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Christoblog

12h08 à l'est de Bucarest

En dehors de toute actualité, je poursuis mon exploration du cinéma roumain contemporain.

Après les excellentes surprises de 4 mois, 3 semaines, 2 jours et de California Dreamin', voici un nouveau film phare en provenance de Bucarest, Caméra d'Or à Cannes.

Hélas, autant les plans séquences de la Palme d'Or m'ont renversé, autant les arabesques recherchés des films de Nemescu m'ont attiré, autant je suis resté de marbre devant 12h08.

Le pitch est pourtant rigolo : 16 ans après la révolution, un animateur radio anime une émission sur le sujet "La révolution a-t-elle eu lieu chez nous ?". Sous entendu : les gens ont-ils manifesté avant ou après la chute de Caucescu ? Avec témoins (pour la plupart grotesques) à l'appui.

Le problème est que Porumboiu ne semble pas savoir faire autre chose que des plans fixes très ennuyeux, ce qui devient lassant après trente minutes. La deuxième partie, qui est constituée de l'émission de radio proprement dite, est plus intéressante, mais que le film est poussif jusque là !

D'une certaine façon le film ressemble à ce qu'il dénonce : une farce en béton.

 

1e

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Accident

Louis Koo et Richie Ren. ARP Sélection

Oui, oui, oui.

Vous aimez l'ambiance de Hong Kong : ses venelles mal famées, ses quartiers résidentiels sous la pluie, son cinéma inventif et puissant : John Woo, Johnnie To, Tsui Hark. Oui ?

Vous aimez les intrigues retorses à la manière de Infernal Affairs, ou de Sixième Sens, ou de tous ces films où en un montage sec et rapide vous revoyez tout le film sous un angle différent. Oui ?

Vous aimez les scénarios originaux et intellectuellement jouissifs. Oui ?

Alors vous adorerez Accident.

Voilà le pitch et après jugez par vous-mêmes si vous voulez connaître la suite :

Un groupe de malfrats est payé pour commettre des meurtres qui ressemblent à des accidents (avec une mise en scène genre mission impossible). Un jour, un des membres du gang semble victime d'un ... accident. Un vrai ? un faux ? Si oui, perpétré par qui : un autre membre du gang, ou par un gang adverse, ou par une ex-victime, ou ... ?

Le scénario est tellement bon que je parie ma chemise qu'il fera l'objet d'un remake par Hollywwod dans les deux ans, exactement comme Scorsese a refait Infernal Affairs avec Les infiltrés.


3e
 

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Kaïro

Samedi 28 novembre 2009 à 17h, Kiyoshi Kurosawa était présent dans la salle du Cinématographe, à Nantes. Exactement deux rangs derrière moi, et pour la première fois, j'ai vu un réalisateur regarder son propre film, en ma présence. Brrr...ça fait bizarre.

Lors de sa rapide présentation, il a replacé Kaïro dans son contexte (le bug de l'an 2000, l'apogée des films de fantôme au Japon) en s'excusant presque d'avoir fait un film un peu confus et daté. Il s'est interrogé devant nous sur la façon dont le film avait traversé ces 8 années.

Ce qu'il y a bien avec les réalisateurs, c'est qu'ils sont plus intelligents que nous, les spectateurs. Donc rien à ajouter, le film est confus, on n'y comprend pas grand chose, sauf que le monde des âmes mortes est un peu trop rempli et déborde dans celui des vivants qui peu à peu se fait dévorer. C'est parfois abscons, souvent assez bien fait, quelquefois intellectuellement stimulant, et par éclair magistral. Il y a une Kurosawa's touch, sans conteste, mais qui n'est pas si facilement accessible.

Pour ma part, j'aime qu'il y ait un peu de logique, même dans les films de fantômes, ce qui n'est pas réellement le cas ici.

Meilleur que le surestimé Ring, toutefois.

 

2e

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In the loop

Régulièrement nous parviennent James Gandolfini. CTV Internationald'Angleterre des comédies déjantées et délicieuses. Cette fois-ci c'est dans la politique que nos amis anglais mettent le foutoir intégral. Nous sommes dans les jours qui précèdent le vote d'une résolution à l'ONU concernant une intervention militaire dans un pays du Moyen Orient, qui n'est pas cité...

