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Christoblog

Articles avec #hong sang-soo

De nos jours

Le cinéma de Hong Sang-Soo devient au fil du temps de plus en plus dépouillé, tirant même vers l'épure.

Deux situations : un écrivain reçoit un admirateur, et une ancienne actrice une débutante. Les conversations alternées présentent quelques similitudes.

On y parle de tout et de rien, en révélant le moins possible de ce qu'on pense, tout en buvant du soju et en jouant à chifourmi (sûrement la meilleure scène du film). L'ensemble ne tient debout que de justesse, par la grâce d'une intonation curieusement émouvante, la disparition fortuite d'un chat ou l'exposition improbable d'une collection de pantoufles.

On peut être saisi par la grâce de ce dispositif minimal, ou comme moi être plutôt déçu que le talent d'écriture de HSS se dilue dans ce qui apparaît comme une improvisation minimale, une sorte de haïku qui s'apparente à une conversation pour initiés, dont toute saillie est absente.

Hong Sang-Soo est apparu à Cannes 2023 très diminué, souffrant énormément des yeux. On espère qu'il reviendra un jour avec des oeuvres plus ambitieuses.

Le jour où le cochon est tombé dans le puits - 1996 (**) / Le pouvoir de la Province de Kangwon - 1998 (**) / La vierge mise à nu par ses prétendants - 2000 (***) / Turning gate - 2003 (***) / La femme est l'avenir de l'homme - 2003 (***) / Conte de cinéma - 2005 (**) / Les femmes de mes amis - 2009 (**) / HA HA HA - 2010 (***) / The day he arrives (Matins calmes à Séoul)  - 2011 (***) /  In another country - 2012 (***) / Sunhi - 2013 (***) / Haewon et les hommes - 2013 (**) / Hill of freedom - 2014 (***) / Un jour avec un jour sans - 2015 (**) / Yourself and yours - 2017 (**) / Le jour d'après - 2017 (**) / La caméra de Claire - 2017 (***) / Hotel by the river - 2020 (***) / Juste sous vos yeux - 2021 (***) / La romancière, le film et le heureux hasard - 2022 (**)

 

2e

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La romancière, le film et le heureux hasard

On peut classer les films de Hong Sang-Soo en 3 grandes catégories : les comédies grinçantes décortiquant les relations humaines et en particulier les relations hommes femmes (plutôt le début de sa carrière), les essais conceptuels souvent accompagnés d'une déstructuration du récit (plutôt son milieu de carrière) et enfin les récits dépouillés teintés de spleen, qui creusent une veine plus onirique ou plus sensible (plutôt ses derniers films).

La romancière, le film et le heureux hasard s'inscrit bien dans cette dernière catégorie. Le personnage principal est une romancière d'un certain âge qui ne parvient plus à écrire. Elle rencontre une jeune comédienne qui ne tourne plus. Leur rencontre, qui ne se produit que par la grâce d'un heureux hasard, conduira à la réalisation d'un film, sorte d'épiphanie inespérée pour l'une et l'autre, illustrant le titre du film, qui en est donc aussi le programme.

Le connaisseurs retrouveront ici les tics du réalisateurs (tablée s'abreuvant d'alcool, morceaux de dialogues voyageant de bouche en bouche, moment de gêne intense, zooms grossiers), mais le plus important se situe ici dans la grande délicatesse du projet, aboutissant finalement à un très beau "Je t'aime" lancé par l'actrice Kim Min-hee à son compagnon réalisateur.

Il y a dans cet opus de très bonnes choses (une photographie en noir et blanc très particulière, des scènes d'anthologie - comme celle dans laquelle le réalisateur se fait brutalement congédier), mais aussi de longs moments durant lesquels on a vaguement l'impression qu'il s'agit de meubler. Le tout est émaillé d'étrangetés propres au cinéaste (comme la dispute en voix off de la toute première scène) qui suscite ce frisson de stimulation intellectuelle propre au cinéma de Hong Sang-Soo.

Un film qui intéressera les fidèles, et qui ennuiera probablement les autres. Comme d'habitude !

 

2e

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Juste sous vos yeux

On avait peut-être un peu perdu Hong Sang-Soo ces derniers temps, dans un dédale de recherches vagues et d'approximations vaporeuses.

