La bataille de Solférino
La bataille de Solférino est un film bien imparfait, mais contrairement au flop pas chic de Tip top, il a le mérite de vouloir bien faire.
Le système que met en place la réalisatrice Justine Triet est diabolique : tourner un film dans la rue, lors d'un événement mémorable (l'élection de François Hollande). On voit la difficulté de la chose : toutes les scènes prévues dans le script pour ce jour-là doivent être tournées ce jour-là, quoiqu'il arrive.
D'où évidemment une pression maximale ce 6 mai 2012, avec un nombre de caméra impressionnant et un nombre d'heures de tournage excédant probablement les limites du droit du travail (mais comme il ne s'agit pas de Kechiche, on ne dira rien). Le concept permet en plus de bénéficier de la puissance de 10000 figurants ... gratuitement !
Les scènes d'extérieur sont donc sidérantes, et le fait d'avoir choisi le métier de journaliste pour l'actrice principale est une idée géniale. Laetitia Dosch est tout à fait crédible dans ce rôle.
Le film ne se résumerait qu'à une prouesse technique s'il ne séduisait pas également par son intrigue intelligemment agencée : un père dont on comprend qu'il a des problèmes psys tente de revoir ses enfants, mais son ex-femme l'en empêche par des moyens qui font douter de sa propre santé mentale (par exemple les emmener dans le tohu-bohu de Solférino).
Les scènes d'intérieurs sont étonnantes, jouées sur le fil par des acteurs inspirés dont on dirait qu'ils improvisent leurs répliques. C'est parfois drôle, souvent intéressant, mais la répétition de certaines phrases pourront aussi énerver ("Je sens une spirale d'angoisse, là"). La fin du film lui donne une dimension supplémentaire (le juriste, le copain, quelques silences qui paraissent assourdissants après les logorrhées de Macaigne).
A Cannes 2013 on peut dire que si le cinéma français a ouvert quelques fenêtres et fait souffler un vent frais dans les salles, c'est en grande partie grâce à Justine Triet.
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