Au programme côté britannique : un ministre gaffeur et lunaire, un assistant débutant et passablement médiocre (en plus d'être adultère), un responsable politique (chef du cabinet du premier ministre ?) qui sort plus 10 insultes menaçantes par seconde, un ministre des affaires étrangères couard qui écoute du Debussy à fond, un écossais porte-parole hyper-violent, etc...

Côté US : James Gandolfini (ex Tony Soprano) excellent en militaire blasé, une secrétaire d'état qui saigne des dents, un faucon manipulateur et détestable, une assistante un peu niaise, un jeune carriériste dont les dents raclent le plancher. Un peu moins ridicule que le côté anglais, mais tout aussi dangereux, vulgaire, cupide, et irresponsable.

Le tout est mené à fond de train, on sourit souvent, on éclate de rire de temps en temps. C'est un mélange de The Office avec A la maison blanche, le tout sous amphétamine.

Un super bon moment, le film à voir en ce moment.

 

3e

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Rapt

Stanislas Graff, capitaine d’'industrie, est enlevé par des malfrats qui veulent une rançon. Il voit sa vie privée dévoilée (maîtresses, pertes au poker). Les tractations entre famille, police, et kidnappeurs ne se passent pas très bien. Le retour sera dur….

 

Rapt s’inspire (beaucoup) de l’'enlèvement du baron Empain, j’'ai pu le vérifier en parcourant un résumé de l’'affaire dans Wikipedia. Une variante (de taille) tout de même, dans la vraie vie tous les malfaiteurs ont été arrêtés.

 

Mon avis est mitigé. Dans les points positifs, Lucas Belvaux s’'affirme comme un réalisateur très élégant, faisant bouger sa caméra avec une belle fluidité, possédant un réel sens du rythme et des facilités évidentes pour filmer les lieux. Le personnage que joue Yvan Attal est hors norme - bien que je ne sois pas convaincu à 100 % par sa prestation -  et le scénario est assez bien construit.

 

J’'ai eu par contre un peu de mal avec le jeu d’'Anne Consigny et de certains seconds rôles (surtout dans l'entreprise), que j'’ai trouvé un peu compassés.

 

Certaines invraisemblances m'ont aussi dérangé, par exemple la capacité d'écrire des lettres d'une page en 5 secondes. Le film me paraît déséquilibré entre la partie concernant la captivité (assez longue et classique) et celle se déroulant après son retour, plus courte, mais bien plus intéressante.

 

Cette dernière aurait méritée d'être développée. Dans la vraie vie, le baron Empain est parti aux US en sac à dos et a refait sa vie : ça aurait eu de la gueule. Belvaux peut mieux faire.

 

2e

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A l'origine

Il arrive que des acteurs portent un film d'un bout à l'autre. Dans A l'origine, c'est exactement l'inverse : François Cluzet saborde le film du début à la fin.

Le film est basé sur des faits réels : un escroc fait croire à toute une région qu'une autoroute abandonnée va bientôt être remise en construction. Il prend la tête du chantier et construit effectivement un bout d'autoroute, égrenant au passage fausses factures et chèques en bois.

Des faits réels qui deviennent non crédibles : Cluzet l'a fait ! Il commence par une heure de non jeu. C'est assez simple : il s'agit, quoiqu'il arrive (par exemple Emmanuelle Devos a envie de faire l'amour avec vous) d'afficher un masque impassible et buté, en prononçant le moins de paroles possible.

Comment un escroc peut il être escroc sans être un tout petit peu comédien ? On ne le saura pas (des images de Catch me if you can me traverse l'esprit, là au moins on y croyait). Dans un deuxième temps, il s'agit de faire croire que l'on croit aux sentiments, à la solidarité, etc... Solution de Cluzet : sourire à chaque plan (mais là Emmanuelle Devos s'en va, et on la comprend). C'est binaire, et on ne peut simplement pas y croire.

