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Articles avec #la vie d'adele

La vie d'Adèle : l'avis des blogueurs

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4 choses que vous n'avez pas (ou peu) lues à propos de La vie d'Adèle

http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/456/21045687_20131001154044741.jpgAdèle n'est pas lesbienne

 

Contrairement à ce que vous lisez partout, ou presque, le personnage d'Adèle n'est pas celui d'une lesbienne.

Dans le film, elle fait l'amour au début avec un garçon, puis trompe plusieurs fois Emma avec un autre. Dans la scène du café, elle avoue avoir eu quelques aventures, sans importance, sans que l'on sache le sexe des partenaires, mais on peut comprendre qu'il s'agit de garçons.

Donc, c'est clair, Adèle n'est pas lesbienne, elle est ... bisexuelle (sur l'échelle de Kinsey, elle se situerait à 4 ou 3).

 

Des scènes de sexe... sans sexe

 

A propos des fameuses scènes de sexe, peu de personnes font remarquer un élément essentiel qui différencie le film de Kechiche d'un porno : on ne voit à aucun moment lors des ébats... un sexe féminin !

La seule fois dans le film où on peut contempler l'Origine du monde, c'est justement quand Adèle fait le modèle pour Emma peintre. Ce qui n'empêche pas des journalistes peu scrupuleux (et même un peu ridicule), d'écrire des absurdités du genre : "Dans La Vie d'Adèle, on voit des sexes féminins en gros plan, rasés intégralement, ce qui implique que le clitoris des personnages surgisse à plusieurs reprises". Ouarf, ouarf.

Les scènes de sexe sont donc anti-réalistes au possible, d'ailleurs l'éclairage est complètement différent lors de ces scènes, qui sont éclairées de façon totalement artificielle. Les deux actrices miment la jouissance, dans une théâtralité qui peut déranger, mais qui est plus proche du théâtre japonais que du film porno. Pierre Olivier Persin, qui s'est occupé des effets spéciaux sur le film, explique dans plusieurs articles comment il a conçu des prothèses pour que les actrices se sentent le plus à l'aise possible (par exemple ici

 

Une musique et des sons subtilement extra-diégétiques

 

Il n'y a pas de musique extra-diégétique (entendez : qui ne fasse pas partie de l'action montrée) dans La vie d'Adèle. Enfin, presque. Parce que, à y entendre de plus près, c'est moins évident que cela.

Prenons la fameuse scène d'anniversaire, et sa chanson désormais célèbre I follow rivers de la chanteuse suédoise Lykke Li. Au début, la chanson est effectivement écoutée par les personnages, mais progressivement les bruits de fond s'effacent et le volume de la chanson augmente, de telle façon que notre empathie avec l'état mental intérieur d'Adèle s'amplifie. La musique devient extra-diégétique.

Même procédé pour le joueur de hang que Adèle voit à Lille juste avant de croiser Emma pour la première fois. On entend le son de l'instrument, et celui-ci reste de plus en plus présent, défiant ainsi les lois de la nature et de la physique acoustique, jusqu'à ce que Adèle échange le fameux regard avec Emma : là encore, Kechiche transforme la musique incorporée à l'action en bande-son.

Dernier exemple : le son lors des scènes de sexe est hyper amplifié, on entend le bruit des caresses d'une façon totalement disproportionnée. C'est très net si on y prête attention (ce qui est difficile lors d'une première vision !)

 

Un second degré permament

 

Peu de critiques l'ont signalé, mais la dernière tirade du film, placée dans la bouche de Salim Kechiouche, qui joue un acteur recyclé dans l'immobilier est ahurissante de prescience : le personnage avoue (je cite de mémoire) qu'il vaut mieux être hypocrite dans le milieu de l'immobilier que dans celui du cinéma (coucou Léa), et qu'il en a marre d'être harcelé par les réalisateurs tyranniques (quel sens de l'auto-dérision !).

D'ailleurs, si on y fait bien attention, le film est constamment parcouru d'incises humoristiques (les grimaces des élèves pendant les cours, la sentence de la mère d'Adèle : "Les seuls peintres qui gagnent leur vie sont ceux qui sont morts") et surtout innervé par le second degré inhérent à la nature d'Adèle, qui en fait un personnage d'exception.

Quelle extraordinaire distance faut-il avoir pour proposer à Emma de la payer "en nature" lors de la scène du café, tout en corrigeant immédiatement la concupiscente proposition d'un "Je plaisante" qui laisse sur le visage de Léa Seydoux une ombre d'incrédulité stupéfaite ?!