Ce retour en grâce est d'autant plus appréciable qu'il prend ici un tour de fausse simplicité. Cela commence comme un retour dans la ville natale, des retrouvailles avec une soeur un peu perdue de vue, puis une rencontre artistico-amoureuse pleine de nostalgie. 

Tout ce qu'on voit est à la fois simple, et marqué du sceau de la solennité définitive qui sera révélée en fin de film, dans un plan d'une beauté déchirante. Le cinéma de HSS, souvent marqué par une superficialité apparente est ici tout à coup empreint d'une profondeur peu courante chez le cinéaste coréen. On peut peut-être y discerner les premières alertes de l'âge.

Le résultat, sec et resserré comme un coup de trique (1h25 de mémoire compressée), est étonnant de brièveté émouvante. On y retrouve quelques gimmmicks classiques de HSS (un rêve dont on ne saura rien, des plans au début du film qui se répéteront à la fin, de l'alcool à gogo), mais pour une fois ils paraissent ici comme atténués, affaiblis.

Pour la première fois, je crois qu'un film de Hong Sang-Soo m'a tiré une larme.

Le film, malheureusement, n'est visible que dans quelques salles en France.

 

3e

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Les femmes de mes amis

Dans la très riche filmographie de Hong Sang-Soo, ce neuvième film n'apporte pas grand-chose de nouveau.

Pour résumer très brièvement cet opus, sans en déflorer le contenu, disons qu'il s'agit de suivre un cinéaste d'art et d'essai dans deux aventures durant lesquelles il va séduire les femmes de deux connaissances, avec à chaque fois de curieuses similitudes  dans les circonstances (des amis qui n'invitent jamais personne chez eux, une scène dans les toilettes, des hors champs assez mystérieux, de l'alcool, une pierre volcanique...).

On retrouve donc ici la structure en dyptique de plusieurs de ses films précédents, dont le très bon La vierge mise à nu par ses prétendants, la réalité incertaine et les coïncidences étranges qui ont déjà fait l'objet de plusieurs développements, les problèmes d'égo d'un cinéaste, approfondis dans l'étonnant Contes de cinéma par exemple.

A ce stade de sa carrière (la fin du premier tiers), Les femmes de mes amis apparaît donc comme une sorte de digest de ce que le réalisateur sait faire. Le film manque toutefois d'allant pour entraîner une grande adhésion, et ne constitue pas la meilleure porte d'entrée dans l'univers de HSS. Le point positif du film, qui me fait le considérer tout de même positivement, est le très beau personnage féminin de la deuxième partie, qui explose lors d'une dernière scène très forte. "Je n'ai pas de toile d'araignée entre les jambes" est une des plus belles répliques mise par Hong Sang-Soo dans la bouche d'une actrice.

 

2e

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Hotel by the river

Dans la très dense filmographie de Hong Sang-Soo, Hotel by the river se distingue de plusieurs manières.

Ici, pour une fois, il n'est pas vraiment question de rapports amoureux (tous les personnages sont seuls, séparés, divorcés, célibataires ou veufs). Plusieurs des motifs habituels du cinéma de HSS sont par ailleurs absents : pas de découpages en plusieurs parties distinctes, pas de légèreté incisive dans les dialogues, peu de lâcheté et de ridicule.  

Hotel by the river est marqué par une sorte de gravité qui est peu courante dans le cinéma du cinéaste coréen, une gravité qui n'est ni plombante ni superficielle : juste poétique et parfois presque métaphysique.

Le film se situe en effet sur une ligne de crête qui sépare la réalité brute de l'onirisme feutré. On peut le voir comme la représentation naturaliste de destins qui se croisent dans un hôtel quelconque, ou comme une métaphore d'un état ou d'un lieu qui pourrait être totalement rêvé ou imaginaire, sorte de limbes ou de purgatoire.

Le film regorge de détails qui tendent à prouver que ce qu'on voit ne correspond pas à la réalité : plusieurs personnes qui se trouvent dans la même pièce sans se voir, une baisse brutale de température, un personnage invisible mais déterminant (le patron de l'établissement), une chute de neige incroyablement rapide, des comportements étranges, des pressentiments qui se réalisent.

