la carrière d'Hirokazu Kore-Eda depuis tellement d'années que cette Palme d'Or 2018 me ravit. Elle récompense pour moi l'un des cinq meilleurs réalisateurs vivants, pour un de ses meilleurs films.

Tout est parfait dans Une affaire de famille. La photographie est superbe, la mise en scène comme d'habitude à la fois discrète et élégante, l'interprétation incroyablement puissante et le scénario bien plus complexe que ce que le synopsis ou la bande-annonce peuvent laisser penser.

Quelle qualité dans l'écriture de ce film, quelle subtilité et quelle délicatesse dans le montage ! Chaque nouvelle scène donne un éclairage nouveau sur l'un des personnages. Le film avance ainsi d'une manière millimétrique, suscitant à la fois l'émerveillement et la réflexion. 

On sait que la famille et les sentiments sont les deux grands sujets de Kore-Eda. Ce dernier opus mène les réflexions du réalisateur vers une intensité et une profondeur extrêmes sur ces deux sujets. Le scénario brasse tout au long du film les différentes images de la famille et de l'affection, remuant et bousculant nos certitudes. Normalité et moralité se renvoient la balle d'une façon tellement subtile que j'ai été subjugué par là où parvenait à m'amener au final Kore-Eda. La façon dont se clôt le film est réellement superbe. Tout ce qu'on a vu auparavant est alors nimbé d'une lumière à la fois froide, tendre et nostalgique.    

C'est très beau. 

 

4e

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Un amour impossible

Je n'attendais pas grand-chose de ce film : Catherine Corsini m'a parfois déçu, Christine Angot m'insupporte et si j'aime bien Virginie Efira, force est de constater que sa carrière n'en est encore qu'à ses débuts.

Le choc éprouvé hier après-midi n'en est que plus grand.

Commençons par la prestation des acteurs et actrices. Virginie Efira est magnifique, alternant détermination positive, douleur intériorisée et candeur amoureuse avec une classe incroyable. J'ai vraiment eu l'impression d'assister dans Un amour impossible à la naissance d'une très grande actrice, de la classe de Catherine Deneuve par exemple. Le reste du casting est parfait: Niels Schneider sidérant en salaud séduisant, Jehnny Beth incroyable de vérité en Chantal adulte. Le moindre des seconds rôles (la soeur de Rachel, ses collègues de bureau, l'ami mauricien, le père de Philippe) semble parfaitement à sa place.

La mise en scène de Catherine Corsini est ensuite brillante. Les mouvements de caméra sont à la fois inspirés et signifiants, ce qui est bien le propre des grandes réalisatrices. Pour ne donner qu'un exemple, la discussion entre Rachel et sa fille dans le café parisien est un grand moment de cinéma : les lentes oscillations de la caméra, très proche des deux visages, sont bouleversantes.

Il y a dans Un amour impossible une alchimie parfaite entre la direction artistique (quelle belle restitution de chaque époque !), la rigueur de la mise en scène et du montage, l'intensité de la progression dramatique et la densité du jeu des acteurs.

Le résultat est qu'on est littéralement emporté dans cette histoire terrible et haletante, souvent ému au larmes et confondu par ce sentiment d'une vie qui s'écoule sous nos yeux. C'est superbe.

Catherine Corsini sur Christoblog : Trois mondes - 2012 (**) / La belle saison - 2015 (***)

 

4e 

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Amanda

Encensé par la critique et le public, Amanda a tout pour plaire au plus grand nombre : une narration limpide, une interprétation incarnée, un sujet dramatique et des situations à forte charge émotionnelle.

Difficile donc de ne pas adhérer à ce récit centré sur un jeune homme de 23 ans apprivoisant tout doucement l'idée de devenir le tuteur de sa jeune nièce, dont la mère a été tuée dans un attentat.