Auparavant, Adèle aura bien pris soin de constamment désamorcer les situations triviales (les huitres et le sexe féminin, Bob Marley vs Sartre) d'une phrase signifiant qu'elle n'était pas dupe.

 

J'ai d'autres points de vue iconoclastes sur le film de Kechiche... que je garde pour commenter la parution du DVD !

 

4e

A voir aussi : La vie d'AdèleLa BD à l'origine du film : Le bleu est une couleur chaude / L'avis des blogueurs sur La vie d'Adèle / Le jour où j'ai vu La vie d'Adèle pour la deuxième fois

 

 

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La vie d'Adèle

 

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Plus qu'un film, une expérience

 

Ce qu'il y avait de curieux, en discutant avec les spectateurs qui avaient eu la chance de voir La vie d'Adèle à Cannes, c'est que pour beaucoup d'entre eux, la séance semblait avoir été une expérience physique. Les avis des personnes rencontrées étaient souvent ponctués d'expression comme "j'avais les jambes en coton", ou "le souffle coupé", "j'ai fini en larmes" ou "j'étais lessivé". Beaucoup ont eu l'impression de vivre une sorte d'aventure collective. Lors de la projection cannoise, des applaudissements nerveux en cours de film ont eu lieu, lors des scènes de sexe, sans qu'on sache exactement quel sentiment les déclenchait : embarras, émotion, ressentiment, admiration. Enfin, pour la quasi-totalité des spectateurs, le temps a semblé subir une brusque contraction, puisque beaucoup déclarent que les trois heures de projection leur ont paru durer moins de deux heures.

Si je commence mon article par ces observations, c'est qu'elles montrent l'emprise assez exceptionnelle que le film a sur l'esprit - et le corps - de ceux qui le regardent. Cette emprise vient d'un état de fait qu'on pourrait résumer ainsi : on n'a peut-être jamais montré avec autant d'empathie le sentiment amoureux, de sa naissance à son exaltation, puis à sa transformation en douleur. Kechiche réussit ce prodige en filmant ses deux actrices au plus près, et le jury mené par Spielberg a fait preuve d'un discernement remarquable en remettant la Palme à Kechiche et à ses deux actrices. La caméra ne quitte jamais vraiment les visages et les corps de Léa Seydoux et d'Adèle Exarchopoulos, elle réussit à capter leur moindre tressaillement, que ce dernier soit de douleur, de désir, de plaisir ou de dépit.  Ce travail de sismographie des émotions est formidable de minutie et de précision.

Le film n'élude pas les scènes de sexe, qui sont montrées d'une façon frontales, ni d'ailleurs, et c'est peut-être pour certains esthètes encore plus choquant, les réalités physiologiques. Ainsi, quand Adèle a de la morve au nez, personne ne lui essuie le visage.

Cette façon d'être au plus près des personnages procure au final un sentiment d'immersion totale. La vie d'Adèle, c'est un bain de 3D émotionnelle.

 

Le montage magique

 

Un des points qui me semble crucial dans le film, c'est la perfection du montage. On sait que Kechiche retournera peut-être en salle de montage pour retoucher le film avant sa sortie, mais j'espère que cela ne changera pas le rythme du film, qui est parfait.

Etirement des scènes-clés, plans larges comme des tableaux lorsque ceci est nécessaire, écoulement du temps suggéré par de subtiles variations (une coupe de cheveux, un changement infime dans le jeu) : Kechiche tire de ses centaines d'heures de rush une symphonie qui tantôt nous entraîne dans le tambour d'une essoreuse en fin de cycle, tantôt dans l'atmosphère languissante d'une errance nocturne.

Le montage de La vie d'Adèle magnifie l'histoire, et atténue le caractère réaliste du film, qui est loin d'être naturaliste. Même si le film dure trois heures, il choisit de ne montrer que ce qu'il montre, et il ne se disperse pas. Ainsi seront bien malheureux ceux qui tenteront de voir dans l'histoire d'amour entre ces deux femmes un manifeste pour le mariage gay. Le film ne traite pas du tout de l'homosexualité sous un angle social ou sociétal (ou très peu, seulement à travers la discrétion d'Adèle sur le sujet de sa relation à Emma, et de la réaction des lycéennes). Et d'ailleurs, comme trop peu de personnes l'ont signalé, le film ne tranche même pas sur la sexualité d'Adèle : elle aime Emma, c'est tout, et il se trouve qu'Emma est une femme.

 

Naissance d'une femme

 

Si le film parle d'amour, il décrit aussi le passage de l'enfance (premier plan dans lequel Adèle, les cheveux en bataille, mal fagottée, rejoint un bus scolaire) à l'âge adulte (dernier plan dans lequel elle s'éloigne vers son destin, venant de vivre un moment de souffrance définitive qui lui permettra - peut-être ? - de continuer à vivre), sur une durée d'une dizaine d'année.