L'art subtil de HSS se déploie ici avec un degré de maîtrise et de profondeur inégalé à mon sens, vertige quasi lynchien ou fable poétique, suivant le degré de concentration du spectateur.

 

3e

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La vierge mise à nu par ses prétendants

Troisième film de Hong Sang-Soo, La vierge mise à nu par ses prétendants est la première manifestation dans la filmographie du coréen de sa propension aux exercices de distorsion de la réalité.

Le film est, comme souvent chez HSS, découpé en deux parties distinctes.

La première raconte d'une façon assez inhabituelle pour lui une histoire d'amour simple et partagée, presque idéale, découpée en sept tableaux. La seconde reprend la même histoire, tableau par tableau, en montrant quelques scènes complémentaires à chaque fois. Mais contrairement à un effet Rashomon "simple", les scènes ne sont pas exactement les mêmes que dans la première partie : par exemple une fourchette tombe à la place d'une cuillère, un personnage dit quelque chose au lieu d'un autre, etc. 

L'interprétation de ce que l'on voit est donc complexe, si l'on se demande où se situe la réalité : dans la partie A (potentiellement vue à travers les yeux de l'amoureux transis), dans la partie B (plus mitigée, plus complexe, peut-être donc la même histoire vue par la femme), quelque part entre les deux ?

Le résultat est extrêmement stimulant, très agréable à regarder (un très beau noir et blanc qui sera utilisé dans beaucoup d'autres films par le coréen, dont le très beau Matins calmes à Séoul), parfaitement construit.

Après les deux premiers films qui comportaient encore des tentatives plus ou moins réussies, La vierge... est pour moi la première complète réussite de Hong Sang-Soo.

 

3e

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Le pouvoir de la province de Kangwon

Deuxième film de Hong Sang-Soo, Le pouvoir est un film assez ardu pour ceux qui ne sont pas familier avec l'oeuvre du coréen.

Son premier film (Le jour où le cochon est tombé dans le puits) était une sorte de manifeste dense et marqué par un quasi trop-plein d'intentions. Son deuxième est également un manifeste, mais qui annonce une autre partie de son oeuvre : moins conceptuelle, plus subtile, plus cruelle, plus épurée.

On trouve ainsi pour la première fois une structure en dyptique, assez simple, que HSS réutilisera de nombreuses fois. Les liens temporels entre les deux parties du film (le graffiti sur le palier de la porte, la même scène de train) sont subtils et mêmes parfois presque surnaturels (le poisson rouge qui disparaît dans la deuxième partie est-il l'animal qu'enterre Ji-Sook dans la première ?). Hong pose ici des jalons de sa réflexion sur le temps et les coïncidences qu'il approfondira par la suite.

Le pouvoir est aussi marqué par le désespoir et la présence omniprésente de la violence : harcèlement, assassinat de la femme dans la montagne, pulsion de suicide, corruption pour obtenir un poste, dispute en tout genre, crise soudaine de colère, avortement traumatisant. Sous ses dehors légers et son air "de ne pas y toucher", le cinéma de Hong remue ici les immondices de l'âme humaine, mais il le fait avec distinction.

La structure du film est toutefois un peu lâche et l'ensemble peut sembler manquer de cohérence. Il est en tout cas pour moi moins riche que Le cochon, moins subtil que La vierge, et globalement moins maîtrisé que le reste de l'oeuvre de HSS. 

C'est enfin peut-être le film le plus noir de son auteur, puisqu'ici aucun sourire ne vient adoucir le noir tableau de la condition humaine qu'il dessine.

 

2e

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Conte de cinéma

Conte de cinéma est le sixième film de Hong Sang-Soo. Après la trilogie qui l'a fait connaître en occident, puis deux films ambitieux pour lesquels il a bénéficié de plus de moyens (Turning gate et La femme est l'avenir de l'homme), le réalisateur coréen conçoit ici son premier film dont la construction entière est basée sur un concept qui trouble le spectateur. Conte de cinéma inaugure ainsi une lignée qui aura de nombreux successeur dans la filmographie de Hong Sang-Soo (de Hill of freedom à Un jour avec, un jour sans).

