Les talents formalistes de PTA, qui ont pu bien souvent m'exaspérer, se fondent ici miraculeusement dans un creuset simple et complexe.
Simple parce que l'histoire ne peut sembler qu'une énième comédie romantique adolescente, complexe parce que le scénario mêle à cette simple trame plusieurs ambitions étonnantes : faire rire à travers une succession de saynètes délicieuses, dresser le tableau d'une époque en en reconstituant chaque détail, explorer les affres du passage à l'âge adulte, dresser de brillants tableaux psychologiques.
Licorice pizza embrasse large et étreint bien. Le film est un banquet pantagruélique pour le cinéphile : l'interprétation des deux personnages principaux est incandescente, l'apparition de chaque personnages secondaires est un évènement (la rencontre de Tom Waits et de Sean Penn est d'anthologie), la mise en scène est virtuose mais toujours au service de la narration, le montage d'une fluidité rare.
Cette douce élégie dans ce qui constitue le jardin de PTA est donc un régal à tout point de vue, des premiers plans solaires au générique délicieusement rétro.
Le film de ce début d'année 2022, émouvant, beau, brillant.
On peut dire à propos de Phantom thread les mêmes choses qu'à propos de There will be blood : la mise en scène est virtuose, Daniel Day Lewis est exceptionnel, le nappage musical incessant gâche tout, le film est beaucoup trop long ramené à son scénario squelettique et le maniérisme de Paul Thomas Anderson confine parfois au mauvais goût.
On s'ennuie d'abord lourdement. Même si les mouvements de caméra sont brillants, la naphtaline qui engonce le récit endort tout intérêt.
Il faudra attendre le dernier tiers du film pour que le scénario se réveille un peu, d'une façon d'ailleurs toute relative. On peut dire que l'essentiel de l'histoire pourrait faire l'objet d'un moyen-métrage d'une heure environ. De toute façon, la musique, envahissante et disgracieuse, aura détourné votre attention depuis longtemps quand les évènements commenceront à devenir un tout petit peu originaux. Il faut vraiment insister sur la façon dont ces nappes de violons, cette sorte de free jazz maladroit et cet ersatz de musique baroque pourrissent véritablement le film, comme un nappage de gros sel polluerait un bon gâteau au chocolat.
La réalisation de PTA n'évite pas par ailleurs les lourdeurs. Pour n'en citer que quelques unes : l'insistance sur la cueillette des champignons, la scène de Nouvel an résolument ratée, l'amplification des bruits quand Alma mange et la scène au ski avec la neige qui tombe, d'une laideur remarquable.
Prétentieux : voilà le mot qui me venait constamment à l'esprit durant la (trop) longue projection de The master.
Dès les premières images, il est clair que l'expérience va être éprouvante. Le plan inaugural sur le sillage du bateau est ainsi à la fois moche, peu signifiant et plein d'orgueil, accompagné qu'il est par une musique pompière (ba da ba boum, ba da ba boum).
Le deuxième plan sur le visage du soldat est aussi poseur et vide : décadré juste comme il faut, dans un genre très "je me regarde filmer". La séquence sur la plage multiplie ensuite les effets, sans qu'on comprenne bien de quoi il est question.
La première moitié du film décline les tares de ces premiers plans, la palme de l'énervement revenant à une bande-son INSUPPORTABLE, alternant les morceaux dissonants (tsiiii, ploc, tsi, tsi, plac, tsiiiiiiii, tsi, plac, plaaaac), les surimpressions sonores, les morceaux à contre-emploi. Bref, tout ce qui semble avoir été possible d'inventer pour être dérangeant dans une bande originale est dans le film.
Côté visuel, c'est du même tonneau. Les vignettes s'enchaînent sans que jamais un sens ne semblent les relier. PTA réussit le prodige de nous rendre absolument ennuyeuse une histoire qui, potentiellement, possédait tous les atouts pour nous intéresser. L'analyse du pourquoi d'un tel prodige pourrait nous occuper un bon moment, mais je pense pouvoir dire qu'il résulte, entre autre, de l'incroyable grand écart entre le manque de véritable talent dans la mise en scène (ces champs / contrechamps d'un classicisme éprouvant) et d'autre part les afféteries pompeuses que PTA utilise comme une sorte de passeport valant "cinéma d'auteur".
