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Christoblog

Articles avec #ken loach

The old oak

Dès le début du nouveau Ken Loach, on voit bien qu'on ne va pas assister à un festival de nuances : il y a un très méchant bien raciste à maillot de foot qui agresse une très gentille syrienne, (sans voile et aux magnifiques yeux verts) et lui casse son appareil photo, hérité de son père décédé dans les geôles d'Assad. Heureusement, un très gentil tenancier de bar va lui réparer. 

Voilà, le ton est donné : la finesse ne sera pas de la partie. Les très grosses ficelles manipulées pour nous tirer quelques larmes fonctionnent parfois (la séance photo), et parfois non (le petit chien tout mimi qui apparaît quand notre tenancier au coeur d'or va se suicider- et en plus il porte une petit médaillon sur lequel figure le mot "mana", ami), snif. 

Sans être indigne, le film est beaucoup trop démonstratif pour être digeste. La volonté de faire passer à tout prix un message humaniste obère toute complexité et rend le scénario insipide, rappelant ainsi les derniers films des Dardenne, sauf qu'ici le film se termine sur une note d'optimiste, ce qui est plus agréable.

A voir si vous voulez une cure de bons sentiments, à tendance lacrymale.

Ken Loach sur Christoblog : Looking for Eric - 2009 (***) /  La part des anges - 2012 (***) / Jimmy's hall - 2014 (**) / Moi, Daniel Blake - 2016 (***) / Sorry we missed you - 2018 (****)

 

2e

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Sorry we missed you

Comment, à partir d'un script qui paraît quasiment téléguidé, Ken Loach et son scénariste fétiche, Paul Laverty, parviennent-ils à nous émouvoir à ce point ?

D'abord, parce que le scénario est assez fin : les coups durs attendus n'arrivent pas forcément aux moments prévisibles, ni pour les raisons prévues. Ensuite parce que la mise en scène est au cordeau : près des acteurs (tous parfaits, quel casting exceptionnel !), déliée et en même temps très ramassée.

Si le film se résumait à une charge contre l'ubérisation de notre société, il serait intéressant. En peignant avec un ton d'une justesse impitoyable la façon dont ce fait de société bouleverse une cellule familiale donnée, Sorry we missed you devient plus qu'un pamphlet : le tableau poignant et très féministe de la charge mentale qui repose sur les femmes.

La dignité extraordinaire qui pare le film, et lui confère sa grandeur d'âme, n'exclut pas de savoureux clins d'oeil, dont l'exemple le plus parfait est sans nul doute la discussion entre supporters de foot.

Un petit chef d'oeuvre, comme le duo Loach / Laverty nous en donne parfois.

 

4e

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Moi, Daniel Blake

Disons le tout de suite : le fait que Moi, Daniel Blake ait obtenu la Palme d'Or va fausser la plupart des appréciations le concernant.

La question traditionnelle de l'apprenti critique ("Que vaut le film ?") se transformera bien souvent en "Mérite-t-il la Palme d'Or ?", avec au passage un très probable coup de rabot sur ses qualités intrinsèques.

Ceci étant dit, je vais essayer de ne pas tomber dans ce travers.

D'abord, première évidence difficilement contestable, les deux acteurs principaux sont exceptionnels. Dave Johns compose un personnage qu'on n'oubliera pas de sitôt, une sorte d'incarnation de la dignité terrienne et bienveillante. Hayley Quires est une belle découverte, dans un rôle qui la voit s'exposer dans une composition difficile, mélange de fragilité et de ténacité. La scène du magasin alimentaire est à ce titre un des plus beaux moments de cinéma de l'année.

Deuxième point, le film aborde frontalement un sujet que je n'avais pas encore jamais vu traité au cinéma : la difficulté, devenue radicale, de vivre aujourd'hui dans notre société sans avoir la pratique de l'informatique en général et d'internet en particulier. Ken Loach ne se contente pas ici de creuser confortablement le sillon qui est le sien depuis le début de sa carrière (la misère sociale), il peint un monde dans lequel tout le monde (ou presque) est sympa, et qui pourtant se révèle être un enfer. Par là-même, Moi, Daniel Blake réussit un tour de force étonnant : nous montrer la méchanceté de notre société sans nous désigner les méchants. Il peut de ce fait avoir par moment des aspects de film d'anticipation, de dystopie.

La mise en scène de Ken Loach est d'une rigueur exemplaire. Le scénario de son complice de toujours, Paul Laverty est très très bon au début du film (quelle idée géniale que la conversation téléphonique initiale, qui finalement s'avère être le coeur palpitant du film), avant de fournir dans la deuxième partie quelques traits trop appuyés à mon goût. Ce n'est pas très grave au regard du poids émotionnel que charrie le film.

Moi, Daniel Blake est finalement un beau portrait, qui s'affranchit de son terreau social par la grâce de ses interprètes. A voir.

