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Christoblog

Articles avec #bresil

La fleur de Buriti

Peut-être que la quinzaine d'excitation folle du festival de Cannes n'était pas le moment idéal pour découvrir ce film exigeant.

Toujours est-il que je me suis bien ennuyé, alors que le sujet ici traité est plutôt intéressant : donner à voir le quotidien des autochtones de la forêt profonde du Brésil (les Krahô), et nous instruire quant à leur histoire.

De ce double point de vue, le film est plutôt au rendez-vous. On est vraiment au contact de la communauté (dans la forêt, mais aussi en ville, et même lorsqu'ils manifestent à Brasilia), et on a aussi une bonne idée des massacres perpétrés par les colons européens, grâce à une scène de reconstitution sous forme de fiction, qui génère un peu de perplexité le temps qu'on comprenne ce que l'on est en train de voir.

Au global le film ne m'a pas vraiment convaincu. J'ai trouvé que la façon de filmer était vraiment pauvre, voire rudimentaire. Certains procédés qui tendent à abolir la frontière entre documentaire et fiction (la petite fille qui voit dans le passé) m'ont paru apporter plus de confusion que de magie, brouillant le message du film.

A force d'hésiter entre fiction et documentaire de façon finalement très auto-centrée, le film perd de vue son sujet principal, et c'est dommage.

 

2e

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Irma

Ce premier film brésilien de Vinicius Lopes et Luciana Mazeto se situe dans la continuité de ceux de Kleber Mendonça Filho (Les bruits de Recife, Aquarius, Bacurau), Juliana Rojas et Marco Dutra (Les bonnes manières), qui réinventent un nouveau cinéma dans leur pays, profondément marqué par le cinéma d'auteur européen.

Ainsi avons-nous ici tous les tics du cinéma "de festival" : progression lente, moyens pauvres, idées de réalisation injectées dans l'histoire au petit bonheur la chance, parti-pris parfois horripilants (la caméra qui sautille perpétuellement dans la première scène du bus), projet global légèrement fumeux.

Il s'agit de suivre deux jeunes filles en route vers le Sud du pays alors que leur mère est décédée d'une grave maladie. Pour corser le récit, il faut préciser que la fin du monde approche peut-être, puisqu'un météorite menace, et que des femmes se promènent toutes nues dans les bus et les rues, du fait de la fin du monde. 

Les deux jeunes filles retrouvent leur père qui les a abandonnées, subissent les affres du passage à l'âge adulte pour la plus grande, et effleurent dans leur road trip immobile une bonne dizaine de thématiques d'égale importance, de la préhistoire jusqu'à la condition de la femme dans le Brésil contemporain, en passant par la toute-puissance magique de Dame Nature.

Le film est inégal, globalement plutôt ennuyeux, mais tellement sincère qu'on répugne à en dire vraiment du mal. Je conclurai en disant d'une façon positive qu'il comprend une scène magnifique : la plus petite des deux soeurs revit en rêve la séparation de ses parents par le truchement d'une télénovela diffusée dans la pièce où elle dort. C'est splendide. 

A noter que film a eu les honneurs d'une projection à la Berlinale 2020. A conseiller aux aventuriers, amateurs de cinéma sud-américain. 

 

2e

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La vie invisible d'Euridice Gusmao

Quel souffle, quelle ampleur dans ce mélodrame tropical ! J'ai été complètement absorbé tout au long des 2h20 du film brésilien de Karim Aïnouz.

La reconstitution des années 50 est superbe, que ce soit dans les intérieurs, les rues, les véhicules, les mentalités.

Superbe et dure à la fois, puisque le film est avant tout un tableau de la tyrannie patriarcale sur la vie et le corps des femmes. La vie invisible est une charge constante et réaliste contre le machisme omniprésent.

Le substrat politique du film, évident, est sublimé par les péripéties mélodramatiques de la narration, le jeu incarné des actrices, la qualité de la mise en scène qui donne à sentir la consistance du temps qui passe. Certaines scènes sont absolument déchirantes  (la presque rencontre du restaurant, les boucles d'oreille, la mort de l'amie, les scènes finales).

C'est beau, souvent discutable d'un point de vue esthétique, pas toujours subtil. Un mélodrame pour coeur d'artichaut au long cours, sensible à la dureté intrinsèque de la vie.

 

4e

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Bacurau

Beaucoup de critiques font de Bacurau une lecture politique : il s'agirait à travers la destinée de ce village, de dénoncer la montée du populisme au Brésil et de mettre au contraire en exergue la force de l'entraide et de la solidarité.

Si cette lecture est inévitable (les réalisateurs eux-mêmes parlent de leur film comme d'un geste politique), il ne faut pas négliger le plaisir de spectateur tout simple qui nous saisit à la vision de cette fable anticipatrice, inégale, mais profondément originale.

