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Christoblog

Articles avec #nina meurisse

L'histoire de Souleymane

Il y avait bien des manières de rater ce film, qui suit durant 48h un jeune Guinéen sans papier, qui parcourt sans relâche les rues de Paris en tant que livreur Uber.

Boris Lojkine aurait pu ainsi concevoir un film pétri de bons sentiments, dans lequel le jeune Souleymane n'aurait rencontré que de mauvaises personnes (à la Dardenne) et aurait accumulé tous les malheurs du monde. Il aurait pu aussi construire un drame, précipitant son héros dans une spirale qui aurait abouti à une tragédie nocturne. Il aurait enfin pu choisir de raconter une histoire larmoyante, dans laquelle de sympathiques parisiens bien attentionnés aurait pris Souleymane en affection (ou plus), se cassant les dents sur une administration impitoyable.

Mais non. L'histoire de Souleymane est, de façon beaucoup plus intéressante, une description presque documentaire du quotidien d'un sans papier sous OQTF, qui lutte pour sans sortir. Le film est sans pathos, rythmé comme un thriller nocturne, constamment soumis à une tension qui résulte non pas d'évènements exceptionnels, mais de petits soucis du quotidien qui prennent ici des allures de quitte ou double décisifs (Souleymane va-t-il attraper son bus ? fera-t-il réparer son vélo ? conservera-t-il l'usage du compte Uber qu'il "sous-loue" ?).

Le spectateur est ainsi rivé solidement à son fauteuil, complètement absorbé dans ce qui apparaît être une sorte d'odyssée urbaine pour Ulysse moderne. Paris est filmé comme jamais, les ambiances sont incroyablement réalistes, la prestation du jeune Abou Sangare dans le rôle principal est merveilleuse de simplicité. La scène finale dans laquelle Nina Meurisse campe un agent de l'Ofpra est de toute beauté.

Une réussite.

Boris Lojkine sur Christoblog : Hope - 2015 (***)

 

3e

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Le ravissement

Pour son premier film, Iris Kaltenbäck frappe fort.

Dès les premières images, l'histoire de Lydia, entrevue depuis le bus conduit par Milos, nous happe.

A quoi peut tenir ce sentiment d'hyper réalité qui nous serre alors la gorge et ne nous quittera plus ? Peut-être à une mise en scène épurée, une photographie un peu grise, un montage au cordeau... mais surtout à l'interprétation magistrale d'Hafsia Herzi. C'est peu dire que cette dernière est de nouveau renversante : tour à tour sage-femme dévouée, jeune femme dépitée au visage marqué, amoureuse décidée, sombre amie soumise à la tentation.

Hafsia Herzi est ici comme un paysage mental qui semble creuser l'écran. Ses tourments affleurent au moindre tremblement, ses gestes sont lourds tant elle est semble lasse de vivre, ses regards obliques aux paupières lourdes nous transpercent. 

Autour d'elle, le reste du casting joue une partition parfaite : Alexis Manenti exprime dans son jeu une densité comparable à celle de  sa partenaire, alors que Nina Meurisse excelle dans un rôle difficile de copine en proie à une sévère dépression post-partum.

La réalisatrice fait preuve d'une grande maestria quand il s'agit de filmer les émotions (superbe scène finale à l'hôtel) ou les scènes de groupe (la famille de Milos) : il y a du Cassavetes et du Kechiche dans sa façon de filmer frontalement l'expression des sentiments les plus intenses, dans un style qui rappelle certains documentaires.  

Une cinéaste dont on entendra à nouveau parler, c'est certain.

 

4e

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Une vie

D'emblée, Stéphane Brizé impose son point de vue, qui sera sévère, dépouillé et naturaliste. Il l'impose par son cadre presque carré, sa caméra à l'épaule et ses plans très rapprochés sur les personnages.

L'effet produit est dans un premier temps déstabilisant, et légèrement oppressant. J'ai été à la fois séduit par le rendu de certaines sensations (le temps qui passe, les saisons, les dilemmes) et perturbé par les ellipses systématiques et le montage temporel chaotique.

Le premier choc passé, Une vie parvient à convaincre par son ampleur romanesque et la cohérence de son esthétique. Si les performances de la jeune garde du cinéma français me laisse perplexe (Finnegan Oldfield est à baffer et Swann Arlaud plus transparent que d'habitude), les anciens (Darroussin et Moreau) sont parfaits.

La solitude, l'ennui, la rudesse de la vie au XIXe siècle dans un milieu rural est parfaitement rendu. Le film est aussi émaillé de scènes extraordinaires de violence, contenue ou pas : les conversations avec les prêtres, la scène du couvent. 

Au final, Jeanne semble bien être une cousine éloignée du Thierry de La loi du marché : écrasés tous deux par des forces immenses qui les dépassent, ils portent au plus profond de leur être une étincelle qui leur permet de continuer à espérer.

 

3e

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