The master
Prétentieux : voilà le mot qui me venait constamment à l'esprit durant la (trop) longue projection de The master.
Dès les premières images, il est clair que l'expérience va être éprouvante. Le plan inaugural sur le sillage du bateau est ainsi à la fois moche, peu signifiant et plein d'orgueil, accompagné qu'il est par une musique pompière (ba da ba boum, ba da ba boum).
Le deuxième plan sur le visage du soldat est aussi poseur et vide : décadré juste comme il faut, dans un genre très "je me regarde filmer". La séquence sur la plage multiplie ensuite les effets, sans qu'on comprenne bien de quoi il est question.
La première moitié du film décline les tares de ces premiers plans, la palme de l'énervement revenant à une bande-son INSUPPORTABLE, alternant les morceaux dissonants (tsiiii, ploc, tsi, tsi, plac, tsiiiiiiii, tsi, plac, plaaaac), les surimpressions sonores, les morceaux à contre-emploi. Bref, tout ce qui semble avoir été possible d'inventer pour être dérangeant dans une bande originale est dans le film.
Côté visuel, c'est du même tonneau. Les vignettes s'enchaînent sans que jamais un sens ne semblent les relier. PTA réussit le prodige de nous rendre absolument ennuyeuse une histoire qui, potentiellement, possédait tous les atouts pour nous intéresser. L'analyse du pourquoi d'un tel prodige pourrait nous occuper un bon moment, mais je pense pouvoir dire qu'il résulte, entre autre, de l'incroyable grand écart entre le manque de véritable talent dans la mise en scène (ces champs / contrechamps d'un classicisme éprouvant) et d'autre part les afféteries pompeuses que PTA utilise comme une sorte de passeport valant "cinéma d'auteur".
Dans la deuxième partie du film, le comble de l'hermétisme auto-centré est atteint lors d'une séquence mémorable, chef d'oeuvre de montage raté dans les grandes largeurs, qui intercale plusieurs scènes d'origine disparate dont on se demande bien ce qu'elles peuvent signifier (il s'agit de la séquence durant laquelle Freddie Quell fait l'aller-retour entre les deux murs).
A partir de ce moment, PTA se fait du spectateur un ennemi juré, tellement ce dernier est largué et s'estime trahi dans sa dignité de public-payeur. Le réalisateur se fout à l'évidence de la gueule du monde dans une poussée narcissique de première bourre, méprisant à la fois son histoire et ses acteurs (qui se démènent comme des pauvres diables tous les deux). Parmi le long chapelet de reproches objectifs qu'on peut faire au film, un des plus net est sa faculté de penser, à l'image de la façon de faire du gourou, que répéter quatre fois les mêmes figures les rend plus aimables ou plus claires.
Le dernier plan est à l'image des premiers : laid. Mais il a au moins le mérite de n'être suivi par aucun autre.
The master fait partie de ces rares films qui vous font culpabiliser d'avoir été au cinéma pour les voir : il vous donne honte d'être assez idiot pour y avoir gâché quelques heures de votre vie.
Commenter cet article