 

On se prend alors à rêver d'une saga qui s'étendrait sur plusieurs films et constituerait ainsi une oeuvre gigantesque montrant une destinée unique dans la durée. Le fait que Kechiche ait adossé la mention Chapître 1 et 2 à son titre milite dans ce sens, puisque rien dans le film ne justifie cela.

La construction d'Adèle est sentimentale, sexuelle, mais elle aussi sociale - car c'est aspect n'est jamais absent des films de Kechiche. C'est d'ailleurs une des autres forces exceptionnelles du film : Adèle et Emma évoluent dans des milieux sociaux très différents : bourgeoisie bobo ouverte d'esprit pour Emma, milieu beaucoup plus modeste pour Adèle. Une scène, splendide, montre d'ailleurs Adèle préparer avec inquiétude le repas destiné aux invités d'Emma, reproduisant un type de schéma classique - dans un couple hétéro - d'aliénation aux tâches ménagères, vaisselle comprise. Et si la catastrophe arrive (je ne peux pas être trop explicite sans dévoiler l'intrigue du film), elle trouve entre autre ses racines dans cette différence de classe.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des choses, Adèle a choisi un métier symbolique dans le cinéma de Kechiche, attaché à la transmission du savoir : institutrice. Kechiche la montre dans l'exercice de son métier avec une délicatesse infinie. Cette dernière partie du film, qui entre en résonnance avec la première (les lycéens parlaient, merveilleusement bien d'ailleurs, de Marivaux), est baignée d'une atmosphère de tristesse nostalgique qui est presque insupportable de par son intensité.

 

La vie d'Adèle est une oeuvre qui touche chacun de nous parce qu'elle traite de ce qui nous unit tous : éprouver des sentiments, exister au monde, souffrir.

 

Et vivre quand même.

 

A voir aussi : La BD à l'origine du film : Le bleu est une couleur chaude / L'avis des blogueurs sur La vie d'Adèle / Le jour où j'ai vu La vie d'Adèle pour la deuxième fois / 4 choses que vous n'avez pas (ou peu) lu à propos de La vie d'Adèle

4e

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Le jour où j'ai vu La vie d'Adèle une deuxième fois

http://www.lefigaro.fr/medias/2013/05/23/PHOd52bc16c-c3b5-11e2-9579-4e91ebd92e2d-805x453.jpgLa chaleur tombait (enfin) sur Paris, ce dimanche 7 juillet, et la salle était évidemment archi-comble pour l'avant-première de la Palme d'Or, dans le cadre du Festival Paris Cinéma. Du beau monde au MK2 Bibliothèque pour l’occasion : Anne Hidalgo, Valérie Donzelli, Vincent Macaigne, Rossy di Palma (actrice culte d'Almodovar). Natacha Régnier était aussi dans la salle, parait-il.

Accompagné d'une brochette de blogueurs curieux, j'étais à vrai dire un peu inquiet : Allais-je être déçu par cette deuxième vision ? La magie physique de la première projection allait-elle se reproduire ? Ne suis-je pas allé un peu loin en désignant La vie d'Adèle meilleur film vu depuis que mon blog existe ?

Eh bien toutes ces questions ce sont volatilisées dès la scène de la première rencontre entre Adèle et Emma, qui survient après quelques minutes. J'ai alors compris quelque chose que j'allais vérifier pendant tout le film : la prestation d'Adèle Exarchopoulos est gigantesque. Son visage est un tableau qui peut changer d'expression en une fraction de seconde, son sens de la répartie est fracassant, son rire explosif, sa sensualité brute renversante. Jamais une actrice n’a donné autant dans un film, et n’a été aussi bien filmée. J'ai d'ailleurs eu plusieurs fois l'impression nette que Léa Seydoux tombait amoureuse de sa partenaire en même que nous, avec dans le regard des éclairs d'incrédulité admirative.

J'ai déjà évoqué plusieurs aspects du film dans mon premier article, que je vais compléter ici (attention, le texte qui suit révèle de nombreux éléments du film qu’il vaut mieux ne pas connaître avant de le voir).

 

Les structures temporelles du film

 

Connaissant déjà la progression de l'histoire, j’ai mieux perçu la structure du film, qui m’apparaît plus clairement partagé en deux parties. La première concerne le développement du sentiment amoureux entre Emma et Adèle jusqu’au climax des scènes de sexe. Cette partie donne l’impression d’être un torrent impétueux dans lequel les évènements s’enchaînent rapidement, à grand coup d’ellipse si nécessaire (cf la rupture express avec Thomas), même si en réalité le temps ne s’y écoule pas si vite que ça, puisque cette partie s’étire en temps réel sur plusieurs mois.