Nous assistons dans la première partie du film à une histoire dont le sujet, le ton et la réalisation détonne légèrement par rapport aux autres films de HSS, même si on y trouve des thématiques habituelles du cinéastes (la lâcheté masculine, le suicide). Par exemple c'est la première fois que le zoom optique est utilisé, me semble-t-il.

Au milieu du film, on comprend qu'on vient de voir un film réalisé par un cinéaste qui est en train de mourir (les subtils décalages détectés sont donc normaux, puisque le film n'est pas de HSS !). L'actrice principale du film sort d'une salle de cinéma où elle regardait le même film que nous, et est suivie par un homme qui la drague, et lui révèle être celui qui a inspiré le personnage principal du film. S'en suit une seconde partie très sombre, peut-être une des plus noire de tout le cinéma de HSS, dans laquelle la femme s'avérera particulièrement dure.

Le film dans son entier semble marqué par l'emprise de la mort (suicide, maladie). Les mensonges et l'incompréhension entre les êtres humains semblent portés ici à leur maximum, et le sens de la vie s'échappe des mains des protagonistes comme du sable entre les doigts, sous l'ombre tutélaire de la tour de Séoul, qui ouvre le film et revient régulièrement tout au long de ce long-métrage.

D'un point de vue formel, le cinéma de HSS s'allège un peu dans Conte de cinéma. La durée diminue nettement, la touche est plus légère, même si elle reste cruelle. Il s'agit sans nul doute d'une des oeuvres pivots de la filmographie du coréen.

Intellectuellement très stimulant. 

 

2e

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Hill of freedom

Hill of freedom marque dans la filmographie de Hong Sang-Soo le début d'un travail intense sur la destruction de la trame logique et temporelle de la narration, qui culminera dans ses deux films suivants, Un jour avec, un jour sans, puis plus encore Yourself and yours.

Ici, le montage obéit à un concept ludique assez bien trouvé  : une femme lit une longue lettre, les feuilles tombent dans un escalier et les scènes vont être assemblées dans cet ordre aléatoire. 

Le résultat est stimulant intellectuellement. S'il n'est pas très difficile de "recoller" les différents éléments de l'histoire pour en faire un tout cohérent, le procédé apporte au film une coloration légèrement décalée, qui est très agréable, renforcée par le caractère étrange de certains dialogues métaphysiques (sur le temps par exemple). L'aspect ludique de la construction du film va jusqu'à inclure (si je puis dire) des scènes "manquantes" (comme la bagarre), ou des rêves, pour mieux nous égarer.

Le sujet du film est probablement l'incommunicabilité entre les êtres humains (et surtout entre les hommes et les femmes), comme souvent chez HSS. Tout amène ici les protagonistes à mal se comprendre : le problème de la langue (le personnage principal est japonais et ne parle pas coréen), les malentendus, les occasions manquées, les histoires avortées.

Le cinéma du coréen trouve ici une expression quasiment parfaite dans sa forme : légère comme une fugue de Bach, ne s'encombrant d'aucun effet accessoire, parfaitement maîtrisée dans sa structure dépouillée. Les personnages du film semblent être des mouches se heurtant obstinément à une vitre, et une sorte de nihilisme forcené émane de Hill of freedom

 

3e

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La femme est l'avenir de l'homme

La femme est l'avenir de l'homme suit dans la filmographie de Hong Sang-Soo son manifeste de jeunesse, Turning gate.

Il reprend une partie des thèmes du film précédent (trio amoureux, femmes très entreprenantes sur le plan sexuel, spleen généralisé chez les hommes), sur un mode un peu moins dense et poétique.

La femme est l'avenir de l'homme est un Hong Sang-Soo très léger dans sa structure. Le film est court, avance rapidement et parfois même abruptement, ose des flashbacks qui éclairent brillamment le présent, et propose mêmes des scènes imaginées par les personnages. Il annonce ainsi nombre des films suivants, dans lesquels la trame temporelle sera malmenée avec une apparente désinvolture par le cinéaste.

Le film est aussi un des plus pessimiste de HSS. Pas beaucoup d'espoir dans la quête minable menée par ces deux hommes amoureux de la même femme, qui vivent nombre de situations embarrassantes tout au long du film.  Une fois retrouvée, la dite femme s'avère à la fois charmante et insaisissable, s'offrant curieusement et sans engagement aux deux jeunes hommes. La narration du film est d'une grande liberté, et le décor romantique de Séoul enneigé (qui sera magnifié plus tard dans Matins calmes à Séoul) forme un écrin parfait à ce film d'une grande noirceur.