Mikhaël Hers est un cinéaste de la litote. Il évite ainsi de montrer de nombreuses scènes clés (les démarches administratives ou médico-légales) pour se concentrer sur le récit de l'intime et des sentiments. Mais alors que dans ses films précédents (Ce sentiment de l'été, Memory Lane) sa retenue pouvait confiner à la préciosité, il parvient ici à recentrer son propos sur une dramaturgie suffisamment explicite pour être émouvante. Son talent d'évocation, qui est grand, trouve donc un terrain d'expression parfaitement adapté dans cette belle et simple histoire. Hers a un talent indéniable pour filmer Paris en été. 

Vincent Lacoste exprime une palette d'émotions qu'on ne lui connaissait pas encore. La petite Isaure Multrier est confondante de naturel et Stacy Martin trouve probablement ici un de ses meilleurs rôles.  

Beaucoup d'aspects positifs dans Amanda, qui force le respect et fait inévitablement couler quelques larmes.

 

3e

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Yomeddine

Difficile d'imaginer un sujet plus casse-gueule que celui de Yomeddine : un lépreux guéri mais défiguré part à la recherche de ses racines en carriole, à travers l'Egypte, suivi par un orphelin. On imagine à l'avance tout le potentiel de trop que recèle le synopsis : trop de mélo, trop de misère, trop de pittoresque. 

Le jeune réalisateur AB Shawky parvient pourtant à éviter (presque) tous les écueils possibles. Son film n'est pas le pensum misérabiliste qu'on pourrait craindre, mais plutôt une sorte de version moderne de Candide : le voyage de Beshay, un homme simple, révèle plus de choses sur le monde contemporain que sur lui-même.

Un certain nombre de critiques, avec une condescendance pas tout à fait exempte de néo-colonialisme, se moque de la façon dont est fait le film (i.e. avec très peu de moyens, forcément). Ils ignorent avec une féroce mauvaise foi l'imagination dont fait preuve le réalisateur dans sa mise en scène (les scènes de rêve, la bande-son, la construction des plans).

J'ai été pour ma part emporté par l'émotion ressentie devant la construction de la relation entre le lépreux et le jeune garçon, par le plaisir procuré par le rythme impeccable du film et par les sourires que génèrent plusieurs situations tragi-comiques "à l'italienne" (comme l'évasion avec l'islamiste menotté). 

Un film à découvrir.

 

3e

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Les bonnes intentions

Les bonnes intentions est un film qui se moque de tout le monde, qui joue avec les clichés pour mieux les détourner et qui n'hésite pas à flirter avec le mauvais goût.

Gilles Legrand et sa scénariste Léonore Confino manient de la nitroglycérine humoristique, en se moquant des bobos (peut-être ce pourquoi la presse parisienne boude le film), en faisant d'une gentille prof allemande la petite-fille de Heinrich Himmler, et en se moquant gaillardement de différentes origines et religions.

Si le film tient parfaitement debout, c'est parce que la rigueur de l'écriture est exceptionnelle. Du premier plan (des réfugiés prennent des prospectus pour des cours de français afin de les brûler pour se réchauffer) au dernier, le script est remarquablement rythmé. Les personnages évoluent tout au long de la narration, et notre perception des différentes attitudes change en conséquence, comme par exemple lors de la très belle scène du mariage en Bosnie.

Les bonnes intentions est à la fois drôle, grinçant et touchant, à l'image d'Alban Ivanov qui, de film en film (Le sens de la fête, Le grand bain), affirme un potentiel comico-tragique de très haut niveau, un peu dans la lignée de Jacques Villeret. 

Un divertissement de qualité.

 

3e

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The spy gone north

Le réalisateur Yoon Jong-bin montre dans ce film à quel point le cinéma coréen peut être puissant et efficace quand il s'empare d'un thème et d'un genre.

The spy gone north est en effet au film d'espionnage ce que The strangers fut au film d'épouvante il y a deux ans : il commence comme un classique du genre avant de s'envoler vers tout autre chose.

