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Christoblog

Articles avec #stephane brize

Un autre monde

Stéphane Brizé conclut avec Un autre monde sa trilogie du travail, commencée par La loi du marché, puis poursuivie par En guerre, et le moins que l'on puisse dire, c'est que la profondeur du propos s'est dégradée au fil des trois films.

Dans son dernier opus, Brizé dresse le tableau d'un patron d'usine obligé par son méchant actionnaire américain de licencier 10% de ses effectifs. Et c'est pratiquement tout.

Evidemment, cela ne suffit pas à remplir tout un film. Il faut donc ajouter un peu de drama familial à travers le tableau touchant (même si pas très bien dessiné) d'un fils qui pète les plombs sous la pression d'une école de commerce.

Si les acteurs sont formidables (Lindon, Kiberlain, Bajon) et certaines situations criantes de vérité (la scène formidable du divorce), le film pêche tout de même par un manque de densité et de vraisemblance. Les passages en entreprise sont particulièrement peu convaincants. Un seul exemple : le travail du personnage joué par Lindon semble consister à annoter des papiers devant un ordinateur allumé. Une petite dizaine de plans de ce genre ponctuent le film, comme si Brizé était incapable d'inventer une autre activité pour un directeur d'usine.

Quant à la fin pontifiante et sentimentale, elle couronne le contenu programmatique d'un film malheureusement très balisé.

Stéphane Brizé sur Christoblog : Quelques heures de printemps - 2012 (****) / La loi du marché - 2015 (****) / Une vie - 2016 (***) / En guerre - 2018 (**)

 

2e

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En guerre

La force du nouveau film de Stéphane Brizé, qu'on rapproche un peut trop facilement de La loi du marché avec lequel il n'a finalement pas grand-chose à voir, c'est le sentiment d'immersion totale qu'il procure dès les premières secondes, et qui ne faiblit quasiment pas pendant tout le film.

En guerre propose donc une sorte de grand huit syndical, un roller-coaster de sensations physiques, mêlant empoignades, dédains et révoltes, dialogues de sourds, moments de communions, bousculades avec les CRS, discours enflammés. On est bien loin de la pondération et l'équidistance qui constituaient la structure de La loi du marché.

L'impact quasi physique du film sur le spectateur est impressionnant, avant de devenir dans la deuxième partie un peu répétitif. Brizé peine à trouver des ressorts narratifs pour la deuxième partie de son film. L'accumulation de poncifs et le manque de contrechamps nuisent à l'intérêt de l'histoire : le film aurait probablement gagné à montrer les débats des syndicalistes négociateurs, ou ceux de la direction. 

La façon dont la figure quasi christique de Laurent Amadéo monopolise, voire cannibalise le film, constitue probablement à la fois son point fort (en terme d'impact car Vincent Lindon habite son personnage) et son point faible (son jeu semble au fil du film de moins moins incarné, de plus en plus programmatique). Ce parti-pris accule littéralement Brizé à proposer une fin too much, en décalage avec le reste du film, à tel point que le réalisateur doit inventer l'astuce de la montrer à travers un smartphone pour lui donner un vernis de réalité.

Du naturalisme extrémiste et sensoriel.

 

2e

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Une vie

D'emblée, Stéphane Brizé impose son point de vue, qui sera sévère, dépouillé et naturaliste. Il l'impose par son cadre presque carré, sa caméra à l'épaule et ses plans très rapprochés sur les personnages.

L'effet produit est dans un premier temps déstabilisant, et légèrement oppressant. J'ai été à la fois séduit par le rendu de certaines sensations (le temps qui passe, les saisons, les dilemmes) et perturbé par les ellipses systématiques et le montage temporel chaotique.

Le premier choc passé, Une vie parvient à convaincre par son ampleur romanesque et la cohérence de son esthétique. Si les performances de la jeune garde du cinéma français me laisse perplexe (Finnegan Oldfield est à baffer et Swann Arlaud plus transparent que d'habitude), les anciens (Darroussin et Moreau) sont parfaits.

La solitude, l'ennui, la rudesse de la vie au XIXe siècle dans un milieu rural est parfaitement rendu. Le film est aussi émaillé de scènes extraordinaires de violence, contenue ou pas : les conversations avec les prêtres, la scène du couvent. 