Dans la deuxième partie du film, le comble de l'hermétisme auto-centré est atteint lors d'une séquence mémorable, chef d'oeuvre de montage raté dans les grandes largeurs, qui intercale plusieurs scènes d'origine disparate dont on se demande bien ce qu'elles peuvent signifier (il s'agit de la séquence durant laquelle Freddie Quell fait l'aller-retour entre les deux murs).
A partir de ce moment, PTA se fait du spectateur un ennemi juré, tellement ce dernier est largué et s'estime trahi dans sa dignité de public-payeur. Le réalisateur se fout à l'évidence de la gueule du monde dans une poussée narcissique de première bourre, méprisant à la fois son histoire et ses acteurs (qui se démènent comme des pauvres diables tous les deux). Parmi le long chapelet de reproches objectifs qu'on peut faire au film, un des plus net est sa faculté de penser, à l'image de la façon de faire du gourou, que répéter quatre fois les mêmes figures les rend plus aimables ou plus claires.
Le dernier plan est à l'image des premiers : laid. Mais il a au moins le mérite de n'être suivi par aucun autre.
The master fait partie de ces rares films qui vous font culpabiliser d'avoir été au cinéma pour les voir : il vous donne honte d'être assez idiot pour y avoir gâché quelques heures de votre vie.
Punch drunk love est un objet boursouflé, sans âme, sans souffle, qui ne tient pas dans la durée. Une sorte d'exercice de style qui sert principalement son auteur, par ailleurs réputé colérique et égocentrique.
Le pauvre Adam Sandler essaye de composer un personnage à la croisée de Ben Stiller et de Mr Bean, sorte de sous-monsieur Hulot coincé et caricatural (avec le même costume bleu durant tout le film). Il essaye désespérément de paraître poétique mais l'indigence de l'intrigue et les tics du réalisateur le rendent plutôt ridicule.
Le film n'est donc qu'une succession de saynètes qui constituent autant de courts métrages plus ou moins réussis (l'harmonium, le supermarché, les méchants pas très dangereux, les effets de couleurs, la collection de bons de réduction donnant droit à des miles) mais en aucun cas un long métrage qui se tient.
A la vue de ce très surestimé Punch-drunk love, je comprends mieux pourquoi j'ai été si déçu par There will be blood : on n'y retrouve, bien que très atténués, les mêmes défauts : une afféterie bien prétentieuse dans la mise en scène, une superficialité tape-à-l'oeil, des scènes franchement ratées et des personnages transparents.
Paul Thomas Anderson devrait être plus modeste et penser plus à ses films qu'à lui-même, il deviendrait alors peut-être un peu plus cinéaste.
There will be blood n'est pas un mauvais film. Comme No country for old man ou comme La nuit nous appartient, il représente une certaine qualité américaine.
Le scénario est ambitieux, et se rapproche de celui de Casino par exemple : ascension puis décadence d'un homme seul (et sans pitié).
La mise en scène est classique, avec quelques tics tout de même, et sans génie. Les acteurs sont bons, et Daniel Day-Lewis est même très bon, mais très bon comme on est très bon quand on essaye d'avoir un oscar, c'est à dire prévisiblement très bon.
L'aspect historique n'est pas inintéressant. Il y a par moment un certain sens de la dramaturgie, comme au début par exemple.
A part ça, on s'ennuie ferme.
Les pistes que le film ouvre (le conflit entre pouvoir spirituel et temporel, le faux frère, le fils exclu) sont toutes avortées et aucune ne trouve son plein développement dramatique comme Scorsese a su si bien le faire dans Casino par exemple ou dans les Affranchis.
A ce titre le rôle du prédicateur est totalement saboté : il devrait être l'égal du héros principal, mais il n'en est que le faire-valoir. Les deux derniers plans du film sont à ce titre pitoyables. La musique enfin - pour moi qui suis très sensible à la bande son - est insupportable : sirènes d'avions, scies circulaires fonctionnant à l'infini, cordes désacordées, la musique amplifie les carences du film.