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Christoblog

Articles avec #comedie musicale

Les bien-aimés

Dans Les Biens-aimés Christophe Honoré renoue avec le style qui fit le succès des Chansons d'amour : des passages chantés écrits par Alex Beaupain, une histoire mêlant amour et mort, homo et hétérosexualité, et enfin une pléiade d'acteurs tout entiers acquis à la cause du film.

Les deux films, au-delà de leur parenté formelle, sont pourtant assez différents. Les chansons d'amour creusaient en effet un sillon éminemment parisien, et son ton était délibérément romanesque (à l'image d'un Louis Garrel plus cabotin que jamais).

Ici, Christophe Honoré paraît assagi, mélancolique. L'histoire s'étire au long de plusieurs décennies, visite quantité de lieux (Prague, Paris, Londres) et se frotte à quelques grands évènement (le printemps de Prague, l'apparition du sida, le 11 septembre). Honoré sort donc apparemment de ses tropismes habituels, tout en y restant, car sous la surface rutilante du monde et de ses changements (chaque époque est très bien rendue) les sujets du film sont typiques d'Honoré : l'Amour, la Légèreté, la Deuil.

Au coeur du film, les deux personnages féminins sont merveilleux : Madeleine (jouée jeune par une incroyable Ludivine Sagnier, puis par une Catherine Deneuve plus coquine que jamais) et sa fille Véra (magnifique Chiara Mastroianni). La mère est une femme légère dans une époque qui s'y prête (les années 60), la fillle voudrait l'être mais croise un amour impossible dans une époque qui est bien pesante (les années 2000). Le fil conducteur du film, comme le refrain d'une des chansons le dit, pourrait donc être : "Les filles légères ont le coeur lourd". La scène durant laquelle est chantée ce morceau est représentative de ce qui fait la qualité du film : sobriété, intensité dramatique de ce qui se dit, mouvements de caméra discrets mais parfaitement au service de la scène (oh les beaux travellings !), jeu parfait des actrices.

Autour de ces deux phares féminins gravitent des hommes qui les vénèrent, les aiment, mais peinent à les rendre heureuses. Il faut noter que Milos Forman et Michel Delpech sont tous deux excellents. Louis Garrel, pour une fois, fait preuve d'une certaine retenue, tout en lâchant quelques saillies dont il a le secret. Deux quasi-inconnus - en tout cas pour moi - (Paul Schneider et Rasha Bukvic) complètent à merveille la plus belle distribution de l'année.

Les chansons de Beaupain surprennent toujours, à la fois simples, profondes, osées (les rimes délite/trique/(or)bite/(spout)nik). Elles constituent un élément important du film en éclairant les personnages de l'intérieur. La façon dont se répondent la première (Je peux vivre sans toi, pleine d'espièglerie) et la dernière (Je ne peux vivre sans t'aimer, pleine de tristesse) donne la juste mesure de ce film ambitieux et idéalement réussi : il conte le temps qui passe.

Si Christophe Honoré n'existait pas, qui nous parlerait d'amour ?

 

4e

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Les chansons d'amour

Mon premier article 2008 sera consacré à la vision en DVD d'un des films qui m'a le plus marqué en 2007 : Les chansons d'amour.

Bon, je sais en ayant parcouru les blogs que les avis sont plus que partagés sur cette oeuvre, et .... c'est ce qui me plaît, car la cinéphilie déteste les tièdes.

Evidemment, si l'idée qu'une personne normalement constituée commence à pousser la chansonnette au moment d'avoir une relation homosexuelle avec un ado breton te semble peu naturelle, et t'empêche d'adhérer pleinement au film, c'est mal parti.

Mais sinon, la vérité est que ce film :

1 - est magnifiquement joué. Garrel est le digne héritier d'Antoine Doinel et tout son personnage est sous emprise truffaldienne (cabotine parfois, mais l'entendre dire "je suis très mélancolique" lors qu'il est complétement bourré est un grand moment). Les deux filles sont craquantes, tout en étant complètement dissemblables : la blonde, pleine et lumineuse, la brune, insaisisable et virevoltante. Chiara Mastroianni est bouleversante et même les seconds rôles sont parfaits (l'autre soeur, la mère) apportant chacun un personnage totalement consistant psychologiquement

2 - est doté d'un scénario résolument moderne et en phase avec son époque, en en reflétant toutes les subtilités et tous les antagonismes (engagement/détachement, plaisir/souvenir)

3 - est monté de façon magistrale. Ce qui marque le plus en revoyant le film est l'absence totale de plan inutile. La scène du jardin de la Pépinnière est exemplaire : un plan sur les enfants qui jouent puis sur Chiara qui chante (brièvement), un plan fixe sur une allée d'arbres nus (la mort) pointant vers un point de fuite indéfini (l'absence) : toute la tragédie du deuil est dite en quelques minutes

4 - montre Paris comme la ville n'a jamais été montrée, ses stations de métro, ses balayeurs, ses cafés, ses enseignes lumineuses, ses passants, ses gens qui téléphonent dans les cabines, ses ambulances, l'ange de la Bastille, les grilles des jardins, les bureaux de tabacs, les kiosques à journaux

5 - expose une mise en scène totalement virtuose : du balais des chaises à roulettes dans le premier plan à l'acrobatie en corniche sous observation du dernier plan, tout n'est que volte, arabesque, esquive et légèreté

Je sais que l'ombre de Demy plane sur le film (l'héroine s'appelle Pommeraye comme le nom du célèbre passage couvert nantais, la scène ou Julie semble flotter sur un tapis roulant etc...) mais il est bien plus que ça. Je pense qu'il est aussi plus que le film d'une époque comme Les nuits fauves ont pu l'être pour les années Sida. Il est simplement le premier film totalement abouti d'un cinéaste hyper doué qui pourrait être le plus grand réalisateur français sur la durée : Aime moi moins, mais aime moi longtemps.

 

4e

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