Pendant la première moitié du film, on ne comprend rien à ce qu'on regarde, à tel point que cela en est presque énervant. Et puis les choses se décantent progressivement par le dévoilement d'une intrigue retorse que je tairai ici mais qui envoie le film se balader dans de multiples contrées très typées : le western, le survival, le gore, le film de vengeance, le thriller d'anticipation, le film d'action bestial à la Tarantino.

Si le rythme haletant est alors très prenant, Bacurau ne se départit cependant pas totalement de son étrangeté initiale, ce qui le rend très attachant. Je le conseille aux amateurs de découvertes.

Kleber Mendonça Filho sur Christoblog : Les bruits de Recife - 2012 (**) / Aquarius - 2016 (***)

 

2e

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Le chant de la forêt

Le propos de ce film brésilien est tout à fait estimable. Pour faire simple, il donne à voir la réalité du quotidien d'une tribu indienne isolée en forêt, sous le prétexte d'une fiction aux contours un peu lâche (un jeune homme a du mal à faire le deuil de son père, alors qu'il est en train de devenir chaman).

Si le début du film est assez beau et suffisamment intrigant pour titiller notre curiosité, il perd assez rapidement de son pouvoir d'attraction, notamment lors d'une longue séquence urbaine dont l'intérêt m'a en grande partie échappé.

Le manque d'expressivité des acteurs, le regret de ne pas voir creusés les dessous socio-politiques, l'image en 16mm loin d'être parfaite : tous ces éléments pénalisent un peu le film de Joao Salaviza et Renée Nader Messora, dont j'aurais aimé pouvoir dire plus de bien.

En matière de films tentant de restituer la magie de la forêt tropicale, ceux de Weerasethakul (Tropical malady) et Ciro Guerra (L'étreinte du serpent) ont, il est vrai, placé la barre très haut. 

A voir si l'aspect documentaire vous intéresse avant tout, car de ce point de vue, Le chant de la forêt est tout à fait digne d'intérêt.

 

2e

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Les bonnes manières

Voici une nouvelle bonne surprise en provenance du Brésil, après, par exemple, le remarquable Aquarius.

Difficile de parler du film sans en dévoiler trop. La découverte progressive des ressorts de l'intrigue fait en effet partie du plaisir qu'on éprouve à la vision de ce type d'oeuvre, dont on ne sait pas exactement où elle veut nous mener. Le tout début évoque une chronique sociale sur les différences de classe, avant de virer assez vite à la romance lesbienne. On sent par ailleurs qu'il y a une étrangeté dans le film qu'on a du mal à qualifier, et qui ne se dévoile que progressivement, en multipliant les fausses pistes. 

Le film comprend deux parties séparées par plusieurs années. La première m'a beaucoup plu : les décors irréels d'un Sao Paulo fantasmé et l'étrangeté des décors intérieurs apportent alors beaucoup à l'esthétique du film. La seconde partie est plus conforme à l'idée classique que l'on se fait d'un film d'épouvante à visée bien-pensante. Elle m'a paru moins originale.

L'ensemble est un objet fort original, qui n'hésite pas à emprunter de nombreux chemins de traverse, comme celui de la comédie musicale par exemple. Je conseille Les bonnes manières aux amateurs de cinéma sud-américain, et plus généralement aux cinéphiles curieux.

 

3e

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Aquarius

Cette année à Cannes, plusieurs actrices ont livré des performances extraordinaires. 

Sonia Braga fut peut-être la plus belle d'entre elles. 

Férocement libre, elle cannibalise un film dont on se demande parfois ce qu'il cherche à nous dire : que vieillir c'est pas bien, et qu'il faut résister ? Sous cet angle, Kleber Mendonça Fliho atteint parfaitement son but. La sexagénaire Clara est le prototype même de la force de vivre, qui lutte par tous les moyens, libido comprise.

Aquarius est donc un splendide portrait de femme, mais c'est aussi un bel instantané de Recife, la ville du réalisateur, décrite avec tendresse et douceur. On découvre ses plages et ses subtiles hiérarchies sociales (on y est visiblement plus ou moins noir). 

Le film peut paraître ne pas être grand-chose, surtout rapporté à sa durée (2h25), mais il a l'immense mérite de proposer des sujets originaux et délicats : portrait d'un immeuble, lutte de la modernité et du temps passé à travers de nombreux angles (Vinyl vs MP3 par exemple), normalité et réalisation de soi.

Servi par une mise en scène d'une parfaite élégance et par une bande-son absolument délicieuse, Aquarius est un doux plaisir à partager entre connaisseurs. 

Kleber Mendonça Filho sur Christoblog : Les bruits de Recife - 2012 (**)

 

3e

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Une seconde mère

Relatif succès au box-office (dans la catégorie des films d'auteurs du Sud très peu vus), Une seconde mère est un film âpre et relativement amer.

Une femme de ménage (prétendument) intégrée dans sa famille d'employeurs doit accueillir sa fille temporairement. Cette dernière est moderne et n'accepte pas vraiment les relations maître / domestique que sa mère semble considérer comme naturelles.