Un bon cru.

 

3e

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Turning gate

Ce quatrième film de Hong Sang-Soo suit la trilogie initiale qui fit connaître le cinéaste coréen en France, et marque la mise en place des grands thèmes que HSS va ensuite développer durant toute sa carrière.

Nous avons donc ici des hommes qui cherchent l'amour, des femmes séduisantes et insaisissables, un simulacre d'amitié, des phrases qui se répètent dans la bouche de plusieurs personnages, des scènes de beuverie et de restaurant, des allusions sexuelles directes, des artistes plus ou moins ratés, des coïncidences, des situations qui rendent mal à l'aise, des défauts de mémoire, des objets symboles et un récit en deux parties.

Les seuls éléments vraiment nouveaux qui apparaîtront dans la suite de la filmographie de Hong Sang-Soo seront les déformations de la trame temporelle de la narration, complètement inexistantes ici.

Dans ce film fondateur de la grande période classique du coréen, on suit la trajectoire d'un beau personnage masculin, Gyung-Soo, qui promène sa grande carcasse dans la campagne coréenne : une vraie curiosité pour le coup, puisque Séoul est le théâtre habituel utilisé par HSS. Il rend visite à un ex-ami, couche avec la petite copine de celui-ci qui le manipule, rencontre ensuite une fille avec qui il était au collège et dont il ne souvient plus, en tombe amoureux, et se fait larguer.

On voit que tout cela n'est pas très gai, et l'acteur Kim Sang-Kyung interprète à merveille ce pauvre gars à la fois maladroit et poète (très jolie scène où il écrit une déclaration posée dans la rue à l'aide d'un kaki).

Turning Gate est une très bonne introduction à l'univers de Hong Sang-Soo, donnant à voir à la fois l'incroyable habileté du réalisateur à saisir les plus petits mouvements de l'âme, et sa capacité à parfois égarer le spectateur dans les méandres de plans plus ou moins utiles. Le film est à cet égard remarquablement long pour un HSS (1h55) : il semble rempli à ras bord des intentions de son réalisateur.

 

3e

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La caméra de Claire

Dans la filmographie de Hong Sang-Soo, La caméra de Claire fait figure d'oeuvre mineure. Tourné en quelques jours, sans prétention métaphysique, morale ou esthétique, le dernier film du prolifique coréen brille par sa modestie délicieuse.

Je retrouve du coup le plaisir (un peu perdu ces derniers temps) de me laisser bercer par la petite musique habituelle de Hong Sang-Soo : zoom dès le premier plan du film, homme infect et femmes finalement remarquables, alcool, éléments récurrents (ici le chien), etc.

Sous l'apparence lâche de l'intrigue et l'aspect décousu du montage, se dissimule une rigueur dans le scénario qui se révèle dans les derniers plans. L'atmosphère irréelle des ruelles cannoises filmées en marge du Festival contribue pour beaucoup à la tonalité du film, fable spleenétique et rohmérienne, exercice de style minuté à la seconde : le film dure 1h et 9 minutes, et on redécouvre qu'un film court, c'est délicieux.

Kim Min-Hee parvient en un seul plan à exprimer toute une série d'émotions délicates, alors que sa compatriote Jang Mi-Hee lui donne parfaitement la réplique. Isabelle Huppert, affublée d'un affreux chapeau et d'une bonhommie innocente et légèrement surnaturelle, est parfaite - la candeur lui va presque mieux que la perversité.

Une jolie réussite, toute en litote.

 

3e

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Le jour d'après

Pour commencer, il faut préciser qu'au début de ce dernier opus de Hong Sang-soo, on ne comprend rien à ce qu'on voit. 

La temporalité de chaque scène est indistincte, les relations entre les personnages (qu'on peine même à distinguer les uns des autres) sont floues.

Petit à petit, les choses se mettent en place, sans que le propos en deviennent plus passionnant : il sera comme d'habitude question de discussion autour d'une table en buvant du soju, de la lâcheté des hommes et de la beauté des femmes. Dans Le jour d'après, Hong Sang-soo ne propose pas de construction formelle audacieuse (comme dans Un jour avec un jour sans), ni de clin d'oeil narratif à répétition (comme dans HA HA HA), ni de vertige métaphysique (comme dans Yourself and yours).