On est ici saisi devant la complexité apparente du scénario, que le montage resserré et efficace éclaircit au fur et à mesure. Les jeux de pouvoir, l'influence de la politique, la longueur et la dangerosité de la mission menée par l'agent Park : tous ces éléments contribuent à faire de ce long film dense un sommet de l'année 2018 en matière de thriller. 

Comme souvent chez les cinéastes coréens, la mise en scène est racée et rudement efficace, alors que la direction artistique est extraordinaire. Les rencontres avec le dictateur nord-coréen donnent l'occasion à l'équipe du film d'élaborer des plans mémorables : les lumières, décors, figurants, et accessoires sont impressionnants.

The spy gone north commence comme un film d'espionnage et finit comme un drame sentimental doublé d'un brûlot politique. C'est passionnant.

 

3e

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Bohemian rhapsody

Qu'on soit fan de Queen ou pas, Bohemian rhapsody est intéressant, comme tout biopic bien construit et correctement réalisé.

On suit donc d'une façon assez didactique le parcours habituel de l'apprenti rocker : débuts difficiles, moments cruciaux lors desquels toute une carrière se joue, premiers succès, influence néfaste de l'entourage, déchéance, dissensions dans le groupe.

On cherchera en vain un angle original, un point de vue nuancé (le film est produit par deux anciens du groupe) ou une exploration des influences artistiques de Queen. Bryan Singer se contente de suivre une storyline très balisée et sans surprise, cumulant les anecdotes dont on pourra douter de la véracité au détriment d'une réflexion plus profonde. Le film s'accommode de beaucoup d'erreurs (en voici une liste assez complète) : par exemple le fait que Fat bottomed girls n'était pas encore écrit au moment de la première tournée US, ou encore que la maladie de Mercury n'a été diagnostiqué que deux ans après le Live Aid.

Bohemian rhapsody ne vise qu'à impressionner et à émouvoir, et il le fait finalement plutôt bien. Les reconstitutions de concerts sont époustouflantes et il est difficile de ne pas écraser une petite larme devant l'interprétation incroyable de Rami Malek.

Plutôt à conseiller à ceux qui goûtent le rock.

 

2e

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Parvana

Grandir à Kaboul quand on est une petite fille et que son papa vient d'être arrêté, ce n'est pas simple. Parvana, 11 ans, décide donc de se déguiser en garçon pour faire les courses au marché.

La réalisatrice irlandaise Nora Twomey choisit d'entremêler une chronique réaliste de la vie quotidienne avec des visions oniriques illustrant un conte traditionnel. Elle parvient ainsi à atténuer la dureté de ce que vit la petite fille, et donne à voir la puissance de l'imagination.

Les scènes qui se déroulent dans la capitale afghane sont assez réalistes alors que les passages liés à la fable sont travaillés comme des miniatures orientales, un peu dans le style du Michel Ocelot de Azur et Asmar.

Le film se regarde avec plaisir, même s'il faut reconnaître que le scénario un peu trop sage manque un peu d'originalité pour vraiment émouvoir. 

 

2e

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La tendre indifférence du monde

Dès le premier plan (une goutte de sang tombe sur une fleur blanche), on sent que le film ne va ressembler à rien de connu.

La suite va nous conforter dans cette sensation étrange de découvrir un univers : une relation étrangement platonique entre un jeune homme un peu simplet et une beauté toujours vêtue d'une robe rouge, des situations bizarres comme déconnectées de la réalité, de très beaux éclairages artificiels et des éclairs de violence froides qui surprennent. 

La tendre indifférence du monde commence un peu comme du Wes Anderson, avant de faire penser (assez souvent) à l'humour froid et distancié de Takeshi Kitano. On assiste aussi à des poursuites dans un champ de containers qui évoquent Buster Keaton, et le personnage principal cite Camus dans le texte. Bref, le film est un assemblage surréaliste qui ne manque pas de charme.

L'exercice serait un peu vain si le scénario ne devenait pas vers le milieu du film terriblement noir, transformant la fable poétique en chant du cygne et en ode à l'amour fou. Une sorte de Roméo et Juliette au pays de la steppe.  