 

3e

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Jimmy's hall

Encéphalogramme plat du côté de Ken Loach

Son nouveau film (qui devrait être son dernier, si l'on en croit le réalisateur lui-même) ne présente aucun intérêt particulier pour celui qui aime la nouveauté. Jimmy's hall peut même être considéré comme une sorte de suite (voire de réplique) du film qui avait valu à Loach sa Palme d'Or, Le vent se lève.

Nous voici donc en 1921 en Irlande, pour suivre le retour au bercail d'un communiste irlandais qui a du s'exiler en 1909. Tous les sujets d'intérêt de Loach sont donc ici bien présents : éloge de la solidarité et de l'engagement, lutte pour l'émancipation, etc. Le film est propre, les champs sont verts, les filles ont des tâches de rousseur, les jeunes sont plein d'espoir et font du vélo, la lumière caresse tous ces beaux visages. Les méchants sont à baffer, les gentils à croquer.

C'est beau et complètement insipide, sans être vraiment mauvais. A conseiller donc aux amoureux de l'Histoire, ou de l'Irlande. A Cannes 2014, un autre réalisateur anglais, Mike Leigh, proposait lui aussi un film de facture classique, mais d'une autre ampleur, Mr Turner.

 

2e

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La part des anges

La part des anges a été récompensé par le Prix du Jury au dernier Festival de Cannes. De tout le palmarès, il me semble que c'est un des prix qui prête le moins à contestation.

Au milieu d'une sélection très atone, ou très sombre lorsque les films étaient de qualité, le dernier Ken Loach se distingue en effet par sa cohérence stylistique, l'intelligence de son scénario et sa joie de vivre revendiquée. Ce fut la bouffée de bonne humeur du Festival et à ce titre le film méritait d'être distingué.

Loach démarre en trombe avec une scène hilarante dans une gare : un alcoolique titube sur la voie ferrée alors qu'un train arrive, peinant à remonter sur le quai, alors que le chef de gare l'invective par l'intermédiaire du haut parleur permettant de faire les annonces. C'est à la fois drôle à en mourir (si je puis dire), affligeant, et subtilement porteur de messages (l'autorité est bonhomme, mais distante et impuissante). 

Notre ami porté sur la boisson se retrouve dans une équipe de jeunes délinquants, réunie pour des travaux d'intérêt général. Nous allons suivre tout ce petit monde et un des personnages en particulier : Robbie, joué par un jeune acteur peu connu mais excellent, Paul Brannigan.

La grande habileté de Loach est de bâtir la première partie de son film comme un drame social à l'anglaise (genre dans lequel il excelle), avant de le transformer en aventure picaresque de Pieds Nickelés scottish. Il nous égare ainsi entre émotion, inquiétude, sourire et francs éclats de rire, avec un talent de conteur retrouvé. Il y a dans ce film un peu de ce qui faisait le charme de Looking for Eric, et aussi un air de comédie italienne (le mélange farce et tableau d'une noire réalité sociale).

Un bon moment de détente - et de cinéma - qui fleure bon le pur malt.

 

3e

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Looking for Eric

Après Johnny Hallyday chez Johnnie To, voici à nouveau, dans un tout autre registre, un acteur non professionnel français dans un film étranger.

Eric Cantona s'en tire merveilleusement bien, bien mieux à mon avis que notre Johnny national dans Vengeance.

A la limite de l'auto-parodie, que dis-je, à fond dans l'auto-parodie, Canto est assez génial. Maniant le Français à merveille, avec la mauvaise foi délicieuse qu'on lui connait, enchainant les aphorismes à la noix comme des perles sur un collier (voir dans le générique de fin le plus célèbre d'entre eux, celui des mouettes), roulant des gros yeux en expliquant que le NON doit venir des BALLS, il est à la fois conforme à son image et plein d'humanité, voire de poésie.

Ce en quoi le film est très intéressant, c'est qu'il est avant tout un film de Loach avant d'être un film avec Cantona. Un Loach assez léger mais très émouvant, rythmé sur un excellent tempo et dans une gamme douce amère qui sonne très juste. Toute la première partie est réellement excellente grâce à des acteurs et actrices remarquables (Steve Evets exceptionnel, Stéphanie Bishop très bonne). Les flash backs sont très bien filmés et l'ensemble (réalisme à l'anglaise / accent de Manchester / romantisme / Cantona en fantôme de luxe) fonctionne à la perfection, un peu comme un conte moderne.

Avec l'intrigue du pistolet, le film baisse à mon avis d'un ton, qui correspond d'ailleurs à une baisse de fréquence dans les apparitions cantonesques. D'une certaine façon, il reproduit dans cette deuxième partie le schéma de Gran Torino (conflits inter générationnels, violence de gang) dans un registre évidemment totalement différent.

Finalement un bon moment en provenance de Cannes.

 

3e

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