Le film est donc décevant, comme un best of du réalisateur qu'on dirait formaté pour la compétition cannoise : noir et blanc façon auteur, risque minimal et vedette internationale au casting (Kim Min-hee, vue dans Mademoiselle, et compagne de HSS). Et puis, disons-le, quand la qualité est moins bonne, les figures de styles habituelles (les conversations qui se répètent d'une scène à l'autre, les zooms dézooms) finissent par lasser et apparaître comme des tics embarrassants plutôt que comme la marque d'un talent. 

Par éclair, le film intrigue ou séduit, sans que l'ensemble ne parvienne à convaincre totalement. 

 

2e

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Yourself and yours

A l'image de son titre alambiqué, le dernier opus de Hong Sang-Soo pousse un peu loin le jeu de déstructuration de l'intrigue que le réalisateur coréen affectionne tellement.

Résumons brièvement le propos : un jeune homme se dispute avec sa compagne. Ses amis l'aurait vue boire dans un bar et se disputer avec un homme. Elle dément, puis disparait.

Le jeune homme la cherche vainement. Il rêve qu'il la retrouve. Nous la voyons en parallèle rencontrer d'autres hommes, à chaque fois une autre, et ne se souvenant pas de ses actions précédentes. Ment-elle ? Souffre-t-elle d'un désordre psychiatrique ? N'est-elle qu'une allégorie de l'amour qui circule d'homme en homme ?

Pour avoir parcouru un peu la presse, il semble y avoir autant de lectures du film que de spectateurs..

Si la stimulation intellectuelle que propose Hong Sang-Soo est toujours intéressante, elle semble ici tourner à vide, laissant en suspens la résolution de son intrigue. On sait que Hong Sang-Soo tourne souvent ivre, et on se prend à penser que cette fois-ci, il a peut-être exagéré les doses. La mise en scène est réduite à l'épure, et frôle parfois l'indigence.

Malgré ces réserves, il faut reconnaître au film une finesse d'interprétation assez remarquable, et dans les dernières scènes, une capacité à provoquer un vertige presque métaphysique.

Yourself and yours ne laissera cependant pas une trace indélébile dans la filmographie de son auteur.

 

2e

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Un jour avec un jour sans

Certains trouvent que les films de Hong Sang-Soo se ressemblent tous, au prétexte qu'ils mettent toujours en scène le même type de relations homme / femme, et qu'ils sont parsemés des mêmes gimmicks (café, alcool, réalisateur).

Ils n'ont pas tout à fait tort. Le cinéaste coréen cherche visiblement depuis plusieurs films à travailler sur la forme de ses scénarios, plutôt que sur leur contenu.

Ici le prétexte est séduisant et casse-gueule à la fois : raconter la même histoire deux fois de suite.

Dans les deux cas, nous assistons à une rencontre entre un jeune cinéaste venu présenter son film dans une petite ville et une jeune femme artiste. Les deux parties du film comprennent en gros les mêmes épisodes, les mêmes décors et parfois même les mêmes dialogues. Les mouvements de caméras ne sont pas les mêmes, les scènes présentent des variations parfois notables et surtout le caractère des personnages (ou leur humeur ?) semblent différents dans les deux versions de la même histoire.  

Les conséquences de ces variations sont plus ou moins importantes et rendent la conclusion de l'histoire différente dans les deux cas. 

Un jour avec un jour sans est donc un jeu subtil et délicat qui pourra en rebuter plus d'un. Et si de plus on est allergique à l'obséquiosité des Coréens, le film pourra être franchement rebutant.

Pour les curieux qui aiment disséquer les différences d'ambiance et de tempo, qui cherchent à voir des signes là où il n'y en pas, et qui aiment en général couper les cheveux en quatre (voire en huit, ou seize), le film paraîtra un nectar délicieux explorant le champ des possibles.

Pour ma part, j'ai oscillé pendant tout le film entre les deux points de vue.

 

2e

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Sunhi

Après la relative déception d'Haewon et les hommes, je craignais de voir mon affection pour le prolifique réalisateur Hong Sang-Soo se déliter durablement.