 

2e

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Les chatouilles

Franchement, après avoir pleuré d'émotion et de plaisir devant le spectacle d'Andréa Bescond, je ne donnais pas cher de sa version cinématographique. De la même façon qu'on est presque toujours déçu par l'adaptation au cinéma d'un livre qu'on a aimé, je redoutais de ne pas retrouver à l'écran l'énergie dégagée par la danseuse sur scène.

La surprise a donc été totale devant l'inventivité de la mise en scène proposée par Eric Métayer et sa comparse. Ils parviennent à exprimer la stupeur douloureuse de la petite fille et l'énergie sauvage de l'adulte par des procédés purement cinématographiques. Le résultat est tour à tour bouleversant (heureusement que le film s'allège un peu après les éprouvantes quinze première minutes), joyeux et surprenant. 

Outre la performance encore une fois exceptionnelle d'Andréa Bescond, il faut souligner l'incroyable composition de Karin Viard, dans le rôle d'une mère très présente, qu'on aimerait détester. Le reste du casting est impeccable, de Clovis Cornillac à Gringe, en passant par Carole Franck (dans un rôle de psy laborieuse qui vaut le déplacement à lui seul) et Pierre Deladonchamps qui ose ici camper un des pire rôle qu'on puisse proposer à un acteur.

Le film est miraculeux, parsemé de scènes inoubliables, et parvient à donner une pêche d'enfer aux spectateurs, qui viennent pourtant d'assister à un calvaire dramatique. Je le conseille vivement.

 

4e 

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Les indestructibles 2

N'ayant pas vu le premier opus, dont la réputation est très bonne, c'est avec une curiosité gourmande que j'ai visionné ce nouveau Disney Pixar.

Brad Bird (à qui on doit aussi Ratatouille), réalise ici un travail d'orfèvre. Toute la première partie des Indestructibles 2 est un miracle d'intelligence. En rendant les super-héros hors la loi et en envoyant le papa garder la marmaille pendant que maman sauve la planète, le film est subtilement en phase avec son temps.

Les idées fusent à une vitesse hallucinante, que ce soit dans le scénario d'une belle complexité ou par le biais d'une réalisation particulièrement inventive, dans les scènes d'action comme dans les scènes plus calmes (le combat de Jack Jack et du raton-laveur est un sommet). On savoure durant cette partie le charme des personnages secondaires (Tante Edna, Lucius) et la personnalité bien dessinée de tous les membres de la famille. 

Vers la fin, l'histoire devient plus conventionnelle, avec le sempiternel affrontement final du super-méchant et des gentils. Le film perd alors un peu en originalité, même si la façon dont le méchant prend possession de l'esprit de ses proies est assez plaisant. 

Un divertissement de haute volée, qui ne suscite pas vraiment d'émotion (contrairement à bien d'autres Pixar) mais provoque un plaisir simple par son allant et sa finesse.

 

3e

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La saveur des ramen

Il semble décidément que les cinéastes asiatiques puissent évoquer les sentiments les plus profonds à travers l'art de cuisiner, comme Naomi Kawase dans Les délices de Tokyo, Fruit Chan dans Nouvelle cuisine ou Ang Lee dans Salé sucré.

Le réalisateur emblématique de SIngapour, Eric Khoo, choisit de raconter ici une page de l'histoire de son pays (l'occupation par les Japonais pendant la guerre) à travers une chronique familiale tendre et sensible.

Le jeune personnage du film est cuisinier et la quête des évènements du passé va l'amener progressivement à cheminer à travers les traditions culinaires des deux pays concernés. Le fil conducteur du film peut paraître assez simple, mais sa construction est relativement complexe, et révèle un très beau travail d'écriture, qui mêle avec bonheur les différentes époques.

La saveur des ramen génère beaucoup d'émotions différentes assez intenses. Vous serez tour à tour surpris, ému, intrigué, séduit et amusé. Une belle réussite, servie par un casting impeccable. A découvrir.