C'est d'autant plus dommage que le scénario en lui-même tenait la route et que les autres acteurs sont bons : Vincent Rottiers, dont on n'a pas fini de parler, Emmanuelle Devos (Ah...). La fin du film est affligeante et sombre dans le pathétique franchouillard : visite improbable au siège de la société (comment peut il entrer et sortir en vêtement de chantier d'un immeuble de la Défense ?), accident de pelleteuse. Même un apprenti scénariste n'aurait pas transformé de petites ficelles en si grosses cordes.

Les dernières images sont pitoyables, on a même peine à en parler : Cluzet court au lever du soleil en brandissant son drapeau de fausse société comme à la guerre (la fameuse photo sur la guerre du Pacifique utilisée par Eastwood) , alors qu'une escouade d'opérette gendarmesque le poursuit (tout en le croisant !).

Du grand n'importe quoi.

 

1e

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Ghost dog

Le cinéma, c'est comme la cuisine : les bons ingrédients ne font pas forcément les meilleurs plats.

Exemple. Jarmusch est un réalisateur solide, RZA arrive à installer une bande son à tendance rap / trip hop assez plaisante, Whitaker est plein d'humanité, le contraste philosophie asiatique / clan mafieux décrépit / culture black pourrait être (d)étonnant, les scènes d'action sont bien tournées, il y a dans le film ces petites pincées de poésie qui pourraient le faire s'envoler (les pigeons, le bateau sur le toit, le Français du marchand de glace) : voilà, tout y est, mais la sauce ne prend pas, à cause notamment de quelques longueurs, quelques lourdeurs.

Mystère de la tambouille cinématographique.

2e

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Red road

Les mots manquent pour parler d'un film tel que Red Road, tant la décharge émotionnelle qu'il procure est forte.

Ceux qui ont été ébloui par le deuxième film d'Andrea Arnold (Fish Tank) le seront aussi par le premier, même si Red Road est plus sombre, plus désespéré, et moins facilement accessible que Fish Tank.

Pendant la première heure du film, on suit Jackie, un peu paumée, employée dans une société de vidéo surveillance. Jackie regarde la vie des rues de Glasgow à travers ses caméras urbaines .

Elle semble particulièrement s'intéresser à un homme, qu'elle n'a pas l'air de connaître. Elle va même passer "de l'autre côté du miroir" en rencontrant cet homme. Pourquoi ?

Dans la dernière demi-heure du film, le scénario va s'épanouir comme une fleur carnivore malfaisante et la réalité - mortifère, belle, insupportable - va exploser comme une bombe à retardement.

La mise en scène est déjà exceptionnelle : méticuleuse et parfaitement travaillée, et en même temps traversée par une sensibilité et une sensualité remarquables. Des situations triviales, sublimées par la grâce de la caméra.

Deux films, deux réussites majeures. Qui dit mieux ?

 

4e

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A propos d'Elly

Golshifteh Farahani. Memento Films DistributionA propos d'Elly est un film iranien ... qui n'a rien d'iranien. Je veux dire par là qu'il ne faut pas y chercher de messages politiques, de relations directes à l'actualité du pays, ni de filiation avec les pointures locales, comme Kiarostami.

Le début ressemble à n'importe quel film présentant plusieurs couples jeunes et leurs enfants partant en week-end : pique-nique improvisé, chacun joue un rôle, on sent vaguement que les relations entre les uns et les autres ne sont pas aussi simples que ça. Arrivée dans une maison déserte près de la mer Caspienne. On comprend qu'Elly a été invitée pour rencontrer Ahmad, jeune divorcé de retour d'Allemagne, et qui cherche une femme.

Les premières impressions que laissent le film sont très bonnes et seront confirmées par la suite : montage vif, mise en scène inspirée, scénario original et subtil, acteurs fournissant une remarquable prestation collective.

Puis, très vite : un drame. Un enfant manque de se noyer. Elly disparait. S'est elle noyée ? Est elle partie ? Pourquoi la mer ne rejette-t 'elle pas son corps ? Qui est-elle ? Qui est sa famille ? Ou est son sac à main ? Quelqu'un dans le groupe en sait il plus que les autres ? Qui est cet homme se prétendant son frère alors qu'elle est fille unique ? Toute la deuxième partie du film déroule un canevas subtil, et assez machiavélique pour nous tenir en haleine.

