Une séparation
Une séparation est impeccable et magistral.
Quelque soit l'angle sous lequel vous le considérez, il brille d'un éclat unique.
Prenons par exemple le scénario. Je n'ai pas vu une telle qualité et une telle intelligence depuis ... Rashomon ? La comtesse aux pieds nus ? Le film, après un démarrage curieux, un peu froid et en même temps brillant, devient à partir du début du conflit une extraordinaire machine a vous faire reconsidérer vos opinions. Le moindre petit évènement (un coup de fil passé, la position qu'occupait un personnage dans une pièce) prend une importance capitale. C'est racé, nerveux, méticuleux.
Considérons les acteurs. Qu'ils (et elles) aient décroché collectivement les prix d'interprétation à Berlin, en plus de l'Ours d'Or (un cas à ma connaissance unique dans l'histoire des grands festivals) n'est que justice. Ils jouent comme des instrumentistes virtuoses dans un grand orchestre : chacun exécute parfaitement son rôle. Bien entendu les deux couples principaux sont parfaits, mais la jeune fille est émouvante, la petite fille bouleversante, le grand-père apporte un poids presque magique à la situation, le juge est redoutable. J'ai été plusieurs fois étourdi par l'extrême qualité de l'interaction entre les personnages et par la finesse de leur jeu. Ils réalisent une performance collective admirable.
Quand aux différents niveaux de lecture du film, c'est le point qui en fait pour moi un réel chef-d'oeuvre. A la fois chronique sociale sur la vie d'aujourd'hui en Iran, drame sentimental, tragédie grecque, procedural, conte moral, exploration philosophique (où est la vérité, qu'est-ce que la responsabilité, l'amour ?), thriller psychologique et enfin film politique, au plus beau sens du terme, qui donne à voir ce qu'est le rapport de classes.
Le film est un bijou conceptuel, éthique et esthétique. Asghar Farhadi semble touché par la grâce et manie sa caméra sans ostentation, mais avec une précision chirurgicale et des idées brillantes (le générique de début à la photocopieuse, la première scène ou le spectateur tient la place du juge, les jeux de reflets durant tout le film).
Vous l'avez compris, vous n'avez pas le droit de ne pas aller voir ce film, il en va de l'honneur de notre pays de cinéphilie de lui réserver un triomphe !
Voir mon complément d'analyse : Le vide avec un film autour
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