Eric Khoo sur Christoblog c'est aussi : Tatsumi - 2012 (**)

 

3e

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Cold war

Le film précédent de Pawel Pawlikowski, Ida, m'avait déplu par son formalisme excessif, qui tuait les émotions. Cold war me réconcilie de ce point de vue avec le cinéaste polonais : la caméra est plus agile, les superbes effets de style sont beaucoup plus au service de la narration.

Après une entame austère et très belle, le film nous entraîne dans une balade désabusée sillonnant l'Europe de la guerre froide. L'histoire d'amour contrariée de Wiktor et Zula, qui parcourt joliment les décennies, est empreinte d'une triste nostalgie. La brièveté du film (1h27) contraste avec l'ampleur du récit. Pawlikowski s'oblige à la concision et parfois même à l'ellipse euphémistique : c'est souvent très réussi (comme par exemple lors de la scène de concert, lorsque Zula reconnaît Wiktor dans le public). 

Les deux acteurs principaux sont sublimes, et la façon dont le temps transforme leur visage est très émouvante. Joanna Kulig, en particulier, irradie littéralement. Sa force de caractère et ses dérèglements la rendent magnétique à l'écran. On n'oubliera pas de sitôt certaines de ses répliques ("Mon père m'a confondu avec ma mère, le couteau lui a expliqué la différence") jusqu'à la toute dernière scène, magnifique ("Tu es plus lourd que moi, prends-en plus"). 

Cold war a obtenu prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2018, et c'est mérité.

Pawel Pawlikowski sur Christoblog : Ida - 2013 (*)

 

4e 

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Le grand bain

Il y a une chance pour que Le grand bain devienne la comédie référence de son temps, comme le furent La grande vadrouille, Le dîner de cons ou Intouchables.

Le film de Gilles Lellouche partage en effet avec ses illustres prédécesseurs quelques points communs : un casting haut de gamme, des interprétations magistrales, une rigueur d'écriture jamais prise en défaut et surtout cet incroyable mélange de rire et de tendresse pour les cabossés de la vie, qui semble faire le sel de la comédie à la française.

Peu auraient pourtant parié sur la réussite de ce film, en avril 2018, juste avant qu'il soit sélectionné par Thierry Frémaux pour le Festival de Cannes. En traînant depuis le début de sa carrière d'acteur l'image du copain viril dans la bande de Guillaume Canet, Gilles Lellouche avait fini par se confondre avec ses personnages. On en avait oublié qu'il avait été réalisateur et scénariste avant d'être acteur. L'excellent accueil de la critique et des festivaliers cannois a donc surpris tout le monde, et peut-être même Lellouche lui-même.

Dans le genre feel-good buddy movie, Le grand bain est quasiment parfait. Si chaque acteur est globalement employé dans le registre qui lui convient habituellement, la tonalité générale du film est elle plutôt originale : il n'est pas si évident de prétendre narrer la reconstruction d'égos masculins malmenés à travers une activité particulièrement féminine (rappelons que la natation synchronisée est avec la GRS la seule discipline olympique exclusivement féminine). Il y a donc chez Lellouche une démarche plutôt gonflée, qui séduit par l'équilibre général du projet. Les acteurs, s'ils appuient sur le champignon, ne semblent jamais cabotiner, à l'image d'un Philippe Katerine excellentissime.

Le film prend bien le temps d'installer ses personnages, ce qui met encore plus en valeur le décollage jouissif de la seconde partie, durant laquelle Le grand bain devient irrésistiblement entraînant, Full Monty aquatique pour cinquantenaires. 

Un spectacle de très haut niveau (servi par des moyens très conséquents), à haut potentiel comique et lacrymal.

 

3e

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First man

Le troisième film de Damien Chazelle est tout à fait agréable, mais il peinera à égaler Whiplash et La la land dans l'esprit du spectateur.