Il n'en est rien ! Dans le cadre du dernier Festival des trois continents, la vision du dernier opus du cinéaste coréen s'est révélée particulièrement réjouissante.

Sunhi se présente sous la forme d'une épure ludique : une jeune femme, un peu insaisissable, et trois hommes qui gravitent autour d'elle, ex et futurs ex, si je puis dire.

Si on retrouve ici les éléments qui font partie du rite que constitue un film de HSS (le réalisateur raté, l'alcool local - le soju - qui coule à flot, les plans fixes dans les bars, les zooms / dézooms), ces derniers se parent ici une légèreté aérienne. Ce ne sont plus par exemple les objets qui glissent de personnages en personnages à leur insu (comme dans HA HA HA), mais les phrases, dans une farandole qui est absolument délicieuse et parfois amère.

Si le personnage féminin est - comme souvent - extrêmement séduisant, les trois hommes sont croqués avec une méchanceté moins cruelle que dans d'autres oeuvres d'HSS. Il y a une sorte de douceur dans la description des turpitudes masculines, qui trouve un accomplissement définitif dans la ré-écriture de la lettre de recommandation, véritable bijou scénaristique.

De l'essence de Hong Sang-Soo, à déguster sur un lit de dialogues ciselés.

 

3e

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Haewon et les hommes

La petite musique de Hong Sang-Soo fonctionne plus ou moins bien, suivant le substrat sur lequel le prolifique cinaste coréen la déploie.

Ici, rien ne permet au sujet de pleinement se développer, ni la perfection cotonneuse de l'image comme dans The day he arrives, ni le brio scénaristique comme dans Another country ou HA HA HA.

Hong Sang-Soo récite donc ici son cinéma, toujours sur les mêmes bases, à savoir des dialogues rohmérien, des hommes assez faibles et des femmes plutôt fortes, des gimmicks bien connus (un réalisateur comme personnage, beaucoup d'alcool et de scènes de café, des personnages ou des objets récurrents).

Apparaissent toutefois ça et là quelques séquences pépites lors desquelles le génie badin et profond du cinéaste affleure : la rencontre de l'héroïne et de Jane Birkin, l'appel du taxi par simple effort de la pensée, les promenades hivernales au fort. Une oeuvre mineure de Hong Sang-Soo, portrait rêveur (rêvé ?) et amoureux d'une jeune femme ne sachant pas aimer.

 

2e

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In another country

Les fidèles lecteurs de Christoblog savent combien j'apprécie le petite musique de Hong Sang-Soo.

C'est donc avec une émotion particulière que j'attendais à Cannes la projection d'In another country en sélection officielle, en me demandant si la greffe Isabelle Huppert allait fonctionner

Et la réponse est oui, l'actrice française s'intègre parfaitement à l'univers si particulier du Woody Allen coréen.

Le principe du film frôle le génie : trois histoires différentes, un même lieu, des anecdotes similaires (l'héroïne cherche toujours un phare), des bouts de dialogues identiques. Isabelle Huppert joue avec beaucoup de talent successivement une réalisatrice de cinéma, une européenne qui attend son amant coréen et une femme qui voyage avec son amie.

Si les péripéties de chacun des tryptiques sont somme toute négligeables, c'est que pour une fois la forme prévaut sur le fond. La mise en parallèle de ces trois histoires réinterroge brillament les thèmes chers au réalisateur : les relations hommes / femmes, les diverses façons de se ridiculiser, les petites mesquineries, les occasions ratées, le poids du destin, l'indécision, l'alcool. Ces thématiques trouvent dans le décalage culturel entre la Française et ses partenaires coréens un nouvel espace à investir. Il ressort de tout cela le fort sentiment que les hommes coréens sont ... des obsédés sexuels de premier ordre.

Fascinant à regarder, comme un kaléidoscope de la condition humaine amoureuse, le film est également extrêmement drôle grâce au personnage du maître nageur joué par Yu Yung-San, présent dans les trois derniers films de Hong Sang-Soo. Son apparition dans la première histoire donne lieu à une scène d'anthologie, sous forme d'une chanson improvisée sous une tente, probablement le moment le plus drôle de tout le Festival de Cannes. On retiendra une autre scène hilarante dans laquelle un moine zen, sensé être détaché de tout, se voit demander son stylo Mont-Blanc par une Isabelle Huppert sans aucune gêne.