La façon dont chaque personnage évolue est montrée avec une grande finesse psychologique, les rapports hommes / femmes dans la société iranienne contemporaine sont en particulier superbement illustrés.

Un film palpitant, passionnant à bien des égards, qui mérite son ours d'argent à Berlin.

 

3e

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Marinela de la P7

Vertige d'être le premier (et le seul) à laisser une note sur Allocine à ce film !

Comme expliqué dans mon article sur California Dreamin', ce moyen métrage (45 mn) est offert dans l'édition DVD du film. Encore plus que California Dreamin' ce court format fait regretter la disparition de Cristian Nemescu. Marinela est un bijou : à la fois tableau de moeurs, drame shakespearien, fable sur l'adolescence, reportage sur Bucarest. La mise en scène est inventive, pleine de personnalité.

Le film rappelle, par son format et sa densité, le Décalogue de Kieslowski. Par curiosité, on peut noter les tics ou les thèmes qu'on retrouvera dans California : le saignement de nez, les perturbations du réseau électrique, le faux Elvis.

Nemescu s'annonçait vraiment comme un très grand réalisateur.


3e
 

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Sin nombre

Guillermo Villegas et Paulina Gaitan. Diaphana FilmsCurieusement le film commence par une scène qui renvoie par son sujet à la dernière de La vida loca : l'initiation d'un jeune enfant au sein d'une mara.

Je ne sais si c'est la comparaison avec le documentaire très fort de Christian Poveda, mais ce film américo-mexicain tourné à l'américaine m'a laissé assez froid, même s'il fait une preuve d'une efficacité narrative indiscutable.

Il parait plus long qu'il n'est, et si sa mise en scène est bien léchée, les ressorts mélodramatiques sont un peu trop gros pour emporter l'adhésion.
 
Pour ceux qui n'ont pas pu voir La vida loca, le film donne un aperçu de la violence qui règne dans ses gangs appelés mara, mais ne montre quasiment pas à quel point la mara est une micro société en soi.

A voir éventuellement.

 

2e

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California dreamin'

Razvan Vasilescu. Temple FilmChristian Nemescu était un des réalisateurs les plus prometteurs du nouveau cinéma roumain, aux côtés de Christian Mungiu (4 mois, 3 semaines, 2 jours), Corneliu Porumbiu (20h08 à l'est de Bucarest) et Cristi Puiu (La mort de Dante Lazarescu). Il s'est malheureusement tué dans un accident de voiture en compagnie de son ingénieur du son, le 24 août 2006. Il était en train de finaliser le montage de California Dreamin'.

C'est donc un film inachevé que l'on peut voir aujourd'hui. Il faut supposer qu'au final le film aurait été un petit peu plus ramassé, les 2h35 actuelles donnant par moment un sentiment de dilution.

Le prétexte du film est assez curieux, bien que tiré d'une histoire vraie : un convoi américain transportant du matériel de communication vers le Kosovo en 1999 est stoppé par un chef de gare mauvais coucheur et borné. Les américains sont bloqués pendant 5 jours dans ce petit village roumain.

Un peu comme dans La visite de la Fanfare on assiste à l'intégration progressive d'un corps étranger dans un milieu qui n'est pas préparé à cette intrusion. Des relations interpersonnelles (amour, haine, curiosité, envie) vont se nouer entre les membres des deux groupes, et ces relations vont révéler les fractures profondes qui courent dans la micro-société du village (jalousie, haine, lutte de pouvoir, volonté de s'échapper).

Parfois presque burlesque, le film est habile, par moment brillant et servi par des acteurs remarquables : le chef de gare (Razvan Vasilescu, sorte de Marielle roumain, voir photo), et un vrai acteur hollywoodien dans le rôle du capitaine américain (Armand Assante).

Le film fut très bien accueilli, à titre posthume, à Cannes 2007. L'édition DVD permet de voir également le moyen métrage réalisé précédemment par Cristian Nemescu : Marinela de la P7, qui avait révélé Nemescu dans de nombreux festivals. L'histoire est celle d'un jeune garçon de 13 ans qui décide de voler un trolleybus pour impressionner une prostituée dont il est tombé amoureux.