First man est en effet à la fois plus prévisible (on connaît la fin de l'histoire) et plus sage que ses prédécesseurs. La mise en scène de Chazelle est ici assez classique, voire austère.

Le film essaye de donner une impression de réalisme extrême et il y parvient parfaitement. Les scènes dans l'espace sont frappantes de ce point de vue : on ressent avant tout un sentiment de grande claustrophobie. On se croirait pour ainsi dire dans le tambour d'une machine à laver sidérale.

Chazelle n'a pas choisi la facilité : il dépeint un héros au final profondément antipathique (parfois peut-être à l'extrême, comme lors de la scène d'adieu aux enfants), dans un style épuré et peu spectaculaire, et pendant 2h30. Ce n'est pas simple.

Il faut donc reconnaître au film des qualités discrètes mais bien présentes. La bande-son est par exemple exceptionnelle, comme le montage au cordeau, servi par un sens de l'ellipse très développé. Quelques évènements mis en valeur par le scénario méritent enfin le détour, comme l'essai presque mortel du module d'alunissage ou l'épisode tragique des trois astronautes morts dans l'incendie de leur capsule.

Pour résumer, First man est intéressant et par moment bluffant, sans jamais vraiment émouvoir ou surprendre.

Damien Chazelle sur Christoblog : Whiplash - 2013 (****) / La la land - 2016 (****)

 

2e

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Capharnaüm

Bien sûr, certains commentateurs critiqueront le film sur l'air bien connu du moralisme bien-pensant : en mettant en scène un enfant de deux ans qui n'a pas conscience d'être filmé Nadine Labaki exploiterait la situation comme les pires personnages du film le font, l'esthétisation de la misère serait insupportable, etc.

Ceux et celles qui critiqueront le film à partir de ces arguments (et de leur nombreux dérivés) ont une vision du cinéma qui est auto-centrée sur leurs propres convictions. Pour les autres, qui essayent de voir le film comme une oeuvre de fiction dont ils n'ont pas à connaître les secrets de fabrication, Capharnaüm procurera probablement un intense sentiment de sidération.

On a en effet rarement vu entremêlés aussi efficacement des ingrédients aussi différents : une intrigue captivante, un aspect documentaire saisissant, des personnages incroyablement bien dessinés et une réalisation qui pourra rappeler le meilleur des films d'action. 

Les détracteurs du film assimileront probablement Zaïn à une image universelle de la pauvreté et de la détresse enfantine, façon Gavroche du Proche-Orient. En réalité Zaïn n'est réductible à aucun stéréotype : il est un jeune garçon effronté, en colère, provocateur, débrouillard et décidé. Il porte sur ses épaules bien solides un film-tourbillon qui donne à voir beaucoup de misère et de complexité, mais aussi beaucoup de détermination et d'espoir.

En ce sens Capharnaüm n'est pas misérabiliste : il est plutôt le beau tableau d'une certaine rectitude morale, qui ne se résoud pas à échouer. On comprend que sous cet aspect, le final pourra paraître de mauvais goût aux inconditionnels de la tragédie dépressive.

 

4e 

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Comme des garçons

Le principal intérêt de Comme des garçons, c'est la formidable reconstitution des années 60/70 qu'il propose, dans un style qui rappelle ce que proposait Populaire pour les années 50.

On suit donc avec un certain plaisir les mésaventures d'un jeune journaliste qui devient par opportunisme le promoteur du foot féminin. Le film ruisselle de bons sentiments, rien n'y est crédible (bien que tout soit inspiré d'une histoire vraie), aucun personnage n'est vraiment approfondi, mais l'ensemble respire une bonne humeur communicative, parfaitement dans l'air du temps. Max Boublil cabotine sans excès.

Le tableau que dessine Julien Hallard du machisme congénital de la fédération de football de l'époque est glaçant, mais cet aspect un peu pénible est contrebalancé par l'esthétique acidulée du film, et par sa bonhomie résolument optimiste. 

