Amador
Commençons par le plus simple : l'actrice péruvienne Magaly Solier, déjà repérée dans l'étonnant Fausta, est littéralement sublime. Elle possède un physique a priori peu gracieux, des formes légèrement masculines, une tâche bizarre dans le blanc de l'oeil droit et un mutisme un peu niais. Mais tout à coup, à la faveur de cheveux dénoués ou d'un sourire, elle peut devenir un parangon de féminité.
Elle porte en tout cas le film sur ses (solides) épaules.
Le prétexte est simple et on peut en parler sans déflorer l'intérêt du film. Un couple pauvre (elle donc, et son mari minable voleur de fleurs avec qui elle ne se voit aucun avenir) vivent misérablement. Un boulot est proposé à Marcela de façon presque miraculeuse : garder un vieux chez lui, pendant que sa fille est en province. Elle doit gagner 500 € pour un mois, mais au bout de quelques jours, le vieux meurt... que faire ?
A partir de cette trame sur le fond assez morbide, le réalisateur Leon de Aranoa parvient à dresser un tableau étonnant de la société espagnole d'aujourd'hui, en s'appuyant sur un scénario d'une grande subtilité. Des thématiques apparaissent et rebondissent tout le long du film (le puzzle, par exemple, décliné à travers le personnage d'Amador, puis par le biais d'une photo et enfin celui d'une lettre).
Le vieil Amador croit qu'une handicapée en fauteuil roulant, qu'il a vu dans la rue, est une sirène. Une fois mort, elle apparaîtra la plupart du temps dans des plans en rapport avec des poissons (au supermarché, derrière un aquarium) comme pour valider l'idée saugrenue du vieux. Les idées brillantes de ce genre parsèment le film du début (très belle scène d'ouverture) à la fin : le rebondissement final est superbe, grinçant, cynique et beau. Comme la conversation que Marcela a dans l'église avec le prêtre, conversation entièrement basée sur un malentendu, et véritable morceau de bravoure.
Un film d'une intelligence rare, qui compose un magnifique portrait de femme prenant son destin en main.
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