Au final, Jeanne semble bien être une cousine éloignée du Thierry de La loi du marché : écrasés tous deux par des forces immenses qui les dépassent, ils portent au plus profond de leur être une étincelle qui leur permet de continuer à espérer.

 

3e

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La loi du marché

On n'a jamais montré la vie (dans sa réalité administrative) comme cela.

Si le débat se focalise sur les scènes dans le supermarché ou à Pôle Emploi, je préfère insister dans cet article sur tout ce que le film montre d'autre : une vraie vie qui n'est JAMAIS évoquée au cinéma.

De ce point de vue, le film de Stéphane Brizé est d'une radicalité absolue. Je ne connais pas de films de fiction qui s'attache à montrer avec une telle acuité des scènes de la vie quotidienne en dehors de toute contextualisation dramatique. Parmi ces nombreux à-cotés, un des plus remarquable est le rendez-vous avec la personne de la banque qui propose une assurance vie. Il y a dans cette scène sur le fil une tension délicate qui est absolument remarquable. Cette tension repose sur un postulat que le film manipule souvent : l'employée de banque fait correctement son boulot (d'un point de vue rationnel sa proposition est tout à fait fondée, car la situation de la famille de Thierry serait à l'évidence catastrophique si un accident arrivait à ce dernier), mais le personnage principal le reçoit comme un coup de poing. 

Parmi les autre scènes emblématiques de ce film exceptionnel figure celle de la vente du bungalow : Qui a tort ? Qui a raison ? Quel est le bon prix de vente ? Pourquoi Thierry considère-t-il que son interlocuteur est malhonnête alors que la négociation s'effectue sur une base d'égalité ?  

Tout au long du film, on cherchera en vain un coupable, un "méchant". Chacun a ses arguments, qui ne sont pas idéologiques mais souvent de bon sens. Chacun essaye de faire au mieux, dans le contexte qui lui est donné. Le patron de supermarché ou le RRH ne sont pas inhumains, ils ne sont pas machiavéliques, tout comme le recruteur sur Skype (franchement honnête), le directeur d'école, les collègues syndicalistes.

La conjonction de cet a priori non-négatif et des partis-pris osés de Brizé (l'endroit où regarde la caméra est un miracle tout au long du film) donne au film sa tonalité si particulière qui mélange dignité humaine, pugnacité morale et épiphanie du quotidien.

 

4e

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Quelques heures de printemps

Disons-le tout net, Quelques heures de printemps est un bijou, un chef-d'oeuvre en creux, un film réduit à l'os, qui vous laisse pantelant et apaisé.

L'idéal est d'aller voir le film sans en connaître le thème, comme je l'ai fait. On a alors le plaisir de découvrir petit à petit, par allusions successives, le drame qui est en train de se jouer. Stéphane Brizé réduit sa mise en scène à ce qui fait l'essence du cinéma : un cadrage discret et recherché, une façon de filmer les visages comme des paysages, de prendre son temps pour tenter d'approcher au plus près de la réalité.

C'est très souvent vertigineux tellement le jeu des acteurs y est intense. Vincent Lindon est utilisé à la perfection. Certes il joue une sorte d'essence de Lindon, mais sa prestation est parfaite. On se souviendra longtemps de son pétage de plomb. C'est son plus beau rôle. Hélène Vincent, quant à elle, est au-delà de tous les compliments qu'on peut inventer : il faut courir voir le film, ne serait-ce pour sa prestation, qui défie les lois du jeu. Elle est bouleversante.

Même la bêtise abyssale d'Emmanuelle Seigner est parfaitement utilisée (oups, ça m'a échappé). Olivier Perrier, à l'unisson, est aussi particulièrement émouvant.

Précis, intense, chirurgical et psychologiquement très riche : on pense à Bergman et à Kieslowski...

Si vous n'allez voir qu'un film en cette rentrée allez voir celui-ci. Vous en sortirez bouleversé, probablement après avoir trempé l'écharpe dont vous aurez pris le soin de vous doter pour éviter de trop renifler. Bouleversé, mais heureux.

 

4e

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