 

2e

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Girl

Il est assez rare d'éprouver au cinéma un sentiment de plénitude artistique aussi fort que celui que procure la vision de Girl.

Tout en effet est quasiment parfait dans ce premier film du Belge Lukas Dhont : l'interprétation magistrale de Victor Polster, la pertinence du montage, la justesse des seconds rôles, la progression millimétrique de l'intrigue jusqu'à la conclusion bouleversante, la fluidité élégante de la mise en scène, la beauté de la photographie douce et dure à la fois.

Si Girl s'impose désormais comme le film de référence dans le domaine transgenre, il sublime également sa thématique (comme l'a fait La vie d'Adèle) pour donner à voir une destinée individuelle absolument captivante.

L'un des éléments qui donne au film sa force incroyable, c'est que les "méchants" sont quasiment absents du film : tout le monde est bienveillant envers Lara (à part certaines de ses copines). Le seul ennemi de Lara est à l'intérieur de Lara et sera vaincu par Lara. Girl peut aussi être vu comme une lutte de l'esprit contre le corps, dans l'exercice de la danse comme dans l'apprentissage de l'amour.

Girl est le plus beau film que j'ai vu à Cannes en mai dernier. Il y a gagné la Caméra d'Or et Victor Polster le prix d'interprétation dans la section Un certain regard. 

C'est un film magnifique. Vous ne devez le rater à aucun prix.   

 

4e 

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Première année

Première année ne présente pas beaucoup d'intérêt si on l'examine du point de vue de sa mise en scène ou de son scénario. Ce dernier est en effet tout à fait simpliste : une amitié entre deux étudiants en première année de médecine, agrémentée d'une fin à suspense très téléphonée et peu crédible.

On ne pourra apprécier le film que si on est sensible à son aspect documentaire. Première année montre en effet avec une grande force l'aspect complètement stupide du concours de médecine en fin de première année, en parfaite résonance avec l'actualité et la réforme des études de médecine. On voit très bien dans le film à quel point le bachotage par coeur est la règle, et combien toutes les autres compétences d'un bon médecin sont superbement ignorées : la réflexion, l'empathie, le recul. Sur cet aspect "pris sur le vif", les deux acteurs posent une prestation très honorable : Vincent Lacoste dans son registre habituel de tête à claque boudeur (qui ne me convainc toujours pas vraiment), William Lebghil dans un style beaucoup plus intéressant, entre naÏveté et profondeur.

Pour tout le reste, c'est très moyen : les second rôles sont réduits à des ombres chinoises sans personnalité (comme la voisine de Benjamin), les explications psychologisantes sont très lourdes (ouh, le méchant papa qui ne vient pas fêter la réussite de son fils) et la photographie est insignifiante.

A conseiller avec parcimonie, à ceux que les études en médecine intéressent de près. Ou de loin.

 

2e

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Donbass

La filmographie de Sergei Loznitsa est pour l'instant pratiquement irréprochable, et en même temps pas facile d'accès.

Après son remarquable Une femme douce, véritable trip visionnaire sous anxiolytique, Loznitsa nous embarque cette fois-ci dans un voyage dans le Donbass occupé par l'armée russe qui emprunte à la fois à Kafka et au cique Zavatta.

Après plusieurs séquences un peu fades, le film devient brutalement très déstabilisant à travers une série de vignettes plus dérangeantes les unes que les autres : peloton de garde perdu dans la neige, abris souterrains surpeuplés, tableau du racket organisé par l'armée d'occupation, mariage célébré par une députée de la Nouvelle Russie. Dans son escalade grotesque et glaçante, le film est à ce moment-là assez désagréable à regarder et pleinement édifiant.

Du point de vue de la mise  en scène, c'est magistral (Prix de la mise en scène à Un certain regard à Cannes 2018), et on est scotché par la dernière scène, contrepoint sinistre de la première. Du grand art, pas forcément facile à regarder.

Sergei Loznitsa sur Christoblog : Dans la brume - 2013 (***) / Une femme douce - 2017 (**)

 

3e

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