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Christoblog

Articles avec #irlande

Les banshees d'Inisherin

J'avoue avoir du mal à comprendre l'enthousiasme autour de ce film, qui vient de remporter un Golden Globe.

Son contenu se contente en effet d'illustrer péniblement un pitch initial assez amusant : une rupture amicale prend des allures de drame sentimental dans un cadre insulaire à la fois magnifique et oppressant.

Le script suit avec application une trame qu'on devine dès le début malaisante et toute entière tournée vers l'aggravation et le drame. Ce contenu programmatique nuit beaucoup à l'intérêt qu'on peut porter au film : rien ne nous surprend, tout est anticipable. 

La psychologie des personnages est de la même façon exposée dès le début, pour ne plus varier jusqu'à la fin du film, ce qui ne contribue pas à générer de l'empathie chez le spectateur, d'autant plus qu'aucun des deux personnages n'est aimable, ni attendrissant. Leurs dilemmes ne m'ont pas intéressés. 

Les banshees d'Inisherin n'évite pas non plus les maladresses (les raccords de lumière sont approximatifs dans quelques scènes, par la faute de la versalité du climat insulaire), ni les facilités (la façon dont l'étudiant en musique gobe le mensonge de Padraic, l'aspect caricatural des seconds rôles, l'esthétique artificielle des décors). 

Le résultat est un exercice de style froid et désincarné, pauvre en cinéma comme en émotion, qui m'a totalement laissé au bord de la route. 

Martin McDonagh sur Christoblog : 3 billboards, les panneaux de la vengeance - 2017 (****)

 

1e

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L'équipier

Il y a plusieurs films dans L'équipier.

Le premier, une plongée dans l'enfer du dopage sur le tour du France 98, est le plus intéressant. Le montage nerveux et l'énergie communicative de l'acteur / cycliste Louis Talpe rendent cette plongée dans le monde cycliste édifiante et accessible à tous.

Le deuxième est une romance à l'eau de rose, agréable mais totalement anecdotique, qui se greffe un peu artificiellement sur le propos quasi documentaire du film.

Le troisième met assez classiquement en scène des scènes de courses avec le lot habituel de suspense et d'exploits qui ponctue le genre. Cet aspect est pour moi un des points faibles du film : on ne croit pas beaucoup à ces séquences assez pauvrement réalisées et qui ressemblent plus à une course amateur entre copains qu'à une étape du Tour de France. Il y manque, certainement par manque de moyens, la démesure (et notamment la foule) qui accompagne une véritable étape de la Grande Boucle.

Le réalisateur Kieron J Walsh signe ici une oeuvre imparfaite mais plaisante, dynamisée par une bande-son euphorisante.

 

2e

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Room

Le sujet de Room est le sujet casse-gueule par excellence.

Pour résumer, et en spoilant le moins possible, le film raconte l'histoire de Joy, une jeune fille enlevée et séquestrée par un malade dans sa cabane de jardin. Après deux ans de captivité, Joy a un enfant, Jack, qui est donc élevé jusqu'à ces cinq ans dans une seule pièce, d'où le titre du film.

La liste est longue des façons dont le film aurait pu être raté. Il aurait d'abord pu être glauque et malsain, installant le spectateur dans la peau d'un voyeur honteux. Il aurait pu être insupportable en installant des processus de terreur pure. Il aurait enfin pu être inutilement larmoyant.

Au final Room n'est rien de cela : c'est un film délicat, sensible, intelligent, dont on sort le moral regonflé à bloc. C'est tout à fait étonnant qu'un film bâti sur un sujet aussi terrible puisse faire un tel effet sur le spectateur.

Le réalisateur irlandais de 49 ans, Lenny Abrahamson, complètement absent de mes radars jusqu'à aujourd'hui, fait preuve d'une maestria incroyable. Il utilise à la perfection tout l'arsenal de la mise en scène et du montage au service de son histoire, sans fanfaronner, et avec une modestie géniale.

Brie Larson, déjà remarquée pour son incroyable prestation dans States of grace, fait ici un sans faute de bout en bout. Le jeune acteur, Jacob Tremblay, est tout simplement exceptionnel. Souvent filmé en très gros plan, il parvient à exprimer une immense palette d'émotions. Lenny Abrahamson s'avère être un remarquable directeur d'acteur.

Room est un film dont on peut parier sans crainte qu'il laissera un impérissable souvenir dans la tête de tous ceux qui l'auront vu.

 

4e  

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Hunger

Attention chef d'oeuvre.

Le premier long métrage du vidéaste Steve Mc Queen est un coup de maître. On aurait pu craindre un objet expérimental pour public branchouillé, et c'est une vraie histoire qui nous est comptée ici. Celle de Bobby Sands, prisonnier politique de l'IRA qui est décédé suite à une grève de la faim, comme sept de ses camarades. Le film m'a appris beaucoup de chose sur cette période, que je ne connaissais pas (les menaces pesant sur les gardiens de prison, la grève de l'hygiène).

La force de la volonté de ces hommes et le pouvoir qu'ils se donnent sur leur propre corps sont hallucinants. La fermeté de Thatcher est d'une violence inouie et sa simple voix off donne des frissons. D'une certaine façon, on a du mal à admettre que ces évènements aient pu se passer chez nous, en Europe, il y a si peu de temps.

Mais le film dépasse le genre du film de prison, ou du film politique, pour visiter autre chose : la capacité qu'à une caméra à capter la réalité des sens et à la restituer aux spectateurs. Et là, c'est peut être la formation première de Steve McQueen qui joue à plein car la réussite est totale : on sent le flocon de neige se poser sur le visage, on entend ces cris furieux puis ces silences assourdissants, on inspire cette odeur de crasse et de pisse, on souffre du contact de la pommade sur les plaies, on inspire la fumée de cigarette.

Hunger est une réflexion sur le don de soi, sur la matérialité des choses, mais c'est également un objet cinématographique parfaitement conçu et réalisé. L'intérêt porté aux personnages secondaires (gardien de prison, long plan séquence magistral - 22 minutes ! - de la conversation avec le prêtre, jeune soldat terrorisé par les bastonnades) densifie le propos tout en le recentrant.

Du grand art. Et que dire de l'acteur, Michael Fassbender ? Au delà de la performance physique il donne à voir son âme.

Peut être le plus beau film de l'année, plastiquement, émotionnellement, intellectuellement.

 

4e

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