L'histoire de Souleymane
Il y avait bien des manières de rater ce film, qui suit durant 48h un jeune Guinéen sans papier, qui parcourt sans relâche les rues de Paris en tant que livreur Uber.
Boris Lojkine aurait pu ainsi concevoir un film pétri de bons sentiments, dans lequel le jeune Souleymane n'aurait rencontré que de mauvaises personnes (à la Dardenne) et aurait accumulé tous les malheurs du monde. Il aurait pu aussi construire un drame, précipitant son héros dans une spirale qui aurait abouti à une tragédie nocturne. Il aurait enfin pu choisir de raconter une histoire larmoyante, dans laquelle de sympathiques parisiens bien attentionnés aurait pris Souleymane en affection (ou plus), se cassant les dents sur une administration impitoyable.
Mais non. L'histoire de Souleymane est, de façon beaucoup plus intéressante, une description presque documentaire du quotidien d'un sans papier sous OQTF, qui lutte pour sans sortir. Le film est sans pathos, rythmé comme un thriller nocturne, constamment soumis à une tension qui résulte non pas d'évènements exceptionnels, mais de petits soucis du quotidien qui prennent ici des allures de quitte ou double décisifs (Souleymane va-t-il attraper son bus ? fera-t-il réparer son vélo ? conservera-t-il l'usage du compte Uber qu'il "sous-loue" ?).
Le spectateur est ainsi rivé solidement à son fauteuil, complètement absorbé dans ce qui apparaît être une sorte d'odyssée urbaine pour Ulysse moderne. Paris est filmé comme jamais, les ambiances sont incroyablement réalistes, la prestation du jeune Abou Sangare dans le rôle principal est merveilleuse de simplicité. La scène finale dans laquelle Nina Meurisse campe un agent de l'Ofpra est de toute beauté.
Une réussite.
Boris Lojkine sur Christoblog : Hope - 2015 (***)