 

2e

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Le ruban blanc

Si Haneke n'était pas l'ami (le mentor ?) d'Isabelle Huppert, présidente du jury, est-ce que son pensum aurait décroché la Palme d'Or ?

Non, bien sûr. Un prophète et Fish tank le surpassent à l'évidence.

Allez, je ne vais pas faire durer cette critique plus qu'il ne faut : le postulat de base est intellectuellement fort discutable. Haneke laisse penser (et les journalistes avec lui, qu'il ne contredit pas) que des mauvais traitements dans l'enfance engendrent forcément des comportements de type sadique à l'âge adulte. Quelle simplification idiote ! Si tel était le cas, la moitié de l'Europe aurait sombré dans le fascisme tous les vingt ans ces cinq derniers siècles, chaque génération devenant le bourreau de la suivante. Et à l'inverse, les assassins du Rwanda ou du Cambodge n'ont pas eu à subir à ce que je sache les tourments d'une éducation religieuse rigoriste !

En ce qui concerne le film lui-même :
- Points forts : des acteurs très bons, un noir et blanc magnifique (à tel point que par moment je me suis surpris à penser "mais à quoi sert la couleur ?")
- Points faibles : le reste. Un scénario ouvert qui laisse le spectateur sur sa faim, une mise en scène chichiteuse (laisser la caméra à un endroit fixe en laissant les personnages passer hors champ doit faire chic aux yeux de Haneke, car il le fait plusieurs fois, le temps de prendre un café peut-être), un montage indolent

Bref, à voir si vous ne voulez pas rater la Palme. Sinon, passez votre chemin.

 

2e

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Fish tank

Le premier plan de Fish tank est déjà un bijou. Katie Jarvies est essouflée, elle vient de danser le hip hop dans un squat. C'est un plan fixe, en plongée, superbe
 
Suit une première partie qui expose le cadre de l'intrigue : paysages urbains de banlieue, insultes et violences, misère affective et sexuelle. Mia a 15 ans, elle n'aime personne et personne ne l'aime, même pas sa mère, ni sa petite soeur.
Elle ne va plus en classe et doit être prochainement placée dans un centre spécialisé. Elles est le poisson rouge qui tourne dans son bocal. Seule la danse semble donner un sens à sa vie.

Puis sa mère ramène à la maison un amant charismatique, Connor (Michael Fassbender, encore excellent), qui va bouleverser le train train quotidien de la mère et des deux filles.

Le scénario de Fish tank commence comme du Mike Leigh pour évoluer vers une intrigue à la fois fine et perverse. Les pistes narratives ouvertes en début de film (le gitan et son cheval, l'audition, le placement en centre) se bouclent progressivement avec élégance. Le sujet principal du film, l'éducation sentimentale et sensuelle de Mia, se développe dans une direction tout à fait inattendue et évite les lieux communs (comme le basculement dans le mélo) avec brio.

Katie Jarvis est une boule de volonté et de sensibilité, elle est bouleversante, exceptionnelle. Elle ne danse pas si bien que ça, mais quand elle le fait c'est avec une telle détermination qu'on ne peut s'empêcher d'être touché. Fassbender dégage une aura similaire à celle d'un Viggo Mortensen dans les films de Cronenberg, ou d'un Joaquin Phoenix.

La mise en scène est extraordinaire. D'une sensualité, d'une élégance qui fait de Andrea Arnold le pendant féminin d'un James Gray. Elle réussit à rendre sensible la beauté de la nature (un vol d'oiseau, un ciel d'orage, une libellule) comme celle de la ville (une barre d'immeuble, des camions nacelles, des poteaux électriques) avec la même virtuosité. Le jeu des focales, des profondeurs de champ, les légers ralentis, les angles de prises de vue inattendus restituent les sentiments de Mia à la perfection.

L'art du montage y est aussi totalement maîtrisé, témoin cette scène superbe dans la maison de Connor, au moment où Mia réalise quelle est la vraie vie de Connor : on croirait du Hitchcock.

Un deuxième film seulement, et déjà un chef d'oeuvre : Andrea Arnold prend rendez-vous.

 

4e

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Good morning England

Nick Frost. StudioCanalPas d'analyse psychologique ou sociologique poussée dans Good morning England.

