Avertissement : L'article que vous allez lire ne reflète que l'avis de son auteur. Il est parfaitement subjectif. Il comprend des phrases assez dures, susceptibles de heurter la sensibilité de jeunes lecteurs admiratifs du film.
Carey Mulligan fait la lessive. Carey Mulligan descend les poubelles. Carey Mulligan fait les courses. Quand elle rencontre Ryan Gosling, elle est heureuse et pose sa main sur la sienne. Cela pourrait être beau comme du James Gray, mais c'est profond comme La Boum. Notre couple de tourtereaux transis fait une virée bucolique dans les égouts à ciel ouvert - ou les réseaux de collecte d'eaux de pluie - de LA (comme dans Grease). Ils échouent au bord d'une rivière où le soleil brille. Andrea Arnold ou Terence Malick ont récemment tourné des scènes de bord de l'eau intenses : ici on est plutôt dans un reportage réalisé par un stagiaire de France 3 Meuse. Ryan Gosling est content. Il regarde la télé avec le petit Benicio. C'est mimi tout plein.
Carey Mulligan est donc la potiche domestique. Elle regarde le bon Ryan défoncer le crâne d'un méchant à coup de talons avec un air un peu bovin, mais qui semble pétri d'intelligence à côté de celui d'autres potiches : celles, complètement dénudées dans le club, qui regardent sans un frémissement une autre scène de violence. La première scène fait bien sûr penser à Gaspar Noé, la seconde à Tarantino. Le problème est que Refn n'a pas le courage jusqu'au-boutiste du premier, ni la verve nerveuse du second.
Soit, si ce film n'est pas celui des femmes, alors peut-être est-ce celui des hommes ? Ryan Gosling hausse une première fois le sourcil après 45 minutes de film, alors qu'il est sur le point d'être tué. A ce stade du film il a dit 17 mots et exprimé 3 sentiments différents : le néant, l'ennui, la surprise amusée. Exactement comme Mads Mikkelsen dans Le guerrier silencieux. L'impassibilité de commande semble donc être la marque de fabrique de notre ami Refn. Les autres acteurs sont des parodies de malfrats, cruels et bêtes, montrés déjà mille fois par Scorsese et tout le cinéma de Hong Kong. Les soudaines explosions de violence ont été vues et revues cent mille fois depuis le choc de Reservoir dogs et la découverte du cinéma coréen. Drive n'apporte strictement rien de neuf de ce côté là. La fourchette plantée dans l'oeil n'impressionne plus personne.
Alors peut-être un peu de mise en scène, qui justifierait le prix du même nom donné à Cannes ? Et bien non, les efforts de Refn se résument à : filmer les visages décadrés, multiplier les ralentis sur les battements de paupières de Gosling et filmer des ombres sur le sol (procédé utilisé de façon autrement plus convaincante dans The Tree of life). La bande son (hors musique) ressemble au bruit d'une scie mal réglée et essaye de faire naître une tension que l'intrigue n'arrive pas à produire elle-même. Ce sont jusqu'au générique de début (très moche) et aux plans de fin qui sont effroyablement quelconques.
Qu'est ce que le film présente d'original ou de digne d'être noté ? A part la séance d'ouverture, superbe d'intensité, je ne vois pas. Le film est empesé, pesant et poseur. C'est donc sans discussion que je décerne le prix de film le plus surestimé de l'année à ce Drive pas du tout in.
Nicolas Winding Refn sur Christoblog : Le guerrier silencieux
Vincent Malausa dans les Cahiers du cinéma : " A jouer sur tous les tableaux - hommage, ironie ou pure fascination - Drive multiplie les effets de saute qui menacent sa belle ligne d'intensité. Lorsque cette instabilité affecte la forme même du film - autrement dit son Graal : la question du style - dans la dernière partie, un certain pompiérisme menace même le travail maniériste de l'auteur. "
Jean Baptiste Thoret dans Charlie Hebdo : "... du style mais aucune vision, de belles idées de plans et un sens incontestable de l'épate mais aucune idée de fond, un sens de la surface et du design mais aucune densité. "
La blogosphère est toute acquise à la cause de Refn, sauf Gagor et pierreAfeu, grâce auxquels je ne me sens pas complètement seul.