Plus le film avance, plus le temps s’écoulant entre deux scènes semble augmenter : quelques heures séparent les premières scènes au lycée, puis quelques jours (avant la première rencontre), puis quelques semaines (avant le passage à l’acte), et enfin quelques mois.

La scène du repas avec les amis d’Emma constitue à l’évidence le nœud du film. Il commence par des scènes de cuisine qui montrent l’isolement d’Adèle, puis donnent à voir de multiples occasions dans lesquelles Adèle est subtilement ostracisée, avant de fournir à Adèle comme à Emma l’occasion d’un flirt (avec l’acteur et avec Lise), et de se terminer dans le lit avec les premières importantes lézardes exprimées par Emma.

Commence alors le chapître 2, celui de la déliquescence, de la descente en enfer. La durée de temps réel s’allonge encore entre les scènes : de mois, on passe à des sauts équivalant probablement à des années, la totalité de l’histoire d’Adèle s’étendant approximativement sur une petite décennie (de la Première à Bac+7).

Je trouve que la force particulière du film réside en grande partie dans cette accélération continue du temps : le film monte en intensité jusqu'en haut d'une montagne émotionnelle, puis en redescend mélancoliquement, mais tout du long il donne littéralement à percevoir l’écoulement inéluctable du temps.

 

Les figures de style kechichiennes

 

Tout le monde se rendra facilement compte que La vie d’Adèle est un film constitué d’une très grande majorité de gros plans. En le revoyant, je me suis toutefois rendu compte que les plans larges avaient également leur importance, soit parce qu’ils donnaient à voir le fonctionnement d’un groupe dans son ensemble (la manif, les lycéens, les repas), soit parce qu’ils mettaient en évidence les situations dans lesquelles un personnage est seul à un moment décisif (Adèle assise dans l’escalier qui va se faire embrasser par sa copine de classe, le banc dans le parc, Adèle qui s’éloigne dans le dernier plan).

La mise en scène de Kechiche, loin de toute fioriture visant à flatter l’égo, est entièrement orientée vers un seul objectif : mettre à l’unisson les sentiments des personnages et les mouvements de la caméra (ou le cadre). A titre d’exemple, un plan magnifique : alors qu’elle vient de tenter d’embrasser sa copine dans les toilettes, Adèle est filmée par un long travelling arrière fiévreux et superbement maîtrisé dans un couloir de lycée. La totale confusion de ses émotions y est admirablement montrée, notamment par un mouvement vif et rapide vers ses copines qui l'interpellent sur la gauche.

Autre point que j’ai remarqué lors de cette vision, les éléments récurrents qui jalonnent l’histoire, souvent avec des implications radicalement différentes : les spaghettis (trois fois), Adèle qui danse (à son anniversaire, dans les manifs, lors du repas, dans la rue avec son futur amant, avec ses élèves), le regard vers le ciel (dans le parc, dans l’eau en faisant la planche), l’explication de texte en classe (au début et à la fin), les manifs de rue (de lycéens, puis la gay pride), etc. Le film, en même temps qu'il donne à voir la flèche du temps, s'amuse à construire des cycles de répétitions.

 

Romantiques / lyriques vs classiques / cyniques

 

Les quelques conversations amorcées à la fin de la projection avec les autres spectateurs laissent préfigurer ce que pourraient être les débats autour du film. Les romantiques, comme moi, donnent la primeur au souffle qui porte le film le bout en bout. Peu leur importe qu’Adèle ne nettoie pas son nez lors de la scène de rupture, mais ce détail permet à la revue Zinzolin (qu’on rangera sur ce coup dans les cyniques) d’ironiser par voie de tweet sur le vin blanc à la morve.

Adèle est-elle animale et magnétique (point de vue romantique) ou bovine (point de vue classique) ? La façon dont les deux familles sont montrées sont-elles réalistes : d’un point de vue romantique, oui, car le trait appuyé ne sert qu’à renforcer le rendu des sentiments, ce qui est parfaitement le cas dans les deux scènes de repas croisés dans les familles respectives, d’un point de vue classique, non, car les spaghettis ET Julien Lepers en bruit de fond pourront sembler redondants.

Lors de leur visite de la Piscine à Roubaix, les deux filles ne semblent regarder que des tableaux et statues de femmes nues : illustration de l'extrême tension sexuelle entre elles d'un point de vue romantique (la caméra ne montre que ça parce qu'elles mêmes ne voient que ça), effet de surlignage exagéré d'un point de vue classique / cynique.

