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Christoblog

Articles avec #swann arlaud

Anatomie d'une chute

De ce long film dense et puissant, on se demande ce qui mérite d'être mis en avant tant tout y semble parfait.

L'écriture d'abord est merveilleuse. On ne s'y ennuie pas une minute, tout y est savamment pesé. Anatomie d'une chute est d'une finesse ahurissante en terme de progression dramatique et de tension psychologique.

Les acteurs y sont splendides, Sandra Huller en tête, qui joue d'une façon vertigineuse une femme dont on ne sait trop quoi penser : autrice géniale unie à un mari médiocre ou monstre pervers et froid ? Le casting est tout simplement parfait.

La mise en scène au sens large (direction artistique, image, direction d'acteur) accompagne tout cela de main de maître : de la promenade inaugurale du chien dans la neige au huis clos étouffant du procès, en passant par la scène magnifique de la dispute revécue, tout est d'une limpide efficacité.

Comme dans tout bon film de procès, on passe d'une conviction à l'autre, au gré des prestations d'experts qui assènent avec la même conviction des évidences contradictoires.

Thriller psychologique hors norme et réflexion sociologique sur les rapports homme/femme au sein du couple, Anatomie du chute est une Palme d'Or enthousiasmante, tectonique des égos filmée de main de maître(sse).

Justine Triet sur Christoblog : La bataille de Solférino - 2013 (***) / Victoria - 2016 (**) / Sibyl - 2019 (**)

 

4e

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Perdrix

Le premier film d'Erwan Le Duc est un objet filmique non identifié, qui se situe quelque part entre un Wes Anderson vosgien et un Roy Andersson rural, assemblage hétéroclite et pas toujours absolument convaincant d'humour décalé et de comédie romantique au xième degré.

Pour ma part j'ai beaucoup apprécié les scènes abracadabrantes de psychanalyse collective du chef et de terroristes nudistes. La mélancolie triste du film (finalement tout le monde est seul dans cette famille) a quelque chose de profondément séduisant, quand elle s'associe au burlesque à la Tati de certaines scènes (la priorité à droite pour le char, les étagères qui s'écroulent, etc).

Perdrix, au-delà de ses qualités de fond, ne néglige pas les morceaux de bravoures gratuits (le lac, la descente en VTT, la reconstitution de guerre, la fête en boîte), qui lui permettent d'être un spectacle total : fantaisie colorée et déjantée, non dénuée de fond romantique.

Pour l'apprécier, il faudra un esprit léger, libéré de tout a priori.

 

3e

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Grâce à Dieu

En choisissant de s'attacher au cheminement personnel de trois des victimes du père Preynat, plutôt qu'à l'enquête en elle-même, François Ozon réussit un coup de maître.

Son film évite en effet du coup le piège du film-dossier et celui du film à charge : Grâce à Dieu est avant tout le portrait sensible de trois personnalités fort dissemblables qui vont devoir lutter contre le même démon, avec des armes bien différentes, mais une pugnacité équivalente.

Le spectateur est plus d'une fois submergé par l'émotion durant ce film. Le scénario à la fois fin et détaillé, la mise en scène sobre et prenante : tout concourt à nous prendre à la gorge, au coeur, et aux tripes.

Mais le plus remarquable dans ce très beau film, c'est la prestation des trois acteurs principaux. Melvil Poupaud, en fervent catholique tenace et un peu naïf, est comme d'habitude parfait. Denis Ménochet trouve dans ce film un rôle qui lui convient à merveille : athée gouailleur et gentiment éruptif, il a un petit quelque chose de Depardieu. Quant à Swann Arlaud, il livre une prestation exceptionnelle, donnant ici le meilleur de lui-même : sensible, écorché et fragile.

Le film est un miracle : il parvient à émouvoir constamment sans accabler les bourreaux, qui paraissent au final faibles et ridicules. 

Le meilleur film d'Ozon, et probablement un des meilleurs films français de 2019.