La réalisatrice Anne Muylaert compose sur cette trame très sociale une mélodie plutôt désaccordée, mélange de comédie de moeurs, de critique de la société brésilienne et de portrait attendri d'une femme de caractère. 

Il y a de quoi être déconcerté par ce film à la fois aimable et désordonné, qui semble hésiter tout du long à être résolument caustique ou franchement optimiste. 

On pourra s'amuser à constater que son thème est très proche d'un récent film colombien ayant eu un certain succès d'estime : Gente de bien (domestiques, scènes de piscine, rapport de filiation). Ce dernier versait franchement dans le constat glacé alors qu'on est plutôt ici dans un entre-deux à mi-chemin entre télénovelas et Théorème.

Un film intéressant, mais complètement survendu par la presse : il n'est ni "euphorisant" (Marie-Claire), ni un "feel good movie lumineux" (Les inrocks), ni "une comédie jubilatoire" (Télérama).

Il est plutôt une fable grinçante.

 

 3e

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Les bruits de Recife

Ce premier film du réalisateur brésilien Kleber Mendonca Filho est à la fois profondément sensuel et complètement intellectualisé. On pourra, suivant sa sensibilité, adorer l'un, détester l'autre, ou inversement. Ou les deux. Ou aucun.

C'est un peu comme le mariage du meilleur de Carlos Reygadas (pas évident à trouver) avec une véracité psychologique à la Ulrich Seidl. Vous ne voyez sûrement pas ce que je veux dire, mais d'une certaine façon, moi non plus. D'ailleurs, à ce stade, il me faut bien avouer que j'ai hésité à très mal noter ce film, à le descendre carrément (en déclarant que je m'y suis mortellement ennuyé), pour au final déclarer mentalement et intérieurement qu'il fallait attirer l'attention de la communauté de mes lecteurs (c'est-à-dire entre 2 et 4 personnes) sur son cas. Ce qui ne sert à rien, par ailleurs, puisque le film n'est quasiment pas visible en salle.

Bref, vous ne le verrez pas, je l'ai vu : et du coup, en imaginant que de ce salmigondis d'images curieuses et prétendument inoffensive sorte un futur grand réalisateur, je pourrai dire que j'y étais.

Sinon, il est question de suivre plusieurs personnages d'un quartier résidentiel qui ne se connaissent pas, et de décrire ce faisant quelques turpitudes de la nature humaine de façon assez cruelle et parfois amusante (masturbation féminine sur machine à laver en fin de cycle, l'essorage comme palliatif à l'absence de sextoy). Le film se complique quand il mêle à cette froide rhétorique des éléments oniriques incongrus, et quand il finit même par essayer d'insuffler un peu de thriller dans une trame tissée à la manière Haneke.

C'est à la fois étonnant et consternant, et pour une fois, je refuse donc de donner un avis tranché. Et toc.

 

2e

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La cité de Dieu

Intrigué par la réputation de ce film dont tout le monde a entendu parler (mais que peu de personnes ont vu), je me lance dans une petite soirée DVD. Les commentaires sur l'affiche sont alléchants avec des références à Scorsese et Tarantino.

Le film décrit l'ascension d'un groupe de jeunes dans le monde du crime, au sein d'une favella brésilienne, chaque membre du groupe suivant une trajectoire différente.

La première chose qui choque en regardant le film, c'est le montage hyper-saccadé, plus proche d'une esthétique de clip vidéo que d'une oeuvre cinématographique. Je suppose que par ce biais le réalisateur a souhaité nous faire sentir le caractère trépidant de la vie de ces jeunes, mais il ne réussit qu'à nous fatiguer la rétine, tout en nous empêchant de nous attacher aux personnages. Ce sont les tics d'un Danny Boyle à la puissance 10. La mise en scène est donc résolument bling-bling : soit vous adorez, soit vous n'entrez pas du tout dans le film, ce qui fut mon cas.

La progression de l'intrigue est chaotique, franchissant plusieurs années d'un coup, survolant la psychologie des personnages, fonctionnant par petites vignettes indépendantes les unes des autres. C'est finalement uniquement dans le dernier quart d'heure, à travers l'histoire de l'apprenti photographe, que le film retrouve selon moi un souffle narratif intéressant. Le film est réputé hyper-violent, mais depuis 2002, notre niveau d'acceptation de la violence a du considérablement augmenter, car il n'a aujourd'hui vraiment plus rien de choquant.

La puissance dramaturgique d'un Scorsese période Les affranchis ou Casino est donc bien loin, de même que l'élégante violence chorégraphique d'un Tarantino version Reservoir dogs. Francesco Meirelles a développé suite à ce film une série télé sur la violence dans les favellas en plusieurs saisons qui eut un grand succès au Brésil, La cité des hommes. En 2008, un film de Paulo Morelli a lui même décliné l'univers de la série sur grand écran.


1e

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