Dheepan
Avec son sujet exotique (combien de spectateurs pourraient situer l'origine du peuple tamoul sur une carte du monde ?), ses acteurs inconnus et son titre curieux, le film de Jacques Audiard ne cherche pas la séduction facile.
Pourtant, la première chose qui frappe en découvrant la Palme d'Or, c'est sa fluidité, l'élégance de sa mise en scène qui semble débarrassée des afféteries coutumières d'Audiard.
Ici, tout semble simple : les scènes s'enchaînent habilement, même si elles sont âpres et violentes, suscitant la curiosité et l'intérêt. L'intégration de la famille sri lankaise interpelle : elle est à la fois facile et impossible, commandée par une impérieuse énergie et figée vers une utopie de départ qui rend le passage français accessoire dans la trajectoire des personnages. L'invention d'une famille est également une magnifique idée de cinéma, que j'aurais aimé voir creusée en profondeur.
Toute la première partie est fraîche, originale et admirablement mise en scène, zébrée de visions magistrales et enveloppée par une bande-son impeccable. Un régal.
Le film se brise malheureusement en son milieu pour verser dans un film d'action et de violence assez lambda. Le héros Dheepan se transforme tout à coup en Sylvester Stallone sévèrement bur(i)né. C'est qui faut pas l'énerver, le Tamoul.
Si ce virage scénaristique peut se défendre, c'est la façon de le filmer comme une explosion de violence qui gâche un peu le film. Tout devient alors too much (cette montée d'escalier interminable), alors que tout était dans le mystère et la retenue quelques minutes auparavant.
Les choses empirent encore d'un cran dans les ultimes scènes (que je ne révèlerai pas ici), avec une rupture de ton encore plus grande et un basculement dans la mièvrerie qui laisse un goût amer.
Audiard frôle le chef-d'oeuvre, mais le hiatus au coeur du film l'empêche de concrétiser.
Jacques Audiard sur Christoblog : Un prophète (***) / De rouille et d'os (****)
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