Simplement une comédie où chaque personnage est ultra-typé, ou les situations sont poussées à leur extrême sur un mode cartoonesque. Les méchants, ridicules et engoncés dans leurs conventions grisâtres d'un côté. Les gentils, ne vivant que pour le sexe, le fun et le rock de l'autre, risquant quelquefois jusqu'à leur vie sans qu'on croie un seul instant qu'il puisse leur arriver quelque chose de grave.

La libération que représentait le rock à l'époque est illustrée par une série de vignettes qui rythment le film et montrent le lien assez magique qui unit le DJ et ses auditeurs - sujet commun avec ... Good morning Vietnam.

Pour effectuer autant de pirouettes sans tomber dans le ridicule, il fallait une brochette d'acteurs déjantés et crédibles à la fois, dont Philip Seymour Hoffman émerge, sidérant par sa capacité à changer radicalement de peau de film en film.

Pas un mauvais moment, avec une bande-son évidemment excellente.

2e

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Battlestar Galactica

Mary McDonnell, Michael Hogan, Jamie Bamber, James Callis, Tricia Helfer, Katee Sackhoff, Michael Trucco, Aaron Douglas, Grace Park, Tahmoh Penikett & Edward James Olmos. NBC Universal

Comment inciter quelqu'un qui n'aime pas la science fiction à se lancer dans l'aventure du Battlestar Galactica, comme je viens de le faire, en dévorant dans la foulée les 4 saisons et le stand-alone Razor ?

En soulignant d'abord que la série brasse des sujets bien éloignés de la science-fiction habituelle. Ici très peu de combats spatiaux par exemple. Les rares vaisseaux de guerre que vous verrez sont plus souvent en phase d'entraînement qu'en phase de combat. Rien à voir avec Star Trek et Star Wars, donc. Pas d'aliens non plus, ni de paradoxe temporel. Battlestar Galactica est autant une série de SF que Hamlet est une pièce sur le royaume du Danemark.

Un thème cher à la SF constitue tout de même une thématique de la série : celui des robots. L'histoire débute juste après la destruction presque totale de l'humanité par les Cylons, robots conçus par cette même humanité. Les Cylons (ceux qui nous intéressent) se distinguent des Centurions (métalliques et conformes à l'image traditionnelle du robot) par une caractéristique tout à fait extraordinaire : on ne peut quasiment pas les distinguer des êtres humains, et ils peuvent se répliquer à l'infini, atteignant ainsi une sorte d'immortalité.

Un des principaux intérêts de la série réside dans cette interrogation latente, qui soutient un mystère remarquable jusqu'au tout derniers épisodes de la dernière saison : parmi les héros de la série qui est vraiment humain ? qui est Cylon ?

Evidemment les Cylons, qui s'avèrent être des ennemis incompréhensibles au tout début de la série, vont petit à petit être découverts par les humains.

Leurs secrets vont tomber, leur unité s'effriter, et certain(e)s s'uniront aux humains.

La réussite majeure de la série réside dans l'équilibre quasi parfait qu'elle arrive à maintenir entre le plaisir du mystère et de l'aventure (les Cylons comme les humains parcourent le cosmos à la recherche de la Terre) et les délices de la spéculation métaphysique et politique. La série a de ce point de vue l'immense mérite de ne pas reculer devant les questions complexes : l'immortalité, l'altérité, le racisme, l'amour, la trahison, la révolution (peut on tuer pour une cause juste ?), les alliances politiques, la religion (les Cylons sont monothéistes et les humains polythéistes), les regrets, la maladie, etc...

On a souvent comparé Battlestar à un A la Maison Blanche (The West Wing) de l'espace, de par la complexité des thèmes abordés. C'est en grande partie justifié et les images du camp de la saison 3 rappellent sans conteste des camps contemporains (à Gaza par exemple). L'ombre projetée du 11 septembre est également bien présente.