 

En attendant la troisième

 

Il est désormais probable que je retournerai voir La vie d’Adèle une troisième fois en salle, tellement le film est autant une expérience physique (sentiment de moiteur, parfois d’oppression, perception sensible des réactions de ses voisins, durée dilatée) qu’une oeuvre cinématographique. On peut donc y retourner comme on retourne à la piscine ou au sauna.

 

Film monde, film manifeste, La vie d’Adèle constitue un sujet d’étude inépuisable.

 

A voir aussi : Mon avis sur La vie d'Adèle  / L'avis des blogueurs sur La vie d'Adèle / La BD à l'origine du film : Le bleu est une couleur chaude / 4 choses que vous n'avez pas (ou peu) lu à propos de La vie d'Adèle

 

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Le bleu est une couleur chaude : la BD à l'origine de La vie d'Adèle

http://www.slate.fr/sites/default/files/photos/planches.jpgPlusieurs polémiques ont accompagné la Palme d'Or. L'une d'entre elles concernait la prétendue amertume que Julie Maroh aurait exprimé sur son blog (lire l'article) à propos de l'adaptation qu'avait fait Kechiche de sa BD. Certains journalistes se sont fait un malin plaisir d'extraire quelques phrases du dernier paragraphe de ce texte, qu'il est facile de monter en épingle.

En réalité, Julie Maroh exprime en des termes plutôt mesurés des sentiments complexes, dont émerge entre autre la frustration d'écrivain la plus universellement partagée : celle de voir son oeuvre lui échapper. Elle conteste aussi le caractère réaliste des scènes de sexe, ce qui m'amuse un peu, tant à mes yeux d'hétéro les fameuses 7 minutes brûlantes du film me semblent très similaires aux pages 94 à 97 de la BD. Comme quoi, quand on ne connaît pas un sujet, on n'y voit que du feu. 

Au-delà de ces polémiques un peu vaines (au sens où il me semble que Kechiche comme Julie Maroh sont tous deux gagnants dans l'affaire, et c'est le principal), j'ai été curieux de me faire une idée par moi-même de la qualité intrinsèque du livre.

Le bleu est une couleur chaude est une très belle BD. Elle est traversée par un souffle romantique puissant et fortement évocateur. Le dessin est agréable, avec une utilisation astucieuse du bleu, même si le procédé peut paraître à force un peu facile. Les personnages sont très attachants. Celui de Clémentine (Adèle dans le film) est dessiné un peu dans un style manga, notamment dans l'exagération des mimiques (yeux écarquillés, bouche grande ouverte...).

Impossible pour moi, évidemment, de faire abstraction du film. Au petit jeu des comparaisons, il apparaît d'abord que dans sa première partie, le scénario suit scrupuleusement la BD, au point que celle-ci ressemble par moment au story board du film. Petit à petit le scénario s'éloigne toutefois assez franchement de la trame de la BD pour inventer de nouvelles strates, typiquement Kechichienne : un approfondissement de la description des milieux socio-professionnels, quasiment inexistant dans la BD, et des inserts nombreux sur l'éducation. Il me semble que certaines scènes cruciales de la deuxième partie du livre (comme la colère noire du père de Clémentine) ne sont pas reprises dans le film.

Plus le film avance et plus on quitte l'intrigue de la BD, à tel point que la fin est radicalement différente. Un autre point m'a intrigué : je trouve que Adèle Exarchopoulos campe un personnage complètement différent de Clémentine, alors que Léa Seydoux est une Emma assez ressemblante. Dans la BD, Clémentine est chétive, enfantine, maladive, beaucoup plus petite qu'Emma. Dans le film Adèle est une force de la nature, pleine d'une santé très terrienne, et plus grande qu'Emma.

Pour conclure, finissons par un lieu commun de première ampleur : le film est excellent, la BD est très bonne, chacun s'exprime superbement dans son media et les deux sont complémentaires. 

En contrepoint de cet avis, il faut signaler qu'une autre artiste est associée au film : la peintre Cécile Desserle qui raconte dans cet article sa collaboration avec Kechiche. Une relation qui débouche sur une autre dimension du film, picturale, absente de la BD, et qui laisse voir pour le coup une relation entre créateurs totalement apaisée.

 

Lire aussi sur le sujet : Mon avis sur La vie d'Adèle  / L'avis des blogueurs sur La vie d'Adèle / Le jour où j'ai vu La vie d'Adèle pour la deuxième fois / 4 choses que vous n'avez pas (ou peu) lu à propos de La vie d'Adèle

 

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