Comme dans d'autres films de HSS, on peut s'amuser à remarquer mille détails, comme par exemple ces objets qui voyagent d'une histoire à l'autre (une bouteille de bière abandonnée sur la plage, un parapluie dissimulé).

C'est drôle, brillant, pétillant, modeste et par moment franchement génial.

 

3e

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Le jour où le cochon est tombé dans le puits

Curieux de découvrir les premiers films de Hong Sang-Soo, je me suis procuré le coffret regroupant les 3 oeuvres qui le firent découvrir en Occident, à la fin des années 90.

Le premier de ces trois films, Le jour où le cochon est tombé dans le puits, contient déjà une grande partie de l'univers que Hong Sang-Soo va développer pendant plus de vingt films : étrangeté du monde, incommunicabilité entre êtres humains, frustrations masculines, alcool et artistes ratés, découpage du film en plusieurs séquences bien distinctes, complexité des rapports entre hommes et femmes.

Comme c'est souvent le cas, on a l'impression que le réalisateur a choisi de mettre toutes ses idées dans son premier film, quitte à risquer le trop-plein. Ce premier opus, même s'il est extrêmement maîtrisé dans sa construction globale, part ponctuellement dans tous les sens, au risque de perdre son spectateur. HSS multiplie les scènes qu'on ne peut pas raccrocher facilement au reste de l'histoire, et on est rapidement perdu dans les péripéties que vivent les personnages. Pour bien profiter de la richesse du Cochon, il faut voir le film au moins trois fois.

Le film diffère de la suite de sa filmographie sur un point : la traditionnelle ironie légère et grinçante, que l'on associe habituellement au cinéaste coréen, est ici absente. On voit par exemple de nombreuse scènes de sexe tristes et explicites, ainsi qu'une scène de crime sanglante, ce qui n'est pas dans ses habitudes.

Le film est long et assez lent. C'est comme si Hong Sang-Soo allait dans la suite de sa carrière travailler à épurer sans répit son propos, à sculpter la matière brute dont il a rempli son premier film.

La vision de Le jour où le cochon est tombé dans le puits procurera une certaine satisfaction intellectuelle au fin connaisseur de HSS. Je le déconseille toutefois au spectateur qui souhaiterait s'initier à l'oeuvre du coréen, son aspect sombre et sa construction labyrinthique le rendant plutôt au premier abord rébarbatif.

A noter également que mon DVD est d'une qualité atroce : son inaudible, image tremblotante. Je ne sais dire s'il s'agit de mon exemplaire ou de la qualité standard du coffret TF1 Video.

 

2e

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The day he arrives

Ce qu'il y a de bien avec Hong Sang-Soo, c'est qu'on se retrouve à chaque film entre copains, autour d'un verre d'une oeuvre qui semble être une nouvelle facette du même objet.

Le héros marche dans la rue, il est l'éternel alter ego de Hong Sang-Soo lui-même, cinéaste raté. Ou presque. Tout le monde boit (et accessoirement mange et fume) dans des proportions déraisonnables. Les femmes y sont moins lâches et moins idiotes que les hommes. On se dit des demi-mensonges et des fausses vérités, les sentiments restent emmurés derrière la façade des conventions coréennes, toujours aussi lourdes.

Le destin, comme cela arrive souvent avec ce cinéaste, joue des petits tours aux personnages : les rencontres se répètent, les prémonitions se réalisent (4 rencontres de personnes touchant le cinéma), les mêmes dialogues réapparaissent presqu'à l'identique dans plusieurs scènes.

Le film est donc très bavard, que dis-je, il n'est QUE bavardage, mais on aime toujours ça.

La particularité de ce court épisode (1h19 seulement) est de se dérouler dans une atmosphère ouatée et neigeuse, magnifiée par un beau noir et blanc. Cet ensemble confère au film un surcroît de mélancolie et permet à Hong Sang-Soo de nous offrir une magnifique scène de baiser.

Une oeuvre mineure du cinéaste coréen, mais une oeuvre délicate et sensible.

 

3e

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