Si l'édifice improbable de la série - dont l'esthétique un peu ringarde peut rebuter et qui est en fait un remake d'une série mineure des années 70 - tient debout, c'est surtout grâce à une distribution exceptionnelle. L'amiral Adama (incarné par le charismatique James Edward Olmos), roc dans les tempêtes, est le symbole du pouvoir militaire. Son second alcoolique, Saul Tigh, et sa femme Ellen vont jouer un rôle majeur dans le développement de l'intrigue. La présidente Laura Roslin, institutrice projetée Présidente suite à l'apocalypse, va lutter à la fois contre ses ennemis et son cancer avec un courage et une habileté remarquables. Tom Zarek est un leader politique révolutionnaire qui finira par sombrer dans les dérives extrémistes. Gaïus Baltar est le personnage le plus ambigu de la série, complexe, lâche, narcissique (exceptionnel James Callis). Ces personnages principaux sont entourés d'un multitude d'autres personnages qui auront, à un moment ou à un autre, un rôle à jouer dans la série (Lee Adama, Kara Thrace, Lieutenant Gaeta, Numéro 6, Sam, etc....).

La saga n'est peut-être pas tout à fait terminée puisque Bryan Singer (Usual Suspects) pourrait être aux commandes d'un film consacré à BSG, et qu'une série prequel (Caprica) arrive sur les écran américains en janvier 2010.

Un souffle de mystère et d'aventure qui balaye tous les épisodes, des thématiques riches et complexes, des personnages attachants et dont la personnalité évolue tout au long des quatre saisons : BSG place l'art de la série au plus haut niveau. Et comme souvent pour les toutes meilleures production de ce type, elle sait se terminer au bon moment, après 4 saisons denses et très différentes, par un final éblouissant.

So say we all.

 

4e

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Le petit Nicolas

Valérie Lemercier et Kad Merad. Wild Bunch DistributionLe petit Nicolas pouvait échouer de bien des façons. En étant trop respectueux de son modèle, en tentant une reconstitution poussiéreuse de l'époque, ou en en essayant d'inventer un style fait de bric et de broc (comme le calamiteux Lucky Luke, à ne pas voir).

Le film échappe à tous ces pièges de brillante façon. Le scénario, qui entremêle les histoires, tient debout.
Le casting est réellement épatant. Kad Merad et Valérie Lemercier sont très bien tous les deux, les enfants aussi. Sandrine Kiberlain trouve (enfin ?) un rôle qui lui va comme un gant. Les seconds rôles sont parfaits.

Mais ce qui fait la réussite du film c'est sûrement la patte d'Alain Chabat dans le scénario et les dialogues : il n'y a vraiment que lui pour retranscrire à l'écran la concision, la verve et le second degré de Goscinny. L'idée de faire figurer l'espace d'un plan Gérard Jugnot en chef de chorale doit être de lui, par exemple.

Le film pourra être jugé un peu trop sage par certains, mais je trouve pour ma part qu'il trouve son équilibre entre émotion, inventions visuelles, comédie et tableau de moeurs. Avec en plus un générique magnifique et un pré-générique particulièrement réussis.

Un excellent divertissement pour ceux qui ont des enfants en âge de lire les histoires de Sempé et Goscinny, qui change agréablement des dessins animés habituels. 

 

3e

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La vida loca

Christian Poveda, le réalisateur de La vida loca, a été tué de plusieurs balles dans la tête début septembre au Salvador. Il avait 54 ans, était fin connaisseur de l'Amérique Latine.

Cela faisait des années qu'il travaillait à son documentaire sur les gangs du Salvador (les "maras"), dont les membres sont outrageusement tatoués.

C'est donc en quelque sorte en sa mémoire que j'ai été voir le film, et évidemment, il m'est difficile d'en parler sans prendre en compte sa tragique disparition.

Des cadavres, il y en a dans le film. Des vrais, hommes, femmes, ados. Filmés dans la rue comme on les trouvent après la fusillade, en train d'être empaquetés dans de vulgaires sacs poubelles, à la morgue, dans des cercueils. Le film est d'abord un coup de poing qu'il faut accepter. Un projectile extrait de l'oeil crevé d'une femme, les larmes d'une autre femme qui apprend en direct la mort de son mec, la douleur d'une mère lors d'un enterrement, des blessures montrées en gros plan. Toute cette mort, cette chair, cette souffrance est filmée de front, sans perspective, sans commentaire. C'est assez déstabilisant.