 

4e 

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Petit paysan

En 1h30, Hubert Charuel tente de bâtir un suspense haletant autour de ce pitch : un paysan tente de dissimuler aux yeux de tous que son troupeau est infecté par une maladie qui nécessite d'abattre l'ensemble des bêtes.

Dans la première partie du film, l'idée fonctionne plutôt pas mal. L'enchaînement des évènements est assez bien vu, et la personnalité du paysan solitaire et trentenaire éveille notre curiosité.

Le scénario est malheureusement un peu faiblard sur la durée. Les seconds rôles sont expédiés sans profondeur. Dommage, car le personnage de la soeur est du coup réduite à celui d'une jeune fille qui fronce les sourcils, et ceux des amis ou de la boulangère, prometteurs, ne sont que des silhouettes caricaturales. Les péripéties deviennent au fil du temps ennuyeuses en même temps qu'improbables (la visite en Belgique n'a pas beaucoup de sens). 

Le film se réduit progressivement à son contenu programmatique : décrire la symbiose d'un paysan avec ses bêtes, et le déchirement de devoir s'en séparer. C'est à la fois sympathique, car le bétail est très bien filmé, mais insuffisant. Petit paysan souffre de la comparaison qu'on ne peut manquer de faire avec le film islandais Béliers, d'une toute autre force, et qui porte sur le même sujet.

 

2e

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Les anarchistes

Comment autant de bons ingrédients peuvent-ils se combiner pour faire un si mauvais film ? C'est la question que l'on se pose à la vision du dernier film d'Elie Wajeman.

Le sujet est pourtant intéressant, les acteurs pas si mauvais, les décors plutôt beaux (sûrement un peu trop), la photographie jolie (au point de paraître fade).

Tout ce qui constitue le film semble engoncé, désincarné, amidoné. La lumière bleue dans laquelle baignent les personnages sent la naphtaline, et la mise en scène ne parvient pas à insuffler de la vie dans cette histoire d'amour et de politique, dont on se contrefout au final.

Le scénario est particulièrement indigent, survolant les aspects historiques en enfilant les clichés du film d'infiltration (l'entrant qui se laisse contaminer par les idées du groupe qu'il infiltre, etc). L'intrigue alterne les absences, les poncifs et les platitudes. 

Adèle Exarchopoulos n'est pas très à son aise, mais ne pourra-t-on jamais plus la voir autrement que comme l'Adèle de Kechiche ? Tahar Rahim joue un peu plus finement que d'habitude, mais ce sont les seconds rôles qui brillent surtout : Guillaume Gouix, Karim Leklou et Swann Arlaud sont tous très bons.

Dommage, ils ne parviennent pas à sauver le film.

 

1e

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Ni le ciel ni la terre

Ni le ciel ni la terre est un premier film particulièrement gonflé, à la croisée de plusieurs genres très distincts : le film de guerre, le fantastique, la chronique réaliste, le suspense métaphysique

Nous sommes en Afghanistan, et des soldats disparaissent mystérieusement d'un poste de contrôle. Clément Cogitore ne semble pas très intéressé par la fourniture d'explications, rationnelles ou non. Il préfère étudier en détail les réactions de chacun des soldats face à l'étrangeté de la situation.

Dans cet exercice casse-gueule, le jeune réalisateur fait preuve d'une maîtrise tout à fait étonnante. Il rentre immédiatement dans le vif du sujet, avec un premier plan (sur le chien) dont l'importance apparaitra plus tard. Il enchaîne ensuite les scènes avec une maestria imposante, parvenant à traiter d'une façon hyper-réaliste une situation exceptionnelle. 

Les acteurs (la fine fleur de la jeunesse masculine : Swann Arlaud, Kévin Azaïs) sont absolument formidables. La mise en scène est impeccable, très immersive.

Ni le ciel ni la terre pourrait s'embourber dans des considérations mystico-religieuse à deux balles, le scénario parvient à en faire un thriller métaphysique palpitant de bout en bout.

Un coup de maître.

 

4e

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