Puis petit à petit des histoires se dessinent : une jeune Ciné Classicfemme accouche et explore le mystère de sa propre naissance, un jeune homme est interné et se convertit au christianisme sous la pression d'évangélisateurs américains, une organisation humanitaire tente de réinsérer les membres du gang.
Des thématiques émergent aussi. Le gang comme début et comme fin de tout, comme religion, comme ultime lieu de solidarité et de réalisation de soi.
La brièveté de la vie y est aussi palpable, avec son aspect dérisoire, fatal, absurde (à aucun moment nous ne voyons les ennemis des bandes rivales). Le destin de l'un des personnages principaux va nous le faire sentir brutalement.

Finalement le film révèle de l'intérieur une société autonome, dont les valeurs et la morale sont auto-porteuses, et sur laquelle la société "extérieure" n'a que peu de prise. Par un tour de force qui montre l'intensité du film, les juges et policiers finissent par paraître anormaux, étranges. Nous sommes finalement devenus au fil des images des membres de la 18 : la dernière scène montre une intronisation pour le moins brutale.

Qui est peut-être la nôtre.

 

3e

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Mary and Max

Gaumont DistributionMary and Max est un objet cinématographique assez inhabituel. Sorte de Wallace et Gromit sous Lexomyl.

Voici l'intrigue : une jeune australienne, dont le père est taxidermiste de chats estropiés (pour ses loisirs, mieux vaut taire son travail) et la mère alcoolique et kleptomane (entre autre), est laide, solitaire, mal aimée. Elle écrit à un certain Max Horowitz, juif athée de New York, un peu par hasard.

Va s'en suivre une vie de correspondance, avec son lot de drames, de bonheur, de rebondissements. Max est obèse et atteint d'une maladie appelée le syndrome d'Asperger (ça existe, j'ai cherché sur Google), quelque chose dans le spectre de l'autisme. Il sera donc question de psy, d'électrochocs, de thérapies, de numéros de lotos gagnants et de poissons rouges.
Les passages en Australie sont marrons, ceux à New York gris. Tous cela est éminemment macabre (il y a beaucoup de morts), passablement anxyogène, et malgré tout curieusement léger.

On imagine le réalisateur, Adam Elliot, dont c'est le premier long métrage, ayant mûrement et longuement réfléchi son projet. Au final les trouvailles sont multiples, quelquefois très bien vues, mais leur énumération peut tourner au catalogue.

Il manque un je ne sais quoi pour que le film emporte définitivement l'adhésion : un surcroît de noirceur, une spontanéité plus libérée.

 

2e

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Harvey Milk

James Franco et Sean Penn. SND L'ayant raté à sa sortie en salle, je récupère le coup en DVD.

Autant le dire tout le suite le film tient debout grâce à l'interprétation absolument exceptionnelle de Sean Penn.

 

Dégageant une énergie phénoménale, une conscience de soi et de son avenir d'une profondeur vertigineuse, Penn réussit à nous faire aimer et admirer son personnage. Il parcourt les différents registres (politicien avisé, fofolle amoureuse, leader charismatique et courageux) avec une facilité incroyable. Les autres acteurs sont au diapason, tous touchant et convainquant, avec une mention spéciale pour les deux mecs de Harvey.

L'aspect documentaire du film est très intéressant aussi, il permet de voir fonctionner ce qu'est finalement le coeur de la démocratie américaine. La mise en scène de Van Sant est très neutre, sans aucun des effets appuyés de ses films précédents, sauf quelques ralentis. L'utilisation de vraies fausses images d'archives est assez bien vues. A certains moments un très beau plan nous rappelle que le réalisateur n'est pas n'importe qui, je pense par exemple aux reflets dans le sifflet tombé à terre. Plus qu'au niveau de la mise en scène c'est dans la thématique du destin en marche et de la mort annoncée qu'on retrouve le style Van Sant.

Enfin, l'histoire d'amour qui court tout le long du film (cf photo ci-dessus) est assez belle et touchante, il n'est pas si courant de voir des relations amoureuses gay - pas seulement sexuelles - aussi bien montrées.
Un film intéressant, même s'il manque peut-être un peu de rythme.  

 

3e

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